>Les pairs aidants, peut-on séparer le «cure» du «care» ?

Ce concept vient du Québec et consiste en une participation de personnes en souffrance psychique au rétablissement d’autres personnes également en souffrance psychique. Des expérimentations sont en cours actuellement en France sur trois sites : Paris, Lille, Marseille.

Suite à une formation à Paris 8 niveau master, les patients vont devenir des experts. Ces formations tiennent-elles compte de la singularité des patients ? N’ y a-il pas un risque que les pairs aidants ne soient pas là pour soigner mais pour montrer le bon exemple, driver, coacher, ceux qui ont le mauvais goût d’être en rade, qui sentent mauvais, sont incuriques comme le disent les manuels?

Cela coûte trop cher de fabriquer des lieux de soin. Et en plus, ceux qui existent déjà sont de plus en plus inhumains et inefficaces. La vision purement gestionnaire n’aboutit-elle pas à la décharge sur les patients d’un souci de la société et au renforcement du clivage entre le cure et le care déjà institutionnalisé dans la séparation entre le sanitaire et le médicosocial ?

La vision médico centrée culturelle et idéologique actuelle, soutenue par la santé mentale positive, participe de la division du soin en «cure», art noble prodigué par des professionnels du soin et en «care» relevant des professionnels du médicosocial chargés de l’accompagnement du handicap psychique».

Cette division du travail de soin, en cure et care, dans nos Établissements psychiatriques cloisonne les travailleurs en fonction de leurs statuts professionnels, norment et bornent leurs interrelations avec les patients. Ce client usager en « cure » à l’hôpital, en devenir de handicapé psychique sera bientôt accueilli dans la cité par le secteur médicosocial, totalement séparé du sanitaire.

Le soin est une fonction collective. Prise de position radicale qui insiste sur le fait que le soin n’est pas prodigué seulement par ceux qui ont un statut de « soignant » mais aussi par les patients eux-mêmes, les familles, les amis et tous les employés de l’établissement de soin, du jardinier au Médecin-chef. Chacun participe de l’entreprise thérapeutique quel que soit son statut et son rôle.

Ce travail fait par les patients n’est pas un emploi, il n’est pas salarié, il peut être considéré comme un travail psychothérapique. Ce potentiel soignant, la plupart du temps complètement écrasé, est un opérateur de désaliénation sociale de l’Établissement par la mise en mouvement du rôle, du statut et de la fonction de chacun.

La responsabilisation et la mise au travail des patients par le partage des tâches de la vie quotidienne dans l’Établissement a posé des questions à ses promoteurs qui ont inventé les Comités Hospitaliers Croix Marines en 1953 aux journées nationales de Pau. Structure associative indépendante passant un contrat ou une convention avec l’administration de l’hôpital en ce qui concerne leurs responsabilités dans la vie sociale et le travail thérapeutique dans l’établissement.

Les Comités Hospitaliers sont les opérateurs d’une double articulation Établissement-Comité Hospitalier-Club thérapeutique. Cela ouvre à l’intérieur de l’établissement, pour les patients, des espaces et des activités cogérées avec le personnel au sein du Club thérapeutique.

En 2002, une commission de la fédération Nationale de croix marine s’est d’ailleurs battue avec détermination pour que cette possibilité juridique soit maintenue bien que, pour bon nombre, ce type de structures soient obsolètes.

La disparition des clubs thérapeutiques est renforcée par cette nouvelle vision du sanitaire, totalement clivé du médicosocial. Dans cette nouvelle idéologie, les GEMS sont d’ailleurs une manifestation directe de la disparition des clubs intra-hospitaliers.

La création d’un nouveau statut socioprofessionnel, de pair aidant, participe de l’écrasement de cet outil subtil de responsabilisation des patients : en statufiant certains en expert, on individualise une fonction collective qui se dénature du soin pour devenir normative.

Le traitement des maladies mentales n’est pas une mise aux normes qui participe d’un contrôle social. Un premier niveau d’asepsie consiste à travailler les effets pathoplastiques de l’aliénation sociale qui en surajoute à l’aliénation mentale si nous confondons le rôle, le statut et la fonction. Nous le répétons : le soin est une fonction collective et non pas un statut individualisable.

Prenons un exemple de cette vision médico centrée. Dans un hôpital psychiatrique, selon l’ARS et les protocoles d’accréditation, les médicaments doivent êtres distribués par des infirmiers et seulement des infirmiers : c’est du soin au sens «noble». Mais quand le patient rentre chez lui, qui lui donne ses médicaments ? Et quand il est à l’hôpital, qu’il est réticent et qu’il refuse de les prendre, il faut le contraindre et parfois avec force. S’il a un bon contact avec une personne qui n’est pas infirmier, la division statutaire du soin écarte ce possible recours à une approche en douceur.

Un patient accompagne plusieurs fois par jour son voisin de chambre en chaise roulante jusqu’à la salle à manger ou dans différents ateliers. Une autre apporte tous les jours le plateau-repas d’une patiente âgée qui a du mal à se déplacer. Un autre conduit la navette plusieurs fois par semaine et n’oublie pas de faire les courses d’un copain. Cela n’est-il pas du soin ? Et puis tel autre convainc son copain de chambre de ne pas fuguer, de prendre son traitement, de participer à des activités. Cela n’est-il pas du soin ?

Il est à noter le remarquable travail fait par les chercheurs autour de cette notion de care qui met en visibilité un aspect du soin qui ne se voit pas si l’on n’y fait pas attention. Ce travail invisible est d’ailleurs la plupart du temps bénévole et incombe à ceux « qui ne peuvent pas ne pas », c’est-à-dire aux femmes, aux mères et belles-filles quand il s’agit de l’univers familial.

Il faut aussi se rappeler que la dernière « victoire » des infirmiers psychiatriques a été de pouvoir arrêter de faire le ménage, les toilettes… et se consacrer aux entretiens et aux visites à domicile. Le partage des tâches suivant leur valeur symbolique est un phénomène aliénatoire contre lequel il faut lutter en permanence.

La sollicitude et le souci de l’autre, cela ne peut pas se séparer du cure. Le care n’est pas un état d’esprit, c’est un geste, approcher discrètement un fauteuil de la table pour que le patient soit à l’aise tout en respectant sa dignité. Cela paraît totalement insensé de vouloir séparer le cure et le care dans le travail réel en institutionnalisant cette fonction en statut comme certains de nos politiques en font la promotion.

L’hospitalité pour la folie à l’hôpital psychiatrique souffre de cette destruction du lien social opéré par ces protocoles déshumanisant assignant chacun selon son statut à un rôle figé. Alors que l’on a des outils thérapeutiques qui permettent d’intriquer le cure et le care.

Des pairs qui aident des pairs, c’est la vie quotidienne dans un lieu de soin qui développe les principes de bases des clubs thérapeutiques : La lutte contre les préjugés d’irresponsabilité et de dangerosité des malades mentaux mais, aussi, et surtout, la gestion collective de l’ambiance et de la vie quotidienne.

C’est un travail de soutien, d’accompagnement, qui n’est pas reconnu comme outil primordial de soins dans la plupart des structures où chacun est à la place où son statut le fige, écrasant la polysémie des existants que nous sommes.

Untel se met à parler de ses vécus délirants ou hallucinatoires seulement avec tel autre, parce que c’est un autre, accessible à son vécu intérieur, à qui il se fie. Parfois ce tel autre possible c’est le cuisinier. Mais comment le rencontrer s’il est physiquement isolé dans son laboratoire cuisine, obéissant aux dernières normes hyper sécure du cheminement protocolisé de la chaîne alimentaire. Chaîne parmi les autres qui l’enferment dans son statut et fait disparaître ce possible existant ouvert à la rencontre d’un sujet errant dans le délire et le nulle part.

Le statut de pair aidant risque de continuer l’ écrasement de cette polysémie du travail avec la folie et du travail des fous. En statufiant cette fonction soignante portée, en partie, par les patients, il marque d’une certaine façon le déni de cette possibilisation. Il détourne et instrumentalise la mise en visibilité de ce travail de care fait par des chercheurs engagés dans un travail de désaliénation sociale.

Qui sera choisi pour advenir à un tel statut socioprofessionnel ? Serait-ce la réapparition des « bons malades », les plus obéissants, les plus travailleurs et les plus compliants aux normes, ceux qui touchaient le pécule le plus élevé ?

Un tel projet de statut professionnel sous-payé extirpant du collectif cette fonction soignante qui se devrait d’être généralisé, écrase la hiérarchie subjectale au profit d’une hiérarchie objectale de contrôle et d’assujettissement aux nouvelles normes du bien-être psychosocial.

P. Bichon

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>Documentaire sur Public Sénat : questions sur la place du malade mental

Le Quotidien du Médecin 19 11 2010

La chaîne parlementaire Public Sénat propose lundi soir (22 novembre) la première diffusion d’« Un monde sans fous »*, un documentaire riche et militant, qui explique comment le rêve humaniste de désaliéner la santé mentale a engorgé les hôpitaux, jeté les psychotiques dans la rue et désorienté les familles.

CARRIÈRES-SUR-SEINE, rue de l’Égalité. La caméra suit une femme qui part déposer des fleurs dans un drôle d’endroit. C’est un squat où a vécu pendant 26 ans son frère Sulleman. Diagnostiqué schizophrène depuis son adolescence, il est mort à l’âge de 42 ans dans la rue, après avoir erré de foyer en foyer, « incompris par la société », peste sa sœur. Cette tragédie aurait pu être évitée, affirme-t-elle, « si une aide psychologique avait été apportée à sa famille ainsi que des structures adaptées ».

Quelle place notre société réserve-t-elle donc encore aujourd’hui à la maladie mentale ? C’est la question, vaste et complexe à laquelle ce documentaire riche et ample donne quelques bonnes pistes de réflexion.

50 000 lits fermés.

Il y a 50 ans, raconte la voix off, la psychiatrie publique avait progressivement ouvert la porte des asiles, rêvant d’installer le soin psychique au plus près de la vie des patients, hors de l’hôpital. Preuve par l’image : direction Reims, où l’application de ce (beau) principe a fonctionné. Frédéric témoigne comment, grâce aux appartements thérapeutiques puis aux appartements « protégés », il a pu revenir à la vie. On entre également dans les murs du centre médico-psychologique Antonin Artaud. « Ici, toute la population du secteur peut recevoir des soins psychiatriques, même en urgence », explique Christophe Ponsard, infirmier. Bien conscient des limites du dispositif, le Dr Patrick Chemla, psychiatre, explique que « le côté trop chaleureux du Club thérapeutique peut persécuter (les patients), ils peuvent avoir besoin quelquefois d’aller à l’hôpital, dans un lieu très très cadré ». Trop d’ouverture peut tuer l’ouverture, en quelque sorte. Il est bon d’en faire usage avec tact et mesure.

Depuis les années 1970, 50 000 lits ont été fermés en psychiatrie publique, sans que suffisamment de structures alternatives de prise en charge aient vu le jour, rappelle le documentaire. Les hôpitaux publics en déserrance ne gèrent plus qu’un flux tendu de patients en crise. Le film montre aussi que la maladie mentale repose de plus en plus sur l’associatif et les familles, souvent dépassées. « Il faut savoir jongler », déplore la mère d’un malade, quand son fils, en crise, a besoin d’un lit d’hôpital.

Surgit alors l’équation dramatique « Pas de lits + Pas d’hébergement car pas de revenus = à la rue ». « On espère ne pas voir ce qui s’est passé aux États-Unis, à savoir la mort des psychotiques dans la rue », s’inquiète Roland Raboin, infirmier psychiatrique du réseau Souffrances et précarité. On estime en effet que le tiers des SDF souffrent de maladies mentales.

« On a confondu une réforme fondamentale de l’asile avec la destruction de l’asile », résume le psychiatre Hervé Bokobza.

Qui a les clefs ?

Le micro est aussi tendu aux juristes. « Le parcours du fou est relativement bien balisé, explique Serge Portelli, vice-président du TGI de Paris. C’est une sorte d’allers et retours entre la rue, le foyer, ce qu’il reste de l’hôpital psychiatrique, la prison et nous, juges. Nous jouons un rôle assez bien huilé dans le système. » La présidente du syndicat de la magistrature, Emmanuelle Perreux, dénonce, elle, une « justice automatisée ». « On juge un acte » (pas une personne).

Le reportage évoque aussi les méthodes comportementalistes, avec l’exemple de Créteil, où la priorité est donnée à l’efficacité pragmatique pour atténuer le handicap et donc accélérer la réadaptation des patients au monde du travail. Il montre encore un jardin thérapeutique. « Qui a les clefs du hangar ? », comme il dirait « Qui a les clefs de la psychiatrie ? », demande un interne(-jardinier) en psychiatrie, convaincu par cette méthode douce, au long terme et non exclusivement médicale.

Le journaliste Philippe Borel, traverse l’Atlantique et montre l’alliance entre les neurosciences et la cybernétique. Chapitre sciences et recherche. Retour en France. Le Pr Yves Agid, directeur scientifique du tout nouvel ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière) s’enthousiasme de son côté, casque de sécurité vissé sur la tête à l’occasion d’une visite du chantier (du futur institut), sur « le formidable boum de la prise en charge des malades psychiatriques dans les années à venir. J’envie la jeune génération de chercheurs en psychiatrie ».

On ne sait pas trop s’il y a vraiment à envier quelque chose.

AUDREY BUSSIÈRE

Le documentaire « Un monde sans fous ? » sur Mediapart

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>Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité : faits et interprétations politiques.

François Gonon (directeur de recherche CNRS) et Annie Giroux-Gonon (psychologue, psychanalyste)
Contact: francois.gonon@u-bordeaux2.fr

Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est en France un sujet de polémiques. Celles-ci ignorent souvent l’évolution rapide des données et des idées en matière de TDAH dans la littérature internationale. Un article récent(1) fait le point de cette évolution. Notre but ici est de présenter cet article puis d’en tirer quelques conséquences au niveau individuel et social.

TDAH: données récentes des neurosciences et de l’expérience nord-américaine.
En Amérique du Nord, le TDAH représente le trouble psychique le plus fréquemment diagnostiqué chez l’enfant avec une prévalence de 7 à 9 %. La prescription de psychostimulants (amphétamine, ritaline) y touche des populations importantes depuis trois décennies. La neurobiologie est souvent mise en avant pour justifier cette prescription: le TDAH serait dû à un déficit de dopamine (et/ou de noradrénaline) que viendrait corriger ces médicaments. La littérature récente remet en question cette hypothèse déficitaire(2). En l’absence de théorie neurobiologique solide, l’origine biologique du TDAH est souvent affirmée en raison de sa forte héritabilité (75 %). Cette héritabilité est estimée par des études de vrais et faux jumeaux et suggère que des prédispositions génétiques pourraient favoriser l’apparition du TDAH. Cependant, ces études ne font pas la différence entre facteurs génétiques purs et interactions entre gènes et environnement. Selon ce même type d’études, la tuberculose présente aussi une forte héritabilité (80 %). Par conséquent, contrairement à ce que véhicule les médias, « héritable » ne veut pas dire « avoir des causes génétiques ». De nombreux facteurs environnementaux augmentent le risque de TDAH: faible niveau économique et d’éducation des parents, naissance prématurée, mère adolescente, excès de télévision entre 1 et 3 ans. Inversement, si la mère a fait des études supérieures, le risque est diminué. Par conséquent, un renforcement des crèches et des écoles maternelles dans les quartiers les moins favorisés serait sans doute l’une des mesures les plus efficaces pour prévenir le TDAH(1).

Les études récentes confirment que la ritaline (seul médicament autorisé en France) est relativement bien tolérée et améliore l’attention chez les 3/4 des enfants souffrant du TDAH. Cependant, ces enfants présentent à long terme un risque accru de toxicomanie, délinquance et échec scolaire. Les études nord américaines récentes montrent que le traitement par la ritaline n’a aucun effet, en positif comme en négatif, vis-à-vis de ces risques. Par contre les interventions psychologiques et sociales en direction des enfants et de leurs parents diminuent efficacement ces risques ainsi que les troubles souvent associés au TDAH (anxiété, dépression, troubles externalisés). Le ministère de la santé de Grande-Bretagne recommande en première intention un soutien psychologique et éducatif en direction des parents. La prescription de ritaline devrait toujours être associé à ce soutien et être réservée aux enfants les plus en difficulté.

La situation française est très différente des USA puisque les médecins généralistes ne sont pas habilités à poser le diagnostique de TDAH et que le pourcentage d’enfant traité par la ritaline est en moyenne inférieure à 1%. On peut donc supposer que la prescription de ritaline entraîne en France des effets à longs termes plus souvent bénéfiques qu’aux USA, mais cette hypothèse n’a pas encore fait l’objet d’une étude. L’expérience américaine d’un effet nul, en moyenne, du traitement médicamenteux du TDAH vis-à-vis des risques à long terme suggère que si certains enfants ont tiré bénéfice du traitement, d’autres ont vu leur état s’aggraver. Une étude française va dans ce sens(3).
Conséquences face aux difficultés d’un enfant particulier

Les psychanalystes ne s’étonneront pas de deux conclusions issues de l’approche pragmatique anglo-saxonne. Premièrement, les symptômes du TDAH sont plus fréquents dans certaines familles même si cette répétition n’a pas grand-chose à voir avec la génétique. Deuxièmement, le plus efficace pour aider l’enfant en difficulté, c’est de soutenir ses parents. Les méthodes de soutien préconisées aux USA (e.g. méthode Barkley) consistent surtout en conseils éducatifs de bon sens. Un soutien inspiré par la psychanalyse n’est nullement incompatible avec ces conseils, mais il va plus loin car la psychanalyse permet de lever les obstacles inconscients qui empêchent les parents de mettre en pratique ces conseils.

En France, sur le principe, tout le monde est d’accord pour affirmer la nécessité d’associer à la ritaline un soutien aux parents. Malheureusement, en pratique, il est plus facile de prescrire de la ritaline que de mettre en oeuvre ce soutien. La tentation est donc grande de se limiter au médicament. L’expérience américaine montre que, si le soutien aux parents n’est pas possible, le traitement par la ritaline est inefficace et donc, potentiellement nuisible.
Conséquences sociales et politiques

En tant qu’entité diagnostique le TDAH résulte beaucoup plus de l’existence d’un médicament et d’une négociation sociale que des avancées de la psychiatrie biologique. Qu’on y adhère ou non ce diagnostic se généralise en France en même temps que le discours sur l’égalité des chances. La démocratie américaine s’est fondée sur l’égalité des chances à la naissance et la méfiance vis-à-vis du pouvoir de l’état. Comme cette idéologie se heurte à la réalité d’une injustice sociale croissante, la psychiatrie biologique est convoquée pour démontrer que l’échec social des individus résulte de leur handicap neurobiologique. Au nom de l’égalité des chances, la société américaine autorise alors chacun à faire valoir les droits que lui confère son handicap (éducation spécialisée, etc). Le TDAH, conçu comme un désordre neurologique d’origine principalement génétique, est donc une réponse sociale, adaptée à l’idéologie américaine, face aux questions réelles posées par l’injustice sociale vis-à- vis de l’échec scolaire et de la délinquance. Elle conduit logiquement à proposer un traitement précoce et un soutien renforcé en direction des seuls enfants diagnostiqués comme handicapés par le TDAH.

Face à l’échec scolaire et la délinquance, le Danemark et la Suède ont fait des choix radicalement différents(4). Pour eux l’état doit s’efforcer de compenser dès la petite enfance les conséquences de l’inégalité économique et éducative des familles. En conséquence les congés de maternité rémunérés sont longs (alors qu’ils n’existent pas aux USA) et l’accueil de tous les enfants de 1 à 6 ans dans des structures collectives est garanti par l’état quel que soit le niveau de revenu de la famille. La qualité des structures accueillant les enfants de 1 à 3 ans est particulièrement renforcée (un adulte pour 3 enfants). Ce système coûte cher, mais il représente un investissement très profitable à long terme pour la collectivité car il diminue l’échec scolaire (pourcentage d’enfants en dessous du niveau scolaire minimum: Danemark 5 %, France 7 %, USA 18 %)4.

Alors même que les preuves de l’inefficacité de la politique américaine commencent à apparaître dans la littérature spécialisée, le discours sur les causes biologiques du TDAH et sur l’égalité des chances envahit le champ médiatique français. Nous le regrettons et espérons que ces quelques réflexions permettront de clarifier les polémiques françaises autour du TDAH.

1. Gonon, F., Guilé, J. M. & Cohen, D. Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité: données récentes des neurosciences et de l’expérience nord américaine. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence sous presse (2010). Cet article peut être demandé à francois.gonon@u-bordeaux2.fr
2. Gonon, F. The dopaminergic hypothesis of attention-deficit/hyperactivity disorder needs re-examining. Trends in Neuroscience 32(1), 2-8 (2009).
3. Combret, R. Les effets de la ritaline sur les plans du comportement et du fonctonnement mental chez l’enfant hyperactif. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence in press (2010).
4. Esping-Andersen, G. Trois leçons sur l’état providence (Seuil, Paris, 2008).

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>Habiter poétiquement le monde : exposition à Lille du 30/09/10 au 30/10/11

Lille Métropole Musée d’art moderne d’art contemporain et d’art brut

À travers plus de 350 œuvres, l’exposition Habiter poétiquement le monde met en avant la façon dont des artistes, mais aussi des écrivains et des cinéastes, décrivent et interprètent leur présence au monde.
« Telle est la mesure de l’homme. Riche en mérites mais poétiquement toujours, sur terre habite l’homme », écrit le poète Friedrich Hölder lin. Création et quotidien ne sont pas séparés, mais se confondent ; déambulation, errance, disparition, accumulation, performance sont à l’origine de la constitution d’espaces réels et imaginaires ayant la capacité, selon les nécessités qui président à leur création, de s’ouvrir ou de se refermer sur l’extérieur.
Transversale (art contemporain et art brut), constituée de multiples échos et associations entre des œuvres et des documents d’archives issus de contextes très divers sur plus d’un siècle, l’exposition est conçue « en constellation », comme une promenade à travers les différents espaces du musée (salles d’exposition, auditorium, parc, site Internet).

L’exposition rassemble des œuvres qui, pour certaines d’entre elles, sont familières des salles de musée, quoiqu’elles y soient parfois entrées par des portes dérobées, ou qu’elles continuent d’y résister ; d’autres y entrent pour la première fois, et leur rencontre inattendue per met d’interroger les définitions mêmes de l’acte artistique, du geste esthétique, de l’expérience poétique.
Elles relatent des gestes d’archives de soi et du monde, des cartographies et des traces d’expérience, documentent des relations, parfois erratiques voire douloureuses, entre l’individu et son environnement. Elles constituent enfin des formes de performance de la vie même, des dispositifs d’expression, de transmission et de communication, à la fois ouverts vers l’autre et néanmoins constitués en systèmes propres parfois complexes à déchiffrer.

Parcours dans les villes, longue traversée des paysages, marches sans but apparent, nomadisme voulu ou subi : l’artiste comme l’écrivain voyageur prend la mesure du monde, de l’étendue, établit les rapports entre le mot et le dessin, entre le geste et le tracé. L’artiste « essaie le monde », comme écrit Thomas Hirschhorn, et le poème devient un espace où se joue la possibilité de sa propre disparition ou dissolution. Il est tantôt, ou simultanément, construction qui prend forme dans l’espace réel, et trajectoire cursive, sismographie éphémère.

Cette ouverture du réel peut conduire l’artiste à se trouver dans un espace de type interstitiel : être physiquement ici et maintenant, mais traversé et pris dans un temps où passé et futur se confondent. Que le voyage soit physique ou intérieur, la mise en tension ou quelquefois « mise en perte » du réel est transmise ou relatée, comme un journal de voyage. Le quotidien ne se sépare plus de l’œuvre ni du regard. Les frontières entre intime et commun se brouillent dans une mise en doute de ce qui semble communément partagé. « L’habité poétiquement » détourne les gestes quotidiens en apparence les plus évidents, les théâtralise ou révèle leur étrangeté et leur normativité. Il fait appel, comme le dit Pierre Dhainaut, à l’esprit d’enfance, qui permet, sans confort, de vivre le monde comme poème.

Au croisement de l’exposition Habiter poétiquement le monde et des collections permanentes, les visiteurs pourront également découvrir les premières expositions Théma art moderne et art brut : Portraits d’artistes et Les Bâtisseurs de l’imaginaire.

http://www.musee-lam.fr/wp-content/uploads/2010/09/Dossier_habiter-poetiquement-le-monde_web.pdf

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>Mais où est le DoudouSM ?

La réaction au discours du 2 décembre 2008 de Nicolas Sarkozy qui promettait une dimension répressive et ségrégative aux «soins» psychiatriques est le corollaire de l’ambition des «39 contre la nuit sécuritaire» à ce que soit maintenu et transmis un essor psychiatrique issu de deux siècles d’élaborations.

L’état de la psychiatrie ne cesse de se détériorer en France depuis 25 ans et la dimension « sécuritaire » du projet de réforme de la loi de 90 régissant les soins sous contraintes n’est que l’aboutissement d’un abandon, qui se veut définitif, d’une conception humaine du soin. Le point de bascule a été atteint au bout d’un parcours que nous sommes nombreux à dénoncer depuis maintenant des années.

Nous y voilà !

Un scientisme réducteur, soutenue par les pouvoirs publics, tente, avec un succès de plus en plus affirmé, de faire table rase d’une discipline, sans doute dérangeante ou pour le moins incongrue, dans le contexte de guerre économique et financière que nous connaissons.

Tout un savoir-faire est dénigré et peut être anéanti. La transmission devient de ce fait un enjeu majeur.

Cela mérite sans doute un détour du côté de ce que recouvre la transmission.
Une idée assez répandue voudrait que l’objet de la transmission soit purement un savoir. Une telle occurrence se limiterait à un transfert de dossiers. Il s’agit de toute autre chose. Le but d’une transmission se rapproche certainement plus de la fabrique d’un sujet, autrement dit d’une naissance à quelque chose.

Au sein de la relation du maître à l’apprenti ou à l’élève, au-delà de la dimension du savoir et de l’ignorance (y compris celle du maître), s’impose l’idée d’initiation. L’initiation est une autre naissance souvent fondue avec le passage à l’état adulte. Le savoir et ses carences ne sont en la matière que prétexte, qu’espace d’une nouvelle nomination, d’une accession à un nouveau statut. Il ne s’agit d’enseigner qu’à celui qui partagera aussi des valeurs.

Le savoir, la technique ne sont que le développement de cette nouvelle appartenance, de cette nouvelle famille.

Dans certains domaines, l’impétrant peut même recevoir un nom nouveau et contracter l’engagement de transmettre à son tour. Il y a donc du maître chez l’apprenti dès l’engagement de celui-ci. La transmission rime alors avec liberté et engagement.

Le candidat à l’initiation se retrouve donc à devoir inventer ce qui lui a été donné…. parfois susurré. Nous retrouvons là l’espace transitionnel que décrit Winnicott.

La transmission concerne bien plus la naissance d’un sujet à un nouvel espace que le transfert ad integrum d’un savoir. Il n’y a qu’à mesurer le degré d’ignorance qui peut être transmis en l’occurrence pour s’en convaincre. Ce qui importe est l’accueil d’un nouveau membre. Bien entendu se dessine dès lors un parcours balisé par le manque. Le manque, ça ouvre des perspectives…. et le style de cette confrontation n’est pas indifférent ; se détacher pour une part des mimiques du maître, faire sienne certaines autres, ce qui signifie qu’un certain tri a été fait dans la transmission, tout cela consomme qu’une transmission se revendique..

Par ailleurs, le « tourisme dans la transmission » n’est pas à écarter. Il s’agit même d’une notion centrale. Afin d’insister sur le nécessaire détachement du maître, d’éviter des identifications stérilisantes et excessives, aller fréquenter d’autres savoir-faire, une fois les bases acquises, peut se révéler précieux. Se libérer du maître auquel on s’est aliéné est une perspective à inscrire dès le début du processus. C’est là une condition de la transmission surtout si ça laisse des traces. Un architecte appellerait ceci des fondations. S’il est difficile voire impossible de jouir de sa liberté, jouir d’une libération du maître auquel on s’est aliéné se révèle non négligeable.

Le transitionnel est l’espace de jeu à travers lequel une séparation s’opère.

Winnicott nous indique qu’à partir d’une première phase quasi fusionnelle, empreinte de subjectivité, va intervenir une objectivation de l’objet qui va faire séparation. Se joue une première distinction de l’objet, en tant que différent du moi de l’enfant. Limiter la subjectivité, en dessiner les contours par une différenciation objectale, la clinique montre combien cela peut être utile. Puis, l’enfant apprendra à être seul en présence de sa mère ce qui signifie que, si tout ne se passe pas trop mal, il ne sera plus jamais seul et portera en lui des constructions lui permettant d’affronter la solitude…

Il n’y a qu’à regarder un objet transitionnel pour observer combien la destructivité, la violence l’agressivité, la détermination participent du processus.

Le doudou est en charpie, puant, perdu et retrouvé contre vents et marées. N’importe quelle caissière de supermarché normalement constituée suspendra toute activité face à ce bout de chiffon perdu et dont elle connaît la valeur. Il s’agit d’un trésor inaliénable dont seul l’enfant peut décider de se séparer un jour sans drame puis l’expédier dans les greniers de la mémoire.

L’enfant invente le Doudou, l’élit, lui confère son statut et le démolit suffisamment pour être inimitable. Un débris singulier. La destruction en la matière est foncièrement créatrice.

De la même façon, la pratique à transmettre doit être assimilée puis détruite avant d’être inventée à nouveau. D’ailleurs, n’est-elle pas incomplète, truffée d’ignorance ? C’est ce qui explique la transe du maître, si j’ose dire, quand il observe ce que son petit protégé ose faire de son savoir, qu’il tient lui-même de son maître vénéré et qu’il chérit comme un enfant. L’apprenti n’en fait qu’à sa tête et ignore toute vénération qui n’est pas encore de son âge et pas follement créatrice non plus. Et puis appuierait-il malgré lui, dès qu’il a un tant soit peu d’expérience, sans trop le savoir, là où ça fait mal, à savoir là où se concentre du refoulé ?

