Une association liée à la Scientologie sollicite depuis plusieurs mois les hôpitaux psychiatriques sous prétexte de surveiller les hospitalisations sous contrainte.
Son nom peut porter à confusion, mais ne vous y trompez pas : la Commission des Citoyens pour les droits de l’Homme (CCDH) n’a rien à voir avec la fédération du même nom.
Derrière cette association se cache en réalité l’Eglise de Scientologie. Active depuis plus de dix ans en France, la CCDH reprend le principal credo de la secte : la lutte contre la psychiatrie, les antidépresseurs et les hospitalisations sous contrainte.
C’est au nom de ce dernier prétexte que l’association harcèle depuis plusieurs mois les hôpitaux psychiatriques français. Comme l’a révélé le Canard Enchaîné le 23 juin dernier (1), la CCDH réclame à ces établissements « une copie des pages des registres 2008 et 2009 établis pour les hospitalisés sous contrainte ».
Ces documents administratifs indiquent notamment les noms des patients, leurs dates d’entrée et de sortie, ainsi que les visites de contrôle effectuées par les préfets et les magistrats.
Une méthode légale
« Nous avons bien été sollicités par la CCDH » nous confirme un hôpital du Pas-de-Calais. « Après avoir consulté notre service juridique, nous avons décidé de ne pas donner suite à leur requête »explique la direction.
Mais quelques mois plus tard, l’hôpital est obligé de céder : « la CCDH a déposé à deux reprises un recours à la Commission pour l’accès aux documents administratifs (CADA), nous allons donc leur communiquer les éléments souhaités, à savoir les dates de passage des autorités judiciaires. Nous allons bien sûr anonymiser ces documents comme la loi nous l’impose ».
La CCDH profite en effet d’une loi du 17 juillet 1978 qui garantit l’accès des citoyens aux documents administratifs. « Nous ne demandons que les dates de passage des préfets et des magistrats » se défend Mylène Escudier, présidente de la CCDH. « Nous respectons bien sûr le secret médical. Notre objectif est juste de savoir si les procédures d’internements psychiatriques sont bien respectées » assure-t-elle.
La CCDH a donc envoyé des lettres à tous les hôpitaux psychiatriques ainsi qu’aux commissions départementales chargées de contrôler les hospitalisations sous contrainte (CDHP), lettre dont ActuSoins a obtenu copie.
« Au moins la moitié des hôpitaux nous a répondu favorablement. Pour les autres, nous avons saisi la CADA. Mais parfois cela ne suffit pas : nous avons porté plainte au tribunal administratif contre dix CDHP qui ne nous ont pas envoyé leur rapport d’activité malgré l’avis favorable de la CADA »explique Mylène Escudier (2).
Lobbying au Parlement
L’association compile ensuite tous ses chiffres dans un rapport de synthèse, qu’elle envoie aux parlementaires et aux membres du gouvernement. Une méthode de lobbying qui porte ses fruits, comme l’a constaté Georges Fennech. « Plusieurs parlementaires se sont fait piéger l’an dernier. Ils ont été plus de 80 à réclamer des explications sur les hospitalisations sous contrainte à la ministre de la santé après avoir été sollicités par la CCDH » explique le président de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
Mais Georges Fennech avoue l’impuissance des autorités face aux techniques de cette association. « L’Etat a une obligation de transparence et certains en abusent, c’est la force et la faiblesse d’une démocratie » constate-t-il. « La Scientologie possède une véritable force de frappe, car elle a de gros moyens financiers et des juristes à sa disposition » ajoute le président de la Miviludes.
Ces moyens financiers permettent notamment à la CCDH de mener depuis plusieurs années une campagne contre les antidépresseurs : l’association a déjà envoyé à plus de 50.000 médecins généralistes de France un DVD contenant un documentaire à charge contre ces médicaments, réalisé par le siège de la CCDH aux États-Unis.
La Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme.
Créée en 1969 aux Etats-Unis, la CCDH a vu le jour en 1974 en France. Elle est véritablement active depuis une dizaine d’années. Cette association est une émanation de l’église de scientologie. Elle ne cache d’ailleurs pas ses liens avec l’organisation, condamnée en 2009 pour escroquerie en bande organisée (3). La CCDH proteste contre l’usage des antidépresseurs et contre l’internement psychiatrique, qu’elle considère comme une atteinte aux droits de l’Homme. L’association s’appuie, entre autres, sur un des “credo” de la scientologie qui stipule que “l’étude du mental et la guérison des maladies d’origine mentale ne devraient pas être séparées de la religion, ni tolérées dans les domaines non religieux”.
(1) « La Sciento reprend du sévice », Canard Enchaîné du 23 juin 2010.
(2) Il s’agit des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques du Var, de la Moselle, de la Meurthe et Moselle, des Côtes d’Armor, du Morbihan, de l’Aube, de la Lozère, de la Seine et Marne, des Hauts de Seine et de la Corrèze (Source : CCDH).
(3) La Scientologie a fait appel, la procédure judiciaire est donc toujours en cours. Sur ce sujet, voir les articles du Monde (http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/27/la-scientologie-condamnee-a-des-amendes-peut-continuer-ses-activites_1259183_3224.html) et de L’Express (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-scientologie-une-religion-impossible-en-france_469122.html)
Amélie Cano (Article original dans Actusoins.com)