> Psychanalyse de restauration, exception française

Capture d’écran 2012-01-03 à 10.37.04Dans Libération du vendredi 11 janvier 2013.

Psychanalyse de restauration, exception française

Société

10 janvier 2013 à 19:06

Par MICHEL TORT Psychanalyste

Dans le cadre du débat engagé sur le mariage pour tous et l’homoparentalité, on a vu refleurir les discours d’un courant de psychanalystes qui s’étaient exprimés depuis les années 80 sur les problèmes de filiation et de parenté. Invoquant des normes transcendantes, en dehors de l’histoire, dans lesquelles on reconnaît le discours transparent des religions, ils prétendent y ajouter la caution de la psychanalyse. Les arguments «psychanalytiques» de ce genre ne résultent nullement de la clinique psychanalytique : ils s’enracinent dans une logique de «bon sens», réactive, phobique, qui fabrique la lie du débat social en France et qui nourrit le discours des comptoirs. Reste la question : quelle est l’origine de ce courant réactionnaire dans la psychanalyse en France ?

Le modèle familial père – mère – enfant, où dominaient le mariage et la filiation indivisible, ayant explosé depuis les années 60 et s’étant diffracté en une myriade de formes de parentalité, la parenté a cessé d’être considérée comme une relation naturelle. Or, c’est le moment qu’a choisi ce courant de psychanalystes pour se mettre en tête qu’il leur revenait de légiférer en dernière analyse sur la filiation et la parenté, en raison du règne souverain exercé par la psychanalyse sur l’inconscient et ses fonds sous-marins. Ils sont partis en guerre contre les notions mêmes de parentalité et de genre, qui les obligeaient à tenir compte de l’histoire et des rapports de pouvoir.

Quel est l’enjeu du débat ? C’est le remplacement progressif du dispositif social ordonné jadis au principe paternel par un dispositif de parentalité. L’ordre social soumis au principe paternel rappelle les sujets à l’ordre théologique de la nature en disqualifiant les bâtards, les filles mères, les contre-natures, les avortées, divorcés, etc. Dans le dispositif de parentalité, on décrit des situations multiples de parentalité en respectant leurs droits. Ce changement a pris plusieurs siècles. Les termes de parenté, «père» et «mère» auxquels il ne faudrait pas toucher sont aussi le lieu de rapports de pouvoir masculin – féminin historiques. On ne peut dénier la réalité des transformations dans le dispositif de parentalité. Elles modifient les rapports de domination entre hommes et femmes, nommés suavement complémentarité par le Saint-Père. La dimension symbolique n’appartient pas aux religions qui l’ont vampirisée. Liberté, égalité définissent aussi des relations symboliques. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, le dépositaire de la fonction de tiers entre parents et enfants et entre parents n’est plus «le Père» mais de facto et de jure l’Etat des citoyens et citoyennes : le débat actuel l’illustre.

Or, l’invocation par nombre de psychanalystes d’une prétendue «fonction paternelle» étrangère à l’histoire revient à maintenir en surplomb une figure «symbolique» qui garde jusqu’à la caricature les anciennes fonctions sociales du Père. Il s’agit de montrer le caractère universel, structural, de cette «fonction paternelle». Déplumée de ses pouvoirs politiques, elle se transforme astucieusement en une capacité symbolique de séparer la mère et l’enfant, objectif patriarcal inchangé. Le Saint-Père est devenu «infaillible» quand il a été dépouillé de tous ses Etats et parqué au Vatican. Le Père, le pater patriarcal, s’est transformé en Père symbolique, quand le statut des pères a changé. Le père est devenu l’interlocuteur prosaïque des enseignants, des travailleurs sociaux, du personnel de la justice et de la police, gestionnaires de facto et de jure des fonctions parentales. C’est contre cette évolution qu’on lui a attribué une «fonction paternelle» symbolique éternelle, quand il s’agit d’un symbolique des cavernes.

Il s’est constitué dans les années 50-80 en France, dans une sorte de contre-réforme, un corps de croyances théoriques retraitant certains éléments du freudisme, avec lesquels on a construit une «fonction paternelle», base irréfragable de la parenté. C’est avec cette construction de la «psychanaLacan» ajoutée à son original catholique du père, avec ce schéma théologique sous ses oripeaux «psychanalytiques» que certains tentent de faire pièce aux bouleversements vertigineux des parentalités en Occident. Or, il n’y a pas de «fonction paternelle» hors des rapports de sexe et de genre. Les fonctions des pères ou des mères dépendent du dispositif parental historique et géographique. Mais la problématique de la «fonction paternelle», loin d’appartenir au seul courant lacanien, circule dans l’ensemble de la psychanalyse française, réconciliant paradoxalement sur un mode œcuménique les courants majeurs de la psychanalyse officiellement divisés.

Ce courant réactionnaire met en danger depuis des années la psychanalyse sur tous les fronts. A travers sa clique médiatisée, il ne représente pas la psychanalyse, mais il lui nuit. Il est responsable d’une partie des critiques qui se sont accumulées depuis la même époque environ contre la psychanalyse. C’est une évidence si l’on considère la dernière des «affaires» qui défraient la chronique, la polémique concernant l’autisme. Un documentaire montrait sur un mode caricatural les cantiques de la «fonction paternelle», le Notre Père «psychanalytique» qui dit : les mères sont responsables de l’autisme, le bâton paternel est le Sauveur, etc. Jusqu’à quand laisserons-nous l’adhésion au credo paternel, qui sous-tend les résistances de la psychanalyse aux évolutions des rapports de parentalité et aux transformations sociales en général, ridiculiser la psychanalyse et compromettre pour la communauté les bénéfices du travail clinique remarquable qui se fait par ailleurs? Alexandre Koyré, dans Du monde clos à l’univers infini, décrit comment Dieu sort discrètement du paysage scientifique. Il relate que l’astronome Laplace répond à Bonaparte, qui l’interroge sur la place qu’il réserve à Dieu dans son Exposition du système du monde : «Citoyen Premier Consul, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse.» C’est de nos jours le tour du «père», la figure patriarcale du père que ce Dieu éclipsé représentait, de quitter la scène à son tour.

source: http://www.liberation.fr/societe/2013/01/10/psychanalyse-de-restauration-exception-francaise_873086

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> LA PSYCHIATRIE EN PERIL

Entretien avec Thierry Najman, Psychiatre des Hôpitaux, chef de pôle (Hôpital psychiatrique de Moisselles) paru dans Lien Social, n° 1084 du 29 novembre 2012, pp. 18 et 19.

 

 

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LA PSYCHIATRIE EN PERIL

 

Face au « dépérissement » du secteur psychiatrique, le Dr Thierry Najman, propose, entre autre, de supprimer la Haute Autorité de Santé et la loi Hôpital Patient Santé & Territoire.

 

 

Selon certains "collectifs" (collectif des 39, la Nuit sécuritaire, etc..) la psychiatrie aujourd'hui  semble être en situation "de dépérissement". Est-ce également votre analyse de la

situation ?

 

Absolument. Deux lois votées durant le précédent quinquennat ont fait basculer la psychiatrie publique dans un autre registre :

La loi Hôpital Patient Santé & Territoire (HPST) de décembre 2009 a profondément modifiée l’organisation interne des hôpitaux en entérinant le modèle de l’entreprise privée pour l’hôpital. Cette loi sous-entend que la santé est une marchandise comme une autre. Les hôpitaux sont désormais soumis à des contraintes semblables aux entreprises privées, en particulier en matière budgétaire, sans avoir par ailleurs les prérogatives du privé, puisqu’en même temps, les hôpitaux sont soumis à des directives fortes de l’état. En réalité, ce système n’a qu’un seul objectif, de nature financière.