Ce savoir doit être découpé en lambeaux, mâché puis digéré, pimenté à toutes les sauces en présence de coreligionnaires et du maître, afin que l’apprenti puisse enfin se l’approprier sous une forme assimilable. L’apprenti-sorcier doit passer par des catastrophes potentielles et des démesures mais sous un œil protecteur, jusqu’à ce qu’il sache voler de ses propres ailes. Cette transmission nécessite du maître et des alter-ego. «S’autoriser de soi-même et de quelques autres» trouve sans doute là son fondement. On ne pose pas les mêmes questions à tout le monde, on ne choisit pas le moment de comprendre et bien des reconnaissances sont nécessaires. Elles sont de différentes sortes. Encore un point en faveur d’une construction plutôt que d’une livraison d’un savoir clef en main.

Il y a donc nécessité d’un passeur qui soit objectivable, dont on puisse se différencier et se libérer, d’un savoir à parfaire, destructible et digérable, d’une ignorance palpable, d’un « initiant » qui laisse libre cours à son engagement, à sa violence et à ses capacités d’ingestion, si possible en réunion et d’un contexte socio-historique qui ait encore l’utilité de sujets d’un savoir spécifique. C’est là l’espace du politique, de l’amour, de l’adoubement, éventuellement du trauma, de la vérité, même si cela conduit à dire pas mal de bêtises, et de l’inconscient qui n’est pas fait pour rester les bras croisés.

Alors, qu’en est-il de l’aire de jeu psychiatrique au sein de laquelle nos jeunes collègues doivent advenir ? Quelles sont les possibilités de désintégration-réinvention du savoir et des pratiques en vogue ou nouvellement installées ? Le DSM peut-il être subverti en DoudouSM qui puisse lui permettre une réelle efficacité ?

Le moins que l’on puisse dire est que les protocoles sont coriaces, qu’ingérer le « F20.0 de la classification CIM » censé résumer la vie d’un schizophrène, afin de l’insérer dans un processus dialectique réclame beaucoup d’imagination, que passer sa vie à donner la main à un phobique dans l’ascenseur ou devant une photographie de serpent demande beaucoup d’abnégation ( cf les thérapies comportementales des phobiques).

S ‘agit-il d’affiner une théorie ou d’attendre le DSM «up to date» fruit d’une négociation entre lobbies ?

Que penser de l’appropriation d’une pratique qui consiste d’emblée à avoir peur, à neutraliser un patient, l’attacher sur un lit, le boucler dans une chambre d’isolement, vérifier les caméras vidéos de surveillance, monter des clôtures, couper les arbres dans les cours, déclencher l’alarme dès qu’un patient monte le son ou vous effleure ? Qu’attendre de soignants auxquels a été enseigné que le dire du patient est le fruit d’une tare génétique, que mieux vaut commencer le dossier informatique pendant qu’il vous cause ? Que toutes ces paroles sont nulles et non advenues, forcloses ?

Quel sujet soignant tente-t-on de faire advenir ainsi ? Quel personnage pourra-t-il en naître ?

Il reste à témoigner que d’autres «aires de jeu psychiatriques» existent et à subvertir autant qu’il est possible le DoudouSM.

Patrice Charbit

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>Elukubr : Soirée lecture le 13 novembre

Je souhaite aujourd’hui partager avec vous le fruit (encore vert) d’un travail d’artistes, dont certains ont traversé des expériences en hôpital psychiatrique, sont sortis de leur camisole chimique, à la force du mensonge, à la force de la parole, de l’analyse, à la force de l’art.

Eu égard à nos regards.

Souhaitant vous convier à une soirée lecture le samedi 13 novembre,

afin d’établir contacts et échanges, réflexions et partage d’opinions,

dans le cadre de l’exposition « paradigme des alter-réaliste » qui s’achève le 14 novembre,

au 59 rue de Rivoli (Métro Chatelet)

Consciente de la proximité de la date, j’espère que d’aucuns pourront se libérer  pour y assister.

Dans un élan d’appel à manifestation poétique et cognitive,

curieux d’explorer différents regards sur le monde,

le collectif elukubr propose dans le cadre de l’exposition «  Paradigme des alter-réalistes », une soirée  méninges…

Au programme :

18h / Elukubrations d’agitateurs alter-poétiques :

Lecture d’extrait de textes, de Baudelaire à Artaud, de Bataille à de Nerval, d’Eluard à Ginsberg,  en passant par Laborit…

avec : Marie Le Gall, Fani Kanawati, Laure Carrale, Johanna Elalouf,

Guillaume Dumas, Matei Gheorghiu, et Jérôme Roniger.

19h / Cognition: entre connaissance et société.

Conférence/Débat animé par Guillaume Dumas

La cognition questionne. Mieux, elle se questionne elle-même.

Elle se questionne sur son origine, son fonctionnement, ses enjeux…

Et de ses questions surgissent de multiples connaissances et possibles.

Entre ontologie et éthique, dans quelles directions partent les sciences de la cognition?

20h / Guappe Carto
musique expérimentale, violon, contrebasse, percussion, accordéon

Entrée libre

Vous avez la possibilité d’adhérer à l’association pour soutenir nos actions et réflexions (adhésion 10euros, ou de faire un don)

Collectif elukubr – paradigme des alter-réalistes

« (origines étymologiques de paradigme : modèle, exemple, montrer, comparer. Ce mot sous-entend un constat, loin des croyances ou positions politico-esthétiques qu’illustrent habituellement les manifestes.)

Face à un réel fait d’infinies singularités, envisager une vue d’ensemble objective d’un concept nous semble irréaliste. A travers nos elukubrations, nous invitons seulement les curieux à frôler, sentir des interprétations des facettes choisies.

Elukubr c’est un constat d’impuissance théorique au profit de l’action. Débarrassés des enjeux chimériques attendus de l’artiste conceptuel, nous entreprenons des voyages à travers différentes couches du réel, conscients de l’impossibilité d’être justes, mais curieux d’explorer différents regards sur le monde.

C’est le parcours qui nous anime, pas le fait.

L’alter-réalité est la première marche de notre projet. ‘Penser autre’ ainsi que transformer la perception orientent les projecteurs vers le spectateur plutôt que l’artiste. Le but est l’assimilation d’une intention : L’objet ou ses pères ne sont qu’un brouillon de cette expérience. L’art, s’il en est, ne peut se réaliser qu’à travers cette relation fragile.

A l’image de son propos, Elukubr c’est une association de différences. La recherche d’une identité commune s’est faite dans la rencontre des qualités et défauts de chacun. Ce projet n’est pas une utopie mais bien le résultat de désirs humains, contraints de grandir à travers erreurs et conflits.

Le collectif fonctionne comme une purge des vanités. C’est un lieu propice à l’oubli de soi, où s’exprime un objectif commun: s’inviter chez l’autre. »

http://elukubr.org/

Le lieu : 59 rue de Rivoli, ancien squatt d’artistes devenu galerie d’art alternatifs grâce au dialogue artistes/mairie de Paris, nous ouvre ses portes du 27 octobre au 14 novembre du mardi au dimanche, de 13h à 20h.

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>L'hôpital Marchant à Toulouse : tous sous une tente !

« Allez savoir pourquoi ce lundi 18 octobre 20102, nous, soignants, nous sommes rebiffés alors que nous étions traités depuis bien longtemps comme les ouvriers spécialisés d’une usine à « produits de soins » des Temps modernes. Stock de robots blancs multitâches, bardés de clefs et de bips, baladés ici et là en fonction des unités à réapprovisionner, un œil rivé sur les caméras, l’autre sur les écrans d’ordinateur. Du côté patients, même gestion : un stock d’entrants et de sortants, à estampiller du code barre DSM3 en vue de la T2A et à réguler en fonction de l’offre et de la demande… »

Nous, les salariés de de l’hôpital Marchant à Toulouse tenons une permanence sous une tente à l’entrée de l’établissement depuis le 18 octobre.

Il s’agit d’une sorte de piquet de grève symbolique puisqu’il ne bloque rien de l’activité de l’hôpital, mais le soutien massif des salariés, du public et des patients aux organisateurs (une intersyndicale associée à des collègues sans carte), s’ajoutant à une visibilité croissante dans les médias, nous donne bon espoir d’obtenir gain de cause.

De nombreux détails sont archivés sur le blog qui attend d’ores et déjà de nombreux visiteurs, bonne lecture.

http://tinyurl.com/manifestente

http://marchantlatente.canalblog.com

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>Cinéma : "Le Malade, de son imaginaire malade"


Utopsy poursuit sa réflexion sur les praxis en psychiatrie et notamment sur les enjeux du travail collectif dans la psychothérapie des psychoses. Pour sa troisième séance de l’année, Utopsy se délocalise et fait son cinéma ! Cette séance aura lieu :

Le Lundi 15 Novembre 2010

au « Lieu-Dit »,

6 rue Sorbier 75020 Paris, métro Ménilmontant ou Gambetta, à 20h30

Nous vous proposerons la projection du film d’Emmanuelle Avignon intitulé

« Le Malade, de son imaginaire malade »,

sur un projet de Patrick Franquet pour le théâtre du Reflet.

Ce film présente le travail du Théâtre du Reflet à travers l’élaboration d’une pièce de théâtre faisant intervenir un grand nombre de comédiens, metteurs en scène, musiciens, danseurs, simples citoyens… issus tant du monde de la culture que d’une dizaine d’institutions psychiatriques et médico-sociales recevant des adultes et des enfants.

Fous et non fous, les relations et distinctions entre les uns et les autres se déploient, se déplacent et se réaménagent au fur et à mesure de l’émergence et de la concrétisation de cette pièce de théâtre, « Le malade de son imaginaire malade », dont la mise en place aura duré deux ans pour aboutir à plusieurs représentations publiques en 2010.

Pendant ces deux ans, un collectif apparaît, se réunit régulièrement, fait exister et aboutir cette création théâtrale.

Au-delà de la réalisation effective d’une représentation théâtrale, c’est tout ce moment commun d’élaboration, de préparation de la pièce de théâtre dans tous ses détails que nous montre la réalisatrice.

A travers ce quotidien partagé dans la création, c’est un support psychothérapique que nous voyons se constituer au fur et à mesure de l’avancée du projet.

Pratique résistante à l’heure de la gestion et de la rentabilité, cette folle entreprise qui prend du temps (deux ans de préparation) montre tout l’opérant du travail collectif dans la rencontre avec la folie.

Cette projection sera suivie d’un débat avec Emmanuelle Avignon, réalisatrice du film, Patrick Franquet, psychiatre, comédien et directeur du théâtre du Reflet et Claudine Duchêne, éducatrice en pédopsychiatrie à Evry.

L’entrée est libre et sans inscription

UTOPSY

utopsys@yahoo.fr

http://utopsy.over-blog.fr/

Prochaines rencontres:

– Lundi 13 décembre : Paul Brétécher

– Lundi 17 janvier : Pierre Dardot

– Lundi 28 mars : Pierre Delion

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>La psychiatrie mandarine : un lointain passé

En cette fin d’année 2510, nous avons décidé de laisser une place aux travaux d’un anthropologue qui vient de retrouver les traces d’un courant de psychiatrie tombé en désuétude depuis plusieurs centaines d’années.

Ici, une civilisation hexagonale perdue de la psychiatrie refit surface, peuplée de personnages exotiques. La situation actuelle d’hospitalité inconditionnelle pour les personnes en proie à des difficultés existentielles, loin d’avoir toujours été un courant majoritaire, avait failli disparaître quand la psychiatrie mandarine se développa.

A la fin du XXème et dans les débuts du XXIème siècle, une caste fut promue comme experte en problèmes humains. C’était le temps où l’on pensait encore pouvoir transformer l’Homme en Robot. Cette illusion perdura jusqu’à la moitié du XXIème siècle, date du grand « démandarinement ».

A la fin du XXème siècle, les mandarines étaient, à de rares et militantes expressions près, un groupe homogène de psychiatres (GHP) qui s’infiltra dans les instances gouvernementales d’alors. Armés de leurs mandarines, les « maîtres » divaguaient, créant une armée des petites mandarines transgéniques pendant plusieurs années (avec différentes variétés : internes, infirmiers, éducateurs, psychologues etc.)

De nombreuses pathologies infectèrent les petites mandarines transgéniques, en commençant par un état limite. Jusqu’alors spécifique, la psychiatrie devait revenir dans le giron de la neurologie. Clivés entre ce qu’ils voyaient en vrai et ce qu’on leur apprenait, les petites mandarines ne croyaient plus au rapport particulier qu’entretenait la psychiatrie avec le champ du médical et le champ social.

Un délire de revendication se manifesta alors (cf lettre introductive du rapport Milon, 2009(1)) où la psychiatrie, spécialité comme les autres, devait retourner dans le giron de la neurologie. Ce délire, entretenu par la paranoïa confabulante des mandarines, leur souffla l’idée bizarre que, eux, les inventeurs méconnus de la psychiatrie, découvriraient un jour la cause de l’humanité de l’homme, le gène ou l’aire cérébrale de la bonne santé mentale. Un courant, le FondaMentalisme(2), se développa sur ce postulat erroné. Organisant des Mental Thon qui réunissaient toutes les mandarines ISOpathes, ils allèrent jusqu’à localiser sérieusement le siège de la psychopathie (cf un document d’époque).


Note de veille 159 du centre d’analyse stratégique :
Perspectives scientifiques et éthiques de l’utilisation des neurosciences dans le cadre des procédures judiciaires, Décembre 2009(3).

1. http://www.senat.fr/rap/r08-328/r08-328_mono.html#toc1 : « Le mouvement de mai 68, porteur notamment de ces critiques, a tenté d’émanciper la psychiatrie des pratiques chirurgicales inadaptées et d’une vision jugée trop étroite de la maladie3(*). Il a abouti, par l’arrêté du 30 décembre 1968, à la séparation de la psychiatrie et de la neurologie auparavant réunies au sein de la neuropsychiatrie4(*). Cette division en deux spécialités se révèle aujourd’hui regrettable en raison de la révolution qu’ont connue les neurosciences et l’imagerie médicale et des connaissances acquises depuis lors dans ces disciplines. Leurs applications pratiques dans le traitement des maladies mentales commencent déjà à apparaître, notamment dans le cas de l’autisme. »

2. http://www.fondation-fondamental.org/interieur.php?page=10

3. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille159.pdf

Entraînant un déni massif de la psychiatrie et plus largement de l’humain, la psychiatrie se détacha de plus en plus de sa complexité pour s’attaquer à des troubles jusqu’alors inconnus, mentionnés de manière comique dans le DSM 5675 RRW.
La mégalomanie prit le relais et les mandarines se dirent qu’ils pourraient répondre à tout, tout seul. Tout devenait des histoires de « santé mentale », « l’affaire de tous(4) » pendant que les patients les plus graves étaient délaissés car promus incurables par les mandarines.

C’est comme cela que les petites mandarines transgéniques seraient cloisonnées dans les services autoproclamés « de pointe », apprenant une psychiatrie déréalisée, formatée, déprise de toute concrétude.

Dans le même temps, associés à des conduites boulimiques affectant la Recherche, des mandarines FondaMentalistes grossissaient, grossissaient encore et encore(5).
Respectant l’hygiénisme rénové qu’ils tentaient de mettre en place, leur appétit sans limite imposa aux mandarines de faire quelques exercices. Ils allèrent dans des pays lointain s’entraîner et chercher des régimes réputés hypocaloriques pour les finances publiques. Ils ramenèrent des techniques exotiques puis, en 2009, escaladèrent à main nue la pyramide Couty(6) pour arriver à son sommet.

En haut de cette pointe de la psychiatrie, ils tentèrent de convertir les psychistes de base à la psychiatrie made in Outre Atlantique. De nombreux curieux s’approchèrent et essayèrent ces serre-têtes en forme d’oreille de Mickey que l’on avait rapporté de ce périlleux voyage, de tous ces pays dont la déchéance avait quelques longueurs d’avance sur l’Hexagone.
Instantanément lobotomisé par la « Science » des mandarines, le paysage de formation changea. Certains Astérix abandonnèrent la potion clinique magique du secteur pour en faire une entité administrative exclusive.

4. http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1079

5. http://icm-institute.org/menu/actualites

6 http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Missions_et_organisation_de_la_sante_mentale_et_de_la_psychiatrie-2.pdf

Progressivement, les oreilles en plastiques Mickey émirent des interférences rendant n’importe quel soignant sourd au fait psychique. Les expériences et inventions de terrain devenues honteuses, la psychopathologie fast food se développa, appuyée par le courant des psychiatres Mickey.

Faisant « fausse route », selon les déclarations des mandarines, beaucoup de soignants de base firent une anorexie mentale qui eut de graves répercussions sur l’état psychique des patients, des familles et des équipes. Le risque d’inanition était grand. Pour y remédier, les mandarines, des psychiatres mickeys en lien avec la Haute Autoritaire du Santé-mentalisme(7) proposèrent un gavage par des recettes thérapeutiques toutes faites qu’ils nommèrent « bonnes pratiques », « RMO », « démarche qualité », « traçabilité » etc. Le principe de précaution aseptisa le champ psychiatrique où « les mauvaises graines » continueraient malgré tout à proliférer.

S’en suivit une épidémie de phobies à traiter, notamment pour les psychistes en formation : phobies de la relation, du temps perdu à dialoguer, de la dédramatisation possible de certaines situations. Les conduites d’évitement entraînèrent une pathologie de l’agir de type psychopatique. A question courte, « solution » provisoire courte. Tout devint plus bref : il s’agissait alors de ne plus traiter que l’urgence, les troubles à l’ordre public, les troubles des conduites, les problèmes scolaires et sociaux(8).

Les soignants « tournicotti tournicottons », tournaient, se remplaçaient, se déléguaient leurs tâches. En devenant interchangeable l’histoire des patients ne se déposait plus à l’intérieur de leurs âmes mais dans des machines étranges appelés « ordinateurs », DIM, RIMPSY etc(9). Ils avaient toutes les informations mais aucun renseignement. La majorité pensait que c’était le progrès. La grande panne d’électricité de la fin du XXIème siècle et la perte de données qu’elle entraîna, remettra les psychistes sur le chemin de leur humanité. Mais de longues années s’écoulèrent.

7. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_6737/affichage?opSearch=OK&catName=true&replaceFileDoc=false&searchInFiles=false&portlet=c_39085&text=psychiatrie&start=0&cidsfilter=c_64700&cids=c_64700&langs=

8. https://www.collectifpsychiatrie.fr/Texte-integral-du-projet-de-loi.html

9. http://bigbrotherawards.eu.org/article960.html

Des maladies nosocomiales résistantes à ces nouveaux traitements firent leur apparition dans de nombreux services, furent relatés dans de nombreux documentaires télévisés d’alors (« Les infiltrés(10) », « Sainte Anne(11) » …), alors même que des thérapeutiques innovantes, mais il est vrai, complexes, dans le champ de la folie avaient fait leur preuves depuis la seconde moitié du vingtième siècle(12).

Entouré par ce climat d’obscurité récusant la pensée, toute la cité se mit paradoxalement à parler haut et fort de « transparence ». Beaucoup des patients devinrent invisibles, cachés qu’ils étaient dans la rue, dans les prisons ou dans les enceintes de haute sécurité. Les petits enfants n’échappèrent pas à ces disparitions. Des centres fermés pour « mineurs » se construisirent avec des vigiles pour tout encadrement soignant(13).

Certains avaient pourtant inventé des traitements de choc pour ces infections nosocomiales gravissimes mais la plupart des nouveaux soignants n’en entendirent plus parler pendant longtemps : les thérapeutiques institutionnelles et désaliénistes furent mises à l’écart, provoquant des allergies aux mandarines qui voyaient d’un mauvais œil que l’on transforme leur pyramide en route pavée où chacun était à la même hauteur que l’autre.

Progressivement, la névrose obsessionnelle des soignants se manifesta par le développement de compulsions avec des rites de vérification : procédures, protocoles, accréditation, certification, V1, V2, V3, V456789… Une vague de désertion chez les psychiatres se propagea, quittant le terrain ils allaient faire de grosses commissions : CLIN, CLUD etc., le tout assorti d’un masochisme excessif en face d’un surmoi féroce : toujours et encore la Haute Autoritaire du Santé-mentalisme.

Les mandarines firent un lobbying intense auprès des instances gouvernementales. Ce procédé de légitimation de leur croyance s’avéra payant dans un premier temps. Au même moment certains casse-noisettes se réveillèrent pour légitimer la scientificité de pratiques de terrain sur un autre mode que les  « impacts factor » dont se nourrissaient les mandarines.

10. http://www.dailymotion.com/video/xdcuu3_hopital-psychiatrique-les-abandonne_lifestyle

11. http://www.dailymotion.com/video/xdhzux_sainte-anne-hopital-psychiatrique-p_shortfilms

12. http://www.psychiatrie-desalieniste.com/Therapeutiques-institutionnelles.html, http://www.youtube.com/watch?v=Ox9nWVSYvTU

13. http://www.pasde0deconduite.org/

Un réseau de casse-noisettes se développa, ils insistèrent et développèrent une recherche clinique de terrain qui n’était pas prédéterminée par les hAS du contrôle. De même que les mandarines produisaient toujours plus de murs et construisaient toujours plus de cloisons(14), les casses noisettes décloisonnèrent, à partir de la base, la formation des soignants(15).

Les mandarines voyaient d’un mauvais œil les casse-noisettes et pouvaient compter sur l’appui de leur patron Ni-coca Sacropic, banane en chef qui tentait des mutations génétiques avec une grande courge qu’il avait pris pour femme. Il fit un discours devant les mandarines et les psychiatres Mickey à l’hôpital d’Entonnoirs pour dire que les chochophrènes étaient trop dangereux et qu’il fallait leur payer des bracelets GPS pour qu’ils soient télécommandés non plus pas leur voix mais par leurs psychiatres Mickey(16).

Une angoisse envahit 39 casse-noisettes et ainsi que d’autres bizarros alors même que beaucoup de nouveaux psychiatres formatés Mickey avait une peur irraisonnée des chochophrènes ; des conduites réactionnelles se développèrent : contenchions, chambres d’esseulement, vidéo-club surveillance, abandon des activités et groupes de chochocialisation… Ni-coca Sacropic, Dame Rose Bachaline et Brie Hortie Fouille donnèrent plein de sous pour appuyer ce mouvement. Personne ne put leur dire qu’il fallait avant tout des soignants formés plutôt que des murs déformés par les hurlements et les coups des chochophrènes.

Ni-Coca, Rose, Brie, les mandarines et les mickeys n’étaient que l’image du renoncement de beaucoup de psys « bonnes poires » qui n’avaient pas râlé quand on avait voulu les transformer en managers de santé-mentalisme. Progressivement, voyant l’ampleur des renoncements consentis inconsciemment, les soignants se mélancolisèrent. Des idées de ruines se répandirent avec la vitesse de la peste : « tout est foutu », « ce sera plus jamais comme avant » etc.

14. http://www.serpsy.org/actua_09/Circulaire_DHOS02F2200923_du_22_01_09.pdf

15. https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=247

16. http://www.dailymotion.com/video/x7lj27_allocution-de-n-sarkozy-a-antony_news

Les mandarines se repaissaient de cette nourriture monstrueuse pour imposer leur hégémonie et la transformer en soi disant « progrès ». La perte de contact avec la réalité des mandarines et des psychiatres mickey les firent sombrer dans une paraphrénie fantastique où tout devenait gestion, chiffre et « ressources humaines disponibles ». Des moments d’exaltation les faisaient virer maniaques comme ce jour où le centre d’analyse stratéchic avait consacré « la santé mentale positive »(17), ou encore cette fois où l’Union Européenne avait déclaré en 2008 que la santé mentale était un « Droit de l’Homme »(18). La psychiatrie était-elle devenue « un Devoir de l’asticot » ? Nos recherches ne purent confirmer cette hypothèse.

Les casses noisettes et les chochophrènes en vinrent à la conclusion qu’il ne fallait pas laisser les ardeurs toutes puissantes de Ni-Coca l’emporter sur les libertés fondamentales comme ses copains de chambrée tentaient de le faire avec d’autres catégories de la population.

Quelques années plus tard, les mandarines, dépossédées de leur jus toxique, furent renversées par la base de la pyramide : les bonnes poires s’étaient alliées aux casse-noisettes. Ils remirent au centre de leur préoccupation non plus les chiffres et autres HAS mais les chochophrènes, les bambins (qui n’étaient pas chélinquants comme l’avait déclaré l’INSERMination artificielle des cerveaux(19) et leurs familles.

Ils formèrent de nouveau les jeunes soignants à la rencontre avec les patients. La peur se dissipa progressivement. Les vidéo-club surveillances projetèrent des rêves incongrus, les chambres d’esseulement furent transformées en Suites royales(20). Dans le même temps les psychiatres mickey avaient perdu leur repère. Quelques chochophrènes vinrent leur tenir compagnie et les consolèrent. Un nouveau lien social tissé de respect et d’amitié vit le jour et la peur qu’avait augurée cette ère de la transparence se dissipa pour laisser la place aux contrastes de l’existence.

17. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/CP_nv171109.pdf

18. http://ec.europa.eu/health/ph_determinants/life_style/mental/docs/pact_fr.pdf

19. http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=ERES_COLLE_2006_01_0073

20. http://www.scribd.com/doc/34001797/Les-Cahiers-pour-la-Folie

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> "Les ombres des anges" : Comédie Musicale au Théâtre d'Orléans

« LA PSYCHIATRIE DOIT ETRE FAITE / DEFAITE… » Oui Roger GENTIS avait raison… Nous suivons à notre façon cet objectif : voyez plutôt ! Faites passer très… largement ! Merci de faire suivre notre message et réservez vite vos places !

« Les ombres des anges » – le texte – vient de sortir aux Éditions de L’Harmattan. Une centaine de personne l’a composé. A commander impérativement !


LODA_bulletin-reservation

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>12 ème édition des rencontres video en santé mentale : 09 et 10 Novembre 2010

MARDI 9 NOVEMBRE (accueil à partir de 9h)

Invitée spéciale Paule Muxel, réalisatrice

Auditorium de la Cité des sciences et de l’Industrie, niveau 0

Ouverture par Tù-tâm Nguyên, responsable de la Cité de la santé Universcience, Jean Vuillermoz, Président du Conseil d’administration de l’Hôpital Maison Blanche, adjoint à la Mairoe de Paris, Nicole Pruniaux, directrice de l’Hôpital Maison Blanche, du Dr Marc Habib, médecin directeur de l’Association L’Elan Retrouvé.

– Le voyage dans la chambre (Sandra Sarfati Paris)
– Fragments d’une psychotique (Sandra Sarfati)
– Petite soeur (Paris Bouffadou)
– Non ( Basse-Terre, Guadeloupe)
– Les poètes de l’espoir (Chartres)
– Un étrange rencard ( Paris – La Folie Régnault)
– Le téléfon ( Paris La Roquette)
– Arsène Lupin ( Paris La Roquette)
– J.H. (Paris La Rochefoucault)
– Les béattitudes ( Freschines)
– G.A.O. (L’arbresle- Lyon)
– Mystère au Père Lachiase ( Paris GEM la Maison de la Vague)
– Mélodie sans retour ( Vienne)
– Le cirque des mots détournés (L’arbresle- Lyon)
– Ton regard me raconte ( Paris rue de Douai)
– Les artistes font du ski ( Dijon)
– Andromède, les héros sont fatigués (Malakoff)
– En diamant bleu de nuit (Malakoff)

MERCREDI 10 NOVEMBRE (accueil à partir de 9h)

Auditorium de la Citédes sciences et de l’Industrie, niveau 0

– Le quai des rêves ( Asnières)
– Affaires de coeur ( Montluel)
– Avis de tempête ( Roanne)
– Le tzigane et le diable ( Paris La Comète)
– Y’ a des z…. ( Montluel)
– L’étalon des tagueurs (Paris La Comète)
– Les petites choses ( Dominique Nehl, Nancy)
– Etas d’âmes ( Montrevel en Bresse)
– Etrange, vous avez dit bizarre ( Paris – Parmentier)

– La BIBLIOTHEQUE VIVANTE par la Maison des Usagers de Sainte Anne)
(de 14h à 16h à la Cité de la santé au niveau -1,de la Cité des sciences et de l’Industrie) Présentation par Aude Caria, responsable de la MDU et Céline Loubières, coordinatrice de la MDU;

Les troubles psychiques : parlons-en ensemble, venez participez à la Biliothèque vivante : des usagers et leurs proches viendront témoigner de leur vécu des troubles psychiques.

– CONCERT : MINNIE PICOUX & FLUCK à 14h

(photos : Maysa de Albuquerque, Daniel Simonnet, Jean-Marc Taëb)

– La tête dans les étoiles ( Bruxelles – le Code))
– Venus ( JC Pellaud – Suisse)
– De Toulouse Buenos Aires ( Toulouse – Radio MicroSillons)
– C’est ton tour ( Charleroi)
– Et moi(s) (Epinay sur Seine)
– Croisière à haut risque ( Arras)
– Mon ami, my friend ( Paris – Les Cariatides)
– Sur les pas de Robespierre ( Arras & Les Cariatides Paris)

Clôture avec par Tù-tâm Nguyên, responsable de la Cité de la santé Universcience, et Paule Muxel, réalisatrice, de documentaires.

les formulaires d’inscription sont téléchargeables à partir du lien suivant :
http://cid-e0027f033fdd856a.office.live.com/browse.aspx/RVSM%20public?uc=2

à renvoyer par mail à danielsimonnet@hotmail.com

Hopital Maison Blanche, service communication
Rencontres vidéo en santé mentale
6/10 rue Pierre Bayle 75020 PARIS

SOURCE : BLOG VIDEOPSY

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>Forum Vol au dessus d'un nid de coucou, Actualité du soin psychique

FORUM « Vol au dessus d’un nid de coucou, Actualité du soin psychique » : Salle de conférence Centre Hospitalier Laborit 370 avenue Jacques Cœur Poitiers

La rediffusion récente de « Vol au dessus d’un nid de coucou «  a été l’occasion de souligner l’inquiétante similitude entre une psychiatrie américaine inhumaine évoquée dans cette œuvre de Milos Forman et celle qui en 2010 se répand sur le territoire français.

Les méthodes thérapeutiques évoquées dans ce film, froides, punitives, culpabilisantes, mécaniques, nous apparaissent être en train de recouvrir celles qui font appel à la sollicitude, l’empathie, l’écoute, en un mot à la prise en compte de la singularité humaine.
A la sortie de ce film en 1976 nous pensions qu’il pouvait en être autrement en France.

Qu’en est-il alors en 2010 dans les établissements médicaux et médicaux-sociaux ?

– Le malade, malgré les aléas de ses symptômes,
est-il toujours une personne inscrite dans la société ?

– L’être humain de par sa maladie, ou son handicap est-il placé hors la loi commune ?

– Le soignant peut-il préserver sa capacité à soigner, à accompagner, à l’heure où sa fonction est dénaturée, et son identité professionnelle désavouée par ce que l’on attend et exige de lui ?

Quelles réflexions mettre en œuvre dans nos pratiques pour garantir des soins humains et aidants ?

Le Collège Régional Poitou-Charentes des Psychologues de la Fonction Publique Hospitalière est une association Loi 1901. Il se veut un lieu de débats ouvert aux psychologues ; un lieu d’échanges et de recherche ouvert à tous les domaines utiles à notre réflexion (scientifique, philosophique, sociologique, juridique, éthique, culturel …..).
Il organise régulièrement des conférences, des forums, des colloques.

Vendredi 19 novembre 2010

9h Accueil

9h45 Ouverture de la journée 
Josette Marteau Château

10h00 Quelle hospitalité pour la folie ?
Patrick Chemla

11h00 Pause

11h15 Parents de personnes hospitalisées, quels vécus ?
Catherine Le Grand-Sébille

12h00 Pause repas

14h00 Créer et maintenir des lieux de narration, une résistance nécessaire à la post- modernité.
Simone Molina

15h00 Pause

15h15 Garantir des soins humains et « hospitaliers »: Table ronde.
Patrick Chemla, Simone Molina, Catherine Le Grand- Sébille,
Muriel Ferrier

16h30 Clôture de la journée
Josette Marteau-Château

Patrick Chemla, psychiatre et psychanalyste il anime l’association « La Criée » à Reims, il est membre du collectif des 39. Il est co-auteur de l’ouvrage collectif Asile publié sous sa direction (Erès), auteur de Expériences de la Folie (Erès).

Catherine Le Grand-Sébille, socio-antropologue, elle est co-auteur de l’étude Parents de grands adolescents et jeunes adultes hospitalisés en psychiatrie. Quels vécus? Quels besoins? Quelles violences? Quels soutiens ?

Simone Molina, psychologue clinicienne et psychanalyste à l’hôpital de Montfavet.

Muriel Ferrier psychologue clinicienne au centre hospitalier de Niort.

Josette Marteau-Château psychologue clinicienne au centre hospitalier Henri Laborit, présidente du Collège Régional.

Références filmiques et documentaires:
Vol au dessus d’un nid de coucou de Milos Forman. Sortie en France 1976
Un monde sans fous ? de Philippe Borrel diffusé sur France 5, le 13 avril 2010.
Le livre d’entretiens complément du film Un monde sans fous ? Publié aux éditions du champ social.

Vous pouvez copier-coller le bon ci-dessous et le renvoyer à :

Maryline Auvinet-Gessé
2 Chemin de Regombert
86340 Nouaillé-Maupertuis

Renseignements :
Josette Marteau-Château
CMPEA, 7 Allée Martin Luther King
86000 Poitiers
Tel. : 05 49 01 40 21

Nom :………………………………………
Prénom :……………………………………
Adresse :……………………………………………………………………………..……
……………………………………………..
Code Postal :………………………….……
Ville :………………………………………
Tél. : …………………..……………………
Courriel:……………………..…………..…
Profession :…………………………………

TARIFS

Adhérent du Collège Régional.. 15 €
Non adhérent :………………. . 40 €
Demandeur d’emploi (attestation
ASSEDIC du mois en cours)…..……. 10€
Étudiant < 26 ans……………… 10€ Ci-joint un chèque de… …… ………..€ à l’ordre du Collège Régional Poitou-Charentes des Psychologues de la FPH. Date : Signature :

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>MC2, Grenoble 20 novembre 2010 : "HOME"

Où l’homme trouve-t-il sa maison ?

samedi 20 novembre :

Journée d’étude autour du spectacle Home

– Rencontre et table ronde Théâtre et psychiatrie
– Projection du film La moindre des choses de Nicolas Philibert

Home. Ils parlent par bribes, de tout et de rien ces personnages dont peu à peu les souvenirs, les associations, les allées et venues et les répliques nous amènent à penser qu’ils sont vraiment intelligents mais déboussolés quand même. On ne sait où ils veulent en venir et il serait bien de se laisser guider dans ce dialogue décousu en n’essayant pas de comprendre trop vite. Mais ils sont là, ils ont trouvé un endroit, un asile, où ils se sentent à l’abri. A l’abri de l’extérieur, d’eux-mêmes ? Et ils nous en disent un peu sur leurs petites défaillances, beaucoup sur les choses que nous avons en commun : la folie, permanente virtualité d’une fêlure, d’une fragilité inhérente à notre condition humaine d’êtres parlants.

Le théâtre s’en origine depuis la tragédie grecque. Les artistes, réalisateurs, comédiens, metteurs en scène, nous rendent plus proches de ces déchirements. Et les différents acteurs de la psychiatrie, participent avec chaque patient à la recherche d’une solution particulière qui corresponde à sa logique. Il saura alors un peu plus ce qui l’agite et un peu mieux où il habite.

Intervenants : Claude Léger, psychiatre des Hôpitaux, responsable du secteur de psychiatrie générale de Levallois-Perret (92) et psychanalyste, membre de l’EPFCL-France > Paul Machto, psychiatre et psychanalyste, membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire > Marie-Philippe Deloche, psychiatre, directrice de l’Hôpital de Jour de la MGEN (Grenoble) > Jean-Claude Exbrayat, psychiatre, responsable du service d’addictologie au Centre Hospitalier Alpes Isère > Anne Meunier, psychanalyste > Marie-Clotilde Aubrier, comédienne, intervenante au Centre Hospitalier Alpes Isère > Nicolas Philibert, cinéaste > Chantal Morel et l’équipe artistique de Home

Programme :
11h-11h30
Introduction : Chantal Morel > Anne Meunier
11h30-13h
Contributions : Claude Léger > Paul Machto > Jean-Claude Exbrayat > Marie-Philippe Deloche
13h-14h Pause
14h-16h30
Projection du film La moindre des choses de Nicolas Philibert, en sa présence

Home

De David Storey
Adaptation française Marguerite Duras
Mise en scène Chantal Morel

Plus d’informations sur les spectacles et les activités de la MC2: sur http://www.mc2grenoble.fr ou au 04 76 00 79 00

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>Appel au monde de l'art et de la culture 

Collectif des 39
contre La Nuit Sécuritaire

« Quelle Hospitalité pour la Folie ? »

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie,
c’est l’homme même qui disparaît. »
François Tosquelles.
 
Nous adressons à la société tout entière la question « quelle hospitalité pour la folie? » quand une future loi, véritable insulte à la culture, s’attaque à l’essence même du lien social, en désignant à la vindicte de tous et en menaçant des personnes plus vulnérables que dangereuses.

Si cet appel s’adresse au monde de l’art et de la culture c’est parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l’humain, est fait de culture.  
À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n’est pas qu’une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.

Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective.

Chaque artiste, chaque intellectuel ou acteur culturel, s’engage dans une recherche originale, dans des propositions toujours risquées, des remises en jeu des repères consensuels, à la croisée de l’intime et de l’Histoire. 

Chaque artiste invite l’autre dans cette autre lecture, et en toute liberté.
En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

La mise en jeu de l’inventivité, la création, le partage des oeuvres d’art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.

Appel  à la culture, comme liant créatif de l’intime et du social… le lieu d’un maillon essentiel, à restaurer dans la réflexion actuelle pour penser l’accueil de l’insensé, pour penser la question de la folie, de la maladie et du sort qu’on lui réserve.

Nous souhaitons avoir votre concours, votre engagement pour préserver cette part énigmatique de l’humain, sa part de folie.

Un projet de loi « sur les modalités de soins psychiatriques » sera discuté cet automne au Parlement : il détourne le terme de « soins » et représente une grave attaque contre les libertés individuelles ; il risque d’altérer profondément la relation entre patients et soignants.

Ce projet de loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, au domicile. Il remplace les modalités actuelles d’hospitalisation et d’alternative à l’hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression.  

Tout un chacun est aujourd’hui concerné par cette réforme. En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l’évocation du « trouble de l’ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles. 

Ce texte s’inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d’Antony le 2 décembre 2008. Désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique, quelle que soit leur intensité, se trouvent en danger de maltraitance. Se saisissant de dramatiques faits-divers, pourtant exceptionnels, le Président a laissé libre cours à son obsession sécuritaire. Cette orientation a déjà donné lieu à plusieurs textes réglementaires qui aggravent les conditions de l’hospitalisation et poussent vers plus d’enfermement, plus d’isolement.

Le projet de loi qui crée les « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l’inconnu. Il représente un risque de dérive particulièrement inquiétante car sont instaurés :
        
– des soins sous la menace d’une hospitalisation forcée en cas d’absence aux consultations ;
        
– des soins réduits à la surveillance d’un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique 

– des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.

Nous savons bien que c’est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi va organiser la peur des patients et la peur chez les patients.

Ce texte porte atteinte à  la confiance entre le patient et le soignant : celui-ci représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d’aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions . Le préfet, saisi par le directeur de l’hôpital, enverra les forces de l’ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s’agit donc de nous exclure de notre métier de soignant. 

Cette politique accompagne une dérive, depuis une quinzaine d’années, des pratiques psychiatriques : carence des formations, augmentation des isolements, retour des techniques de contention, primauté des traitements médicamenteux sur l’écoute, la relation, l’accueil des personnes en souffrance psychique. Ce projet de loi, avec la conception des troubles mentaux qu’il implique, va amplifier ces pratiques d’un autre âge.

Un collectif s’est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire ».

Se sont ainsi réunis des professionnels de la psychiatrie qui entendent résister à cette orientation inacceptable, à ces pratiques asilaires et aux nouvelles dérives scientistes.

Dans de nombreuses équipes, dans de nombreux services et secteurs psychiatriques, des artistes, des philosophes apportent leur concours aux professionnels pour mettre en œuvre avec les patients des espaces de création, d’initiatives, d’événements artistiques, joyeux, sérieux, inventifs, troublants, surprenants, en apportant de la vie, du désir là où la vie, le désir ont tendance à s’évanouir.

Des expositions, des créations théâtrales, des événements musicaux, des créations vidéos, des musées d’Art brut, des initiatives radiophoniques et par Internet se sont multipliés, donnant à voir la fécondité des productions originales possibles, enrichissant ainsi des thérapeutiques diversifiées.

Nous devons créer les conditions d’un accueil humain de la douleur morale, du désarroi psychique, des discours énigmatiques et délirants.

La possibilité de penser le soin et la folie est aujourd’hui mise en cause. Nous entendons bien résister à ce glissement vers le pire, et pour cela nous avons besoin de vous.

Nous ne voulons pas d’un tri des êtres humains en fonction de leur valeur utilitaire.
Nous ne voulons pas d’un retour au grand renfermement.
Nous ne voulons pas de l’internement à domicile.

«On juge le degré de civilisation d’une société
 à la manière dont elle traite ses marges, ses fous et ses déviants.»

Lucien Bonnafé
 
Votre signature nous serait d’une aide précieuse. 
SIGNER LA PETITION

LISTE DES ARTISTES SIGNATAIRES

« Qui cache son fou, meurt sans voix.» (Henri Michaux, « L’espace du Dedans »)

Laure Adler, journaliste, écrivain
Agnès B. , styliste, Paris
Jacques Albert-Canque, metteur en scène, Bordeaux
Anne Alvaro, comédienne
Jacques André, réalisateur, metteur en scène, plasticien, Paris
Cécile Andrey, metteur en scène (Vosges), co-fondatrice du festival «La tête ailleurs»
Jan Arons, peintre, Vallabrègues
Nurith Aviv, cinéaste
Claude Attia – comédien, Avignon
Pascal Aubier – cinéaste
Raymond Bellour, directeur de recherche émérite au CNRS
Joseph Beauregard – cinéaste documentariste
Jacqueline Blewanus, peintre, Vallabrègues
Corinne Bondu – formatrice- réalisatrice- productrice
Philippe Borrel, cinéaste – documentariste
Rony Brauman – ancien président de Médecins sans frontière.
Geneviève Brisac, écrivain, éditrice
Françoise Brunel
Claude Buchwald – Metteur en scène
Rodolphe Burger – musicien
Michel Butel, écrivain, journaliste.
Olivier Cadiot – écrivain
Marco Candore, comédien.
Laurent Cantet – cinéaste
Maréva Carassou, comédienne,
Arlette Casas, responsable communication Université Montpellier 2
André Castelli – conseiller général du Vaucluse
Carmen Castillo, cinéaste
Claude Chambard, écrivain, éditeur
Charb, dessinateur, Charlie Hebdo
Guigou Chenevier, Musicien compositeur
Isabelle Chevalier, musicienne
Françoise Clavel, créa- costumes, Paris
Françoise Cloarec – peintre et écrivain
Dominique Conil – écrivain
Michel Contat, chercheur CNRS émérite
Compagnie Les Acidus, comédiens
Patrick Coupechoux, écrivain, journaliste
Christine Dantaux – galériste socialiste – Pernes les Fontaine
Marie Darrieussecq – écrivain
Marcelo De Athayde Lopes, danse thérapeute
Valérie de Saint-Do , Rédactrice en chef de la revue Cassandre/Horschamp
André Debono, peintre (Nîmes)
Christine Deroin – écrivain
Martine Deyres, cinéaste, Besançon
Marcial Di Fonzo Bo, comédien et metteur en scène
Alain Didier-Weill, écrivain, auteur de théâtre
Claire Diterzi, chanteuse et compositrice
Annick Doideau, peintre (Paris)
Catherine Dolto, éditrice
Suzanne Doppelt, écrivain
Patrice Dubosc – cinéaste
Françoise Ducret, Peintre
Jean Pierre Ducret – Président du C.A. du Théâtre de Cavaillon
Denis Dufour, compositeur, Paris
Sophie Ernst, Paris, philosophe
Jean Michel Espitallier, poète
Christine Fabreguettes – artiste plasticienne Vaucluse
Serge Fauchier, peintre (Perpignan)
Stéfano Fogher – musicien, comédien
Patricia Geffroy, Animatrice ateliers d’écriture
Hala Ghosn, comédienne, metteur en scène, Paris
Sylvie Giron – danseuse, chorégraphe
Esther Gonon secrétaire générale de la Scène Nationale de Cavaillon
Jean Michel Gremillet – directeur de la Scène Nationale de Cavaillon
Angele Grimaldi, cinéaste
Jean Louis Guilhaumon – Maire de Marciac- Fondateur du Festival Jazz In Marciac.
Sabina Grüss –sculptrice
Mariette Guéna
Patrick Guivarch, responsable des cinémas UTOPIA d’Avignon
Pierre Helly – metteur en scène
Catherine Herszberg – journaliste, écrivain.
Gérard Haddad écrivain
Charlotte Hess, danseuse, chorégraphe. Animatrice sur Radio libertaire, Paris.
Stéphane Hessel, ambassadeur de France
Olivier Huet
Marie Jaoul de Poncheville, cinéaste, Paris
Jeanne Jourdren, médiatrice culturelle, Auray
Marie José Justamond, directrice artistique, directrice du festival Les Suds, à Arles
Charles Kalt, plasticien (Strasbourg)
Leslie Kaplan – écrivain
Daniel Kupferstein, réalisateur
Danielle Lambert, poète, auteure de proses brèves, Paris
Monique Lauvergnat Maire – adjointe à la Culture 84 Le Thor
Linda Lê – écrivain
Fred Léal, écrivain
Agnès Lévy, peintre
Isabelle Lèvy-Lehmann, photographe, Paris
Jean Pierre Lledo, cinéaste, Paris
Frédéric Loliée, comédienne, metteur en scène
Jean-Daniel Magnin, Secrétaire général du Théâtre du Rond Point
Thibault Maille, compositeur
Clotilde Marceron – musicienne, Cavaillon
Elissa Marchal, artiste peintre
Maud Martin, réalisatrice, Tours
Jacques Martinengo, artiste plasticien, 26- Dieulefit
Ismérie Marzone Lévêque, chanteuse, comédienne, Toulouse
Britta Medus
Daniel Mesguich, comédien, metteur en scène, directeur du Conservatoire d’art dramatique de Paris.
Xavier Moine, artiste plasticien,
Marie José Mondzain, philosophe
Mario Moretti – galériste socialiste – Pernes les Fontaine
Valérie Mréjen, cinéaste
Yves Müller – artiste – photographe
Véronique Nahoum Grappe – anthropologue
Eric Nonn, écrivain
Paul Otchakovski-Laurens, éditeur
Yves Pagés, écrivain et éditeur (Ed. Verticales), Montreuil
Xavier Person, écrivain.
Nicolas Philibert, cinéaste.
Rosie Pinhas-Delpuech, écrivain, directrice de collection, traductrice
Jacques Rancière, philosophe
Claude Régy, metteur en scène
Georgette Revest, artiste peintre écrivain, Marseille
Jean Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre du Rond-Point,
Christophe Ribet – comédien
Marcel Robelin, peintre (Nîmes)
Daniel Robert, Peintre
Patrice Rollet, co-rédacteur en chef de la revue Trafic
Pierre Rosenstiehl, mathématicien
Dominique Rousseau, auteur illustrateur Bédéiste
Valérie Rouzeau, Poète
Elizabeth Royer, galeriste
Caroline Sagot Duvauroux – peintre et poète
Lydie Salvayre – écrivain
Joshka Schidlow, critique de théâtre
Michèle Sébastia, Comédienne
Christine Seghezzi, réalisatrice
Meriem Serbah – actrice
Nicolas Sers, comédien, Paris
Emmanuele Scorceletti – photographe
Tristan Siegmann, photographe (Paris)
Anne Saussois, peintre (Paris)
Charlotte Szlovak, cinéaste, Paris
Dimitri Tsiapkinis, artiste chorégraphique, Tours
Catherine Vallon, Metteur en scène
Gérard Vallerey, écrivain et traducteur, Toulouse
Didier Vancostenoble, photographe, ancien directeur d’hôpital psychiatrique, 76 Tourvillela chapelle
Agnes Verlet, Ecrivain
Pascal Villaret, auteur, Alés
Elise Vigier, comédienne, metteuse en scène
Vanina Vignal, cinéaste
Véronique Widock, comédienne
Martin Winckler, écrivain
Mâkhi Xénakis, sculpteur
Catherine Zambon – auteure de théâtre et comédienne

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>Nouvelle édition du Campus Solidaire sur le thème « Un monde sans fous »

Prochaine rencontre, le jeudi 4 novembre 2010 à 19h30

Nouvelle édition du Campus Solidaire sur le thème « Un monde sans fous », documentaire de Philippe Borel, avec la participation de Paul Machto, psychiatre et d’autres membres du « collectif des 39, la nuit sécuritaire », collectif en psychiatrie.

Rens. : 05 56 49 95 95 ou http://campussolidaire.blogspot.com

L’objectif du Campus solidaire et de permettre à tous d’accéder à la connaissance. Il propose d’associer le public à des travaux préparatoires (documents, petits films, enquêtes…). Les thématiques sont variées : citoyennté urbaine, psychanalyse et société, globalisation et développement durable, technologies, sciences et envrironnement… Le Campus solidaire est gratuit, ouvert à tous et sans inscription préalable.

► Campus solidaire – Bâtiment 25 rue des Terres Neuves à Bègles – Tramway ligne C arrêt Terres Neuves – Bus 11/24 arrêt Auriac.

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>La Ferme du Vinatier

La Ferme du Vinatier ?

Le service culturel du Centre Hospitalier Le Vinatier est une interface originale reliant l’hôpital à la cité, intégrée à la politique d’établissement dès sa création en 1997 et ouverte à tous les publics.

Les projets 2010-2011

Concert jazz de l’Arfi
« Concert jazz de l’Arfi» ORGANISE DANS LE CADRE DU FESTIVAL ECLATS D’ARFI LE 26 NOVEMBRE 2010 A 20H A LA FERME DU VINATIER De janvier à juin 2011, (…)
Le 26 novembre 2010

Du patient-modèle au patient modèle : portraits de gens
« Du patient-modèle au patient modèle : portraits de gens » Exposition photographique DU 16 SEPTEMBRE AU 17 DECEMBRE 2010 SUR LES GRILLES DU CH LE VIN (…)
Du 16 septembre 2010 au 17 décembre 2010

LE SITE DE LA FERME DU VINATIER

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>Comment les représentants de l’Etat font d’une procédure de soins, l’hospitalisation d’office, un moyen d’enfermer les patients au mépris de l’avis des psychiatres.

A l’automne 2009, fraîchement arrivé dans les Pyrénées-Orientales, le nouveau préfet a décidé de s’attaquer aux sorties d’essai pratiquées dans les hôpitaux psychiatriques. Raison invoquée : le risque de « trouble à l’ordre public ». Le Dr Philippe Raynaud, chef de pôle à l’HP de Thuir, est l’un des premiers psychiatres à faire les frais de cette nouvelle politique.

« En septembre, les gendarmes ont ramené à l’hôpital certains patients en sortie d’essai sous prétexte qu’ils étaient potentiellement dangereux. Certains avaient un travail et l’ont perdu. On a actuellement un patient hospitalisé à temps plein depuis six mois alors que rien dans son état ne justifie qu’il soit consigné jour et nuit », s’énerve le psychiatre qui vit l’enfer depuis l’automne dernier.
Empêcher les patients de sortir ou pire les réintégrer quand ils sont dehors, en résumé les enfermer à l’hôpital psychiatrique… LIRE LA SUITE SUR LE SITE DES INROCKS

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>Follia e Italia festival de l'histoire de l'art : l'éloge de la folie (du 27 au 29 mai 2011)

Le ministère de la Culture et de la Communication créé un nouvel événement : le « Festival de l’histoire de l’art », qui se tiendra du 27 au 29 mai 2011, à Fontainebleau. Ce nouveau rendez-vous est présenté en exclusivité à l’occasion des « Rendez-vous de l’histoire à Blois » du 14 au 17 octobre. Découverte.

Follia e Italia.

Michel-Ange disait la porter en lui, Van Gogh en perdit son oreille et Camille Claudel sa liberté, le thème retenu est bien sûr la folie. Le « Festival de l’histoire de l’art », créé par le ministère de la Culture et de la Communication et qui se tiendra à Fontainebleau du 27 au 29 mai 2011, célèbre ainsi le 500ème anniversaire de la parution de « L’Éloge de la folie » dont Érasme commença l’écriture en Italie, pays invité d’honneur de cette première édition.

Avec pour objectif d’accueillir les chercheurs comme le grand public, les enseignants comme les collectionneurs, cette discipline sérieuse et rigoureuse engendre néanmoins une manifestation originale, festive et ouverte à tous.
Lieu aussi magique qu’ emblématique, Fontainebleau accueillera ainsi cette événement principalement dans son Château-musée, mais aussi à travers la ville dans son théâtre municipal ou à l’intérieur du cinéma l’Ermitage…
L’art entre Histoire et histoires. Autour du thème de la folie, le festival proposera conférences et débats avec de grands noms de l’histoire de l’art comme Pierre Rosenberg ou Michel Pastoureau, des sociologues telles Dominique Schnapper et Nathalie Heinich mais aussi des personnalités comme Jeff Koons, François Pinault ou Pierre Berger.

Trois Forums proposeront un panorama complet de l’actualité de la discipline. Ainsi l’un sera consacré au marché de l’art au mécénat et aux collectionneurs, un autre présentera les nouvelles découverte de fouilles ou d’archives et le dernier sera consacré aux nouvelles technologies comme la création et la gestion de bases de données.
Dans un cadre plus léger mais tout aussi instructif, pour la première fois en France, un festival du film d’art projettera documentaires, émissions et films d’auteur sur des artistes célèbres. Un salon du livre et des revues sur l’art permettra également d’acquérir la plus savante revue comme un beau livre…
Si le festival offrira aux enseignants une formation spécialisée lors d’ateliers pédagogiques et aux professionnels des rencontres organisées avec leurs homologues italiens, il n’oublie donc pas son objectif d’intéresser le grand public à l’histoire de l’art car comme l’écrit Milan Kundera « l’histoire d’un art est une vengeance de l’homme sur l’impersonnalité de l’Histoire de l’humanité. »

Site Officiel

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>Université Critique de Psychiatrie : Contrainte, droit, psychiatrie, résister à la dérive sécuritaire le 23 novembre 2010

Nous créons l’Université Critique de Psychiatrie !

Devant les dérives des systèmes de formation des professionnels du soin psychique, il nous semble important de proposer des « moments de formation » qui s’inscrivent dans une continuité historique, celle de la psychothérapie institutionnelle et du désaliénisme. Ces journées s’organiseront sur un thème à partir duquel les participants pourront présenter les questions que posent les pratiques quotidiennes. En deux espaces de travail, des intervenants en lien avec les animateurs/formateurs partagerons leur regard sur la question au travail. Nous sommes dans un souci de transmission et d’éclairages des concepts cliniques pour aider à la pratique au jour le jour au sein d’un collectif soignant.

Le programme complet sur le site

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>Non à la garde à vue psychiatrique

A l’issue du colloque tenu lundi 4 octobre 2010 à l’Assemblée nationale, sur le thème « Continuité des soins ou continuité de la contrainte ? », le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire lance un appel solennel aux préfets.

Sur Médiapart (contes de la folie ordinaire), la reprise d’une intervention importante de Noël Mamère, député et maire de Bègles : Psychiatrie: «un projet de loi inique et injuste»

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>Un projet de loi unanimement rejeté

Le 3ème Meeting national du Collectif des 39 a été un nouveau succès. Près de 1000 personnes ont participé à cette rencontre centrée sur le projet de révision de la loi de 90, « projet relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge ».

La mise en forme de ce Meeting a fait une large place aux débats, qui ont laissé apparaître dès le matin, l’inanité d’un tel projet de loi liberticide dont le seul but est de renvoyer « les schizophrènes en Schizophrénie ».

À noter les nombreuses prises de position de patients témoignant de leur refus de cette loi et du climat qui déferait les liens d’amitié et de confiance.

Des jeunes infirmiers ont aussi témoigné des lacunes de leur formation en psychiatrie et exprimé que parfois même des collègues vivaient, du fait de cette formation insuffisante « dans la terreur » des patients! Il y a là un effort très important à faire comme nous n’avons de cesse de le revendiquer.

Devant la nécessité de constituer un large front de refus de cette loi, dont il est totalement inconsidéré d’envisager quelques amendements que ce soit, nous avons invité les représentants des partis politiques et des syndicats à s’exprimer. Celles et ceux qui ont accepté notre invitation à prendre publiquement position vis-à-vis de cette loi, au nom de leurs organisations, ont été à la hauteur de nos espérances en refusant toute compromission.

Les partis politiques représentés, partis de gauche, PS, PCF, Europe Écologie -LesVerts, Parti de Gauche, NPA, ont affirmé leur rejet total de ce projet de loi, en se déclarant favorables à son retrait. La CGT au nom de la Fédération de la Santé et de l’Action Sociale ainsi que le syndicat Sud Santé sociaux se sont aussi prononcés pour le retrait du projet de loi.

Nous sommes très préoccupés de la position ambiguë de certains syndicats de psychiatres. Nous notons que le Syndicat National des Psychiatres Privés (SNPP) a partagé les critiques du Collectif des 39 sur le projet de réforme de la loi, ainsi que l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP) qui s’est aussi exprimée contre la loi en centrant sa position sur la proposition de la judiciarisation.

Le Collectif des 39 considère que la judiciarisation demande réflexion et nécessite des débats afin que les questions qu’elle soulève puissent être discutées. Cette discussion ne saurait représenter une divergence, et n’entame en rien notre détermination à faire front contre cette loi.

La position du SPH continue de nous étonner, critiquant comme nous l’essentiel de la loi et sa dérive sécuritaire, mais en acceptant les soins ambulatoires sous contrainte que nous considérons comme une régression des pratiques de soin, qui prétendrait répondre au déni psychotique par une contrainte prolongée au-delà de la crise. Lors des débats, nous avons rappelé que pour nous, le soin sous contrainte ne peut s’envisager que pour les périodes de crise, et que rien ne justifie d’étendre la privation de liberté au-delà de ce temps. L’exception que constitue les sorties d’essai n’a pas à devenir la règle.

Finalement, lors du débat, le président du CASP s’est exprimé d’une façon claire, pour le rejet de cette loi, ouvrant le chemin a une position plus radicalement affirmée des autres syndicats. La lutte doit continuer pour emporter toutes les conviction.

Au delà de la psychiatrie c’est la conception même du lien social qui est en jeu : la folie en tant que part indissociable de l’humain est un fait de culture. Ainsi, le collectif des 39 a-t-il lancé un « appel à la culture » qui s’adresse au monde de l’art et de la culture, le combat d’une hospitalité pour la folie n’étant pas qu’une affaire de spécialistes.

Selon l’écrivain Leslie Kaplan : « Ces mesures proposées par le gouvernement actuel révèlent une tendance profonde qui s’aggrave tous les jours : promouvoir avant tout et toujours la simplification, instaurer une civilisation simplifiée, dans laquelle je refuse de me reconnaître et que j’appelle ‘ une civilisation du cliché’ ».

Le passage à l’acte de la circulaire officielle du mois d’Août, désignant nommément un groupe de population à exclure marque un point de bascule de cet « Etat limite », décrit par Serge Portelli, magistrat, vers un Etat policier où la Norme devient loi.

Après les Roms, serait-ce au tour des fous ?

L’exécution en Virginie de Teresa Lewis ne peut que renforcer notre inquiétude sur la dérive de nos démocraties quand la norme fait Loi et que le sécuritaire allié au gestionnaire exclut de plus en plus de citoyens, poussant chaque sujet vers l’incarnation d’un « contrôleur de la norme ». Il est possible de dire « Non ! », et nous devons l’affirmer avec force devant toutes ces dérives.

Le débat ouvert par ce projet de réforme va au-delà de la seule question de la contrainte : Quelle est la nature de la norme incluse dans la notion de « santé mentale » ? Cette notion floue englobe des impératifs économiques de rentabilité du sujet. Madame Montchamp, présidente de la fondation FondaMental, député UMP, le dit de façon explicite dans le documentaire de Philippe Borrel, « Un monde sans fous » : « la maladie chronique, ou la santé mentale, changent la manière d’être compétent dans une entreprise, aller dans ce sens-là, c’est se donner les chances de plus d’efficacité, de plus de performance ».

Dans le climat ambiant, toute pensée est attaquée par un volontarisme simplificateur. Comme l’a remarqué Pierre Dardot, philosophe, nous vivons sous un régime de la norme. Les lois produites par le gouvernement ont une fonction : faire prévaloir des normes.