Plus récemment, a été votée la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement. Cette loi constitue une profonde régression. Sous couvert d’introduire l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) pour protéger les patients d’une hospitalisation abusive, cette loi est à l’origine de nouveaux modes de soins sans consentement qui font, en réalité, le lit de beaucoup de dérives. Par exemple, il est désormais possible d’hospitaliser un patient sans son consentement, sur décision médicale, sans l’intervention d’un tiers, ce qui n’était pas possible avec la précédente loi de 1990. La loi de 1990 n’était pas parfaite. Mais la nouvelle loi, dont le fondement sécuritaire crève les yeux, tire la psychiatrie vers une fonction d’auxiliaire de police. De plus, il n’est pas certain que l’intervention du JLD protège les patients de quoi que ce soit, car la grande majorité des juges n’a reçu aucune formation clinique et doit prendre une décision en quelques minutes dans un domaine qu’ils ne connaissent pas.

A cela s’ajoute beaucoup de difficultés issues d’un manque de moyen et d’un envahissement bureaucratique hallucinant qui empêche les professionnels de la psychiatrie de se consacrer à ce qui devrait être le cœur de leur métier, c’est-à-dire la clinique, le soin et la prévention de la souffrance psychique. Bien entendu, cet envahissement administratif se fait au nom de la « qualité », érigée en nouvelle religion d’état. La démarche d’accréditation élaborée selon une logique totalement surréaliste, et par des gens qui ignorent visiblement tout du terrain, finit d’étouffer l’hôpital et aura peut-être raison de lui. De plus, les procédures qualités ont un coût humain et financier qui est totalement illogique dans le contexte d’aujourd’hui.

 


Ces dernières années la stigmatisation de certains malades mentaux (largement médiatisée)  a autorisé certaines "politiques de santé mentale", à vouloir instrumentaliser la psychiatrie pour des visées "sécuritaires". Quelles en sont aujourd'hui les conséquences ?



Les conséquences sont graves. Nicolas Sarkozy, avant de faire voter la loi du 5 juillet, a voulu gagner des bulletins de vote, en stimulant la peur. Il s’agit d’une stratégie politique connue. La peur des fous, comme la peur des étrangers, par exemple, permet à certaines personnalités publiques de proposer des solutions simplistes et illusoires, mais qui sert de refuge aux angoisses d’une population inquiète de l’avenir. Le précédent président de la République a profité de faits divers, pour cultiver l’amalgame entre dangerosité et folie, alors que plusieurs études montrent que les schizophrènes sont onze fois plus victimes d’agression que la population générale. Le racisme anti-fou est une réalité tangible à laquelle chaque société est confrontée. Le psychiatre Lucien Bonnafé, qui fut l’un des promoteurs du courant de psychothérapie institutionnelle, soulignait que le niveau éthique d’une civilisation se mesure aussi à la façon dont celle-ci traite ses fous. A chacun d’en tirer ses propres conclusions pour la période actuelle.

Concrètement, dans les services de psychiatrie, avec cette nouvelle législation sécuritaire, de nombreux psychiatres passent plus de temps à rédiger des certificats de soins sous contrainte, qu’à prendre soin des patients dont ils ont la charge.


Selon vous quelles seraient les principales mesures à prendre pour que la psychiatrie  redevienne  en France  une médecine  respectée au service des usagers?

Une première mesure simple, et qui permettrait à tout le monde de se porter mieux, les patients, comme les soignants, serait la suppression pure et simple de la Haute Autorité de Santé (la HAS) dont la toxicité crève les yeux. Lorsqu’on connait certains des avis rendus par cette haute instance de l’état, une décision de dissolution de la HAS s’impose. Je retiendrai les recommandations négatives, voire les interdictions de la HAS, concernant la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle, dans la prise en charge de l’autisme infantile, ainsi que concernant cette méthode de soin humaniste que constitue le packing. Aucune méthode de soin ne peut se prévaloir du monopole de l’efficacité, concernant cette pathologie grave de l’enfant. La prudence et la modestie devraient prévaloir face aux affirmations péremptoires. Tous ceux qui connaissent sérieusement ce domaine font la promotion de la pluridisciplinarité et de l’ouverture aux approches plurielles et multidimensionnelles.

Il découle également de mon propos, la nécessité d’abroger la loi HPST ainsi que celle du 5 juillet 2011. Je réponds à votre question, tout en ayant conscience du caractère utopique de ma réponse.

Réintroduire une dimension humaniste dans la psychiatrie devient une urgence. Deux notions qui ont permis un développement constructif de la psychiatrie, après le second conflit mondial, sont en voie de démantèlement complet. Il faudrait les restaurer. Il s’agit de la notion de « service public », que l’Union Européenne est en train de diluer, voire de dissoudre dans des concepts abscons néolibéraux, comme celui de « service d’intérêt général ». Il s’agit aussi du « secteur psychiatrique » qui disparait de tous les textes actuels au profit de notions purement administratives comme celles de « territoire de santé ». La théorie du « secteur psychiatrique » véhicule bien autre chose, en particulier du côté de la clinique et du côté des objectifs de la psychiatrie en matière d’accompagnement des plus malades, et des plus démunis.

Thierry Najman

Propos recueillis par Guy Benloulou.

 

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> "Intervention d'Hervé Bokobza au séminaire d'Asnières"

Le Docteur Hervé BOKOBZA interviendra dans le séminaire du secteur d'Asnières-sur-seine :

 

 

 

Le mardi 22 janvier de 10h à 12h30.

 

          Ce psychiatre a été formé à la psychiatrie à l'hôpital de Moisselles, dans lequel il est arrivé comme externe en 1972. Par la suite, il est devenu médecin directeur de la clinique de psychothérapie institutionnelle de Saint-Martin de Vignogoul.

         Hervé Bokobza a été président des états généraux de la psychiatrie en 2003. Il est l'un des fondateurs du collectif des 39 et reste actuellement parmi ses membres les plus actifs. Il est également psychodramatiste.

 

          Son intervention qui se situera au croisement de l'histoire de la psychiatrie et des concepts issus de la psychothérapie institutionnelle sera suivi d'un débat animé par le Docteur Thierry NAJMAN.

 

 

 

 

LIEU:  HÔPITAL DE JOUR Sandor FERENCZI

35, rue Robert Dupont  – 92600 ASNIERES-SUR-SEINE

 

 

Inscription obligatoire et gratuite auprès de Virginie PRIEUR

TEL: 01.41.32.24.35

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> De l'Inutile, de l'ambiance et des entours


 

 

DE L’INUTILE, DE L’AMBIANCE ET DES ENTOURS

 

Intervention du Dr Hervé Bokobza*

 

Vendredi 25 Janvier 2013 à 20H Mairie de Magrin (81)

 

 

Tout ces petits riens, ces trois fois rien, ces pas grands choses, ces petites attentions, ces je ne sais quoi, ces petits pas, ne constituent ils pas au final le soin en psychiatrie ?

N’est ce pas là « la moindre des choses » comme si bien défini par Jean OURY.

Ne faut-il pas plus encore construire ou reconstruire ces brefs instants pour continuer à prendre soin ?

C’est sur nous ne serons plus alors dans les nomenclatures officielles, les classifications, la certification, ni dans les prises en charge certifiées conformes ou dans les preuves biologico-scientifiques.

Il faudra nous aventurer dans l’humain, la compréhension, l’écoute, l’analyse, la singularité.