Ce 25 septembre 2010, nous avons encore une fois montré notre détermination. Il nous faut continuer à porter le refus de certaines pratiques, continuer à lutter sur ce terrain. Nos métiers sont touchés au quotidien par l’intégration de normes. Contre cela, il nous faut toujours plus travailler à la mise en commun, de nos savoir-faire et d’une conception humaniste de la psychiatrie et du bien commun.

La force et la dynamique du collectif des 39 a emporté durant cette journée l’adhésion de syndicats et des partis politiques. Notre refus du projet de loi sur les soins en ambulatoire sans consentement est désormais suivi par beaucoup qui appelaient initialement à « raison garder ». Ce n’est pas suffisant mais c’est un début.

Dès lors, les psychiatres, les professionnels qui acceptent ce projet de loi, font rentrer la haine et la défiance envers les patients dans des pratiques qui vont se centrer sur le contrôle.

Le collectif des 39 est né en réaction au discours de Nicolas Sarkozy le 2 décembre 2008 à Antony. Nous avions alors dis « Non » à la stigmatisation, à la banalisation de la violence institutionnelle sur les patients et les professionnels niés dans leur savoir faire. Il s’agit aujourd’hui encore de dire « Non » à cette loi liberticide et sans aucune dimension sanitaire. Cette journée de débat et de rencontre s’est clôturé par « l’appel des 1000 ».

Cette revendication sera répétée et confirmée lors de la journée de grève du mardi 28 septembre 2010 à l’appel des syndicats de psychiatres. Puis lors du colloque à l’Assemblée Nationale organisé par le collectif des 39 le lundi 4 octobre 2010.

Il ne peut y avoir de proposition d’amendement ou de volonté d’adapter ce texte. Tous ensemble, nous demandons le retrait pur et simple de ce projet de réforme.

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>Le projet de loi réformant les soins en psychiatrie : une insulte à la culture

Il faut être bête comme l’homme l’est si souvent pour dire des choses aussi bêtes que bête comme ses pieds, gai comme un pinson…… Le pinson n’est pas gai, il est juste gai quand il est gai, triste quand il est triste ou ni triste ni gai………………… J.Prévert

Lorsque s’imposera le bilan de l’action présidentielle de Nicolas Sarkozy, on ne manquera pas de constater la déflagration qu’il aura initiée entre l’Etat et les avancées civilisatrices, les acquis culturels de notre pays. Et l’on pourra dresser un sinistre catalogue : discours à l’université de Dakar sur l’homme Africain « pas assez entré dans l’histoire », loi organisant les soins psychiatriques sous contraintes en ambulatoire, centres de rétentions administratives à perpétuité, démantèlement de « camps » de Roms, de gens du voyage, création d’une inégalité des citoyens devant la loi, plaisanteries de mauvais goût devant les tombes des résistants des Glières, réponses insultantes à des citoyens en colère, mépris pour les lecteurs de la Princesse de Clèves, et bien sûr j’en passe. Promotion de la barbarie, insulte à la culture caractérisent cette politique.

Le discours présidentiel et la politique du gouvernement sont constamment marqués de la l’imperium de la culture du résultat ; l’action, fût-elle agitation volontariste, trouve seule grâce à leurs yeux. Or dans le champ du soin à la personne psychiquement en souffrance, cette orientation est catastrophique. Elle rejette les apports d’une clinique de la psychopathologie patiemment élaborés en particulier par les écoles françaises et allemandes, enrichie par la philosophie phénoménologique et par le génie freudien, approches qui nécessitaient d’écouter les patients cas par cas et une formation continue sérieuse de la part des praticiens de toutes catégories. Elle y projette au contraire une protocolisation des pratiques et une évaluation détachée de tout contexte clinique, fondée sur des définitions de traits pathologiques sans commune structure mais dont l’addition se prête à des statistiques abusivement transposées ici. Cette agitation pseudo scientifique accompagne de fait un virement volontaire, violemment scandé, s’insufflant obsessionnellement dans les media, de l’interprétation de la psychopathologie comme souffrance individuelle vers l’affirmation de la dangerosité du patient pour autrui.

On pourrait croire en effet sans rapport les errements du président et de son gouvernement avec l’observation de ce qui se passe en psychiatrie aujourd’hui ; pourtant, la préférence allant aux faux semblants, l’on y retrouve la haine de l’histoire et de la patience, de l’exigence intellectuelle, on y retrouve la lâche flatterie populiste de la passion de l’ignorance pour faire gober la promotion des entreprises de fabrications de coupables , on y retrouve une fermeture bornée aux hasards et à la singularité des rencontres qui fondent toute possibilité de création civilisatrice. Quand Picasso peignit son « Nain » d’après celui de Vélasquez dans « les Ménines » il était à l’apogée de son travail et en particulier du désapprentissage du savoir académique : lui-même affirmait : « à huit ans j’étais Raphaël, il m’a fallu toute une vie pour peindre comme un enfant ». Dans nos professions nous savons bien quelles difficultés il nous faut affronter, traverser, pour savoir ne pas savoir et nous laisser enseigner (sinon soigner) par l’aventure de la rencontre avec des patients. Le caractère parfois inouï de leur souffrance pourrait nous tenter de recourir à la maîtrise, au contrôle, à la tentative de modifier par la manipulation des comportements qui nous dérangent trop ; répondant par la violence à la peur qui parfois les envahit nous pourrions alors renoncer à ce que Tony Lainé appelait « sa profonde solidarité avec la folie qu’il y a dans l’autre » niant nos propres failles, nous nous retrouverions du côté de la barbarie dont l’histoire de la psychiatrie a souvent montré trop de preuves. Praticiens de ce champ particulièrement sensible à ce qu’être humain peut signifier, notre travail quotidien est de nous réunir grâce à une orientation qui limite ces tendances barbares, dites inhumaines ; sans les nier, de veiller à opposer à la mise au ban de tel ou tel malade, à la répression de tel ou tel comportement par l’abrutissement médicamenteux ou l’enfermement , l’offre d’un accueil pour l’histoire de chacun avec sa temporalité pour entrer en confiance, avec la singularité des médiations que chacun reconnaît ou invente.

Mais, nous voilà convoqués aujourd’hui là où la barbarie de la société de contrôle (au sens de Deleuze reprenant le syntagme de William Burroughs), tente de nous mener. Malgré la contestation radicale des psychiatres désaliénistes contre les lieux d’enfermement comme réponse à la question de la folie, malgré la leçon incontournable de Foucault, nous sommes conviés à participer activement à la recherche d’une maîtrise du symptôme par le contrôle des conditions de son émergence au domicile même du patient. Le projet de loi relative aux droits et à la protection (sic) des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge- qu’en terme galant ces choses là sont mises- organise la continuité de la contrainte au prétexte de la continuité des soins ; dévoiement de sens qui s’inscrit dans la cohorte des insultes à la culture, à l’apaisement du lien social qu’elle promeut , nouvel avatar qui vient stigmatiser une population et confirmer la défiance à l’encontre de ceux qui n’adhéreraient pas au projet médical les concernant ( non compliants faut-il dire !) mais aussi à l’égard de l’étranger, du paresseux, du lettré, du sans papier, de l’analyste et de son patient, du voisin, de l’artiste, de l’homme de passage, sans oublier le raton laveur, car ne sont ils pas des dangers potentiels pour le sommeil des bien pensants ? La promotion de la confusion entre Droits de l’homme et du citoyen et la mesquine petite somme des droits individuels permet d’agiter le chiffon d’une prétendue aspiration populaire à la sécurité plutôt que de se pencher sur les conditions de vie commune d’un peuple. Population facilement exclue à cause du mal-être qu’ils évoquent et que l’on préférerait ne pas voir, les patients comptent parmi les proies que s’autorise la puissance publique dans son entreprise nuisible de chasse aux boucs émissaires.

. Le projet de loi réformant l’obligation de soin pour les patients constitue donc un paradigme mortifère de cette tentative de destruction des solidarités garantes de la solidité du lien social entre les citoyens. Il s’agit là du projet cardinal d’un gouvernement pour lequel l’extrême droite est manifestement plus q’une compagne de route et pour lequel aussi la défense des intérêts des plus nantis impose d’organiser l’affrontement des plus démunis dans leur multiplicité et avec leurs intérêts parfois contradictoires, ou comment faire oublier l’affaire Woerth- Béttencourt en organisant la chasse aux Roms puis en septembre le soin sous contrainte en ambulatoire auquel nous sommes déterminés à livrer une bataille sans concession. Ce texte que députés et sénateurs seront amenés à examiner à l’automne prochain semble-t-il est une insulte à la culture car il ne laisse aucune place à ce qui du génie humain peut contribuer à tenter de donner hospitalité à la folie, il ne laisse aucune place au surgissement des potentialités créatrices qui, dans la folie, permettent à des sujets sur le point de succomber au tragique morcellement d’eux même , de reprendre pied, d’oser solliciter d’ autres personnes encourageant la trouvaille de suppléance à leur abîme pour que la vie ne soit plus complètement impossible. Les relations étroites entretenues par la folie et l’art, l’adoption par les équipes soignantes de la fécondité dont la souffrance psychique peut parfois être porteuse sont autant de témoignages contre l’atteinte à l’intégrité sociale et politique des patients qui constitue une insulte à notre culture fertilisée par le romantisme et le surréalisme.

La désignation des patients comme d’abord potentiellement dangereux est un raccourci inadmissible, un misérable contresens méconnaissant la fécondité poétique dont ils sont porteurs, méconnaissant l’apport de la folie à la connaissance de l’âme humaine, à ses créations artistiques, à ses trouvailles scientifiques. Ethiquement, elle est l’exact opposé de la considération attentive et solidaire que requiert toute pratique visant à prendre réellement soin de son contemporain. Philosophiquement elle dément honteusement l’incertitude fondamentale de la raison. . Cette loi se caractérise aussi par la protocolisation abusive du soin : l’absence d’un patient à sa séance, au temps de rencontre avec le soignant faisant l’objet non d’un questionnement, d’une mise en perspective clinique mais d’un acte normé, automatique, obligatoire, au nom naturellement des bonnes pratiques : dénoncer le sujet concerné à l’autorité administrative laquelle éventuellement le ramènera menotté à l’hôpital. Cette organisation visant au contrôle systématisé des « comportements » est un scandale dans le champ de l’aide, du soin. Elle consiste essentiellement à exclure les praticiens, toutes catégories professionnelles confondues de leur fonction primordiale : élaborer une réflexion sur leur travail pour ne pas nuire aux possibilités de traitement. Nous savons bien que la seule possibilité que nous ayons de préserver la dignité et l’intégrité psychique des patients, et la nôtre aussi, réside dans l’effort pour aborder l’énigme particulière de la souffrance de chacun, et cela comme Picasso peignant son Nain l’a fait, en se débarrassant des oripeaux du conformisme académique. Nous avons à chaque instant de nos pratiques à nous débarrasser autant que possible du fatras psychologisant et éducatif dont l’université fait volontiers la promotion. Nous avons aussi et surtout à nous débarrasser de tout ce qui pourrait nous paraître justifier que nous devenions acteurs du maintien d’un ordre public dont nous voyons au quotidien de l’arsenal législatif développé par les plus hautes autorités de l’Etat comment il tente d’imposer à un corps social au bord de la rupture les modalités les plus excluantes possibles du vivre ensemble et combien il confine à l’ordre moral dont le qualificatif de « nouveau » ne limite pas l’horreur. Avec, Freud nous ne pouvons pas y croire, mais avec lui il faut bien se rendre à l’évidence une fois encore : dans les moments de chamboulement de la société, aujourd’hui la mondialisation, les effets pacificateurs de la culture peuvent tomber les uns après les autres et quelquefois massivement. Le pire déferle alors et son cortège d’agonies, sa géhenne d’espérances perdues. Marquant l’extrême difficulté qu’il y a justement pour les hommes à vivre ensemble, à se retrouver dans le Babel des langues et des pulsions, le pire ne demande qu’à faire retour, livrant chacun sans limite à prendre sa place selon son organisation psychique au fil des événements , dominant ou dominé et parfois les deux à la fois, scène ouverte par l’oppression de l’homme par son semblable, avec « la paille de la misère pourrissant dans l’acier des canons » pour reprendre encore Prévert… Or l’on nous propose sans merci, le pauvre langage du président de la République en témoigne sans cesse, de faire la guerre contre ci, la guerre contre ça ; après la guerre économique le temps est à la guerre à la délinquance et à ceux qui l’incarnent : fous, roms et sans papiers faisant, semble-t-il, bien l’affaire. Bernard- Henri Lévy dans son article du Monde intitulé « les trois erreurs de Nicolas Sarkozy : mépris des Roms, outrage à l’esprit des lois, discours de guerre civile » écrit : « tenir le langage de la déchéance […] c’est la garantie d’une société fiévreuse, inapaisée, où chacun se dresse contre chacun et où le ressentiment et la haine seront très vite les derniers ciments du lien social » Nous savons bien pourtant comment les fous, souvent déjà témoins d’horreurs passées, subissent parfois et pour les mêmes raisons le sinistre sort de ceux que la bête désigne comme boucs émissaires des malheurs du monde. L’étymologie peut être d’une aide précieuse dans la compréhension de ces tristes voisinages : Aliéné du latin alius l’autre, le radicalement étranger, dont vient aussi témoigner la traduction allemande du mot aliéner : entfremdung, rendre étranger donc. C’est vraiment à ceci que nous sommes conviés : faire des patients des étrangers radicalement autres et dont il ne faudrait que redouter la violence. Il s’agit là d’une proposition éthiquement inadmissible, une fois encore, une insulte à la culture à laquelle nous refusons de nous associer. Le 2 décembre 2008 un discours offensif contre nos patients avait été proféré, il n’était pas forcément de bon ton, au cénacle des professionnels de l’enfermement, d’y voir une attaque grave aux libertés publiques ; la suite vient et organise un statut très particulier de l’humain en souffrance psychique ou de n’importe qui troublerait l’ordre public du fait d’un comportement incompatible avec les exigences de l’ordre moral. Ainsi l’on pourrait demain se voir imposer des soins psychiatriques sous contraintes éventuellement à la maison voire une hospitalisation. Cette dernière se déroulerait dans des lieux « sécurisés »( pour lesquels rappelons le soixante dix millions d’euros ont été débloqué par le ministère en trois mois) et dans des conditions où aller et venir librement serait graduellement limité sinon empêché essentiellement selon l’appréciation de l’omnipotente autorité administrative et l’étrange bénédiction présidentielle : « personne mieux qu’un policier de haut vol ne saurait en exercer les prérogatives », le tout éventuellement sur signalement des directeurs d’hôpitaux obligatoirement prévenus par les équipes soignantes.. Lacan reprenant le Balcon de Jean Genet rappelle à propos du rapport du sujet avec la fonction de la parole que « si est un rapport adultéré un rapport ou chacun a échoué et où personne ne se retrouve [….] continue de se soutenir si dégradé soit-il[…]comme quelque chose qui est lié a ce qu’on appelle l’ordre et cet ordre se réduit quand une société en est venue à son plus extrême désordre à ce qui s’appelle la police ». Dans la pièce de Genet, les petits vieux réclament des uniformes de généraux, d’évêques et de juges pour jouir dans le ventre des prostituées mais personne ne demande à enfiler les oripeaux du préfet de police qui choisit le phallus comme emblème, lui qui, pivot de tout, se désespère en même temps que sa fonction ne soit pas assez attractive pour que l’on souhaite s’identifier à lui. Il va de soi que nous ne saurions empêcher le président et ses préfets de jouir de leurs semblants phalliques, le voudrions nous que n’en n’aurions pas les moyens, mais nous avons le projet résolu d’empêcher qu’ils emportent les plus vulnérables d’entre nous dans leur préoccupante sarabande. « L’Etat qui fait la guerre se permet toutes les injustices, toutes les violences » dit Freud dans ses « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort ». Il y a dans le projet de loi qui nous bouleverse une réelle violence instituée, d’autant plus inquiétante que le principe civilisateur, l’apaisement créatif du lien entre les citoyens, sera d’autant plus difficile à mettre en œuvre dans ce moment de risque de « grande misère psychologique des masses » pour là encore reprendre Freud.. Les prochaines dispositions législatives concernant les personnes nécessitant des soins psychiatriques sont à l’aulne de ce qui s’enseigne sur les bancs des écoles de médecine et de soins infirmiers : c’est ainsi qu’il est enseigné dans les établissements publics de santé une méthode consistant à permettre au personnel devant un patient agité
, de savoir utiliser tel ou tel outil relationnel stéréotypé pour pacifier la situation ou à défaut d’utiliser des techniques issues des arts martiaux ; la guerre disais-je ; c’est ainsi qu’il faut déplorer la suppression progressive mais rapide des formations universitaires en psychopathologie, c’est ainsi que telle officine de recherche établit un classement ridicule de l’efficacité des thérapies, c’est ainsi encore que s’organise un diplôme de psychothérapeute visant à former en trois ans des professionnels de la psychothérapie.Ces pratiques tiennent lieu de réflexion référencée approfondie, prudente et précautionneuse sur les causes, le sens de la survenue de tel ou tel évènement, insulte à la culture vous dis-je. Il y a lieu à ce propos de constater que ce désastreux dévoiement de nos pratiques et de l’enseignement n’est pas de la seule responsabilité du gouvernement. Certains professionnels y ont leur part qui en effet réclament, enseignent, promeuvent, appliquent ces méthodes simplificatrices et violentes de relation avec les patients. La contrainte à la maison, l’immobilisation techniquement maîtrisée en lieu et place de la tentative toujours retravaillée de trouver les moyens d’une réelle hospitalité pour la folie, constituent ainsi les moyens nouveaux proposés aux professionnels dans l’exercice de leur profession. Nous avions pourtant mis beaucoup d’espoir dans la révolution copernicienne en psychiatrie qui ne centrait plus la question de la folie sur celle de l’asile ; nous avions cru dépassée la loi d’exception dont le premier effet avait été d’imposer un statut hors le droit commun à ceux que la parfaite étrangeté qui les définissait avait fait nommer « aliénés ». Nous voilà aujourd’hui renvoyés à cette approche ségrégative donnant aux plus fragiles d’entre nous un statut d’extra territorialité, les excluant du droit commun et les assignant au titre de leur souffrance particulière à l’enfermement à l’hôpital ou pire encore désormais, chez eux. Nous n’aurions pas dû oublier qu’un an avant sa mort, huit ans après sa condamnation définitive, Galilée, devenu complètement aveugle, écrivit dans un sonnet : »Monstre je suis plus étrange et difforme Que harpie sirène ou chimère…. Et je perds et mon être et ma vie et mon nom » La barbarie du savoir dogmatique, de la norme indiscutable peut aussi défaire le sujet péniblement rassemblé autour de sa faille originelle. Nous avons eu tort d’imaginer le progrès désaliéniste comme définitif, sans doute n’avions- nous pas assez bien lu Freud et son « Avenir d’une illusion » : toutes les avancées démocratiques, toutes les inventions esthétiques demandent à être soutenues, sans relâche tant elles sont fragiles.

Nous n’acceptons pas cette réforme imposée du soin en psychiatrie qui ne tient aucun compte de ce que la réflexion clinique attentive permet de médiations, d’inventions chaque jour à chaque rencontre avec chacun des patients dont la singularité de la souffrance nous enseigne les méandres de la complexité psychique , dont l’histoire particulière avec ses appartenances sociales et ses origines sur le globe est à considérer avec bienveillance là où le sarkozysme, pauvre référence politique mal inspirée des plus sinistres thèses stigmatisantes et rejetantes, ne veut rien savoir de la fécondité des brassages ethniques et culturels.

Le pouvoir s’attaque chaque jour un peu plus au socle sur lequel la République s’est construite, il a entrepris une destruction quasi systématique des propositions du Conseil National de la Résistance, il met à mal les droits essentiels de l’homme et du citoyen, organise des niveaux différents de citoyenneté, s’attaque à ce que l’histoire récente de la psychiatrie a tenté de développer, il met ainsi en danger la civilisation, la culture même qui permet aux humains d’essayer de vivre ensemble. Il y a là plus que jamais une ardente obligation à s’opposer à cette casse, à refuser d’appliquer des lois sans légitimité, à continuer d’essayer d’établir pour les générations à venir les bases d’une civilisation non excluante, les fondements d’une organisation sociale ou dire le mot culture ne serait pas une insulte.

Nous sommes aujourd’hui dans la position décrite par Francis Ponge à propos de Giacometti : « l’homme en souci de l’homme, en terreur de l’homme, s’affirmant une dernière fois en attitude hiératique, d’une suprême élégance. Le pathétique de l’exténuation à l’extrême de l’individu réduit à un fil » Ce fil est fragile, il tient chacun des hommes et ne demande qu’à se rompre, nous sommes garants du maintien de son intégrité, c’est ainsi que les poètes, les peintres, les musiciens pourront continuer à tisser avec ce fil à quoi nous sommes réduits, la beauté et l’espérance du monde.

Il y a un acte de profonde culture à refuser le projet de loi organisant des soins sous contrainte à domicile, un des actes de résistance que la dérive actuelle du pouvoir exige, comme de refuser le traitement discriminatoire de certaines catégories de citoyens réduits aux actes commis par une infime minorité d’entre eux. Il y a lieu de prendre ainsi notre place, « calmes sous nos sabots, brisant le joug qui pèse sur l’âme et sur le front de toute humanité » pour citer Rimbaud dans son poème « Morts de quatre vingt douze ».

Michaël et Jacqueline Guyader.

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>Judiciariser est-il si judicieux ?

Après tout, les partis et syndicats sont responsables de leurs stratégies. Il est d’autant plus important dans cette période que le groupe des 39 continue « d’incarner » un groupe de réflexions et de discussions voire de propositions qui maintient, au sein d’un même mouvement partagé, de l’hétérogène.

Les quelques lignes qui suivent visent essentiellement à alimenter la discussion. Peut-être nous faut-il remonter un peu dans le temps, pour interroger ce que nos sociétés ont mis en place avec l’avènement de la loi de 1838.

« Judiciariser est-il si judicieux ? »

Le projet de réforme de la loi de 1990 va prochainement être discuté à l’assemblée nationale. Cette proposition survient au milieu d’une avalanche de textes sécuritaires et n’y échappe pas.

En ce qui concerne l’hospitalisation sous contrainte un certain nombre d’entre nous pense qu’il serait judicieux de proposer que la décision d’hospitalisation sous contrainte soit d’ordre juridique.

Bien souvent une phrase résume cette position : pas de privation de liberté sans l’intervention d’un juge, garant encore à ce jour du contradictoire même si cela n’est pas inscrit dans le marbre. Le débat est ouvert. D’une certaine manière, il sera plus important qu’une éventuelle orientation vers telle ou telle modalité, qui pour devenir effective, n’empêchera pas que ce débat persiste si nous le souhaitons.

Le« package », où le placement judiciaire est intégré comme proposition dans la protestation contre ce projet de loi, qui vient d’être signé par différents partis et syndicats est de mon point de vue une erreur stratégique dont il convient de prendre acte sans pour autant nous opposer dans une division stérile afin justement de ne pas enterrer le débat en pensant que cette incise mettrait fin à la nécessaire discussion entre nous, pour constituer deux clans définitivement fermés, les pour ou contre la judiciarisation.

Après tout, les partis et syndicats sont responsables de leurs stratégies. Il est d’autant plus important dans cette période que le groupe des 39 continue « d’incarner » un groupe de réflexions et de discussions voire de propositions qui maintient, au sein d’un même mouvement partagé, de l’hétérogène.

Les quelques lignes qui suivent visent essentiellement à alimenter la discussion. Peut-être nous faut-il remonter un peu dans le temps, pour interroger ce que nos sociétés ont mis en place avec l’avènement de la loi de 1838.

La Raison comme fiction politique : la mise à l’écart de la folie

La loi de 1838 inaugure à la fois un mode de traitement de la folie, puisqu’elle est aussi une loi de financement des établissements qui seront régis par elle, en même temps qu’elle inaugure les modalités d’une protection de la société contre les actes des personnes qu’elle reconnaît folles et qui pourraient porter atteinte à l’intégrité de ses membres et ce dans l’actualité de leur folie telle qu’elle pourrait s’exprimer au quotidien.

Pour mémoire rappelons que la loi de 1838 est une loi qui organise le centre de l’action du corps psychiatrique, médecins aliénistes et gardiens, pendant ce temps de mise à l’écart.

Voilà peut-être pourquoi c’est le terme de placement qui est retenu et non pas celui « d’asilification », l’acte de l’autorité administrative ne porte pas prioritairement sur la réponse, sur le soin, sur le traitement y compris moral, sur ce qui se ferait au sein de l’asile mais sur la mise à l’écart. Cette mise à l’écart est massive puisque ces personnes sont en même temps « interdites ». Elles perdent leur capacité civile. Il faudra attendre la loi de 1968 sur les incapables majeurs pour séparer le temps du placement et la capacité civile. Les choses étant toujours plus compliquées qu’on ne peut les décrire, une petite part est réservée aux soins : une ébauche de la reconnaissance du soin existe dans une analogie du libre consentement par le transfert de la question de la liberté individuelle, au titre du placement dit volontaire. Ici c’est la volonté du peuple, pour le dire de manière un peu grandiose et amplifiée qui vient se substituer à la volonté que devrait avoir la personne de se faire hospitaliser pour se soigner. Dans la logique de cette mise à l’écart, le placement volontaire transfère par le biais d’une personne prenant intérêt au devenir d’une autre, la volonté de se faire soigner et déplace ainsi la question de consentement éclairé vers les proches. D’abord la mise à l’écart, après le soin. Dire qu’il n’y a pas de différence entre la loi de 1838 et la loi de 1990 dans son fondement n’est pas tout à fait juste.

L’entrée dans la Raison comme norme : la folie comme pathologie

La loi de 1990 ne place plus, elle hospitalise. Au-delà probablement des intentions du législateur, elle déplace l’imaginaire social vers un nouveau modèle où l’autorité administrative ne gère plus principalement les atteintes à la sûreté des personnes reconnues folles en prenant une mesure de protection de la société, elle ordonne aussi la réponse en déplaçant la problématique de la mise à l’écart vers le soin. Le diable se cache dans les détails, cette petite extension de la portée des décisions administratives aux soins, qu’on soit d’accord ou pas de la considérer comme un progrès, est néanmoins à prendre en compte historiquement. De même la demande d’un tiers estompe la question de la volonté comme projet politique partagé, pour la remplacer par quelque chose assez proche de ce que cherche à mobiliser le « Care ».

La loi de 1838 fonde un corps celui des aliénistes et des gardiens missionnés pour « traiter » ceux d’entre nous qui n’auraient pas accès à cette fiction partageable et cela en dehors de l’espace commun dans une micro société disciplinaire où ils ne peuvent pas être maintenus si les motifs qui les y ont conduits ont cessés. Dans ce montage social quand les troubles gênants ont disparu, les questions soulevées par la folie sont mises en attente.

Le « nul n’est censé ignorer la Loi » peut s’appliquer à tous, du coté de l’emphase déclarative même aux puissants de ce monde puisque sont écartés ceux qui sont reconnus « insensés ». La loi de 1990 opère un petit glissement, elle ouvre la porte à un imaginaire où le soin répond aux questions posées par la folie du coté d’une pathologie de la Raison. Pour résumer nous sommes passés insidieusement de – d’abord écarter puis soigner – avec la loi de 38 à –soigner en écartant – avec la loi de 1990. En précisant que ce mouvement que je décris n’est pas le réel des pratiques psychiatriques, il fait tout simplement partie de la donne.

Je fais l’hypothèse suivante : du côté des institutions proposées par l’État ( Ce qui est différent des pratiques « réelles » des institutions), avec l’abandon de la loi de 1838 nous sommes passés de l’ancien asile qui fonctionnait comme une « rustine » appliquée sur la bulle de la Raison comme fiction politique où la médecine psychiatrique recevait de fait un mandat de gestion de la folie avec son territoire attenant : l’asile et son domaine agricole, avec quelques petits privilèges dit « de fonction », différents selon qu’on était aliéniste ou gardien, tout le monde y trouvant plus ou moins son compte, nous sommes donc passés à un déplacement de la gestion de la folie par changement progressif de son territoire attenant : l’hôpital psychiatrique et son domaine : le secteur. Là où le domaine asilaire et agricole pouvait faire aussi office d’espace de travail et de déambulation, c’est maintenant le secteur qui se trouve poussé comme prolongement de l’hospitalisation psychiatrique construisant une nouvelle donne.

Avec les soins ambulatoires sous contrainte, le projet de loi propose que ce soit le secteur qui devienne un espace de déambulation et de travail. Il faut ici prendre les choses très au sérieux, c’est l’amorce d’une extension vers la société civile d’un modèle disciplinaire. je ne m’étends pas trop là-dessus pour ne pas alourdir le débat, si ce n’est en formulant une question qui n’est pas faite pour qu’on y réponde mais pour qu’on la maintienne comme question et cogitation :

Quelle différence y a-t-il entre la définition de la santé par l’OMS et la race aryenne ?

Là encore je ne porte pas de jugement critique sur la politique de secteur, ne poussons pas d’emblée des cris d’orfraies. Le secteur pensé dans la suite de l’expérience psychiatrique de la résistance et construit sur son modèle territorial n’a jamais milité chez ses fondateurs et continuateurs pour cette évolution. Elle n’est d’ailleurs pas sensiblement consommée, loin de là mais pour autant ne sous-estimons pas que flotte dans l’air son odeur de soufre,

Je nous préviens que le passage de la loi de 1838 à la loi de 1990 n’est pas aussi anodin qu’on le croit. Bonnafé en son temps nous avait averti en expliquant à qui voulait bien l’entendre, qu’au-delà d’une déclaration aux effets politiques massifs telle que article 1, les lois précédentes sont annulées, la question n’était pas d’améliorer, de rendre plus efficace les modalités de placement sous contrainte mais de mettre en place les conditions politiques et pratiques du dépérissement de leur utilisation. La loi de 1990 est un produit de la gauche gestionnaire qui ouvre à l’extension d’une psychiatrie experte et normative, ce n’était pas consciemment souhaité comme tel mais c’est inscrit dans les modifications minimes et pourtant significatives apportées à la loi de 1838 : Hospitalisation, demande d’un tiers, 2 certificats… Je ne nie pas que quelques éléments de la loi de 90 énoncent un plus grand soucis des patients, je dis simplement qu’elle a permis d’occulter, en période de développement effectif des pratiques sectorielles, les vrais problèmes posés par la folie, soit de son accueil, pour concentrer la réflexion sur le temps de la contrainte, proposant ainsi que la politique de secteur ne soit plus tant le lieu d’émergence de différentes formes de pratiques insérées au plus près dans la communauté mais une extension de l’hôpital psychiatrique. La loi de 90 est une loi qui a servi essentiellement à détourner l’attention des pratiques sectorielles.

Ce petit rappel m’apparaît nécessaire pour mieux comprendre ce qui se joue dans ce que nous propose cette nouvelle loi qui n’hésite pas à jouer le populisme sécuritaire en proposant de réduire la folie à n’être vouée qu’à un simple traitement de police même pas sanitaire. Quel enseignement retirer de la loi de 90 au moins deux choses : Un escamotage des questions réelles que rencontrait la psychiatrie en déséquilibrant le poids des équipes psychiatriques innovantes qui tiraient l’ensemble de la profession, pour redonner la main avec l’aide probablement d’un assez grand nombre, au temps de la contrainte hospitalière avec tout le montage organisationnel lié au dispositif des établissements hospitaliers. Les grands gestionnaires du détournement de la bonne utilisation de l’argent solidaire, profitant de l’aubaine liée aux pratiques novatrices qui avaient mis en place une diminution du nombre des lits hospitaliers, rendue possible par les pratiques dans la communauté, pouvant enfin s’exclamer haut et fort que le secteur était une affaire dépassée et qu’ils représentaient, eux les rois de la procédure, le sérieux de gestion de l’urgence…

Le deuxième escamotage s’inscrit dans la suite du premier, la question de la folie avec le passage du placement à l’hospitalisation n’est plus tant une affaire qui concerne les limites du projet politique de la raison (écarter) mais un désordre (hospitaliser) relevant de la science. Ce que les comportementalistes vont savoir exploiter sans vergogne. Il est des ouvertures qui sont de véritables pièges, ce qui est en débat aujourd’hui tient à ce que, sous prétexte d’ouverture, la loi de 90 a été inscrite dans une quasi réflexion permanente, la nouvelle loi étant présentée comme l’aboutissement de cette réflexion.

Qu’est-ce que la psychiatrie ?

Insidieusement le pouvoir constitué a proposé à la profession de réfléchir à l’amélioration de la loi de 90. Façon là de diminuer le poids des pouvoirs constituants. Cela a permis pendant quelques années de créer des petits cercles d’excitation autour de la meilleure façon de mettre en place la contrainte, ce qui n’a pas été sans déplaire à quelques syndicats et partis politiques..Voilà déjà quelques arguments qui en eux-mêmes devraient créer chez nous une certaine retenue avant de tomber dans le piège des propositions répondant au plus près de ce mouvement, étant entendu que la question n’est pas de parfaire sans cesse les modalités d’admission sous contrainte mais bien plutôt de se donner les moyens d’accueillir au mieux et aussi rapidement que possible dans la communauté les personnes hospitalisées, par un vrai travail institutionnel et singulier de suivi sectoriel, tout ayant été mobilisé par ailleurs pour éviter cette contrainte.

C’est quand même étonnant qu’en période de profonde régression on puisse se démener pour parfaire l’entrée sous contrainte dans les établissements psychiatriques. C’est un peu comme si en période de disette on se battait pour perfectionner les instruments de mesure servant à peser le peu de denrées alimentaires disponibles.

J’en viens maintenant à la question de la judiciarisation et la phrase clé : « Toutes privations de liberté doit être ordonnée par un juge. »

Je veux bien croire en la justice de mon pays et avaler ainsi le glaive de la justice mais enfin quand même pas le fourreau : aurait-on oublié que les privations de liberté ordonnées par les juges relèvent de la punition, les juges privent de liberté des personnes en les envoyant en prison pour les punir des actes qu’elles ont commis. Je ne dis pas que les gens hospitalisés sous contrainte ne sont pas privés de liberté et encore, il y a une petite trentaine d’année la très grande majorité des pavillons d’hospitalisation psychiatrique avaient une privation de liberté un peu plus souple et ouverte PO et PV compris. Je tiens à nous prévenir du risque, une fois passé le moment du combat militant et respectable motivant ce choix, de ce qui en restera : une analogie de procédure qui permettra aisément de déduire que cette privation de liberté soit du même ordre que la punition par l’enfermement en prison. Et puis remarquons quand même que notre démocratie républicaine a décidé de ne pas punir les gens qui commettent des actes sous l’effet de la folie. C’est-à-dire qu’ils sont reconnus comme n’ayant pas commis un acte qui relève de la justice des hommes qui eux sont reconnus comme pouvant partager la Raison dans un même projet politique. Comme le dit le garde des sceaux dans la discussion sur la Loi de 38 : « leurs actes ne se font pas en intention… » Et on demanderait à cette même justice de décider s’ils doivent être conduits ou pas sous contrainte en milieu hospitalier et bientôt même tomber sous le coup d’une contrainte aux soins en ambulatoires ? C’est-à-dire qu’on anticiperait un nouveau modèle où les comportements délirants incompréhensibles des individus relèveraient d’une mesure judiciaire de quelque nature qu’ils soient ? Que feront les juges sinon de s’appuyer sur des expertises. Je n’ose même pas imaginer le corps d’experts qui va se constituer dans la suite et leur fonctionnement au quotidien dans ce qui deviendra une procédure rapidement banalisée. Le langage aidant on parlera de contraintes judiciaires aux soins y compris en ambulatoire. Je comprends que pour certains cela offrirait une meilleur garantie que celle dévolue aux préfets qui sont les représentant de l’État et dont la crainte est lié à leur soumission au pouvoir politique en place.

Il n’empêche que l’on se servirait de la folie pour entrer dans un monde de justice positive ? On laisserait tomber ce qui est au centre du droit moderne que la justice c’est le pathos des hommes et non pas la prescription du bien faire ? En plus on reconnaitrait ainsi une relation organique entre soins et justice. Philippe Rappart aimait à rappeler que les malades dangereux lorsqu’ils étaient en psychiatrie n’étaient pas dangereux mais difficiles. Quel serait l’utilité de ce dispositif ? De mieux protéger les personnes d’une hospitalisation arbitraire ? Mais heureusement le droit les protège puisqu’elles peuvent saisir le tribunal pour rappel : Art. L.351. – Toute personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, tout parent ou toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate. Toute personne qui a demandé l’hospitalisation ou le procureur de la République, d’office, peut se pourvoir aux mêmes fins. Le président du tribunal de grande instance peut également se saisir d’office, à tout moment, pour ordonner qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estimerait utiles sur la situation d’un malade hospitalisé.

C’est la fonction de la justice d’intervenir si quelqu’un se sent lésé par des actes commis contre lui, si on résume l’intervention du juge servirait à se protéger des risques trop politiques de la décision du préfet. En cette affaire la fin ne justifie pas tous les moyens, d’autant qu’il est plus simple de protester politiquement contre une décision politique que contre une décision judiciaire, ne l’oublions pas.

Que disait-il déjà Montesquieu ? « Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice… » La sécurité n’est pas la sûreté.

Je remercie Frédéric Gros qui me rappelait que vivre en sécurité a, dans notre histoire, désigné vivre à l’abri du pouvoir en place, nous ne pouvons que constater la constante progression vers une insécurité calculée et programmée qui infiltre à des niveaux divers nos démocraties libérales. Libéral est un terme qui a d’abord exprimé chez de nombreux auteurs la liberté de penser librement dans le mouvement des lumières sans être soumis aux humeurs du prince, ce qui les obligeaient à changer de contrée, à publier sous de faux noms voire à dicter à un serviteur leurs textes pour ne pas être reconnus. La complexité des mouvements politico économiques, des théories, déjà si différente entre un Adam Smith et un Ricardo, des critiques de Marx chez qui, j’ai le souvenir d’avoir lu que : nul ne pouvait nier que le libéralisme était un progrès pour l’homme à ceci près qu’il porte en lui à plus ou moins long terme la destruction de l’homme. Complexité encore des effets des pratiques de l’industrialisation avec l’arrivée massive de la financiarisation. Bref tout cela pour ne pas oublier la question de la liberté et l’extrême complexité qui se draine sous ce terme qui ne cesse de poser question dans les réglementations du quotidien, des droits d’auteur via l’internet aux hospitalisations sous contrainte. Il n’est pas anodin de remarquer que là ou l’usage employait le mot sureté (sûreté nationale, compromettre l’ordre et la sûreté des personnes…) c’est le mot sécurité qui vient à sa place laissant sous entendre qu’en ce qui concerne les actes commis au nom du pouvoir en place un petit tour de passe-passe serait suffisant pour les qualifier, la « pureté » des gouvernements et de la démocratie laisseraient croire que l’ancienne question de la sécurité des citoyen aurait disparu comme par enchantement ! Étrange que le mot sûreté se retrouve dans « la rétention de sûreté », nouveau fait du prince et de ses experts contre la tradition de l’histoire fondatrice de notre droit. Nouveau droit contre le droit, droit de contrôle et non plus de saisie collective des conflits et délits. Alliance d’un nouveau droit contrôlitaire avec les experts en actes à commettre, qui inverse l’usage de ce qui ne relève pas de la sureté mais de la mise en place d’un état d’insécurité, en employant ici le qualificatif de sûreté pour construire une rétention sous couvert de la justice. Rétention d’insécurité, en légiférant pour fonder un nouveau modèle, celui d’un droit qui punit non plus les actes commis mais ce que des experts construisent d’une destinée qu’ils attribuent à des personnes avec un pourcentage de prédiction assez élevé pour les retenir non pas par sûreté mais par un retour de non sécurité. Ce droit contre le droit moderne n’est rien d’autre que le retour sous une forme nouvelle d’une insécurité citoyenne réglementaire, qui plus est, il ne s’adresse non seulement à des individus en tant que tels mais il inclut l’individu concerné dans une cohorte comme autant de groupes spécifiques par leur mode de gestion : la cohorte des récidivistes supposés impose sa loi du nombre à l’individu. Il nous est de moins en moins interdit de penser que cette « scientasmatique » ainsi constituée qui unit un État contrôlitaire à un nouveau droit prédictif attirera vers elle bon nombre de savants fous, ivres du pouvoir de prédire et qui n’hésiteront pas, au nom du progrès, à détourner tout ce qui concerne les avancées complexes de la transmission de l’humain pour la mettre au service d’une surveillance y compris scientifique, c’est ce fantasme que je désigne du terme de scientasmatique. C’est dans ce contexte que se discutent les modifications de la loi de 90 et le passage de l’hospitalisation sous contrainte aux soins sous contraintes. De la chose publique au contrôle du public Cette insécurité prend un tour nouveau, ce n’est plus seulement le fait du prince dirigé contre un « gêneur » mais aussi la surveillance de chacun par chacun, la politique de la peur a-t-on dit avec juste raison. Je ne suis pas sûr, dans ce contexte, que l’appel aux pouvoirs constitués soit ce qu’il y aurait de plus pertinent. Le pouvoir en place pourrait tout à fait se saisir de la judiaricisation sans que cela modifie sa politique de la peur. Le droit s’il est politique dans le vote des lois offre bien moins de place à l’action politique au temps de leur effectivité judiciaire. Peut-être pourrions-nous proposer autre chose que de parfaire la loi de 90 ? C’est une piste que je lance en partant de ce constat d’une évolution contrôlitaire de nos démocraties. Le contrôle isole tellement chacun dans un mouvement de forçage pour cantonner les individus dans un rapport qui les éloigne d’autant de la politique qu’il les oblige à se caler sur une prétendue norme. Cette norme qui trouvait sa limite dans la folie doit être contournée en réduisant la question de la folie au modèle du traitement délictuel dont le schizophrène dangereux forme la clé de voute. Ainsi serait délictuel de ne pas se soumettre à des soins sous contraintes en dehors de toute actualité d’un risque sérieux de porter atteinte à l’intégrité des personnes. Ainsi des gens seraient sous contrainte dans la société parce que porteur de pensées dites pathologiques. Ainsi on quitterait la logique de la protection des personnes contre des actes, ce qui est dans son principe est tout à fait entendable, pour mettre en place un système de contrôle des pensées. C’est le premier grand volet de l’isolement. Le deuxième volet consiste en la mise en dépérissement de la chose publique dont nous sommes solidairement et politiquement propriétaires en la soldant pour partie au privé et en introduisant en son sein la machine à séparer les personnels soignants, les travailleurs en petites unités évaluables. Une perfection « démocratique » de l’ancienne techno bureaucratie gestionnaire des pays de l’est, l’auto évaluation y remplaçant l’auto critique. Nous avions été très heureux de la chute de ce modèle du communisme adjectif comme dirait Rancière. Avec la chute du mur de Berlin, ce que nous n’avions pas imaginé c’est qu’il était tombé du mauvais coté. L’isolement n’est pas un individualisme. La dynamique institutionnelle ne relève pas des techniques évaluatives verticales et individualisées, La psychiatrie désigne avant tout un espace de rencontre et de travail qui est aussi constitué par les tensions entre les énoncés sociaux et les singularités d’où qu’elles viennent : patients bien sûr, amis et familles de patients, professionnels du soin, de la culture… ce qui inclus les singularités de passage. Ces espaces de travail produisent de l’institutionnel en mouvement à la condition que les institutions hôtes redonnent la parole aux singularités en refusant d’avoir pour mission première de colmater leurs failles. Voilà contre quoi nous devons lutter plutôt que de mettre le doigt dans un perfectionnement de la contrainte. Pour que cette espace tienne, que le travail de tous puisse y faire ouvrage ou œuvre, soulagement, peut-être convient-il de partager les questions de la folie comme affaire de chose publique ? Peut-être convient-il de lutter contre ces deux processus d’isolement, en relançant sous une autre forme des commissions, assemblées propositionnelles pour le suivi et le soutien d’un service public au service du public ? Ce qui permettrait de lutter non seulement contre l’évaluation mais de se réapproprier le service public. En ce qui concerne la psychiatrie cela pourrait ressembler à des conseils de santé mentale mais pas comme dispositif sous contrôle, qui ont d’ailleurs disparus alors qu’ils n’avaient aucun pouvoir autre que de parler… Tout cela reste à imaginer, des constituantes locales d’appui propositionnel soutenues par les régions dont la composition diversifiée se réapproprierait la question de l’acc
ueil de la folie et des moyens pour y répondre au delà du stricte espace de soin… Un appel constituant aux départements ou régions, histoire de partir du terrain pour inverser le sens habituel de la pluie hiérarchique. Bref une autre façon de refuser cette loi en proposant d’en déplacer le thème et le style.

Roger Ferreri 19 Août 2010

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>La maladie mentale n’induit pas un comportement violent

En Français, sur l’article des Arch Gen Psychiatry :

Une analyse longitudinale d’une grande cohorte aux États-Unis remet en question une perception courante, selon laquelle les troubles mentaux sont une cause de violence dans la population générale.

Chez 34 653 personnes analysées en deux fois, on ne trouve pas d’incidence significativement plus élevée de comportements violents dans le groupe des personnes souffrant d’une pathologie mentale sévère : schizophrénie, troubles bipolaires et dépression majeure. En revanche, l’association violence-maladies mentales atteint la significativité lorsqu’il y a une comorbidité de consommation contemporaine et/ou de dépendance à des substances d’abus (alcool, cocaïne, marijuana…).

L’analyse multivariée des facteurs prédictifs du comportement violent entre les deux phases de l’étude révèle que l’incidence d’un comportement violent peut être prédite par certains facteurs historiques, ou contextuels : une violence passée ; une mise en détention à un âge juvénile ; des antécédents de criminalité chez les parents.

Par ailleurs, un âge plus jeune (inférieur à 43 ans), un revenu plus faible, un divorce récent, un abus physique, une mise au chômage, une victimisation sont également facteurs de risque. « Les praticiens doivent regarder au-delà du diagnostic de maladie mentale et prendre en considération de manière plus attentive l’histoire du patient comme sa vie contemporaine, quand ils veulent évaluer le risque de violence », soulignent les auteurs.

L’analyse montre que les personnes ayant une maladie mentale sévère sont plus vulnérables aux facteurs incidents de leur histoire (abus physique, actes criminels des parents) et aux stress de l’environnement (chômage…). Enfin, les personnes ayant une maladie mentale sévère et une comorbidité d’abus de toxique présentent une incidence significativement plus élevée d’actes violents entre les vagues 1 et 2, même comparativement à des sujets consommateurs de substances d’abus.

Dr BÉATRICE VUAILLE

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>Abandon sur ordonnance

Le gouvernement prépare pour cette rentrée une réforme de la loi de 1990 qui régissait jusque-là les modalités d’hospitalisation sous contrainte en psychiatrie. Hospitaliser sous contrainte, apanage de la psychiatrie, peut s’avérer nécessaire à protéger le patient de lui-même en période de crise, mais aussi à éviter les conséquences de troubles du comportement et de passages à l’acte.

Les crimes commis par des patients en état de démence, bien que surmédiatisés, sont rares voire rarissimes (Il y aurait autour de 5 crimes par jour en France, essentiellement commis en famille ou entre amis…90% des crimes étant élucidés par la police, les statistiques sont à la portée de tout observateur honnête …..) Les malades mentaux ne sont non seulement pas plus dangereux que les autres (ce qui est confirmé par une inévitable étude américaine), mais seraient, en revanche, bien plus exposés à la violence de leurs concitoyens.

Toutes ces observations viennent confirmer ce que tout praticien en psychiatrie sait depuis toujours, à savoir que les malades mentaux sont des êtres fragiles qu’il s’agit de protéger attentivement lors de la traversée de passages difficiles. La folie meurtrière relève de la marge et ne peut donc être au centre d’une politique de soins.

Le point saillant de la réforme proposée est la notion de « soin sans consentement ». « L’hospitalisation sous contrainte » de la loi précédente est ainsi remplacée par le « soin sans consentement » duquel pourrait éventuellement découler une hospitalisation après 72 Heures d’observation dans un centre ad hoc. Jusque-là, le patient était contraint aux soins pendant la durée de sa décompensation et dans le cadre d’un hôpital. Ce projet de loi inclurait désormais une obligation de soin à l’extérieur, y compris quand le patient est stabilisé. Il s’agirait de prévenir un malaise potentiel, sous contrainte. Le modèle fantasmé de traitement du patient dangereux est ainsi généralisé. La psychiatrie engendrerait de la sorte des citoyens particuliers, dont le statut serait calqué sur le modèle de la liberté conditionnelle, rivés à leurs droits par un bracelet chimique car, dans la pratique, cela se résumerait à l’obligation mensuelle de se faire injecter un neuroleptique retard avec menace d’hospitalisation en secteur fermé en cas de refus ou de non présentation au rendez-vous. Rêve-t-on qu’un patient réellement en phase dangereuse se rende si facilement à ses rendez-vous ?

Il s’agit d’une sédation obligatoire, étendue, dont les dérapages sont facilement imaginables. Le gouvernement veille à ce que les neuroleptiques soient pris et entend résumer les soins à cela. La dangerosité pour soi-même n’est pas même évoquée et le trouble à l’ordre public est prégnant. Alors que le risque suicidaire est la principale menace et le motif courant des mesures d’urgence, celui-ci n’apparaît pas dans le texte. Le motif de cette loi est donc sécuritaire et non sanitaire car le centre de ses préoccupations n’est pas de soulager une souffrance mais de veiller à un certain ordre public, sous couvert d’une efficacité bien théorique.

Il reste vrai que maltraité, attaché sur des lits d’hôpitaux, emprisonné ou abandonné à la rue, désigné à la vindicte populaire, obligé à des injections anonymes, assimilé à une tare génétique et pourquoi pas une erreur de la nature, le citoyen souffrant de troubles psychiques et sa famille pourraient faire part de leur mécontentement. Le gouvernement prendrait-il les devants avec un outil sécuritaire maquillé en entreprise de soins ? Une piqure chaque mois est-elle censée condenser toute la politique psychiatrique et masquer l’état de délabrement de l’appareil de soins ?

Ce projet de loi ne dit pas qui va courir après les 700 000 candidats à l’injection chaque mois, ne dit pas qu’un traitement est d’autant mieux accepté qu’il se situe dans une perspective de soin et non de coercition, ne dit pas qu’un traitement neuroleptique retard est tout à fait insuffisant à la prise en compte des pathologies qu’il concerne, ne dit rien du manque chronique de lits d’hospitalisation ou de structures extra-hospitalières. Selon ce projet, l’alliance thérapeutique avec le patient doit laisser place à la soumission obligatoire à une chimiothérapie sous peine d’enfermement, alors que tout traitement nécessite la collaboration du patient. Or les places d’hospitalisation manquent. De malhabiles technocrates rêveraient-ils d’une psychiatrie au rabais, sous-équipée, fonctionnant à la menace et osons le mot, pour « de sous-malades » ? Droguer, comme dans les prisons, pour faire régner le calme, reviendrait, pour ce qui nous concerne, à proposer aux patients des camisoles chimiques en enfermant dehors…. Pas de soin mais du silence. Une insulte.

Les malades, leurs proches, sont donc de plus en plus malmenés et ne sont plus des citoyens ayant accès à des soins dignes de ce nom alors que ceux-ci existent. Cette sous-citoyenneté n’est-elle pas l’indice d’un phénomène plus généralisé et l’attitude du gouvernement à l’égard de la maladie mentale n’est-elle pas le reflet du nouvel équilibre des pouvoirs au sein de notre société ?

Il serait illusoire, bien évidemment, de croire qu’une telle atteinte à la citoyenneté laisserait indemne le reste de la population. Tout d’abord parce que personne n’est à l’abri de troubles psychiques et est donc candidat à d’éventuels soins sans consentement mais aussi par ce qu’il convient d’insister sur ce qu’un tel projet vient dire de la structure actuelle de l’Etat français.
Un Etat fort, républicain, n’a aucun besoin de sous-citoyens et assume ses fonctions régaliennes (soins, justice, éducation, sécurité, culture, recherche, insertion, etc….)

Au sein d’un Etat fort, « l’exception à la française » d’il y a quelques décennies par exemple, le jeu du pouvoir est vertical et l’aversion des luttes horizontales qui favorisent les groupes de pression et desservent autant qu’ils inventent les minorités est religieusement établi. Un Etat fort protège un citoyen et lui enjoint des devoirs alors qu’un Etat faible favorise les communautarismes et organise les rapports de force dont il est le reflet.
La psychiatrie est particulièrement sensible à cette prépondérance de l’Etat.

Plus encore que les autres spécialités médicales, elle se montre dépendante de conditions politiques, ne serait-ce que dans l’organisation des soins. (cela va bien plus loin, mais ce n’est pas le sujet du jour). Alors qu’un Etat fort soigne avec les moyens dont il dispose, un Etat faible organise un espace de concurrence entre différents acteurs que sont, aujourd’hui pour la psychiatrie, lobbies industriels, religieux et sectes, médecines parallèles, médias, assurances, conseils juridiques, associations de consommation, ONG, etc. Il suffit d’un tant soit peu d’attention pour observer comment chacun se place sur ce « marché ».
Nous assistons au quatrième grand tournant de l’histoire de la psychiatrie. Celle-ci s’étale sur deux siècles.

1. La loi de 1838 consacre la victoire des psychiatres sur les juristes, les charlatans et les prérogatives de l’Eglise, dans le domaine de la santé mentale, en créant des lieux de soins laïques, spécifiques, à l’abri d’une justice expéditive, en collaboration avec les préfets. C’est la naissance des asiles psychiatriques. Les conservateurs appuient le projet parce qu’ils y voient une caution scientifique à l’isolement des déviants. Le traitement spécifique, « le traitement moral » de Pinel, n’y sera au bout du compte jamais appliqué et les asiles se cantonneront à être des lieux d’enfermement indignes. 100 000 internés au début du XX° siècle, les lettres de cachets monarchiques feront figure de « pratiques d’amateur » en la matière….. mais le domaine de compétence des psychiatres est défini. La psychiatrie républicaine née en 1801 de la plume de Pinel devient incontournable.

2. La troisième république, dans sa lutte acharnée contre L’Eglise, tente d’installer durablement le régime contre les monarchistes et s’appuie sur les psychiatres. La naissance des « psychothérapies » autour des années 1890, autorise ceux-ci à étendre leurs activités en dehors de l’asile, dans des cabinets privés, et permet l’ouverture vers la société civile. Un nouveau corpus scientifique, prenant acte de l’existence d’un » inconscient », démystifie l’hystérie et offre à L’Etat républicain un allié sûr dans sa lutte contre l’obscurantisme religieux de tendance monarchiste. Possession et démoniaque avaient fait long feu. L’asile, pour sa part, reste grosso modo ce qu’il était mais sa laïcité se confirme et l’idée de dispensaires commence à poindre ici ou là.

3. Le développement de la psychothérapie institutionnelle après la deuxième guerre mondiale projette de faire des asiles de réels lieux de soins, de soigner à proximité du lieu de résidence du patient, de favoriser l’insertion dans la cité. C’est une dénonciation de l’univers concentrationnaire de l’asile qui, dans une toute nouvelle approche, s’appuie sur les concepts issus de la résistance, les conquêtes sociales, « l’Etat providence » (la République qui s’occupe de ses enfants), le développement de la psychanalyse puis, plus tard, de la chimiothérapie. Il ne s’agit plus d’isoler voire de punir mais de privilégier la qualité du lien et la proximité. Tout le territoire français a ainsi été découpé en secteurs comme la République l’avait été en départements. « La parole et le soin à moins d’une journée de cheval du lieu de résidence ». Il s’agit d’une conception démocratique du soin.
La réussite de cette politique a été contrastée, relative aux initiatives locales des médecins chefs de service de ces unités. Elle réclamait une « inventivité adaptative » qui n‘a pas toujours été au rendez vous, et, par ailleurs, la fermeture de lits hospitaliers qu’elle a autorisée n’a pas été compensée par un financement équivalent des structures extra-hospitalières. Cette conception relève de facto d’une volonté politique.

4. Depuis les années 80 du siècle passé, nous assistons au quatrième tournant historique de la psychiatrie.
Le « marché », l’idéologie néo-libérale, la communauté européenne, différentes instances mondiales, les moyens de communication modernes, les nouveaux dogmes économiques et moraux, le communautarisme, poussent à une unification des modes de gouvernement et à la déchéance de la force de l’Etat.
L’équilibre entre Etat-nation, pouvoirs régaliens de l’Etat, place du citoyen, modalité des échanges commerciaux, mondialisation, nécessités démocratiques et influence des lobbies reste introuvable.

La psychiatrie actuelle est le reflet de cette situation. Nous assistons en effet à la construction d’une « bulle psychiatrique », aussi solide que ses équivalents financier ou immobilier, construite autour de ce qui reste une hypothèse de recherche, probablement fausse par ailleurs, à savoir l’origine génétique des troubles mentaux. Au nom de cette hypothèse, tout l’édifice psychiatrique existant est progressivement détruit. Les composantes sociales et psychanalytiques du dit édifice ne sont surement pas étrangères à ce déchainement de violence tant l’idéologie en cours privilégie la concurrence et « l’auto-entreprise de soi » plutôt que la qualité du lien.

Les nouvelles psychothérapies d’Etat participent du même phénomène. Il s’agit partout de ronger l’influence freudienne, et la génétique des troubles mentaux restant introuvable, de porter le fer sur son terrain, d’où l’alliance avec le cognitivo-comportementalisme.
L’Etat d’aujourd’hui veut une psychiatrie à ses ordres, de l’hôpital-prison au cabinet de psychothérapie de ville, en passant par l’obligation de soins injectables.
Le citoyen, ou ce qu’il en reste, est sommé de s’adapter et de soigner sa « résilience ». Le malade n’a qu’à s’en prendre à ses gènes, abandonné.

Dr Patrice CHARBIT, pour le collectif des 39

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>A la Folie – Appel au monde de la culture

Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective. En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire a lancé un appel aux acteurs du monde de la culture, pour soutenir le meeting que nous organisons samedi 25 septembre 2010, à Villejuif, à l’espace Congrès, les Esselières, sur le thème « Quelle hospitalité pour la folie ? ».

Cet appel s’adresse au monde de l’art et de la culture parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l’humain, est fait de culture.

À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n’est pas qu’une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.

Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective. En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

La mise en jeu de l’inventivité, la création, le partage des oeuvres d’art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.

À cette interpellation, nous avons été contents de voir qu’en quelques jours 105 artistes, comédiens, écrivains, plasticiens, cinéastes, aient répondu présents, prêts à s’engager et à soutenir ce mouvement. Car au delà de l’aspect conjoncturel, le rejet du projet de loi sur les soins sans consentement adopté en conseil des ministres en mai et présenté bientôt au Parlement, la sensibilité à la question de l’accueil de la folie est forte et ouvre des perspectives pour les semaines et les mois à venir. En décembre 2008, Nicolas Sarkozy avait désigné les fous, les malades mentaux comme des individus, dangereux, potentiellement criminels, et appelé à un renforcement de l’exclusion, de l’enfermement. Cet été ce fut au tour des Roms, et des gens du voyage… La désignation de groupes de citoyens a créé, indiscutablement une vive réprobation dans l’opinion publique. Le mouvement des 39 a pour objet d’oeuvrer, sensibiliser et mobiliser justement sur cette question si fondamentale : l’Hospitalité. Paul Machto

« Quelle Hospitalité pour la Folie ? »

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie,

c’est l’homme même qui disparaît. »

François Tosquelles.

Nous adressons à la société tout entière la question « quelle hospitalité pour la folie ? » quand une future loi, véritable insulte à la culture, s’attaque à l’essence même du lien social, en désignant à la vindicte de tous et en menaçant des personnes plus vulnérables que dangereuses.

Si cet appel s’adresse au monde de l’art et de la culture c’est parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l’humain, est fait de culture.

À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n’est pas qu’une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.

Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective.

Chaque artiste, chaque intellectuel ou acteur culturel, s’engage dans une recherche originale, dans des propositions toujours risquées, des remises en jeu des repères consensuels, à la croisée de l’intime et de l’Histoire.

Chaque artiste invite l’autre dans cette autre lecture, et en toute liberté.

En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.

La mise en jeu de l’inventivité, la création, le partage des oeuvres d’art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.

Appel à la culture, comme liant créatif de l’intime et du social… le lieu d’un maillon essentiel, à restaurer dans la réflexion actuelle pour penser l’accueil de l’insensé, pour penser la question de la folie, de la maladie et du sort qu’on lui réserve.

Nous souhaitons avoir votre concours, votre engagement pour préserver cette part énigmatique de l’humain, sa part de folie.