Nous pensons qu’il est encore possible à l’heure actuelle de travailler les milieux de soin pour créer des espaces de confiance avec les équipes, les patients et leur famille.

Ne passons pas à coté de ces petits riens, maintenons contre vents et marées une certaine ambiance.                                                                                                              

L’inutile, en apparence, ne serait il pas finalement le plus utile ?

* Hervé BOKOBZA, Psychiatre, Psychanalyste, ancien  médecin directeur de la Clinique Psychothérapique St Martin de Vignogoul.

 Entrée libre

Ps : Pour maintenir une certaine ambiance et prolonger notre soirée « inutile »… en apparence, il sera utile que tu apportes un petit quelque chose… à boire ou à manger !

 

  Mail : lespsycausent@gmail.com  Site : http://lespsy-causent.over-blog.fr/    

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> La loi HPST : oubli de l’éthique ?

La loi HPST : oubli de l’éthique ?

 

« La loi est un projet d’organisation sanitaire et non de financement. A terme, elle doit permettre de mettre en place une offre de soins graduée de qualité, accessible à tous, satisfaisant à l’ensemble des besoins de santé »

En dépit de cette affirmation dans son préambule de présentation, la loi HPST, de part sa conformité aux directives européennes, aux impératifs du système économique dominant permet-elle aux acteurs du secteur médico-social d’exercer leurs missions dans le respect de leur éthique ?

Cette question, essentielle, se doit d’être posée notamment aux associations à but non lucratif qui oeuvrent au service des personnes en situation de handicap et des personnes âgées.

Restrictions financières, convergence tarifaire, Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens, évaluation, démarche « qualité », protocoles, et à brève échéance, marchandisation, sont autant d’éléments qui conduiront les associations, si elles ne réagissent pas, à passer du rôle de concepteur à celui de prestataire de services.

A défaut…QUID DE L’ETHIQUE ?

Journée d’échanges et de réflexion le jeudi 24 janvier 2013 – 9h à 18h – à l’Université Evry Val d’Essonne.

Renseignements : D Naels 06 71 03 95 37 – dominique.naels@gmail.com

DEROULEMENT DE LA JOURNEE

 

 9h00 : Ouverture par le Président de l’Université d’Evry et Jérome Gudej, Député, Président du Conseil général de l’Essonne

9h30 Bernard TEPER, membre du Haut Conseil de la Famille :

« Un recul critique sur la loi »

 

11h00 Thierry NAJMAN, Psychiatre des Hôpitaux, chef de pôle à l’hôpital de Moisselles :

« La qualité, nouvelle religion de la société néolibérale ? »

 

12h45/14h30 Pause déjeuner

 

14h30 Philippe NASZALYI et Daniel BACHET, professeurs à l’Université d’Evry :

« La santé, une valeur… marchande »

16h00 Roger FERRERI, Psychiatre, chef du service de psychiatrie infanto-juvénile de l’Essonne :

« Des ordonnances Juppé à la loi Bachelot »

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> De l’interdiction de débattre du « packing » ou des effets d’une politique gestiocratique.

De l’interdiction de débattre du « packing » ou des effets d’une politique gestiocratique.

 

Sans bruit, sans que personne ne s'en indigne, autres que ceux qui en ont pâti directement, sans même qu'une ébauche d'étonnement médiatique ou politique ne se fasse jour, une association se présentant sous les couleurs des droits de l’autisme : « Autisme Right Watch », d'une extrême attention aux droits de ceux, qui parmi nous en souffrent, au point d’y adjoindre une résonnance de leurs droits avec ceux des droits de l'homme, nous convie, à sa façon, au débat.

Qui, soucieux du défi démocratique d’être tous égaux en droit  n’y souscrirait-il pas ?  

 

Communautarisme et laïcité

 

De plus son intitulé en langue anglaise, assone avec une association importante  « Human Right Watch » dont chacun peut prendre connaissance des nombreux et courageux combats qu’elle mène contre toutes les formes d’oppression au niveau planétaire. Voilà bien une association qui par son intitulé laisse d’emblée espérer en un combat similaire, qui par avance forcerait plutôt respect et admiration. Mais voilà que la demande par laquelle elle se glisse sur la scène publique est une demande d’interdiction d’expression, elle menace assez, il est vrai avec une efficacité déconcertante, sous couvert d’une recommandation de l’H.A.S. deux présidents d'université, pour que ces derniers interdisent à des professeurs de faire état et de débattre de leurs recherches autour du packing et des jeux d’eau, en ce qui concerne le traitement des manifestations d’auto-agressivité, que peuvent présenter certains enfants atteints d’autisme.

La liberté d’expression vaut même pour ceux qui portent atteinte par leurs demandes à ladite liberté d’expression, à condition qu’elles restent sans effet liberticide sur ce qui représente la base même de la question démocratique. Évidence qui n’a même pas besoin de se gausser de cette constatation logique que si la liberté d’expression autorisait en son nom l’interdiction d’elle-même, nous serions face à une aporie exemplaire.

C’est pourquoi cette association nous importe peu en elle-même, elle a bien sûr le droit de s’exprimer. De tout temps des petits groupes se sont rassemblés pour asseoir leur vérité en limitant la liberté des autres. Souvent même ils se repèrent assez facilement à leurs penchants pour profiter d’étendards qui ont fait leurs preuves et dont il faut bien reconnaître que les « droits de l'homme » font bien souvent partie.  Qu’ils gravitent et s’agitent à l’ombre de ces grandes causes porteuses, cela fait partie du débat démocratique, à la condition que la démocratie ne se laisse pas aller à la simple réponse d’évitement déficitaire des questions qui la maintiennent dans le vif de ce défi toujours à relever de la liberté d’expression, qui ne va pas sans de sereines disputes

La gravité de cette affaire ne tient pas à la demande de censure de cette association, mais à la facilité avec laquelle nos institutions par un renforcement en cascade se sont aisément pliées à l’appliquer.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Comment notre institution universitaire s'est-elle aussi facilement soumise à deux reprises à cette demande de censure ?

La question pour nous n'est pas d'opposer la vérité absolue d'une méthode contre une autre, mais de reconnaître ce droit élémentaire pour des personnes, quand bien même ne seraient-elles pas professeurs, mais effectuant un travail de recherche et qui ne font que soumettre leurs réflexions, à présentation et à discussion, de pouvoir le faire au sein de nos universités.

 

Naissance d’un concept : « la maîtrise médicalisée des dépenses de soins »

 

Quand on y regarde de plus près on s'aperçoit que cette demande de censure est avancée, de la part de cette association, comme n'étant que le prolongement, « légalement indiscutable » d'une recommandation de la haute autorité de santé : l’HAS. La soumission immédiate à cette demande de la part des universités n’est pas sans soulever les effets de la nouvelle loi LRU. Il est difficilement imaginable que l'État, avec ses différentes instances, eût accepté sans mot dire de se plier à une telle injonction. Nous pouvons constater que certaines formes de délégation avec autonomie ont pour effet d'ouvrir sur une gestion au plus près des intérêts immédiats, peu soucieuse dans les faits de la question éthique des services publics. Cela mériterait à lui seul une analyse qui dépasserait notre propos.

Quant à l’HAS, cette autorité indépendante à caractère scientifique, elle n'a probablement même pas entraperçu l'usage fait de ses recommandations aux fins de prohibition ; en tout cas, au jour d'aujourd'hui, nulle protestation de sa part contre leur utilisation abusive, pire peut-être n’y a-t-elle vu que dévotion, certes un peu excessive, envers ce qu'elle met en scène en prodiguant une vérité scientifique supérieure à ceux qui œuvrent au plus près de chacun, avec leur art, pour que l'effet de la science ne se substitue pas aveuglément au choix individuels.

En ce qui concerne la santé, de tout temps les gouvernements et c’est leur rôle produisirent des recommandations. Que recommandaient-t-ils ? Ils recommandaient que les forces vives en matière de santé s'attellent à un certain nombre de problèmes repérés dans la société, la tuberculose, le cancer, la maladie mentale pour ne citer que ceux-là. Les termes de lutte contre les fléaux sociaux furent même utilisés pour mieux en préciser l'urgence et la nécessité de s’y atteler. Des moyens furent alloués et des centres, dispensaires furent ouverts pour y répondre.

Il apparaît à l'évidence que nous ne sommes plus dans le domaine des recommandations de combat, mais que nous avons versé progressivement vers des recommandations de maitrise et de contrôle d’une supposée qualité des pratiques courantes.

De quel esprit « créatif » est donc sortie cette autorité sanitaire qui se présente au peuple déjà parée de toute sa hauteur ? D'une loi en date du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie qui  énonce dans son titre Ier  les « dispositions relatives à l’organisation de l’offre de soins et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé », puis dans son titre II, elle fonde la Haute Autorité de Santé présentée sous la forme d’une « autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale », qui a pour mission de «  Procéder à l’évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu’ils rendent, et contribuer par ses avis à l’élaboration des décisions relatives à l’inscription, au remboursement et à la prise en charge par l’assurance maladie des

produits, actes ou prestations de santé ainsi qu’aux conditions particulières de prise en charge des soins dispensés aux personnes atteintes d’affections de longue durée. »

 

Cette HAS reprenant les prérogatives accordées à l’ANAES (l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé) mises en place par les ordonnances « Juppé » en 1996, ordonnances qui affirmaient la valeur d'un nouveau concept, non pas que cette idée n'a pas toujours été plus ou moins présente dans l'histoire qui consiste à prodiguer des soins en tenant compte du coût des techniques et des personnels, mais ici en lui donnant force de loi : « la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ».

 

Du concept au régime de vérité du « seul chemin » quant à l’offre de soin.

 

Ce concept de maîtrise médicalisée des dépenses de santé est situé au centre du dispositif des ordonnances de 96, pour preuve prenons l'entame du « Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins » qui postule que «Maîtriser les dépenses de soins par des procédures médicalisées qui veillent à la qualité des soins est le seul chemin qui permettra de sortir de l'alternative entre l'accroissement des prélèvements obligatoires et la diminution du niveau de la couverture sociale. Ainsi doivent se concilier le perfectionnement de notre système de soins et le rétablissement des comptes sociaux.»

Pourquoi nous attachons-nous à aller chercher dans les prérogatives de l’HAS, dans les termes qui l’ont promue, dans la mission qui lui est confiée, dans l'espace délimité par les nouveaux objets qu'elle construit où  l'expertise, les comités d'experts, ceux-là mêmes dont Cornelius Castoriadis soulignait qu'ils étaient appelés a en dire toujours plus à partir de toujours moins, construction qui ne cesse de se départir de la politique pour y substituer des techniques de gestion, si ce n’est pour essayer de comprendre comment se sont installées progressivement les conditions d'apparition d'un tel déficit démocratique, vide dangereux dans lequel s'est glissée, sans retenue, une revendication de maîtrise du monde, ici monde proposé aux autistes, en interdisant à tout étranger à leur conception éducative de pouvoir s'exprimer.

Pour cela suivons le fil des termes, « maîtrise médicalisée », « procédures médicalisées », termes qui de l’HAS nous ont conduits à l’ANAES. Il est affirmé que le seul chemin, la seule façon, qui nous permettra de ne pas payer plus, tout en ne baissant pas notre niveau de couverture sociale, consiste à mettre en place une diminution des coûts uniquement au sein de l’organisation médicale tout en maintenant leur niveau de qualité. Qu’est-il proposé dans cette affirmation ? Rien de moins qu’un déplacement de la question politique : à savoir qu’est-ce qu’un pays, une société, souhaite attribuer comme moyens pour se prémunir et lutter contre les maladies qui peuvent toucher chacun d’entre nous, vers une réponse technique. Il n'est pas question ici de laisser croire que le calcul de l’effort national à engager dans l’offre de soin serait d'une simplicité évidente au point qu’il existerait une logique assez pure qui conduirait d’elle-même au choix parfait. C’est un choix de société, qui nous concerne tous et qui ne peut être écarté du débat démocratique sous ses formes diverses, institutionnelles, populaires, y compris spécialisées, par l'interpellation des différents domaines des sciences humaines, bref  un débat politique étendu et toujours à renouveler.

 Que l'on puisse optimiser les soins de façon à soigner mieux qui s'y opposerait ? Ce n'est donc pas la finalité en elle-même qui est critiquable, mais bien qu'elle soit présentée comme le seul chemin, comme si c'était à l'intérieur de la « maîtrise médicalisée » que toute la complexité d'un engagement social, d’une extrême importance parce qu’au centre de la question démocratique : – nous ne sommes pas égaux devant la maladie – devait être résolue. Les investissements et choix en matière de santé représentent un des modèles de la lutte nécessaire contre les inégalités. Ce qui est proposé, dans ce rapport au président de la République par les ordonnances Juppé, sera nommé par les historiens qui étudieront cette période – d’une proposition politique, qui par les mécanismes mis en place se révélera un véritable « coup politique » – soit une proposition qui vise à éluder la dimension d’un problème réel en déplaçant l'analyse sur une courte séquence, un petit sous-ensemble de ce problème lui-même, escamotant ainsi tout le reste qui pourrait poser question.  Le choix de ce sous-ensemble n'est pas anodin, en effet la « maîtrise médicalisée » permet de construire une réponse qui nous est présentée comme essentiellement technique. Le coup politique prend assez d’ampleur pour construire une réalité « objective » qui attire toute l’attention sur elle et dont la réponse passe par un dispositif d’évaluation et de contrôle dont les résultats définissent « objectivement » l’enveloppe à attribuer. Le coup politique s’est progressivement transformé en vérité politique. Là où la vérité judiciaire impose la lecture univoque d’un acte, la vérité politique présente une orientation comme incontournable. Un savoir gestionnaire, fondé sur un nouveau régime de vérité quant à l’offre de soin, se construit par l’intermédiaire d’un dispositif qui a comme objet la réalisation de la « maitrise médicalisée ». 

 

Une gestion au nom de la science qui fait autorité au nom d’une gestion.

 

Elle doit être indiscutable, elle aura donc un caractère scientifique, elle doit faire autorité, une autorité au-dessus de la politique, parce que représentative de la vérité. Une vérité incontestable, indépendante de toutes influences politiques. Ne relève-t-elle pas cette haute autorité de l’assise de deux  registres de vérité, la vérité gestionnaire des équilibres financiers et la vérité scientifique du recueil des  discours experts. D’une part l’objectivité localisée de la maîtrise des crédits et des débits, d’autre part les experts désignent ce qui fait autorité scientifique, il suffit d’y ajouter le nombre, la quantité, d’extraire de chaque cohorte une résultante et sciences fait force de loi. Tout cela pour le bien du peuple,  elle aura l’autorité publique en son nom, L’HAS vient de naître, sur son acte de naissance est noté que quelques étranges fées l’ont dotée d’une : autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale.