Un projet de loi « sur les modalités de soins psychiatriques » sera discuté cet automne au Parlement : il détourne le terme de « soins » et représente une grave attaque contre les libertés individuelles ; il risque d’altérer profondément la relation entre patients et soignants.

Ce projet de loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, au domicile. Il remplace les modalités actuelles d’hospitalisation et d’alternative à l’hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression.

Tout un chacun est aujourd’hui concerné par cette réforme. En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l’évocation du « trouble de l’ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles.

Ce texte s’inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d’Antony le 2 décembre 2008. Désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique, quelle que soit leur intensité, se trouvent en danger de maltraitance. Se saisissant de dramatiques faits-divers, pourtant exceptionnels, le Président a laissé libre cours à son obsession sécuritaire. Cette orientation a déjà donné lieu à plusieurs textes réglementaires qui aggravent les conditions de l’hospitalisation et poussent vers plus d’enfermement, plus d’isolement.

Le projet de loi qui crée les « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l’inconnu. Il représente un risque de dérive particulièrement inquiétante car sont instaurés :

– des soins sous la menace d’une hospitalisation forcée en cas d’absence aux consultations ;

– des soins réduits à la surveillance d’un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique ;

– des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.

Nous savons bien que c’est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi va organiser la peur des patients et la peur chez les patients.

Ce texte porte atteinte à la confiance entre le patient et le soignant : celui-ci représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d’aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions . Le préfet, saisi par le directeur de l’hôpital, enverra les forces de l’ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s’agit donc de nous exclure de notre métier de soignant.

Cette politique accompagne une dérive, depuis une quinzaine d’années, des pratiques psychiatriques : carence des formations, augmentation des isolements, retour des techniques de contention, primauté des traitements médicamenteux sur l’écoute, la relation, l’accueil des personnes en souffrance psychique. Ce projet de loi, avec la conception des troubles mentaux qu’il implique, va amplifier ces pratiques d’un autre âge.

Un collectif s’est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire ».

Se sont ainsi réunis des professionnels de la psychiatrie qui entendent résister à cette orientation inacceptable, à ces pratiques asilaires et aux nouvelles dérives scientistes.

Dans de nombreuses équipes, dans de nombreux services et secteurs psychiatriques, des artistes, des philosophes apportent leur concours aux professionnels pour mettre en œuvre avec les patients des espaces de création, d’initiatives, d’événements artistiques, joyeux, sérieux, inventifs, troublants, surprenants, en apportant de la vie, du désir là où la vie, le désir ont tendance à s’évanouir.

Des expositions, des créations théâtrales, des événements musicaux, des créations vidéos, des musées d’Art brut, des initiatives radiophoniques et par Internet se sont multipliés, donnant à voir la fécondité des productions originales possibles, enrichissant ainsi des thérapeutiques diversifiées.

Nous devons créer les conditions d’un accueil humain de la douleur morale, du désarroi psychique, des discours énigmatiques et délirants.

La possibilité de penser le soin et la folie est aujourd’hui mise en cause. Nous entendons bien résister à ce glissement vers le pire, et pour cela nous avons besoin de vous.

Nous ne voulons pas d’un tri des êtres humains en fonction de leur valeur utilitaire.

Nous ne voulons pas d’un retour au grand renfermement.

Nous ne voulons pas de l’internement à domicile.

« On juge le degré de civilisation d’une société

à la manière dont elle traite ses marges, ses fous et ses déviants. »

Lucien Bonnafé

Vous pouvez signer cet appel à cette adresse : appelculture39@orange.fr

Voici donc les premiers signataires :

Qui cache son fou, meurt sans voix. » (Henri Michaux, L’espace du Dedans)

Laure Adler, journaliste, écrivain

Agnès B. , styliste, Paris

Anne Alvaro, comédienne

Jan Arons, peintre, Vallabrègues

Nurith Aviv, cinéaste

Claude Attia – comédien, Avignon

Pascal Aubier – cinéaste

Raymond Bellour, directeur de recherche émérite au CNRS

Joseph Beauregard – cinéaste documentariste

Jacqueline Blewanus, peintre, Vallabrègues

Corinne Bondu – formatrice- réalisatrice- productrice

Philippe Borrel, cinéaste – documentariste

Rony Brauman – ancien président de Médecins sans frontière.

Geneviève Brisac, écrivain, éditrice

Françoise Brunel

Claude Buchwald – Metteur en scène

Rodolphe Burger – musicien

Michel Butel, écrivain, journaliste.

Olivier Cadiot – écrivain

Marco Candore, comédien.

Laurent Cantet – cinéaste

Arlette Casas, responsable communication Université Montpellier 2

André Castelli – conseiller général du Vaucluse

Carmen Castillo, cinéaste

Guigou Chenevier, Musicien compositeur

Isabelle Chevalier, musicienne

Françoise Cloarec – peintre et écrivain

Dominique Conil – écrivain

Michel Contat, chercheur CNRS émérite

Compagnie Les Acidus, comédiens

Patrick Coupechoux, écrivain, journaliste

Christine Dantaux – galériste socialiste – Pernes les Fontaine

Marie Darrieussecq – écrivain

Marcelo De Athayde Lopes, danse thérapeute

André Debono, peintre (Nîmes)

Christine Deroin – écrivain

Marcial Di Fonzo Bo, comédien et metteur en scène

Claire Diterzi, chanteuse et compositrice

Annick Doideau, peintre (Paris)

Catherine Dolto, éditrice

Suzanne Doppelt, écrivain

Patrice Dubosc – cinéaste

Françoise Ducret, Peintre

Jean Pierre Ducret – Président du C.A. du Théâtre de Cavaillon

Christine Fabreguettes – artiste plasticienne Vaucluse

Serge Fauchier, peintre (Perpignan)

Stéfano Fogher – musicien, comédien

Patricia Geffroy, Animatrice ateliers d’écriture

Esther Gonon secrétaire générale de la Scène Nationale de Cavaillon

Jean Michel Gremillet – directeur de la Scène Nationale de Cavaillon

Jean Louis Guilhaumon – Maire de Marciac- Fondateur du Festival Jazz In Marciac.

Sylvie Giron – danseuse, chorégraphe

Sabina Grüss –sculptrice

Mariette Guéna, peintre

Patrick Guivarch, responsable des cinémas UTOPIA d’Avignon

Pierre Helly – metteur en scène

Catherine Herszberg – journaliste, écrivain.

Gérard Haddad écrivain

Stéphane Hessel, ambassadeur de France

Olivier Huet

Charles Kalt, plasticien (Strasbourg)

Leslie Kaplan – écrivain

Monique Lauvergnat Maire – adjointe à la Culture 84 Le Thor

Linda Lê – écrivain

Fred Léal, écrivain

Agnès Lévy, peintre

Frédéric Loliée, comédienne, metteur en scène

Jean-Daniel Magnin, Secrétaire général du Théâtre du Rond Point

Thibault Maille, compositeur

Clotilde Marceron – musicienne, Cavaillon

Elissa Marchal, artiste peintre

Britta Medus

Daniel Mesguich, comédien, metteur en scène, directeur du Conservatoire d’art dramatique de Paris.

Marie José Mondzain, philosophe

Mario Moretti – galériste socialiste – Pernes les Fontaine

Valérie Mréjen, cinéaste

Yves Müller – artiste – photographe

Véronique Nahoum Grappe – anthropologue

Eric Nonn, écrivain

Paul Otchakovski-Laurens, éditeur

Xavier Person, écrivain.

Rosie Pinhas-Delpuech, écrivain, directrice de collection, traductrice

Jacques Rancière, philosophe

Claude Régy, metteur en scène

Jean Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre du Rond-Point,

Christophe Ribet – comédien

Marcel Robelin, peintre (Nîmes)

Daniel Robert, Peintre

Pierre Rosenstiehl, mathématicien

Dominique Rousseau, auteur illustrateur Bédéiste

Valérie Rouzeau, Poète

Caroline Sagot Duvauroux – peintre et poète

Lydie Salvayre – écrivain

Joshka Schidlow, critique de théâtre

Michèle Sébastia, Comédienne

Meriem Serbah – actrice

Emmanuele Scorceletti – photographe

Tristan Siegmann, photographe (Paris)

Anne Saussois, peintre (Paris)

Catherine Vallon, Metteur en scène

Agnes Verlet, Ecrivain

Elise Vigier, comédienne, metteuse en scène

Vanina Vignal, cinéaste

Véronique Widock, comédienne

Martin Winckler, écrivain

Mâkhi Xénakis, sculpteur

Catherine Zambon – auteure de théâtre et comédienne

Sophie Ernst, Paris, philosophe.

Jeanne Jourdren, médiatrice culturelle, Auray

Marie José Justamond, directrice artistique, directrice du festival Les Suds, à Arles

Valérie de Saint-Do , Rédactrice en chef de la revue Cassandre/Horschamp

Hala Ghosn, comédienne, metteur en scène, Paris

Danielle Lambert, poète, auteure de proses brèves, Paris

Jean Pierre Lledo, cinéaste, Paris

Maud Martin, réalisatrice, Tours

Georgette Revest, artiste, Marseille

Jacques Albert-Canque, metteur en scène, Bordeaux

Didier Vancostenoble, photographe, ancien directeur d’hôpital psychiatrique, 76 Tourvillela chapelle

Xavier Moine, artiste plasticien,

Jacques Martinengo, artiste plasticien, 26- Dieulefit

Christine Seghezzi, réalisatrice

Daniel Kupferstein, réalisateur

– Elizabeth Royer, galeriste

– Jacques André, réalisateur, metteur en scène, plasticien, Paris

– Dimitri Tsiapkinis, artiste chorégraphique, Tours

Maréva Carassou, comédienne,

Alain Didier-Weill, écrivain, auteur de théâtre

Cécile Andrey, metteur en scène (Vosges), co-fondatrice du festival « La tête ailleurs »

Claude Chambard, écrivain, éditeur

Martine Deyres, cinéaste, Besançon

Charlotte Szlovak, cinéaste, Paris

Pascal Villaret, auteur, Alés

Marie Jaoul de Poncheville

Ismérie Marzone Lévêque, chanteuse, comédienne, Toulouse

Denis Dufour, compositeur, Paris

Isabelle Lèvy-Lehmann, photographe, Paris

Charlotte Hess, danseuse, chorégraphe. Animatrice sur Radio libertaire, Paris.

Angele Grimaldi, cinéaste

Jean Michel Espitallier, poète

Patrice Rollet, co-rédacteur en chef de la revue Trafic

Françoise Clavel, créa- costumes, Paris

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>Lettre ouverte aux patients, à leurs familles et à leurs associations

Samedi 25 septembre 2010, de 9h. à 17h, le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire organise à Villejuif, dans le Val de Marne, un troisième meeting national, sur le thème « Quelle hospitalité pour la folie ? ». Ce devrait être un moment fort de mobilisation contre le projet de loi du Gouvernement réformant la loi sur les hospitalisations en organisant « des soins sans consentement ». Les associations de parents et de patients, en tout cas les plus importantes d’entre elles, la F.N.A.P.S.Y, fédération des associations de patients en psychiatrie, et l’U.N.A.F.A.M., qui réunit les parents et amis de malades, soutiennent ce projet de loi, qui pourtant, à mon avis peut être résumé par trois mots : imposture, illusion, et régression ! Certes cela est quelque peu lapidaire. Quoique !

Nous avons pensé dès lors qu’une « Lettre Ouverte » pourrait tenter d’ouvrir un débat. Nous leur proposons de le commencer notamment lors de ce meeting. Nous leur lançons un appel public :

« Ne vous laissez pas leurrer par une illusion ! »

Le projet de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie proposé par le gouvernement semble avoir recueilli le soutien d’associations de patients et d’associations de familles.

Partant du constat de l’insatisfaction de la réponse à l’attente de soins psychiatriques, du décalage entre certaines situations de détresse et les propositions des professionnels, les associations espèrent que ce texte va créer les conditions pour répondre à leurs inquiétudes.

Il n’en sera rien !

L’utilisation démagogique, émotionnelle de quelques drames, certes très choquants mais exceptionnels, fait de l’exception la règle pour l’immense majorité des situations pathologiques rencontrées. La question de non- reconnaissance de ses troubles par une personne, nécessite au contraire la mise en place d’une patiente approche, l’instauration de l’ébauche d’une relation, la mise en œuvre de la continuité d’un travail de contact, de confiance et de lien avec cette personne et avec son entourage.

En dépit des dénégations officielles, ce projet de loi est d’abord un texte sécuritaire.

Ce projet de loi ne garantit pas le nécessaire équilibre entre les libertés et les nécessités de sécurité publique. Le coeur de ce projet repose sur un dispositif qui va accroître les entrées en hospitalisation sous contrainte et durcir les possibilités de sortie des patients, ce qui aura un impact important sur l’organisation des soins et sur la qualité des prises en charge.

Mais surtout, ce projet de loi crée aussi un nouveau mode de soins, le soin sans consentement à l’extérieur de l’hôpital, ce qui revient à faire de l’espace public et du domicile des personnes un espace de contrainte, de surveillance et de contrôle permanent.

Cette proposition est illusoire car inefficace : il ne peut exister de véritable soin dans la continuité sans adhésion de la personne, en dehors des périodes d’hospitalisation, des situations aiguës où une équipe soignante amène le patient à entrer dans une démarche de soins et dans la conscience de ses troubles.

Les personnes souffrant de difficultés psychiques, affectives ou relationnelles ont le droit, au même titre que les autres, à bénéficier de soins de qualité, de sécurité, de respect de leur liberté, condition indispensable à l’instauration d’une authentique relation thérapeutique, un lien relationnel dans la durée. Tel est le meilleur outil de prévention, de réduction de la gravité de troubles du comportement éventuels.

Les modalités proposées, « les soins sans consentement en ambulatoire et la ré – hospitalisation autoritaire en cas d’abandon du traitement ou non présence aux consultations » vont entraîner au contraire une augmentation de l’échappement aux soins, mettre les soignants dans une position de menace potentielle pervertissant tout projet relationnel et thérapeutique sur la longue durée, et par là même amplifiant de fait les ressentis de persécutions vécus dès lors comme réelles…

Cette disposition :
- détruit la qualité du soin qui repose sur la confiance et la proximité entre le patient et l’équipe soignante.

— réduit les soins à l’observance d’un traitement médicamenteux dont nous connaissons les limites, les impasses, les échecs.

— menace la sécurité des patients en les laissant seuls à l’extérieur.

— risque bien au contraire d’augmenter le nombre de patients qui tenteront d’échapper à cette surveillance du fait de la méfiance à l’égard des soignants vécus plus comme des surveillants que comme des alliés.

— réduit la place de l’ équipe soignante au profit d’un protocole de soin standardisé.

— attaque les libertés publiques en faisant du contrôle et de la contrainte les outils privilégiés de cette réforme en contradiction flagrante avec les recommandations du Conseil de l’Europe.

Ne vous laissez pas leurrer par l’illusion qu’un traitement médicamenteux est le seul moyen de contrôler pulsions, délires, hallucinations.

L’intolérance se développe face aux souffrances psychiques. La tendance à l’exclusion des soins des patients dont les troubles s’inscrivent dans la durée, le tri entre les situations d’urgence, les « petits » troubles et désordre psychiques, et les patients lourdement affectés nous inquiètent particulièrement. Ces perspectives justifient la plus grande des vigilances, des rencontres, des partages d’analyse, des modalités d’action commune entre les associations de patients, de familles et les professionnels attachés et engagés dans un accueil humain, des soins de proximité et des thérapeutiques diversifiées

Le Collectif des 39 s’est aussi et surtout constitué face à l’insupportable dérive des pratiques : en tant que professionnels, praticiens travaillant depuis de nombreuses années, en référence à un accueil, une démarche thérapeutique respectueuse de la personne humaine, nous ne pouvons accepter la banalisation des isolements, des contentions, des enfermements d’une époque que nous croyions révolue.

Depuis 2003 et les « Etats généraux de la psychiatrie », nous ne cessons de réclamer aux pouvoirs publics des mesures fortes pour enrayer la dégradation de la qualité des soins. Nous constatons l’abandon de toute politique publique sur ce sujet depuis de nombreuses années et les répercussions que cela entraîne sur la vie des patients et de leur famille. Nous sommes convaincus que tel est aussi votre souci : être accueilli au plus tôt si nécessaire, au plus près de votre domicile, avec des soins respectueux, dignes, et de qualité par une équipe pluridisciplinaire, soignants disponibles et formés à des approches thérapeutiques diversifiées. Des thérapeutiques dans le cadre desquelles vous pouvez devenir acteur de vos soins, responsabilisé au plus tôt et au plus vite dans les lieux d’accueil et de soins. C’est donc à des modalités d’organisation des soins, de l’accueil, de la place des patients et des familles dans le dispositif soignant qu’il faut œuvrer, pour ensuite aborder la question des soins sans consentement. C’est pourquoi nous vous invitons à réexaminer vos positions par rapport à ce projet de loi ». Serons-nous entendus ? Le gouvernement ne cesse de dénier le caractère sécuritaire de ce projet, ainsi que l’opposition de la plupart des organisations syndicales de psychiatres et des personnels soignants.

Lorsque nous avions choisi en décembre 2008 le titre de notre appel « contre La Nuit Sécuritaire » après le discours de Nicolas Sarkozy à Antony, nous la redoutions pour les institutions psychiatriques. Dans la fuite en avant, cette sorte de stratégie de la tension à laquelle nous sommes confrontés depuis juillet (Roms, mensonges d’État, Europe), espérons que cette expression ne soit pas une redoutable intuition de psys pour le pays …

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>Réforme de la Loi de 1990 : La FNAPSY rappelle ses positions

Elle demande une loi « psychiatrie et santé mentale » destinée à redistribuer, réorganiser et articuler :

la prévention ;

le soin ;

la postvention.

La priorité est de soigner.

Elle s’élève contre l’appellation de « soins sous contrainte » donnée au soins ambulatoires alors qu’elle a toujours soutenu qu’il devait s’agir de « soins sous contrat » proposés comme alternative à l’internement (quand il est indispensable) mais non imposés.

Elle rappelle qu’elle a toujours demandé à ce que les usagers soient soignés dans des établissements adaptés à leurs cas :

les personnes ayant besoin de soins, consentis ou non, en hôpital spécialisé ou en service de psychiatrie ;

les personnes ayant commis des crimes ou délits, lors d’altération du discernement, en UMD ;

les personnes ayant commis des crimes ou des délits, dont ils ont été déclarés responsables, et soufrant par ailleurs de troubles psychiatriques, en UHSA, comme pour toute autre pathologie.

Le mélange de ces trois catégories ne peut qu’être inadapté et amener des dysfonctionnements graves.

Enfin, la FNAPSY rappelle qu’elle réclame l’intervention du juge pour toute privation de liberté, nous sommes des citoyens comme les autres et il en va de notre dignité.

Claude FINKELSTEIN

Présidente

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>Communiqué de presse (18 mars 2010)

« En amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale, en assimilant d’une façon calculée la maladie mentale à la délinquance, est justifié un plan de mesures sécuritaires inacceptables. Alors que les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation, une seule réponse leur a été opposée : attention danger, sécurisez, enfermez, obligez, et surtout n’oubliez pas que votre responsabilité sera engagée en cas « de dérapage ».

Ceci est un extrait de l’appel lancé par le « groupe des 39 » il y a un an contre « la nuit sécuritaire »

Près de 30 000 citoyens (soignants, patients, familles, etc.) l’ont signé. Nous, soignants en psychiatrie, affirmions dans cet appel :

Devant tant de « dangerosité » construite, la psychiatrie se verrait-elle expropriée de sa fonction soignante, pour redevenir la gardienne de l’ordre social ? Nous, citoyens, psychiatres, professionnels du soin, du travail social, refusons de servir de caution à cette dérive idéologique de notre société. Nous refusons de trahir notre responsabilité citoyenne et notre éthique des soins dans des compromissions indignes et inacceptables. Nous refusons de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale. Nous refusons d’être instrumentalisés dans une logique de surveillance et de séquestration.

Un an après le discours sécuritaire s’amplifie.

Il est appuyé par les projets de réforme de la loi de 1990, par des circulaires dont la dernière, en date 11 janvier 2010, provoque de toute part des réactions de colère tant la main mise du ministère de l’intérieur et « du maintien de l’ordre public » envahit le champ du soin pour tenter de l’assimiler à du gardiennage décidé par le préfet.

Les raisons sanitaires sont bafouées : le préfet décide « à discrétion » des sorties d’essai qui font partie de stratégies de soins, du ressort de la responsabilité médicale, et il n’est évoqué nul part la détérioration du champ sanitaire dont l’Etat est comptable.

Par la rédaction de cette circulaire, l’état stigmatise les équipes de soin, jugées laxistes ou incompétentes, s’autorise à restreindre les droits des patients et poursuit le chemin de leur ségrégation.

Le collectif des 39 se félicite des réactions unanimes de la profession contre cette circulaire

Il appelle toutes les associations et syndicats de la profession, les parents, les patients, à mener une action unitaire massive contre cette politique inacceptable et à élaborer des pratiques respectueuses des droits et libertés.

Le collectif des 39 est prêt à engager toute son énergie afin qu’une action de grande ampleur puisse se réaliser. C’est là le seul moyen d’endiguer cette machine infernale.

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>Comment ne pas être dans le miroir ? (intervention au Forum à Montreuil, du Collectif des 39 du 9-3)

Actuellement il est intéressant de constater que c’est à partir de faits divers meurtriers, les assassinats à l’hôpital de Pau, le passage à l’acte meurtrier d’un patient dit schizophrène à Grenoble l’an dernier, de leurs commentaires par la presse d’une part et des réponses ministérielles et présidentielles d’autre part, que se produit un mouvement de rassemblement de la psychiatrie française.

Sans ces faits hors limites en serions là aujourd’hui ?

Sans la diffusion médiatique d’informations autour de ces faits en serions-nous là aujourd’hui ?

Sans les réactions et réponses face à ces évènements, largement commentés par la presse, de Monsieur Nicolas Sarkozy, ministre ou président en serions-nous là aujourd’hui ?

Sans la portée au devant de la scène des réactions du président par les média en serions-nous là ?

Autrement dit « la psychiatrie française » ne peut-elle se mobiliser nationalement que dans les situations limites, ne peut-elle s’organiser que contre l’outrance ? Une outrance médiatisée donnant à voir et à entendre.
Avons-nous besoin d’être sous la contrainte du dicta médiatique et de l’esbroufe d’un seul, représentant d’un pouvoir régalien pour nous rebeller un peu plus haut et un peu plus fort ?
Pourquoi faut-il l’outrance pour que l’action commence ? Faut-il être au bord ou au-delà des catastrophes pour que nous puissions nous réveiller ?

Nombre de psychiatres du service public ces derniers mois ont rappelé combien ils n’ont cessé de travailler et de militer pour une psychiatrie humanisée. Comment se fait-il que leur travail n’ait pu être relayé par l’ensemble des secteurs et intersecteurs de France et des dom-tom,  avant la mise en route de cet appel des 39 ?
Sous quel joug sommes-nous ? Dans quoi sommes nous tous empêtrés au point ne pouvoir réagir, se retrouver, débattre que contre un pouvoir politique qui affiche clairement son incapacité à comprendre l’humain autrement que derrière l’œil de la caméra ?

En 1977, Michel Foucault écrivait dans Archives de l’infamie, petit texte qu’il destinait à la préface d’un livre à venir : «  Comme le pouvoir serait léger et facile, sans doute à démanteler s’il ne faisait que surveiller, épier, surprendre, interdire et punir ; mais il incite, suscite, produit ; il n’est pas simplement œil et oreille ; il fait agir et parler ».1

Qu’est-ce qui a empêché une mobilisation nationale soutenue dans le temps ? Aurions-nous oublié que lorsque l’on défend la psychiatrie, lorsqu’on défend ses malades dits fous, nous défendons notre propre liberté ? Le « fou » n’est-il pas le paradigme de notre part obscure ? Est-ce à nouveau à ne plus vouloir accepter cet « Umheimliche » que le combat avait à nouveau cessé pour la psychiatrie ? Ne pouvons-nous lier cet aveuglement, cette mise sous le boisseau de la part étrangère de nous-mêmes, à une nouvelle vague de résistance à la psychanalyse et à l’éviction de celle-ci dans les lieux de soin ? Éviction qui serait un effet de discours de plus en plus nombreux à nier la faillibilité de l’être, des discours de la performance toujours perfectible. La mise à l’écart de la psychanalyse n’est-elle pas liée, au discours de la science, sous l’espèce notamment de la pharmacologie qui exclue le rapport de la pensée d’un sujet à sa « maladie mentale » ?

De quels discours sommes nous les contraints pour que nos paroles n’aient pu être entendues, voire que nous ayons cessé de dire haut et fort quelque chose d’un engagement ?

Travailler dans le secteur public psychiatrique n’est pas un exercice aisé, cela suppose de jouer avec les discours et ceux qui les soutiennent.
Si en tant que sujet nous sommes dépendants des signifiants de notre histoire, en tant que citoyen nous sommes pris dans les discours qui animent notre quotidien. L’institution que constitue un secteur de pédopsychiatrie est conditionnée par un certain nombre de discours. En qualité de clinicien dans l’espace d’un secteur nous sommes individuellement soumis aux discours qu’y s’y pratiquent. Une question se pose alors quelles sont, pour chacun d’entre nous, nos possibilités d’action ? Comment articuler ses actions avec les autres acteurs ?

L’intersecteur de psychiatrie est aux confins de nombreux discours. Chaque service avec son médecin chef prend position par rapport à tous ces discours. Et chaque clinicien se positionne dans le cadre du service dans lequel il travaille. Chaque clinicien est aussi soumis plus ou moins à l’étiquette de son diplôme et de sa formation. Même dans le meilleur des cas, l’adhésion ne peut être constante et totale à la ligne directrice choisie par le médecin responsable. Chaque clinicien est donc lui-même pris dans ce jeu des discours, il a à se positionner à l’intérieur même de l’institution dans laquelle il travaille. Autrement dit le positionnement se fait aussi bien dans l’institution de soin que dans le champ social dans son ensemble.

L’intersecteur est à la croisée des chemins, de l’éducatif, du pédagogique, du social, du médical, du psychologique, du psychiatrique, du psychanalytique, du juridique, du politique et du financier. L’intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile est un organisme public financé par des fonds publics et soumis à la politique de soin du ministère de la santé. Quelle marge de manœuvre avons-nous face à des préconisations émanant du ministère. Il est instructif de se prêter à la lecture des différents rapports, circulaires etc. qui sont en ligne sur le site du Ministère de la santé et des sports.

Nous avons à nous positionner en rapport avec la mission dont est chargée la psychiatrie publique et avec l’orientation que nous souhaitons donner à nos actes. L’exercice est rarement aisé.
Dans le rapport de septembre 2003, du Docteur Philippe Clery-Merlin assisté des docteurs Jean-Charles Pascal et Viviane Kovess-Mafety, on peut lire par exemple qu’il est préconisé de « former la communauté éducative 2à la promotion de la santé mentale et au repérage des problèmes ». Un partenariat des CMP des intersecteurs et de l’éducation nationale est recommandé, je cite : « que ces dépistages (des enfants présentant des troubles relationnels) soient inclus dans tous les bilans faits en milieu scolaire et que ces troubles soient pris en compte dans toutes les enquêtes de santé faites dans ces milieux ». 3

Sur ces rapports et circulaire, qui sont en ligne sur le site du ministère, on dicte aux professionnels la façon dont ils doivent agir. Il est par exemple préconisé, avec les familles qui auraient un enfant susceptible d’être autiste, de les diriger vers les espaces spécialisés pour le diagnostic de l’autisme mais on ne doit pas leur dire que leur enfant est autiste. Autrement dit on met les professionnels qui vont accueillir l’enfant face à une situation impossible. Comment espérer voir évoluer certains petits enfants si un lourd signifiant vient les marquer dés avant toute tentative de travail avec eux ?

Si dans la pratique tant au quotidien que dans des réunions institutionnelles on n’interroge pas ces recommandations voire les directives ministérielles, à quoi participe-t-on ? L‘enfant, les enfants se retrouvent au centre d’un dispositif de bilan et d’évaluation. Nous faisons ainsi de l’enfant l’objet de nos pratiques et non plus le sujet.

Autrement dit quels liens pouvons-nous entretenir avec les différents acteurs du terrain où évolue l’enfant pour que notre action soit éminemment politique ? Politique au sens où il y a lieu de défendre dans la cité une parole qui se défalque un tant soit peu des discours du pouvoir, d’un pouvoir administrant en l’occurrence. Un pouvoir qui saurait peut-être ce qu’est la santé mentale.
Comment trouver un chemin qui ne soit pas directement contre, qui ne soit pas contre le pouvoir, dans un jeu de miroir ? Comment trouver un chemin autre, décalé ?

Peut-être avons à travailler à l’intérieur même des institutions nos rapports aux discours ? Les travailler ces rapports au sein même de l’institution mais aussi avec tous ceux, qui comme nous, accueillent des enfants. Essayons de poursuivre et d’inventer, poursuivons le débat dans des lieux de parole comme celui d’aujourd’hui mais aussi au sein des institutions.

Il ne suffit pas de dire que l’on peut écouter autrement un enfant, sa famille, en permettant le travail de l’inconscient. Il est nécessaire d’inscrire le travail de l’intersecteur dans le tissu social par notre parole et par la façon dont nous la faisons jouer et circuler dans la cité. La psychanalyse est politique quand elle dynamise la circulation des différents discours et permet au sujet de s’y repérer.

1.Collectif Maurice Florence. Archives de l’infamie. Les prairies ordinaires. Paris 2009. 
2. C’est moi qui souligne.
3. On peut lire aussi par exemple pour ce qui concerne « l’autisme »: « PLAN AUTISME 2008-2010 : Dossier de presse, Vendredi 16 mai, Construire une nouvelle étape de la politique des troubles envahissants du développement (TED) et en particulier de l’autisme(…)
9. Elaborer des recommandations de pratique professionnelle et évaluer leur mise en œuvre : La HAS et l’ANESMS seront chargées, chacune pour ce qui les concerne, d’élaborer ces recommandations. Pour évaluer les pratiques, un programme d’évaluation sera mis en œuvre par la HAS à destination des professionnels de santé. De leur côté, les établissements médico-sociaux seront encouragés à entamer des recherches actions, avec l’appui de partenaires scientifiques extérieurs, afin d’évaluer leurs procédures de prises en charge. (…)
13. Expérimenter un dispositif d’annonce du diagnostic qui facilite l’orientation et l’accompagnement des familles : l’annonce du diagnostic doit être l’occasion pour les familles d’être informées sur les prises en charge existantes, les aides possibles et d’obtenir un soutien psychologique si elles le souhaitent. Un cahier des charges national sera conçu et donnera lieu à un appel à projet pour des expérimentations locales et permettront de concevoir différents supports d’information à destination des parents lors de l’annonce du diagnostic. (c’est moi qui souligne)

Françoise L. Meyer
Psychanalyste
Intersecteur de Saint-Denis 93

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Notes sur les débats du Forum du 3 juin à Ville Evrard

Un intervenant :

A l’hôpital psychiatrique on en vient à ce qui se passe sur une chaîne d’ouvriers, c’est la libre concurrence et ceux qui écoutent sont eux-mêmes en souffrance.
Il existe une concurrence entre services autour de la T2A, de la production de chiffres….