La démocratie vient d'accoucher d'une étrange créature qui va rapidement prendre son autonomie en mettant en place un dispositif d'évaluation continue, de contrôle, de procédure, de visiteurs experts, de recommandations, d’accréditation… Créature assez subtile qui sait jouer du savoir médical et du pouvoir qui s'y accroche pour les plier à son service. Plus subtile encore, peut-être, elle va favoriser au quotidien le travail de l'encadrement, qui désormais peut se déplacer au sein des soignants, muni des tables de la loi et des nombreuses vérifications de son application.  Bon nombre de ses recommandations sont on ne peut plus évidentes et souhaitables, même si cela n'empêche pas la revue « Prescrire » d’en retoquer une à chaque numéro, mais le problème majeur ne se situe pas dans l'amélioration de ses recommandations. Ces recommandations ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Forêt constituée par l'ensemble du dispositif de contrôle et d'asservissement avec ses effets d'infantilisation des responsabilités médicales et soignantes, avec ses formations, qui ne sont, de fait, que des formations à ses propres demandes, essentiellement à l’adresse des fonctions encadrement,  qui se voient renforcées en les promouvant au nom de la vérité médico-gestionnaire.

Cela fonctionne comme un nouveau modèle, qui n'est pas sans rappeler le dispositif techno bureaucratique soviétique, l'État supposé au service du peuple fabrique une machinerie qui met le peuple au service de l'État. Plus subtile ici, certes où l'auto-évaluation correspond à la forme délicate et maniérée de l'autocritique. Verticalité de la transmission des ordres, horizontalité des contraintes pour les acteurs de terrain qui se retrouvent ainsi en position de dé-laïcisations internes. Les différentes références, qui formaient l'assise de la reconnaissance d'intérêts contradictoires au sein de la médecine publique, puisque cette vérité affirme que : -pouvoir de financement et pouvoir médical ne font qu'un –  au nom de la maîtrise médicalisée des offres de soins, ne sont plus fonctionnelles. Cela s'est fait progressivement sous nos yeux avec, de la part des acteurs concernés, une bonne dose de leur servitude volontaire. C'est un peu comme si l'art de la table et les métiers de la bouche étaient passés sous le contrôle de leur stricte qualité chimique et calorique, comme si les grands chefs cuisiniers se devaient de se soumettre à une haute autorité de la bouche faute d'être désignés comme de vilains garnements désobéissants. Tout ça pour masquer que les marchés en fruits, légumes, volailles et autres denrées ne sont plus approvisionnés comme il le devrait. Surtout le peuple ne doit pas être trop au fait des réelles données du problème.

D'une certaine manière nous pouvons presque remercier, faute de mieux, que la question de la prohibition des débats scientifiques et de sociétés, organisée par cette gigantesque machinerie de reproduction de sa vérité politique masquée, soit débusquée  par ce consommateur un peu fixé sur un seul met comestible, qui tente de se donner un peu d'élan en mimant l'intitulé d'une grande revue de gastronomie, et qui pour être bien sûr que son choix de nourriture soit le bon, demande à l'université de la gastronomie de prohiber l'enseignement de tout ce qui ne concernerait pas son choix. Au nom de quoi le fait-il ? Au nom de l'instance reproductrice de la vérité des offres de soins qui dévoilent ainsi ses effets de monstruosité ordinaire.

 

D’une vérité de la gestion de l’offre de soin à une vérité de la gestion des « autistes ».

Que deux universités aient obtempéré sans mot dire, que le vaste dispositif de contrôle et d'asservissement que nous venons de rapporter en dessine la toile de fond,  ne nous permettra plus jamais de dire que nous n'étions pas prévenus des effets destructeurs de l'idée même de service public et de son nerf de la guerre représenté par la démocratie.

Cela ne peut être un hasard que ce soit au sein du domaine du soin, là où la question de l'inégalité de chacun devant le devenir de son corps et de son esprit est criante, là où la solidarité collective doit se montrer exemplaire pour lutter contre les inégalités du destin. Que ce soit là que se soit infiltré un processus antidémocratique, qui sous prétexte, à son origine, d'un coup politique, se soit transformé en un virus destructeur des espaces de travail, du débat contradictoire, virus qui ne cesse de détourner au profit de sa reproduction une somme non négligeable des forces vives de la nation.

L'interdiction de pouvoir discuter du packing, dans le cadre de cette attaque contre tout ce qui parle et discute, ne peut en aucun cas être défendu uniquement par la preuve de sa valeur scientifique propre, qui à ce niveau d'enjeux politiques ne ferait que renforcer un fanatisme scientiste en s'y opposant en miroir.

La défense est celle du maintien du débat démocratique, du maintien des espaces de travail des différentes références et disciplines que nos sociétés ont construites.

 

Une haute autorité de la confusion : «  soins psychiatriques / choix éducatifs »

L'éducation n'est pas le soin. Chaque parent à la liberté d'orienter son enfant vers des choix de rencontre avec le monde qu'il lui imagine profitable. Le soin n'a rien à dire en son nom de ce genre de choix. Il est heureux que la psychiatrie, la psychanalyse, les psychologies, n'ait aucune généralité à affirmer quant à ce genre de choix, qu'il relève d'une éducation musicale ou artistique, d'une éducation sportive, d’un renforcement éducatif, d'un soutien pédagogique ou d'une éducation religieuse… Bien sûr en respect avec les règles et lois régissant nos sociétés. Les enfants dits autistes comme les autres. Si des parents souhaitent que des méthodes éducatives leur soient appliquées, tant que cela ne compromet pas le devoir des parents envers leurs enfants ainsi que le droit des enfants tels qu'il a été récemment édicté qu'ils le fassent. Ils peuvent d'ailleurs en débattre s’ils le souhaitent avec l'ensemble des sciences humaines concernées par les sciences de l'éducation. Il ne suffit pas de passer du domaine de l'éducatif au domaine du soin pour devenir prophète,  nul n'est prophète en son pays n'a jamais voulu dire qu'on devenait naturellement prophète en allant dans le pays des autres.

Que des présidents d'université qui devraient avoir une vague idée de ce qu’est le service public d'éducation nationale n’ait rien compris à l'attaque portée contre elle est plus que désolant.

Quant à l’HAS et à tous ses dispositifs d'amplification, en particulier au sein de loi HPST, on ne peut pas lui reprocher d'avoir les effets du calcul de sa fonction. Par contre, en ce qui concerne l’autisme que la résultante des auditions des nombreux experts qui ont été consultés n'est même pas remarqué la différence qu'il y a entre le soin et l’éducatif dans nos constructions sociales n'est pas désolant, mais effarant.

Il est urgent de prendre des mesures réfléchies, sévères et rigoureuses pour remettre de la laïcité dans la confusion des rôles, et de remettre de la démocratie là où le désastre guette, en particulier dans le sanitaire et probablement aussi dans l'éducation nationale.

 

Roger Ferreri   le 17 / 12 / 2012

 

 

 

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> Communiqué de Presse – émotion et indignation suite à la condamnation pour homicide involontaire du Dr Canarelli.

Le collectif des 39 exprime son émotion et son indignation suite à la condamnation pour homicide involontaire du Dr Canarelli.

S’il est tout à fait justifié que la famille de la victime tente de comprendre le drame que leur parent a subi, le Collectif des 39 tient à exprimer son incompréhension face à ce jugement.

Ce procès, quoiqu’en disent les magistrats de Marseille, doit être considéré comme le procès de la psychiatrie toute entière. Ce jugement est aussi le reflet d’une société à la recherche du risque zéro, bien que dans une attitude conjuratoire les magistrats tentent de s’en défendre. De même ils affirment que « l’impunité de principe ne saurait exister, l’opinion publique ne le supporte pas » comme un aveu de la recherche du coupable à tout prix, face à la déclaration d’irresponsabilité pénale du malade.

Cette condamnation vient s’ajouter à la liste déjà longue des décisions politiques et autres lois de ces dernières années, tirant la psychiatrie vers une fonction répressive, et normative, plutôt que facilitant sa mission de prévention et de soin envers les plus démunis. Dans le même temps, en contradiction avec cette orientation répressive, la dénonciation des pratiques d’enfermement, d’isolement et de contention, qui se sont développées au cours des dernières années, se fait de plus en plus entendre à juste titre.

Car un tel jugement, désignant comme coupable d’homicide involontaire un médecin, ne peut qu’amener les professionnels de la psychiatrie à travailler désormais dans la peur, dans la crainte d’être poursuivi et ainsi amplifier les pratiques répressives pour se protéger.

Ce jugement s’est essentiellement appuyé sur l’avis d’un expert psychiatre faisant du diagnostic l’alpha et l’oméga d’une prise en charge thérapeutique et mystifiant les magistrats en laissant croire qu’à ce diagnostic correspond UN traitement unique et efficace, qui aurait empêché le passage à l’acte tragique du patient. Tout psychiatre, tout soignant doit bien évidemment répondre de sa démarche thérapeutique. Cependant on ne peut entretenir l’illusion que la psychiatrie soit une science exacte.

Il est trompeur de laisser entendre qu’un certain type de traitement médicamenteux, d’action retard, allié à des modes de soin parmi les plus carcéraux, permettrait de limiter les passages à l’acte criminels.

L’attendu de ce jugement vient conforter tous les préjugés actuels, assimilant honteusement folie et dangerosité, enfermant ainsi les soignants en psychiatrie dans une fonction uniquement répressive.

La loi du 5 juillet 2011 instaurant des soins obligatoires à domicile, va exactement dans le même sens et c’est pour cela que le collectif des 39 maintient son opposition à cette loi et a lancé un appel pour son abrogation.

La décision du tribunal de Marseille doit être considérée comme le reflet d’une société entraînée dans une dérive sécuritaire, normative et de moins en moins accueillante envers les malades les plus en souffrance.

Le dr Canarellii a décidé de faire appel ; Le collectif des 39 sera à ses côtés

 Jeudi 20 décembre 2012

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PETITION :: Le changement est indispensable en psychiatrie pour une éthique de l'hospitalité !

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Depuis deux décennies une certaine conception de la psychiatrie, tout comme toutes les  pratiques sociales où la relation humaine est centrale,  sont attaquées.

Cette conception de la psychiatrie a été fondée sur la prise en compte pour chaque personne de son histoire et de sa psychodynamique propre. Elle s’est nourrie de nombreux apports : ceux de la psychanalyse, de la psychothérapie institutionnelle, du désaliénisme (lutte contre les effets de l’asile, processus de ségrégation et d’exclusion), des psychotropes, des thérapies familiales et systémiques, des aides psycho-sociales, de la création et des activités culturelles comme soutien thérapeutique et facteur d’insertion dans la vie de la cité.
La psychiatrie de secteur est porteuse de la richesse de cette diversité.

Cette attaque s’est développée d’abord à partir d’une idéologie issue des neurosciences en expansion, en instrumentalisant certaines perspectives génétiques ou techniques, ainsi que la médicalisation des émotions et des souffrances sociales.

La diversité et la pluralité des approches se trouvent mises à mal au travers de cette tentative destructive. Nous n’acceptons pas de voir réduire le champ de la psychiatrie au traitement d’un symptôme qu’il faudrait à tout prix éradiquer et ne plus prendre soin d’une personne malade, dans sa globalité, abolissant toute dimension relationnelle.

La psychiatrie a été aussi attaquée au travers d’une multiplication de directives et de contraintes (ordonnances Juppé de 1996, accréditation, démarche qualité, Loi Hôpital 2007, Loi HPST, regroupement de services et secteurs en pôles, protocoles opposables,…)  qui disent vouloir améliorer la qualité des soins dans un discours où « la qualité », « le patient au centre des soins », ne sont que des formules de communicants.

Ces contraintes ont pour effet d’empêcher toute créativité, assèchent la réflexion clinique et les innovations alternatives, empêchent de soigner et d’être correctement soigné.

Cette évolution pousse la Haute Autorité de Santé à produire des recommandations qui sont érigées comme des vérités, et mettent en danger la pluralité des modes d’approche de la souffrance psychique dans une tentative de dire la Norme et de rendre les pratiques homogènes. Or la Haute Autorité de Santé s’est soumise à la pression de plusieurs lobbys pour produire des recommandations aberrantes, voire scientifiquement illégitimes, aux antipodes des pratiques diversifiées, des effets bénéfiques de thérapeutiques anciennes, reconnues et partagées dans toute la profession. Elle a perdu là toute indépendance, une indépendance dont elle a été parée à l’origine mais qui s’est révélée être une mystification : ses recommandations médico-économiques au nom de la qualité des soins ne sont devenues que des instruments de normalisation, de « restructuration » des hôpitaux et d’annihilation de toute pensée originale et créatrice dans l’organisation des soins.

Sous la pression de l’économie néolibérale en vogue, les tenants de cette psychiatrie, considèrent qu’il faudrait choisir entre les plus malades (notamment les personnes souffrant de psychose) et les plus nombreux (dépressifs, « TOC », « Hyperactifs, »). Le choix simpliste se trouve être celui qui correspond le mieux aux intérêts des laboratoires pharmaceutiques… Aussi de nombreux malades, les plus en difficulté, se retrouvent en rupture de soins, isolés, dans la rue, voire en prison essentiellement pour des délits mineurs, « jetés hors du monde ».
Dans le domaine de l’enfance et l’adolescence, un affrontement violent contre les professionnels du soin a été initié, là où la complexité des souffrances nécessite pluralité des pratiques et des recherches, mais aussi développement de lieux d’accueil et de soins, moyens réels pour l’insertion et l’intégration scolaire. Les institutions du médico-social ne sont pas en reste : le soutien soignant disparaît sous le règne de la gestion.

A cette situation,  le gouvernement précédent, a instauré un dispositif de soins visant à transformer la psychiatrie en un dispositif de contrôle social et de normalisation des populations. Ainsi la loi du 5 juillet 2011 instaure une garde à vue psychiatrique de 72 heures, un fichier des antécédents médico-légaux et l’internement à domicile. Surtout cette politique sécuritaire est venue amplifier les dérives délétères, comme les enfermements, les isolements et les contentions toutes pratiques qui avaient disparu pourtant.

Nous voulons rappeler que ces directives et ces lois ont été combattues par l’ensemble des partis qui constituent la majorité gouvernementale actuelle…
Alors, les engagements doivent être tenus.

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> Accueillir la psychose dans le médico-social : enjeux politiques et cliniques – Pascal Crété

Accueillir la psychose dans le médico-social : enjeux politiques et cliniques

Plan

·      Le secteur MS de 1975 à aujourd’hui

·      Enjeux actuels et perspectives

·      Une initiative psychiatrique médicosociale : le service de l’APPUI

Ce n’est certes pas d’un eldorado dont je vais vous parler, ni d’une terre promise, mais tout de même d’un espace différent, champ de cultures diversifiées, ensemble complexe et ramifié dont l’hétérogénéité protège encore quelques-uns de ses hôtes des effets massifs de rationalisation financière, d’homogénéisation et de règlementation tout azimut que l’on connaît aujourd’hui dans le secteur sanitaire. La construction en « tuyaux d’orgue » du SMS permet aujourd’hui de comprendre comment ce secteur parvient à garantir des offres de soin et d’éducation diversifiées, parfois originales et atypiques ; comment il parvient aussi à résister peut-être un peu mieux au « rouleau compresseur » technocratique et organisationnel actuel. Mais, si mon propos, au final peut s’entendre comme une invitation au voyage, au voyage au sens de vous tourner vers cet espace et peut-être d’aller y travailler, je ne prétends nullement vous y garantir « luxe, calme et volupté », car les Fleurs du Mal y sont tout de même bien plantées.