L. Vassal :

Avant on était des équipes.
Les fiches de signalement d’évènements indésirables sont des outils fascinants de délation, là où ça semblait être fait pour améliorer les choses. C’est inutile car personne ne connaît les évènements à signaler…Une dame a rendu un rapport surréaliste sur l’ensemble du recueil de ces fiches, c’est complètement incroyable et surréaliste…
Le manque de colère [en rapport avec l’intervention de Mr Constant] mais tout ça paraît tellement surréaliste… Petit à petit se crée de la délation, sans que l’on s’en rende compte, que quelqu’un s’est fait tapé sur les doigts parce qu’il n’a pas changé une ampoule…
Là l’humour a toute sa place.

Patrick Coupechoux :

L’optimisme.
La folie doit pouvoir redevenir une question importante. Derrière la folie il y a le sujet, et on est dans une société de l’individu roi, où il n’y a plus de société mais que des individus. [une référence à M. Thatcher]
L’individu roi c’est celui qui gagne, le sujet c’est celui qui manque, qui sait qu’il peut perdre son boulot….
Des questions politiques ont été un peu abandonnées sous prétexte que le collectif serait dangereux. C’est le collectif même qui disparaît. Les gens ne travaillent plus ensemble, les équipes n’existent plus…l’individu se trouve pieds et poings liés.
Comment inventer une nouvelle dialectique de l’individu et du collectif ?

Antoine Machto :

La colère [toujours par rapport à l’intervention de Mr Constant]
Le collectif des 39 s’est formé autour de personnes qui se sont retrouvées après le discours de Sarkozy, puis il y a eu 2500 signataires, ce sont 2500 personnes en colère et indignées.
Penser, prendre la parole sont des actions politiques, qui se situent en chacun quand on se pose ces questions.
Se battre pour que des mots ne soient pas enterrés demande un courage, une volonté très importante.
D’où la nécessité de se réunir en collectif pour ramener cette énergie dans nos secteurs. Le désir et la passion sont là. Nous restons déterminés.

Serge Klopp :

Je me bats contre la position de victime des collègues. Le manque de temps : combien de temps on passe à écrire, devant les ordinateurs, en réunion pour faire des évaluations, des transmissions ciblées…Là ou ça risque de conduire, comme à Maison Blanche, où on a prévu un protocole de mise à l’isolement au nom de l’efficacité, avec l’interdiction de détacher un patient, même pour manger, ou c’est une faute.
Les priorités sont d’abord éthiques et soignantes.

Emmanuel Constant

Mon interpellation des médecins sur la question de la colère est une interpellation tendre. Les élus interpellent aussi de temps en temps… J’ai des attentes vis à vis du monde de la psychiatrie. Lors de la contestation autour de la loi Bachelot, quels médecins étaient dans la rue ? Qui a entendu ? Les médecins doivent pouvoir élire des représentants pour représenter la totalité du champ médical. J’étais énervé de ne voir que des médecins du champ MCO. Même si on sait que la presse est aux mains de certains.
Les médecins ont décidé de boycotter les instances. Moi aussi j’ai pris cette décision. A compter de ce jour, il n’y a plus de CA qui va se tenir. La question des budgets [ de leur vote ? ] va se poser. C’est en contestation à la loi HSPT, en soutien à la lutte contre cette loi que j’ai décidé de ne pus tenir les CA ;

Une syndicaliste :

C’est une étape, un signe aux tutelles et aux directeurs d’établissement.
Pour les repas de nuit, le personnel s’est mobilisé, il y a eu une rencontre avec Mr Lamoureux, les repas ont été rétablis.
Quand on résiste, quand on se tient debout malgré les pressions, on y arrive. Quand on devient sujet de soi-même, de son travail, de sa lutte, on y arrive et on peut obtenir des choses.
Les amendements de la loi Bachelot concernant la nouvelle gouvernance ne changeront pas grand chose. Il faut se mobiliser pour le retrait pur et simple de la loi.

On doit conclure …

Proposition d’un autre forum à la rentrée.
Quelqu’un pose la question de la place des patients dans cette association ? [le collectif des 39 du 93]

Paul Machto :

Ce n’est pas une association mais un collectif ouvert, ouvert à tous ceux qui se sentent concernés, pas seulement les professionnels.

Henriette Zoughébi

La population du coin, qui voit cette grande route avec les deux hôpitaux de part et d’autre est concernée de manière profonde.
On pourrait l’y associer, avoir une contribution, inviter la population à y contribuer. Ces choix ont des conséquences sur ce qui se passe ici. Je suis partante pour essayer de faire des ponts. Ce qu’on dit sur le travail, ça se partage. Que chacun ne reste pas dans son métier et qu’on crée des ponts.

Mathieu Bellahsen

Le soin psy s’oppose à l’évaluation. Pourquoi pas une journée sans ordi, et une journée de la relation.

P. Machto

Il faut vraiment qu’on s’arrête.
On refait donc un forum après la rentrée, et à l’extérieur de Ville Evrard.

Ce qu’a apporté Patrick Coupechoux  est important et lourd. On peut avoir des moments de pessimisme, mais on n’a pas oublié l’impact des 39 fin décembre. Suite à cet appel, fin janvier, Sarkozy essayait de rectifier le tir. Fin janvier, Sarkozy et Bachelot commençaient à annoncer une loi modifiant le rapport Couty pour le printemps. Les initiatives, les meetings suite à l’appel des 39 y sont pour quelque chose.
Nous sommes en train d’inventer quelque chose, on ne sait pas où l’on va mais on s’appuie sur des choses importantes.
Comme dans des partis ou différentes tendances s’opposent, il y a des différences, entre professions, entre psychiatres, entre soignants.
Une certaine omerta règne dans l’hôpital, où l’on connaît la présence de patients enfermés de façon scandaleuse. Il ne faut pas avoir peur d’interpeller, que chacun soit interpellé, puisse se retrouver dans une parole et se poser la question : qu’est ce qu’on est en train de faire ?

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : L’écrasement des professionalités

Anik Kouba

De tout ce que l’on vient d’entendre, on l’aura compris : Au-delà des détails, à travers les détails, c’est une véritable politique qui est en marche.

Avec la menace d’un retour à une psychiatrie au service de l’ordre public, et non plus d’abord et essentiellement soignante, et qui plus est soumise à une logique marchande. Ca fait beaucoup !

Sur le front du refus de cette psychiatrie-là, nous opposons :
Les pratiques aux procédures
L’équipe cad pluridisciplinarité Et complémentarité A la polyvalence, sous entendu interchangeabilité anonyme
Le singulier aux statistiques
L’éthique à la gestion

Négation de nos pratiques, mise à mal de notre identité de soignant, voilà de quoi justifier notre volonté de résister.
Mais ce qui est plus grave c’est que nous ne sommes pas les seuls à être malmenés de la sorte. Du coup, et c’est heureux, nous ne sommes pas, non plus, les seuls à résister.

« Ecrasement des professionnalités » est sans doute, pour moi, le maître mot de cette mise à mal. L’expression est de Denis Salas (…) pour parler de la justice et de la maltraitance actuelle des magistrats.
Je prendrai juste deux exemples pour illustrer les parallèles possibles avec ce que nous vivons.

Au nom d’une politique du résultat : chaque jour, l’écran géant du grand bureau du Ministère de la justice affiche combien de peines planchers pour les récidivistes ont été appliquées aujourd’hui. Dans quelles cours, ville par ville ? Par quels juges ?

« Quels juges ? », là on rejoint un élément qui nous parle aussi directement : la responsabilité individuelle. La personnalisation est un outil redoutable pour déployer une politique de la peur, de la soumission. Vous, Mr, Mme, vous là, n’avez pas répondu aux exigences attendues, vous serez mal noté, vous allez être muté, voire…

On se souvient qu’à Grenoble, après le meurtre du jeune homme, le Directeur de St Egrève a été suspendu ainsi que le Préfet. Ce n’est qu’un exemple parmi déjà de nombreux autres.

La disqualification. La suppression du juge d’instruction, pour laisser le Parquet seul maître des lieux, (les avocats en sont absents), souligne à quel point les compétences – au sens de l’exercice indépendant d’un savoir -, la recherche de la vérité, une enquête contradictoire sont de peu de poids au regard de procédures expéditives dont tous les protagonistes seront dans une stricte dépendance au pouvoir exécutif (pour leur nomination, leur avancement de carrière…) C’est dire !

Enfin, le projet du « plaider coupable » installerait la justice dans une logique clairement marchande, où toute fonction symbolique de la peine cèderait la place à du calcul, de la négociation.

Si on regarde du côté de l’éducation nationale, on retrouve les mêmes éléments. Les enseignants en grève, à l’initiative de multiples actions, souvent originales, dont la ronde des obstinés, résistent vaillamment.

Ils dénoncent les discours ministériels qui, sous couvert de pseudo exigences scientifiques plus élevées, cachent une logique d’économie budgétaire. Réduction des moyens pour plus de résultats. Ca nous dit quelque chose !!?

Ils dénoncent la création d’instances d’évaluation dont tous les membres sont nommés par le ministère de l’éducation nationale (aucun membre élu).
Et où l’évaluation se mesure A la « bibliométrie » : Combien de publications cette année ? Combien publiées dans des revues de langue anglaise ?
Mépris des recherches en cours, de la liberté du chercheur…

Quant à la presse c’est dramatique parce qu’on a l’impression qu’elle a déjà obtempéré à ces mots d’ordre de rentabilité, de libre concurrence et de soumission au pouvoir politique. Je me souviens quand j’étais jeune, on disait « quand la presse sera aux mains des marchands de canon, on sera foutus ». Et bien on y est ! Et il n’y a pas que Dassault.

A l’échelle nationale, nous avons les nominations directes, … par le président de la république, L’ami de tous les marchands, du président de la télé publique (pourtant le concurrent direct de son ami Bouygues !!!), de radio France et j’en passe.
Sur fond d’une haine de la culture. « Donnez leur des jeux, du sport et du fait divers » serait le slogan qui réunirait notre président et, de l’autre côté des Alpes, Berlusconi.

On en parle moins mais la pression du chiffre et du résultat touche un autre corps professionnel, la police. Depuis 2006-2007, les suicides de policiers augmentent, souvent sur leur lieu de travail et avec leur arme de service ( +_ un/semaine). Un délégué syndical, interviewé après le suicide d’un collègue, dira :« Avant on faisait équipe, maintenant c’est chacun pour soi ».

Mis bout à bout, tout ceci dessine une société effrayante : une société néo-libérale et autoritaire. Ce qui est une oxymore, a priori. Cette société néo-libérale, avec ce que cela suppose de violence de la libre concurrence, ET autoritaire, avec le contrôle centralisé par l’exécutif, réduit nos professions – que l’on soit juge, soignant, prof, journaliste…- à une peau de chagrin.

Et ce sont justement les métiers qui travaillent avec l’humain qui sont visés par cette volonté de domestication. Ces « professions intellectuelles» qui donnent consistance à la société civile et garantissent d’une certaine façon l’exercice de la démocratie. Avec leur disparition, en tant que contre-pouvoir potentiel, le risque est grand qu’il n’y ait plus rien entre un Etat inféodé au marché et l’individu.

La démocratie gît… aussi dans les détails.
Elle est en péril.

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : La fonction du cadre de santé entre gestionnaire et soignant

Serge Klopp
Cadre de Santé

Il est évident que je vais être très caricatural dans mon propos, quoique…

Quelle place ont aujourd’hui les cadres dans le dispositif de psychiatrie de Secteur ?
Il est évident que la plupart de mes collègues cadres, considèrent qu’ils ne sont plus soignants. Il y a quelques années on disait d’ailleurs aux postulants à l’école de cadres qu’ils devaient faire le deuil du soin.
Ce qui fait qu’ils se positionnent clairement du côté du management et de la gestion, délaissant la clinique.
Ce qui se révèle lorsque l’on observe le peu de formations continues cliniques suivies par les cadres.
Ce qui fait qu’ils sont de plus en plus courroie de transmission de la direction et particulièrement de la direction des soins et non plus dans une fonction de pivot centré sur la mise en lien et l’articulation entre les différents membres de l’équipe pluridisciplinaire. Du coup ils deviennent même un écran, voire un obstacle à cette articulation, au lieu d’être en étroite collaboration avec le corps médical.
Ils vont renforcer l’idée que l’équipe c’est l’équipe infirmière et que les autres professionnels (psychiatres, assistants sociaux, psychologue, etc…) sont en dehors.
Quel rôle jouent-ils dans l’institution ?
Ils sont de plus en plus souvent en opposition avec le corps médical, ou du moins génèrent cette opposition entre la filière infirmière et les autres professionnels.
Au nom de la valorisation du rôle propre infirmier ils vont mobiliser une part importante de leur énergie et de celle des équipes (au sens restreint de l’équipe infirmière) pour mettre en place des outils qui isolent la clinique des infirmiers de celle des autres membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Notamment on va tout protocoliser. Mais ces protocoles ne visent pas à aider les jeunes collègues qui manquent d’expérience, puisqu’ils deviennent de plus en plus souvent opposables.
C’est-à dire que l’on ne répond plus à des situations singulières mettant en jeu l’histoire et la psychodynamique propre à chaque patient.
Du coup puisqu’à chaque situation correspond une réponse normalisée prédéfinie, les infirmiers deviennent totalement interchangeables.
Ce n’est plus la relation qui est thérapeutique c’est le protocole.
C’est la négation de sa position de sujet du patient mais également de la position de sujet du soignant.
Fut un temps, on aurait appelé cela une aliénation.
Tout ça au nom de la qualité des soins.

Pourtant, si l’on tient compte :
Que le statut des cadres est toujours : « infirmier cadre de santé ».
Que la fiche métier du Ministère concernant le cadre de santé sur une grille de priorité de 1 à 5 (1 étant la priorité la plus basse et 5 la plus haute) estime de niveau 1 les compétences à la gestion et de niveau 5 les connaissances cliniques et l’impulsion de la réflexion clinique des équipes !
Du fait que le Ministère reconnaît un déficit de formation initiale des infirmiers nouveaux diplômés exerçant en psychiatrie – ce déficit se situant évidemment du côté de la psychodynamique et du soin relationnel puisque les protocoles ils savent faire !
Du fait que les infirmiers ont encore, dans le rôle sur prescription, la possibilité de faire des entretiens et des activités à visée psychothérapique
Cela ouvre d’autres perspectives aux cadres.

Pour ma part, je considère que ma première fonction, ma tâche la plus essentielle c’est de veiller à la qualité des soins dispensés aux patients.

Si je me réfère à la Charte des usagers et à la loi sur le droit des usagers, la qualité des soins se détermine bien vis-à-vis du patient et non de l’efficacité à éradiquer les symptômes.
La nuance est fondamentale.
La qualité des soins dispensés dans ma structure va donc se mesurer qualitativement et non pas uniquement quantitativement sur la capacité de mon équipe au sens pluridisciplinaire à inventer des projets de soin individualisés propre à chaque patient et non au travers de la généralisation de protocoles.

Du coup, mes priorités en tant que cadre se déclinent sur deux plans :
Œuvrer pour que le dispositif permette cette créativité pour chaque patient
Œuvrer pour permettre aux membres de l’équipe d’élaborer collectivement ces projets, en dégageant des espaces temps de réflexion et en amenant des éléments théorico clinique

Ce qui implique :
de travailler en étroite collaboration avec le médecin responsable – il s’agit pour moi d’une réelle co-élaboration !
et de continuer à se former à la clinique pour pouvoir impulser la réflexion de l’équipe. Il ne s’agit bien évidemment pas de se mettre en position d’expert, mais si l’on veut impulser la réflexion des autres, il faut déjà commencer par la sienne.

Ce qui peut aller jusqu’à participer directement à certaines prises en charge ou modalités thérapeutiques.
C’est ce que je fais.
Mais c’est aussi parce que je ne sais pas faire de la théorie sans pratique, c’est la raison pour laquelle je ne suis pas enseignant dans un IFSI.
Aujourd’hui, si actuellement, je n’ai pas de prise en charge individuelle d’enfant , je participe en tant qu’accueillant aux deux séances d’accueil de l’espace ados que j’ai monté et je suis co-thérapeute au psychodrame pour adolescents qu’on mène dans le service.
Mais cette position me permet également de mieux tenir sur certaines exigences.
A l’accueil ados par exemple, le fait que je sois confronté au même titre que les collègues à certains ados qui nous mettent en difficulté, me permet de tenir lorsque tel ou tel membre de l’équipe considère que tel jeune est trop lourd et qu’il faudrait plutôt l’adresser à un groupe fermé.
Dernière anecdote.
A Maison Blanche lorsqu’il s’est agit de mettre en place le tutorat des nouveaux infirmiers, en comité de formation Permanente nous étions d’accord avec la Directrice pour considérer qu’un nombre important d’infirmiers qui avaient quelque chose à transmettre étaient aujourd’hui cadres. Il paraissait donc évident que les cadres seraient sollicités pour être tuteur. Or, le Directeur des Soins, s’appuyant sur la commission des soins a dit que ce ne serait pas possible.
Bien que je ne sois pas parano (c’est ce qu’ils disent tous) serait-ce parce que j’étais le seul cadre à avoir fait connaître son désir de participer au tutorat ?
Raison invoquée : étant donné que le tuteur suit un infirmier d’une autre unité que la sienne, cela pourrait mettre le cadre de cette unité en difficulté si le tuteur est un cadre.
Ce qui pose plusieurs problèmes :
les pratiques dans leur service sont-elles tellement peu éthiques qu’ils auraient quelque chose à cacher ?
sont-ils tellement peu convaincus de la justesse de ces pratiques qu’ils ne sauraient les défendre ?
S’ils considèrent le fait d’être bousculés dans leurs pratiques comme un danger, cela ne révèle-t-il pas le manque de pensée clinique de leur service ?
Pour ma part, je trouverais cela plutôt enrichissant puisque cela m’obligerait avec mon équipe à requestionner nos pratiques !
Ce qui aurait peut-être pour effet d’influer nos pratiques, ou, au contraire, de les conforter en leur donnant encore plus de sens.
Je ne demande pas à ce que tout le monde travaille avec les mêmes références théorico cliniques que moi. Mais au moins que chacun puisse défendre ses références. Et que le cas échéant on puisse les confronter.

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : « Partir des détails pour réinventer nos pratiques » Objet Inconnu

Dr Laurent Vassal

Tout d’abord je voudrais vous ou plutôt nous remercier d’être aussi nombreux aujourd’hui.
D’autant qu’on sait qu’il est difficile aux soignants de se mobiliser alors qu’ils sont souvent en effectif minimum.
Minimum ou de sécurité, on ne sait plus très bien. Le minimum n’est pas la sécurité !
Moi je ne suis pas contre une politique de soins psychiatriques plus sécuritaire !! A condition que cela se fasse par un renforcement des effectifs soignants. Non par celui des machines, des procédures et autres protocoles.
Je voulais aussi féliciter pour le titre de ce forum : ce projet de partir des détails pour repenser nos pratiques me semble un abord des plus pertinent d’autant plus si ces détails sont ceux de la clinique.
Ceux qui me connaissent savent mon goût pour les productions des patients. Non celles de l’arthérapie mais celles du symptôme. J’avais ainsi, il y a deux ans, aux journées de RIVE présenté l’intérieur d’un patient délirant, véritable mise en scène, décor de son délire de persécution.
Pour moi le symptôme est création et en tant que tel, œuvre. Ce n’est pas le désir du créateur qui fait œuvre, c’est le regard qu’on porte dessus. Une certaine lecture du symptôme en fait une œuvre et c’est à nous, thérapeute, de le lire comme telle pour permettre au patient de faire de même.
Je fais, dans ma pratique, le choix résolu de mettre sur la même scène œuvre d’art et symptôme psychiatrique. C’est la meilleure façon de passer au delà des logiques comptables procédurales et sécuritaires que l’on nous impose et dans lesquelles nous laissons sinon la clinique, comme dans tout discours pervers, s’engluer.
Aussi, je suis ravi que le premier forum du groupe des 39 se soit tenu chez Armand Gatti, à la maison de l’arbre à Montreuil, haut lieu du théâtre et que celui d’aujourd’hui se tienne, à Ville-Evrard aux Anciennes Cuisines, résidence de Frédéric Ferrer et de sa troupe, Vertical Détour, que je remercie de nous accueillir.
Profitez de l’architecture du lieu classé au registre des monuments historiques et sachez que là où vous êtes assis, en d’autres temps, bouillaient les marmites.
Un des symptômes typiques (pathognomonique dit-on en terme savant) de la schizophrénie est l’emploi de néologismes qui sont des mots créés ou inventés. La valeur poétique de ces créations est évidente, qu’il s’agisse du « Snark » de Lewis Carroll, du « syntome » de Jacques Lacan ou de la « nostalgérie » de Jacques Derrida.
En schizophrénie, de fait, les néologismes sont plutôt rares. Plus fréquents sont les paralogismes qui sont des termes employés dans un sens autre que celui reconnu, voire sans signification explicable par le patient. Un détournement de mot en quelque sorte.
Ainsi de tel patient qui se plaignait de ce que son coiffeur lui avait fait du « tiramisu » ; tout en reconnaissant que le tiramisu est un dessert et ne sachant expliquer ce que cela signifiait ici, pour lui. En tout cas, scandalisé de ce que ledit coiffeur lui avait fait là, il l’avait expédié au tapis et lui de finir en HO.
Le premier texte que j’ai écrit à partir de ce type de symptôme l’a été à partir d’une expression d’une patiente qui souffrant d’un automatisme mental se plaignait de ce qu’on lui fasse du « là on me dit ». Persécutée, furieuse contre ceux qui lui imposaient des idées, des voix, elle vociférait
contre eux. J’ai mis du temps à réellement entendre cette expression qu’elle répétait pourtant avec insistance.
Très « culture banlieue », « neuf-trois », cette jeune patiente et son « là on me dit » m’ont inspiré ce texte qui est à « slamer » :

Lorsque je lui ai lu ce texte, la question qui se posait alors à moi et que je lui posais était de savoir à qui il appartenait puisque si l’expression était d’elle ainsi que le personnage décrit, le travail d’élaboration (de sublimation pourrait-on dire) était de moi. Elle m’a répondu souhaiter que je le garde, qu’elle était surprise que j’écoute autant ce qu’elle disait et de m’en servir si cela pouvait aider à soigner d’autres jeunes en difficulté du fait de cette maladie.
Propos touchants non ?

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : « Partir des détails pour réinventer nos pratiques »

La crevette de Clichy sous Bois

Bernadette Boisse- Christine Manguin
Infirmières.

« Mais bon dieu, ils ne voulaient pas de pommes dauphines pour une fois ! »

Ce soir nous n’allons pas vous raconter l’histoire de la sardine qui boucha le port de Marseille mais celle de la crevette qui mit à mal le budget de l’hôpital.

Plantons le décor :

Un appartement thérapeutique et ses 3 résidents, 2 infirmiers, un dimanche de fin août.

Nous voilà partis au marché afin de préparer tous ensemble le repas thérapeutique dominical.
Liste des courses en main, nous allons d’étals en étals jusqu’à celui du poissonnier. La vue de belles crevettes, des gambas, nous ont mis l’eau à la bouche.
Quelle bonne idée …….
Les patients nous demandent si c’est possible ……
Certains n’en ont jamais mangé, voudraient goûter……
Alors pourquoi pas quelques crevettes bien roses …… Après tout, ça ne va pas chercher bien loin…. et puis c’est pour toutes les fois ou nous nous sommes contentés d’un jambon /beurre. Qu’à cela ne tienne, nous achetons en plus les crevettes, ce qui fera le repas à 14€50 par personne.

Trois mois plus tard, SCANDALE, le service économique a fait ses comptes et nous écrit :

« En dehors de la période pas très propice à la consommation de fruit de mer et du risque de rupture de la chaine du froid dans le transport, le montant de l’achat m’a paru élevé pour un produit qui n’est pas couramment utilisé en restauration collective (sauf en période de fête) »

Telle une crevette décortiquons ce texte :

1) « En dehors de la période pas très propice » : y a-t-il une saison pour les crevettes ?

2) « du risque de rupture de la chaine du froid dans le transport » Comment faire les courses avec les patients, si ce n’est comme tout un chacun ! Après le marché, nous rentrons à la maison avec notre petit panier au bras !

3) « le montant de l’achat m’a paru élevé » Certes si on considère le prix au kilo mais pas si nous ramenons au coût du repas par personne. De plus, nul n’a remarqué à la régie tous les pique-niques très peu onéreux, pris en cette période estivale … C’est aussi un élément de réalité, terme très à la mode en ce moment !

4) « pas couramment utilisé » … et pourquoi ? il faut faire comme tout le monde ???

5) « en restauration collective » Depuis quand faisons nous de la restauration collective à l’appartement thérapeutique ?

6) « sauf en période de fête » pourquoi ? il y a aussi des dates pour faire la fête ???

Mais que diable, arrêtez de casser notre énergie, il nous faut déjà une bonne dose de dynamisme, d’ingéniosité et de motivation, pour susciter du plaisir, de l’intérêt chez des personnes en souffrance, en panne de désir….
Il faudrait en plus se battre face à une administration comptable qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ?

Il y a des personnes payées pour éplucher nos factures ?

Où donc est passé le temps, où notre compétence était reconnue ?

Rappelez-vous, il y avait des ouvriers qui marquait d’un poinçon le fruit de leur travail. Cette marque laissait une trace singulière et personnelle : le sceau de la qualité.
Nul ne vérifiait ensuite les pièces fabriquées par eux ….

AH……. MANGER….. !

Manger est un acte tellement ordinaire qu’on en oublie combien il est chargé de sens.
Le repas thérapeutique va au delà du choix d’un menu, de la gestion d’un budget et de l’organisation de l’espace et du temps.

Médiateur privilégié, le repas est un temps de convivialité, de partage, de plaisir. Il est l’occasion de stimuler, valoriser l’autre dans ses capacités.
Et, en plus, quand on mange, on parle ! Moment de socialisation…

Mais ma parole…. c’est un SOIN !

Nous devons souvent justifier notre travail.
Au nom de quelle connaissance du soin le comptable juge t-il, intervient il pour mettre en question cet acte ?
Réduire le repas thérapeutique à sa plus simple expression, c’est dénier le processus qui s’est construit autour et donc dénier l’acte soignant.

Et puis, tout soin à son plateau ……. Celui-ci, et bien, ce sont des crevettes !!!!!

« Si on traitait les autres comme on traite les objets qui nous tiennent à cœur, ce serait un progrès fantastique » disait Jean Oury

«  Monsieur le comptable », nous vous le disons :
Nous ne sommes pas diplômées en restauration collective !
La chaîne du froid n’est pas notre premier souci
Nous confondons peut-être les saisons
Celle des coquillages et celle des fêtes
Mais nous revendiquons d’être des soignants à part entière
Dans les actes que nous posons
Tant qu’ils s’inscrivent dans un projet thérapeutique
Défini et soutenu collectivement (ou par l’équipe ?)

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : Détails et Cuisines, des recettes ?

Docteur PROCA-KRIMPHOFF :

Je voulais commencer par une question qui concerne de façon aiguë l’Hôpital de Jour de Bondy dont je suis devenue le Praticien Hospitalier responsable, mais qui concerne également d’autres hôpitaux de jour.
La question est la suivante : qui mange demain à l’Hôpital de Jour ?
Pour compliquer un peu plus cette question épineuse (qui d’ailleurs, je m’en excuse, n’est pour moi en rien un détail mais au contraire un point essentiel), c’est sous forme de questions à choix multiples, à défaut d’avoir entièrement le choix des réponses.
Alors allons-y : qui mange demain à l’Hôpital de Jour ?

A – Des patients
C’est vrai qu’il y a des patients à l’HDJ (ce qui, à l’heure où l’on s’interroge sur à quoi sert un HDJ, peut paraître étonnant) et que, de surcroît, ils ont faim.
Certains disent : « Saine maladie ! » Ils voient vraiment la maladie partout, quoique les neuroleptiques que les confrères du C.M.P. prescrivent puissent contribuer à ouvrir l’appétit.
En tout cas, on a eu l’idée, je ne sais plus comment, que manger était peut-être bien une nécessité vitale, et que pour les patients, partir de cet ancrage dans la réalité quotidienne ça pouvait, à travers les différentes activités qui s’y rattachent, être un support à la relation thérapeutique.

B – Des soignants 
C’est vrai qu’il y a des soignants à l’HDJ (ce qui, à l’heure où l’on s’interroge sur à quoi sert un HDJ, peut paraître bien étonnant) et que, de surcroît, ils ont faim.
Mais toutes ces bouches à nourrir, est-ce bien raisonnable ? Sûrement pas !
Alors voici comment faire des économies et même combler les déficits, en trois points :
1- Réduire les effectifs soignants. Un poste vacant  = un poste supprimé, ni vu ni connu.
2- Réduire les effectifs soignants. Depuis une semaine, les repas (issus de la liaison froide) ne sont plus livrés que pour la moitié des soignants. L’autre moitié peut mourir de faim.
3- Réduire les effectifs soignants. Tous les soignants (ceux qui mangent et ceux qui ne mangent pas) voient ainsi la valeur et la qualité de leur travail au moment des repas mises en doute. Ils peuvent perdre l’envie de travailler ici dans ces conditions et partir.

C – Des patients et des soignants
Alors ça c’est la meilleure. Mais que font-ils là ensemble ? Pardon ? Ils mangent ensemble à la même table ? Le même repas ? Et ils causent ensemble ? Du jamais vu ! Pardon ? Un repas thérapeutique ?
Bon, ben voilà ça vient de sortir, ça fait même 30 ans que ça vient de sortir, depuis l’ouverture de l’HDJ de Bondy….