 

1.  Le secteur MS de 1975 à aujourd’hui

Pour introduire mon propos sur l’accueil de la psychose aujourd’hui dans le SMS, je ferais d’abord un bref retour sur l’histoire singulière de ce secteur qui, vous le savez certainement, s’est construit et élaboré de manière très hétérogène, depuis les années d’après-guerre, jusqu’à nos jours, en passant par deux lois importantes, sa reconnaissance officielle en 1975 et son récent rapprochement avec le sanitaire, via la loi HPST.

Nous pourrions dire qu’originellement, c’est à partir du manque réel, en termes d’offre de soin et d’éducation, de l’absence de structures – services, établissements – que l’on voit dans les années des trente glorieuses, germer ces premières expériences qui vont conduire à la reconnaissance en 1975 de ce SMS.

La déficience, le handicap, l’enfance dite à l’époque inadaptée qui rassemblait un vaste champ de pathologies pédopsychiatriques – des autismes aux psychoses infantiles en passant par les dysharmonies évolutives -, ces problématiques ne faisaient pas encore l’objet d’une réelle prise en considération par les services publics. Face à ce manque manifeste, des collectifs de professionnels, de parents, parfois mixtes s’organisent, se mobilisent, bousculent les cadres administratifs présents, se constituent en associations loi 1901 pour répondre concrètement au besoin d’accueil, de soin, d’éducation et de prise en charge de ces publics oubliés. C’est aussi à cette époque que l’on voit des militants engagés pour une cause proposer des projets de structures d’accueil et oser parfois défier les services publics ; projets qui, souvent d’ailleurs, ont trouvé des réponses favorables, et cela pour deux raisons : la connaissance que ces personnes avaient du handicap ou de la déficience était réelle et bien concrète, aussi parce que les services publics, dans l’incapacité à pouvoir répondre aux besoins, étaient plutôt satisfaits que des associations ou des professionnels leur proposent des projets élaborés et réalisables rapidement.

C’est donc souvent sur les bases d’une histoire personnelle, familiale, souvent douloureuse, dans un mouvement d’engagement, de résistance et une dynamique faite de pragmatisme que ces établissements se sont construits. Cet arrière-pays est important à situer car il explique la diversité des structures et leurs singularités. Il permet de comprendre cette construction anarchique du secteur, contrairement aux structures sanitaires qui relevaient d’une planification établie et d’une histoire, celle de l’hôpital public depuis l’édit de Louis XIV en 1656.

Par ailleurs, l’émergence de ces structures, dans une époque féconde pour la pensée, a contribué à y réunir des influences plurielles :

·                                                                                                                                                       l’importance des soins avec d’emblée la volonté que ces établissements soient médicalisés ce qui se traduit par le recrutement de professionnels de santé : psychiatres, infirmiers, aides-soignants… Ces ESMS s’inscrivent dans ce rapport au soin médical.

·                                                                                                                                                       La place de l’école, obligatoire pour tous depuis la fin du XIXème siècle, qui engage à inventer des dispositifs scolaires au sein des établissements : classes ateliers ou parfois même parle-t-on vraiment d’école, soutenue administrativement par l’Education Nationale

·                                                                                                                                                       L’introduction de l’éducation dite spécialisée avec la création du métier d’éducateur spécialisé en 1967, sur les traces essentielles de l’éducation populaire, alors que parallèlement dans le secteur justice, le métier d’éducateur a déjà pris forme et tente de répondre à certaines missions, telle celle donnée par l’ordonnance de 45.

·                                                                                                                                                       L’influence de la psychanalyse qui traverse les différents champs et se propose non pas dans un dogmatisme et un savoir, mais d’avantage comme un outil pour penser le travail, en l’occurrence le travail social. Mercredi soir à Caen, le CRIC, l’association culturelle caennaise en lien avec l’IRTS a organisé une soirée dédiée à cette question : « Comment la psychanalyse aide à penser le travail social ? », avec notre amie Marie-Odile Supligeau, venue nous parler de cette question, en prenant appui sur le film d’Arthur Penn « Miracle en Alabama ». Riche soirée.

·                                                                                                                                                       L’expérience institutionnelle qui déborde St-Alban et invite les professionnels militants à proposer des expériences dans le même registre, même s’il ne s’agit pas d’un hôpital. De nombreuses expériences institutionnelles naitront ainsi dans ce secteur propice aux créations création : ce fut le cas du FLR qui voit le jour en 1975.

·                                                                                                                                                       Les liens et articulations entre psychothérapie institutionnelle et pédagogie institutionnelle qui participeront à soutenir sur des bases communes, que le soin et la pédagogie relèvent de logiques et dispositifs assez proches, notamment avec la création de certains outils, tels le conseil et le club thérapeutique.

Pour vous donner un exemple de ces références plurielles, en travaillant cette intervention, je me suis remis à lire la revue Recherches, revue de la FGERI – Fédération des Groupe d’Etude et de Recherches Institutionnelles – en l’occurrence les deux numéros de septembre 1967 et décembre 1968, consacrés à l’Enfance aliénée. Le premier numéro prépare le colloque qui s’est tenu à l’automne 1967 et rassemble un ensemble de textes d’auteurs aujourd’hui prestigieux : Rosine et Robert LEFORT, Maud et Octave MANNONI, Moustafa SAFOUAN, Ginette MICHAUD, Jean et Fernand OURY, François TOSQUELLES. Le second volume constitue les actes du colloque intitulé « L’enfant, la psychose et l’institution » et rassemble les textes des auteurs précédents auxquels se sont joints Sami ALI, Jean AYME, LAING et COOPER, Françoise DOLTO, Lucien ISRAEL, WINNICOTT, Jacques LACAN et Jacques SCHOTTES qui était le président du colloque. Prestigieux colloque dont les travaux vous l’imaginez bien ont été particulièrement féconds et ont amenés à des avancées importantes sur le plan de la prise en charge des enfants psychotiques. Il est intéressant de voir qu’à cette époque où la pédopsychiatrie n’existe pas vraiment, c’est sur le terrain associatif que des expériences de soin et d’éducation proposés aux enfants psychotiques se sont concrètement jouées.

A Caen, dans ces mêmes années, l’Institut Camille Blaisot a fait figure d’institution innovante en inventant une institution susceptible d’accueillir des enfants ayant des problématiques diverses : des troubles du comportement à la psychose, aussi des enfants autistes en externat. Institution éducative mais aussi et surtout de soin, de pédagogie car tous les enfants étaient inscrits dans les classes ateliers de l’institution ; c’est aussi dans cette institution que fut créée l’un des premiers services de placement familial spécialisé pour traiter les problématiques de carence et de maltraitance. L’ICB accueillait alors 200 enfants et travaillait avec les références de la psychothérapie institutionnelle que Jean Prochasson, directeur de l’époque, soutenait avec son équipe pluridisciplinaire.

Ces expériences médicosociales visent à proposer plusieurs scènes liant ensemble soin, éducation, pédagogie et inscription sociale ; cette double articulation médicale et sociale est garantie par l’esprit associatif, laïc et républicain, qui caractérise la plupart des associations gestionnaires qui assurent le pilotage des établissements.