On a eu l’idée que, partager un repas en commun, patients et soignants, permettait de vivre un moment ensemble et de tenter d’entrer en relation avec autrui, socle de tout effet thérapeutique.
Bien qu’il s’agisse d’une pratique exigeante, requérant beaucoup d’attention et d’énergie, tous les soignants de l’HDJ de Bondy estiment que les repas thérapeutiques sont particulièrement intéressants et à certains égards irremplaçables tant en ce qui concerne la richesse clinique de ces moments, que leur potentialité thérapeutique.
Supprimer une partie des repas destinés aux soignants ou envisager de leur faire payer leurs repas est ainsi vécu comme une attaque des repas thérapeutiques qui non seulement font partie intégrante du travail, mais qui nécessitent en outre de redoubler de vigilance et de disponibilité psychique.
Les soignants de l’HDJ de Bondy demandent donc que les repas soient livrés comme précédemment à tous les soignants présents à l’HDJ, sans contrepartie autre que le travail soignant effectué.

D – Un cuisinier
Un cuisinier ? Et puis quoi encore ?
Petit détour par l’histoire :
Monsieur Jochel, cuisinier, travaillait antérieurement toute la semaine à l’HDJ de Bondy où toutes les étapes de la confection du repas (définition d’un menu, courses chez les commerçants du quartier, préparation du repas, etc…) se faisaient avec les patients de l’HDJ.
Certains y reconnaîtront un petit parfum de psychothérapie institutionnelle.
Depuis la mise en place brutale de la liaison froide, du lundi au jeudi (ce qui a fait perdre une partie de la richesse de ce qui se passait autour des repas), nous continuons à soutenir toutes les activités menées avec les patients en lien avec les repas : qu’il s’agisse d’une contribution destinée à améliorer le repas issu des barquettes de la liaison froide, ou de la préparation complète du repas le vendredi avec Monsieur Jochel. Mais sa présence vient de nouveau d’être remise en cause, sous forme d’anticipation de son départ à la retraite….
Donc à la question « Qui mange demain à l’HDJ ? » on peut dire : pas Monsieur Jochel puisque demain c’est jeudi, mais pour les vendredis à venir ce n’est pas sûr non plus.
Nous demandons donc à ce qu’il puisse continuer à travailler à l’HDJ les vendredis jusqu’à sa retraite.

E – Un chien
Non, non, c’est une blague !
Les services de l’hygiène en seraient tout retournés.

F – Personne
Parce que les repas livrés sont vraiment trop mauvais (il faut dire que le contraste avec les bons plats cuisinés par Monsieur Jochel tourne franchement à leur désavantage).
Et parce que personne n’apprécie le goût de ce qu’il vaudrait mieux appeler la dé-liaison froide.

Avis à tous ceux que cette question intéresse : je n’ai pas la réponse pour demain, mais peut-être vous pouvez nous aider à ce que demain ne soit pas comme aujourd’hui.
Je voulais vous lire un texte présenté par Jean Oury sur la symphonie inachevée de Schubert.

Un jour, un président de société reçoit en cadeau un billet d’entrée à un concert de la symphonie inachevée de Schubert. Ne pouvant s’y rendre, il donne l’invitation au responsable de l’étude des méthodes industrielles de sa société. Le lendemain matin, le président se voit remettre le rapport suivant :

1. Les quatre joueurs de hautbois demeurent inactifs pendant des périodes considérables. Il convient donc de réduire leur nombre et de répartir leur travail sur l’ensemble de la symphonie, de manière à diminuer les pointes d’inactivité.

2. Les douze violons jouent tous des notes identiques. Cette duplication excessive semblant inutile, il serait bon de réduire de manière drastique l’effectif de cette section de l’orchestre. Si l’on doit produire un son de volume élevé, il serait possible de l’obtenir par le biais d’un amplificateur électronique.

3. L’orchestre consacre un effort considérable à la production de triples croches. Il semble que cela constitue un raffinement excessif et il est recommandé d’arrondir toutes les notes à la double croche la plus proche. En procédant de la sorte, il devrait être possible d’utiliser des stagiaires et des opérateurs peu qualifiés.

4. La répétition par les cors du passage déjà exécuté par les cordes ne présente aucune nécessité. Si tous les passages redondants de ce type étaient éliminés, il serait possible de réduire la durée du concert de deux heures à vingt minutes.

Nous pouvons conclure, Monsieur le Président, que si Schubert avait prêté attention à ces remarques, il aurait été en mesure d’achever sa symphonie.

Ce texte évoque avec élégance comment une logique opératoire, uniquement guidée par des visées économiques restrictives (ce qui n’est pas du tout le cas actuellement dans cette période d’abondance et de prodigalité…) mais bref, si on est dans une logique opératoire, uniquement guidée par des visées économiques restrictives, cela conduit à être totalement hors sujet.
Ce qui est saisissant, c’est à quel point quelqu’un dans une telle logique peut écouter, et même écouter très attentivement, tout en étant complètement sourd, sourd à la dimension artistique et humaine.
Ce qui est pire encore, c’est que la surdité n’est pas seulement une perte pour qui se situe dans cette logique d’économie coûte que coûte, mais c’est une surdité destructrice pour tous ceux qui participent à une œuvre d’art, car la réduction projetée porte toujours en germe la mise en pièce, voire la mis à mort de l’œuvre, par ignorance, méconnaissance ou déni, quand ce n’est pas par malveillance.
Or un orchestre symphonique, composé de dizaines de musiciens, où chacun joue sa ligne mélodique sur son instrument, au service d’une symphonie à l’unisson, peut être une image du travail des équipes soignantes.

On sait bien l’importance de pouvoir, en tant que soignant, à la fois s’engager personnellement dans la relation à l’autre et jouer sa propre partition, ou plutôt trouver sa propre voix, et à la fois former une équipe où l’on s’écoute et l’on se coordonne, c’est-à-dire où l’on se met au diapason des autres.
L’enjeu est le suivant : comment aller vers une cohésion d’ensemble, tout en étant riche de nos différences ?
C’est déjà difficile de se rassembler quand surgissent des divisions, ce qui arrive tout le temps, dans tous les groupes humains.
C’est un défi – de l’ordre du soin – de se rassembler quand on est pris dans les effets morcelants de la psychose.
N’oublions pas que la personne psychotique dissociée ne peut qu’établir un transfert dissocié.
Toute la difficulté consiste alors à repérer et réunir ces investissements hétérogènes, à rassembler ces fragments projetés, pour permettre à la personne psychotique de se (re)donner cohérence.

Mais c’est un devoir de se rassembler pour faire face aux tentations, parfois exploitées sans vergogne, du « diviser pour mieux régner ».
À nous de refuser ce remaniement de tel avantage ou de telle prime quand ça vient cliver les uns contre les autres. À nous de rester solidaires les uns des autres.
C’est d’autant plus nécessaire que les règnes actuels ont une fâcheuse tendance à se faire despotiques, au mépris de la liberté intrinsèque de chacun.
Oui, bon, on ne va pas perdre son temps à lui demander son avis, à écouter ce qu’il dit, à attendre qu’il en finisse avec ses hésitations et ses propos décousus ! De toute façon, ce fou, dit n’importe quoi, sa parole ne compte pas, il ne compte pas.

J’espère que vos tympans ont perçu ces notes grinçantes et graves : ça devrait nous faire l’effet d’une sirène d’alarme qui nous écorche les oreilles, devant cette logique d’exclusion et d’élimination. Ça devrait nous faire sursauter, réfléchir et réagir :

Est-ce le fait… De phénomènes psychopathologiques? De l’écrasement sécuritaire? De protocoles de « pseudo » rationalisation économique des soins, qui ne tiennent pas compte de la personne humaine ?
En tout cas, comment en sommes nous venus à oublier à ce point notre humanité ?
Comment en sommes nous venus à oublier à ce point que nous partageons avec cet autre, ce fou, cet exclu, cette personne si différente… la même humanité ?

Et pourtant, les patients que nous recevons sont de fins détecteurs de ce qui sonne faux, de ce qui révèle l’exclusion, pour peu qu’on vieille bien les entendre. Mais ils en sont aussi malheureusement les premières victimes.

Alors voilà, ceci est un appel vibrant à ouvrir les écoutilles, à se rassembler en dépit de toutes les lignes de divisions (et je pense que le Collectif de la Nuit Sécuritaire peut permettre cela) et à résister, depuis là où nous sommes, debout face à toutes les menaces, pour garder notre humanité.

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Forum du Collectif des 39 du 93 du 3 juin 2009 : « Partir des détails pour réinventer nos pratiques »

« Les détails »
Docteur Evelyne Lechner :

Si le Président Obama a été plébiscité par ses concitoyens les plus déshérités, c’est, en grande part, pour sa volonté de réformer le système de santé libéral américain qui est non seulement inégalitaire mais économiquement défaillant : le premier au monde en terme de coût, mais le 37ème en terme de qualité des soins, selon l’estimation de l’OMS en 2000. Dans le même temps, le dispositif français, alors reconnu comme le meilleur mondial, va être fondamentalement chamboulé par la loi «  Hôpital, patients, santé, territoires » et sa logique purement financière et managériale. Notre Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, affirme que bien manichéens sont ceux qui voient là une atteinte du service public hospitalier et un risque de marchandisation de la santé. Or, si nous ripostons, aujourd’hui, à Ville-Evrard, par la grève des instances et le refus de transmettre les données du RIMpsy à nos tutelles, contre ce projet de loi, c’est que nous en connaissons un avant-goût amer et en mesurons déjà les effets délétères sur notre pratique soignante quotidienne.
Bien que l’Etablissement Public de Santé de Ville-Evrard ne soit pas encore soumis à la tyrannie de la T2A et reste un des rares hôpitaux français à clore, depuis pas mal de temps, ses comptes annuels avec un à deux millions d’excédents, y règne actuellement un climat insidieux et rampant d’économie de bout de ficelle… A coup de notes de service lapidaires, mentionnant les sommes insensées qu’on espère ainsi économiser, ou subrepticement sans qu’on y prête garde, se multiplient les restrictions les plus infimes. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la suppression des bouteilles d’eau minérale remises jusque-là aux patients entrants et/ou en isolement : on sait combien nos malades, notamment sous neuroleptiques, risquent la déshydratation (à cela ne tienne : les bouteilles pourront être délivrées au compte-goutte sur prescription médicale) ; pour les autres, il y a la fontaine. Dans le pavillon de mon service, la fontaine a failli être retirée, l’an passé, comme « nid à microbes » ; elle a été décrétée totalement salubre, cette année, et chacun de s’y abreuver à plein goulot, faute de gobelet jetable. De même, les chiffonnettes destinées au ménage devaient, dans un but de prévention des maladies nosocomiales, être jetées après usage ; elles sont remplacées, cette année, par des lingettes à laver, impérativement, avant de resservir. Jusqu’à un certain type de culottes de dépannage en filet qui doivent, désormais, être soigneusement marquées au nom du malade et, elles aussi, lessivées pour réutilisation éventuelle… Nous sommes dans de beaux draps ! Le service de la laverie centrale mis à la disposition des patients a été fermé en fin d’année dernière et voilà plus de six mois que nous attendons, pour y suppléer, l’installation dans le pavillon d’une machine à laver. Du coup, le linge sale, notamment des patients régressés et incontinents, s’accumulent ; les familles, mises à contribution quand c’est possible, se découragent devant l’ampleur de la tâche et les malades chroniques préfèrent contourner la difficulté en revêtant les pyjamas de l’hôpital plutôt que leurs vêtements personnels. Il n’y a qu’à voir la belle exposition que la SHEREP consacre, en ce moment, à l’histoire des « vêtures d’asile » pour réaliser quelle régression cela suppose… Excusez la trivialité du propos, mais même les dépenses en seaux hygiéniques disposés, au besoin, dans les chambres d’isolement, ont été revues à la baisse ; qu’importe que ceux-ci aient des bords acérés et puissent si facilement se fendre en autant de débris tranchants. Enfin, signalons le système de chauffage confié, il y a quelques années, à une entreprise de sous-traitance peu réactive, nous obligeant parfois, par grand froid, à accueillir les patients dans des chambres plafonnant à 15° avec juste une couverture bien fine à se mettre sur le poil. Et les commandes de travaux 2009 qu’on nous demande de réduire de 20%, au nom des sempiternelles « tensions budgétaires », et qui, de toute façon, ne seront étudiées qu’en octobre prochain… Face à ces petites misères domestiques, aux sordides détails de cette économie de survie imposée à une population doublement stigmatisée, en tant que malades mentaux, et, trop souvent, en tant que précaires des fameux « quartiers » du 9-3, je ne peux m’empêcher de penser à Primo Lévi et à ses réflexions sur la dignité humaine…
Avoir fait tant d’études pour, au bout du compte, se débattre, au jour le jour, avec ces questions essentielles de torchons et de pots cassés, et, cahin-caha, essayer de sauver les meubles. Presque tous les courriers adressés à nos responsables restent lettre morte, le mépris affiché à l’encontre des soignants étant à la hauteur de celui dont souffrent les malades. Beaucoup de médecins ne touchent pas les primes auxquelles ils ont, statutairement, droit et il vient d’être décrété que les primes de responsable et de cadre assistant de pôle ne seront attribuées qu’à ceux qui sont prêts à signer, à la va-vite, sans concertation avec les acteurs de terrain, des pré-contrats de pôle avec la direction. Or, quand on sait que le Contrat d’Objectifs et de Moyens, ayant présidé à la création du 18ème secteur dont je m’occupe, n’a, à ce jour, pas été intégralement honoré, il y a de quoi être dubitatif… Aucune catégorie professionnelle n’est épargnée : les contrats à durée déterminée se multiplient… Les effectifs du service des spécialités et du laboratoire de biologie sont dangereusement menacés. Par manque d’ASH, on laisse croupir certains espaces dans un état d’incurie inimaginable, notamment le secrétariat du 18ème secteur, mais qu’importe : c’est là que siège la toute nouvelle équipe mobile « psychiatrie et précarité » ! Quant aux psychologues, les seuls professionnels du champ de la psychiatrie à abonder sur le marché, il est question de les faire travailler plus, pour mieux en diminuer le nombre et de ne plus les titulariser à l’avenir. La difficulté à embaucher des infirmiers est considérée par notre directeur comme un « effet d’aubaine » et, après une fastidieuse démarche de diagnostic partagé sur les besoins, il vient de nous être annoncé, comme une faveur, des recrutements sur même pas la moitié des postes infirmiers vacants alors que les mensualités de remplacement et le recours aux heures supplémentaires sont en forte diminution. Mais plus grave que les baisses de personnel, est le discrédit, dont ils sont victimes : les repas accordés aux infirmiers de nuit sont soudain arbitrairement remplacés par une légère collation et ceux pris dans le cadre des repas thérapeutiques, désormais facturés aux agents, comme s’ils n’avaient, jusque-là, sous le prétexte fallacieux des soins, fait que grignoter indûment les deniers de l’Etat. Mais qui décide de ce qui est thérapeutique ? Qu’est-ce que nos administratifs connaissent des nourritures un peu plus spirituelles, de l’échange et de la relation dans la grande cène du repas partagé avec les psychotiques ?
Certes, tous ces petits tracas quotidiens n’ont rien de mortel, mais on ne peut pas vivre que d’Haldol et d’eau du robinet ! Nos patients ont non seulement un corps, mais aussi un esprit, et l’ouverture sur l’extérieur, le lien avec l’autre, la parole, l’intelligence, ont, qu’on le veuille ou non, une valeur thérapeutique. L’IGAS a reproché aux soignants de Ville-Evrard de ne pas passer suffisamment de temps « au lit du malade ». Or, nos malades ne sont pas au lit : ils trainent devant de minables écrans de télévision, leur accès aux journaux est de plus en plus limité ; ils manquent de papier pour écrire et dessiner ;  s’ils commencent à pouvoir bénéficier, à titre « pédagogique », d’ordinateurs, c’est sans l’apport d’Internet. Les associations de soutien aux actions thérapeutiques, et en particulier aux précieux appartements associatifs, où patients et soignants sont engagés à parité, sont considérées avec méfiance et ont un mal fou à défendre, d’année en année, les modestes subsides que l’hôpital leur consent. L’Hôpital de Jour de Noisy-le Grand a demandé, en janvier 2009, projet thérapeutique à l’appui, l’autorisation d’accueillir en son sein un artiste plasticien prêt à intervenir bénévolement auprès des patients, mais cela ne nous a, à ce jour, pour une mesquine question de responsabilité civile, toujours pas été accordé. Ce n’est donc pas d’argent qu’il s’agit, mais bien d’idéologie !
La priorité n’est naturellement ni à la culture, ni à la citoyenneté, mais bien, encore et toujours, à surveiller et punir : un grand panopticon virtuel est en train de se mettre en place ! A force de rogner sur les postes soignants et les petits riens du quotidien, l’Hôpital de Ville-Evrard a thésaurisé de quoi se lancer dans les grands chantiers du Plan Hôpital 2012. La restructuration et l’humanisation des pavillons d’hospitalisation sur le site sont renvoyées aux calendes grecques. Mais l’informatique est à l’honneur et l’Etablissement a élaboré un schéma directeur du système d’information hospitalière s’élevant, investissements et fonctionnement compris, à pas moins de 35 millions d’euros sur les six ans à venir, pour mieux saisir, tracer, compter, calculer… L’initialisation de ce dispositif complexifie actuellement plus la communication qu’il ne la fluidifie et nous savons bien qu’aucune liste de chiffres, qu’aucune AVQ, ni mise en cases et en tableaux ne saura rendre compte de la subtilité de notre travail soignant. 2009 ressemble étrangement à « 1984 » d’Orwell si l’on songe, en outre, à cet autre cheval de bataille de notre Président Sarkozy qu’est la sécurité. A Ville-Evrard, des caméras vont fleurir, ça et là, dans le parc et l’on s’interroge sur le bien-fondé d’en installer jusque dans les chambres d’isolement. Qu’importe le risque de renforcer le délire de persécution de certains de nos malheureux malades en phase aiguë, l’important étant que rien n’échappe des moindres replis de leur intimité. Parallèlement, il est programmé la mise en place, à l’entrée et à la sortie du site de Ville-Evrard, d’un système de reconnaissance des plaques d’immatriculation des véhicules, entre autre « pour prévenir les fugues », comme si nos patients avaient la maladresse de se faire la belle en voiture. En quoi cette trouvaille améliorera-t-elle le sentiment de sécurité de nos patients au fin fond de leur pavillon ? Qui surveille qui et qui protège qui ? Alors que je tentais de pointer l’inanité d’une telle innovation, notre directeur s’étonnait de tant de formalisme, affirmant que cela se faisait partout et que ça ne représentait, somme toute, que peu de chose au regard du budget de l’ensemble de l’Etablissement… Et il a raison : 145.000 euros, tout compris, ça n’est jamais, grosso modo que l’enveloppe annuelle allouée à l’équipe mobile « psychiatrie et précarité » que l’Hôpital de Ville-Evrard est si fier d’avoir créée récemment à destination des personnes en situation de précarité et d’exclusion.
En conclusion, refusons d’être les complices du tout-économique et du retour des pauvres et des fous dans des hôpitaux-poubelle ! Ne cédons pas à la peur que les médias ont insensiblement instillée dans le monde des soignants, peur d’être pris en faute, d’être encore plus réduits à l’impuissance, peur de parler et peur d’agir. Or, les obstacles ont ceci de positif qu’ils aiguillonnent inlassablement notre énergie et notre ténacité et force est de constater que l’action, pas à pas, n’est jamais totalement stérile : les repas viennent d’être restitués aux infirmiers de nuit, le secrétariat de mon secteur est devenu miraculeusement propre, la providentielle machine à laver doit arriver d’un jour à l’autre… Donc, ne laissons passer aucune épine irritative et attachons-nous, sans complexe, aux petites choses : « Il n’y a pas de détail. Chaque infime partie contient tout » dit Barjavel. Si nous voulons préserver notre capacité thérapeutique, il nous faut apprendre à rester libre, libre de penser, d’avoir du temps pour ne rien faire, pour errer, manger, discuter, lire, écrire, jouer, désirer, créer, rêver, rire, éprouver du plaisir et tout simplement vivre avec ceux que nous soignons. Afin qu’ils puissent accéder à un vrai statut de sujet, exigeons, pour eux, tout à la fois, du pain et des roses, l’indispensable et puis le superflu…

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Forum du Collectif des 39 du 9-3 à Ville Evrard (ouverture)

Ouverture
Paul Machto.
Psychiatre

Merci à vous d’être là ce soir pour ce premier forum de notre Collectif, le Collectif des 39 du 9-3.

Tout d’abord il nous faut remercier Frédéric Ferrer et la compagnie Vertical Détour de nous accueillir ici, aux Anciennes Cuisines. Ce lieu de l’hôpital mis à la disposition de la Culture par la Direction, se prête très bien à cette rencontre, car la psychiatrie par le fait même de son objet est un fait de culture, doit se confronter avec le culturel et le social. Cette initiative d’affecter des lieux de l’établissement à la Création est un excellent choix qui rejoint ce que nous tentions d’avancer l’an dernier lors d’une rencontre sur l’Avenir de Ville Evrard.

Je tiens aussi à remercier la Direction de l’hôpital d’avoir permis que se tienne ici ce premier forum.

« Forum » : ce mot nous l’avons choisi au Collectif des 39 pour bien souligner notre désir de porter sur la place publique ce débat essentiel à propos de la place faite aux fous dans cette société. Il s’agit de débattre de la conception des soins aux malades mentaux. Nous voulons des pratiques dignes et humaines pour la psychiatrie. Nous voulons soutenir pour toutes celles et ceux qui sont concernés par la psychiatrie, le respect nécessaire de la responsabilité des professionnels, et la reconnaissance de leur place de sujet à ceux que l’on désigne comme « autre », y compris dans leur irresponsabilité même.

C’est à une véritable bataille des idées à laquelle nous sommes convoqués.
Notre responsabilité est immense car nous sommes confrontés à un moment où tout peut basculer.

Ce collectif de Seine-Saint-Denis s’est créé le 1er avril dernier.
Quelle belle date pour la création d’un mouvement ! Une blague, mais quelle blague à opposer à la violence, à la brutalité, à la bêtise aussi des gouvernants !
1er avril, cela me fait penser au « Rire de résistance », cette initiative de Jean Michel Ribes en … 2007. Déjà ! « Le rire désarme, ne l’oublions pas » disait Pierre Dac. Et Freud : « L’humour ne se résigne pas, il défie ! ».

Car de « résistance » il en est question, et depuis plusieurs années en psychiatrie, mais ailleurs aussi dans la société, dans les colloques, dans les différents mouvements de revendication des dernières années. « Résistance » invoquée de façon par trop incantatoire, comme dans un prolongement du discours de la plainte qui s’est développée, discours de la plainte, triste pendant de la servitude volontaire qui s’est installée face au rouleau compresseur de l’idéologie dominante : gestion, évaluation, déshumanisation, marchandisation.

Avec ce mouvement naissant, il s’agit de passer aux actes de résistance, à la construction d’un discours qui nous donne un cadre pour agir, pour soutenir les pratiques que nous avons mises en œuvre, et pour combattre les pratiques qui prennent les sujets comme des objets, combattre les pratiques qui abandonnent la dignité des individus en souffrance, et poussent à l’indignité les soignants.

Alors « rire » oui, 1er avril, oui ! Car il s ‘agit aussi de faire l’éloge du jeu, du plaisir dans notre métier, plaisir des rencontres, plaisir des inventions, plaisir de la créativité dans nos pratiques. Plaisir revendiqué dans cette confrontation avec la folie, avec les folies des hommes. Pour inventer des pratiques qui puissent accueillir la plus grande des souffrances, celle du psychisme, qui va jusqu’à envahir les corps, et exclure celui qui en est atteint d’abord de la cité, mais pire encore, l’exclure de lui-même.

C’est dans l’enthousiasme que nous avons organisé ce forum.
C’est dans l’enthousiasme que nous avons lancé l’appel des 39 « La Nuit Sécuritaire » le 15 décembre dernier dans un regroupement de toutes les catégories de soignants.
C’est dans l’enthousiasme des 25000 signatures réunies en trois semaines, que nous avons organisé ce meeting à la Parole Errante à Montreuil le 7 février, où 2000 personnes se sont rassemblées.
C’est dans l’enthousiasme encore, que nous avons lancé le Manifeste pour « un Mouvement pour la Psychiatrie ».

Des lettres ont été envoyées par des soignants et par des citoyens au Président de la République pour dire, chacun avec ses mots, son indignation en réaction à son sinistre discours du 2 décembre à l’Hôpital Erasme d’Antony. Érasme ce magnifique auteur de l’Éloge de la Folie, aurait pu entendre ces indignes propos fous de la fureur du rejet de l’autre, de la désignation de l’autre comme s’il s’agissait d’un monstre, comme si la part d’humanité dans la folie était déniée.
Ces lettres, il faut continuer à en envoyer, que ce soit aux élus, aux gouvernants, pour témoigner que nous refusons ce nouvel ordre sécuritaire.

Nous avons effectué un certain nombre de démarches auprès des partis politiques, des parlementaires, et nous continuons pour faire valoir notre exigence d’un moratoire pour que s’organise un grand débat national avant toute nouvelle législation sur la psychiatrie. Car il s’agit de défendre la politique de secteur mise en œuvre depuis près de 40 ans et tout particulièrement développée en Seine-Saint-Denis. Il s’agit de se battre contre son démantèlement comme le prévoit la loi H.P.S.T. ou encore le rapport Couty.

Depuis février, des collectifs nombreux se sont constitués dans le pays. Des forums se sont tenus :
– A Reims d’abord fin janvier, pour protester contre la suppression de l’enseignement de psychothérapie institutionnelle à la Faculté de psychologie de Reims.
– À Montreuil à nouveau en mars avec l’association UTOPsy qui réunit des jeunes psychiatres, des internes, des étudiants en psychologie, des éducateurs en formation des travailleurs sociaux.
– À Uzès, à l’hôpital du Mas Carreyron, à l’initiative de soignants
– À Montpellier, à l’initiative de l’association Isadora de la Clinique St Martin de Vignogoul,
– À Charleville-Mézières, à l’initiative de syndiqués de la C.G.T.

D’autres sont prévus :
– À Paris le 5 juin à l’initiative de l’association Pratiques de la Folie.
– À Marseille le 5 juin également, à l’initiative de l’association des Psychiatres Privés, l’A.F.P.E.P.
– À Reims, le 13 juin, avec la Criéé et le Diwan Occidental- Oriental.
– À Saint Alban le 20 juin.
– À Béziers le 28 septembre dans le cadre des journées annuelles des Croix – Marines.

À chaque fois c’est le désir de parole qui surgit. Le désir de dire nos pratiques, de dire les contraintes bureaucratiques, de dire la folie des protocolisations, de la normalisation, de l’homogène et soutenir la richesse de l’hétérogène dans les équipes, dans les institutions.

Car c’est bien la singularité qui est visée. La singularité des histoires individuelles mais aussi des histoires collectives qui ont été le terreau des innovations thérapeutiques institutionnelles. Avec ce discours du 2 décembre, c’est l’histoire même des pratiques psychiatriques des 50 dernières années qui est balayée.
À n’en point douter, en balayant l’Histoire, c’est bien le projet de ne plus prendre en compte l’histoire du sujet souffrant avec les pratiques centrées sur les comportements telles qu’elles se sont développées depuis une dizaine d’années.

Car ce discours présidentiel pour choquant et indigne qu’il soit ne doit pas nous détourner dans la facilité de la réaction. Ce discours est venu là, comme un effet de miroir sur ce qui s’est développé de façon si facile et insidieuse en psychiatrie à partir du milieu des années 90 : le retour à une médicalisation avec l’objectivation du malade, l’effacement de la pensée critique sur les pratiques, le développement énorme du recours aux médicaments, l’oubli des thérapeutiques institutionnelles, la mise à l’écart des psychothérapies, des soins psychiques, les réponses immédiates, le principe de précaution érigé en conduite à tenir, la banalité du recours aux chambres d’isolement, la banalité de la contention qui avaient complètement disparu dans les années 70- 90. À ceci il faut aussi bien sûr rajouter les ravages de l’accréditation, ce processus abêtissant du formatage normatif, l’idéologie de l’évaluation, la gestion comptable, la suspicion, voire le mépris des administratifs sur les pratiques soignantes et les professionnels, la dérive gestionnaire de la formation des cadres de santé dont certains ont oublié trop vite leurs engagements et leur fonction soignante, la frilosité de nombre de psychiatres.

Et pourtant vaille que vaille, dans les difficultés, dans l’adversité, dans le combat pied à pied, des équipes ont maintenu des pratiques dans lesquelles les patients sont acteurs de leurs soins, où la prise en compte de leur parole est essentielle, où l’on ne parle pas à leur place où pour eux, on sollicite leur engagement, plutôt que de vouloir leur bien, vouloir à leur place, les assister, faire dans l’occupationnel, l’éducatif ou l’assistance. Des pratiques où les soignants sont soutenus dans leurs initiatives, leurs engagements, ce qui ne peut qu’encourager leur sentiment de responsabilité, la reconnaissance de leur savoir-faire. Des pratiques qui se soutiennent de la créativité, de l’invention mais aussi du risque inhérent à l’humain, inévitable dans tout engagement thérapeutique.

Il nous appartient de mettre en avant, de penser, de repenser, ces questions fondamentales qui sont le socle de la psychiatrie humaine, désaliéniste, que nous faisons, que nous voulons développer encore plus, et que nous voulons défendre :
– L’accueil,
– L’hospitalité,
– Le Collectif.

Il nous faut avoir l’audace de nos idées, l’audace des théories et des pratiques qui nous ont été transmises, et que nous devons à notre tour porter et transmettre.

Parce que « L’essentiel se niche dans les détails », nous avons souhaité aborder par le biais des détails de nos pratiques, des difficultés rencontrées depuis quelque temps dans cet établissement, à l’occasion de ce premier forum à Ville Evrard, dans ce lieu de culture que sont devenues les anciennes cuisines.

J’espère qu’enfin vont s’ouvrir ce soir des perspectives fructueuses, des retrouvailles avec le débat, avec la confrontation, avec la remise au premier plan de la parole pour qu’enfin nous passions aux actions pour défendre ce qui nous a fait choisir ce métier.

Alors quelques mots de présentation de la soirée. Et excuser l’absence de l’U.N.A.F.AM. en la personne de Mr Thieuzard qui n’a pu être présent ce soir. Ce n’est que partie remise tant est important le débat à instaurer avec les patients, les familles et leurs associations.

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Le Collectif des 39