Dire que c’est un secteur à côté du social ou à côté du sanitaire ne correspond pas exactement à la réalité. Il est certainement davantage une tentative expérimentale de synthèse qui s’appuie sur des besoins concrets, des projets humanistes visant à permettre à ceux que l’on appelle aujourd’hui des personnes souffrant de handicap de trouver une place dans la société.

La loi du 30 juin 1975 (n°75-535) a consacré la rupture entre les secteurs sanitaire et social et a organisé pour la première fois cette offre sociale et médico-sociale. De  1975 à 1995, ce secteur s’est développé de manière très disparate et hétérogène, en « tuyaux d’orgue », en fonction de chaque territoire, souvent après les lois de décentralisation, les départements ; aucune planification ne le réglementait véritablement et les structures se constituaient souvent à l’initiative des associations elles-mêmes qui, en fonction de leurs initiatives et besoins, proposaient aux tutelles l’ouverture de tel service ou tel établissement.

À partir de 1995, une réflexion entre les pouvoirs publics et des acteurs du secteur s’amorce quant à la modernisation de la législation de ce secteur, jusqu’à l’obtention d’un relatif consensus autour de la loi du 2 janvier 2002, dite loi rénovant l’action sociale et médico-sociale. L’objectif est d’organiser sur un même plan l’ensemble des structures intervenant auprès des publics dits fragiles, tout en les invitant à valoriser leurs spécificités. En d’autres termes, il s’agit, je cite « de mettre de la cohérence et du sens dans le paysage très morcelé du secteur social et médico-social ». Cette loi organise certes l’offre mais introduit au travers de ses outils obligatoires pour les établissements, une première dose de formalisme et d’organisation statutaire. Première étape qui préfigure la suite, c’est-à-dire la tentative d’homogénéisation du secteur.

Le texte est paradoxal car il constitue une ouverture considérable en situant l’usager au cœur des dispositifs institutionnels, prémisse de ce que la loi du 11 février 2005 énoncera de manière beaucoup plus claire, notamment en permettant aux usagers d’être présents et représentés dans de nombreuses instances, notamment administratives (MDPH, CDCPH, conseil d’administration des hôpitaux…). Il y a donc au travers de cette loi, une réelle avancée sociale qui, dans le même temps, introduit des kyrielles d’obligations formelles dont les usagers au final risquent d’en subir les effets de rationalisation et de formalisme. Michel CHAUVIERE, sociologue et chercheur au CNRS, a longuement analysé les dérives de cette loi 2002-2 qui, d’un principe premier humaniste, dans le même temps, introduit aux pratiques et logiques d’évaluation pour tendre vers le concept de performance aujourd’hui.

Je reviendrai dans quelques instants sur cette évolution et ses risques.

Mais pour vous présenter l’étendu et la diversité du SMS aujourd’hui, faisons un bref constat chiffré :

·      35 000 établissements, la plupart de statut privé à but non lucratif – essentiellement des associations loi 1901 -, les autres de caractères public, surtout territoriaux

·      1,5 millions de places

·      > 400 000 salariés

·      Financement assuré par les collectivités territoriales, les ARS, l’assurance maladie, la CAF.

·      Selon le CASF, une grande diversité de services et établissements :

o     Les établissements de l’aide sociale à l’enfance

o     Les établissements de l’enfance handicapée et inadaptée

§     CMPP

§     IME

§     ITEP

§     IMPRO

§     IR

§     SESSAD

o     Les centres d’action médicosociale précoce (CAMPS)

o     Les ESAT (ex CAT)

o     Les centres de réadaptation, réorientation et de rééducation fonctionnelle

o     Les établissement et services pour personnes âgées

§     EHPAD

§     EHPA

§     Foyers logements

§     SSIAD

§     SAAD

o     Les établissements et services pour personnes handicapées

§     FAM

§     MAS

§     SSIAD

§     SSAD

§     SAVS

§     SAMSAH

o     Les CHRS ou centres d’hébergement et de réinsertion sociale

o     Les centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST), les centres d’accueil pour alcooliques (CAA), les appartements de coordination thérapeutiques (ACT)

o     FJT

o     Les services mettant en œuvre des mesures de protection des majeurs

o     Les services mettant en œuvre des mesures d’aide à la gestion du budget familial

Vous voyez que ce secteur couvre pratiquement tous les temps de la vie, du bébé jusqu’à la personne âgée, même des services de soins palliatifs à domicile ; il s’adresse aussi à des personnes dont les conditions de vie sont fragiles –les publics dits précarisés-  et bien sûr propose accueil et soins à des populations souffrant de pathologies physiques et psychiques, souvent chroniques, entrainant une dépendance plus ou moins importante.

La psychiatrie y tient une place importante car les institutions et services du secteur médicosocial hébergent actuellement plus de 250 000 patients dont une majorité souffre de troubles graves, notamment psychotiques. Ces services assurent plus de 150 000 consultations ou prise en charge ambulatoires annuelles. Les financements publics qui lui sont consacrés s’élèvent à 84 milliards d’euros : 42 par l’assurance maladie, 33 par les départements et 9 milliards par l’Etat.

Actuellement, plus de la moitié en volume de la psychiatrie infanto juvénile est pratiquée dans des établissements relevant du SMS, en l’occurrence dans des CAMPS, des CMPP, des Hôpitaux de Jour, des ITEP. Signalons aussi que la moitié de la population des IME, des MAS, des FAM et des ESAT est constitué de personnes psychotiques avec des déficits plus ou moins prononcés.

Enfin, vous savez que dans la planification de la prise en charge des personnes dites handicapées psychiques, en l’occurrence, beaucoup de patients psychotiques, le SMS est désigné pour accueillir ces patients qui ne sont plus censés rester dans les hôpitaux psychiatriques. C’est là où l’enjeu se situe suivant que nous, soignants, allons au pas occuper les places dans ce secteur, participer à sa restructuration et soutenir la réalisation de services réellement outillés à accueillir la psychose et non aux orientations faites par défaut, ce qui est malheureusement le cas dans de nombreux endroits, notamment vers les MAS.

 

2.   Enjeux actuels et perspectives

Depuis 1995, ce secteur est engagé dans un mouvement de réforme et d’adaptation sans précédent sous l’impulsion de textes de lois dont les principaux sont :

–          la Loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’instauration d’une allocation personnalisée d’autonomie ;

–          la Loi du 2 Janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui réforme la loi fondatrice du 30 Juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales. Cette loi situe l’usager au cœur du dispositif et impose aux établissements plusieurs outils obligatoires pour bénéficier d’un agrément de fonctionnement.

Sept outils sont recensés :

1.    Projet d’établissement

2.    Livret d’accueil

3.    Dispositif de participation des usagers (CVS, enquête de satisfaction…)

4.    Charte des Droits des personnes accueillis

5.    Règlement de fonctionnement

6.    Contrat de séjour

7.    Evaluation interne et externe

–          La Loi du 30 Juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ;

–          La Loi du 11 Février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui réforme la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées.

Si ces lois ont garantie droits et reconnaissance des personnes en situation de handicap, elles ont parallèlement forcé les ESMS à entrer dans des catégories, à répondre de nouvelles règlementations et à se soumettre à de nouvelles logiques, telle celle de l’évaluation. Un parallélisme peut être établi entre ce qui, dans le secteur sanitaire s’est mis en place dès les années 90 (accréditation) et ce qui est aujourd’hui présent dans le SMS. Des outils communs de règlementation financière telle la convergence tarifaire, les ratios et indicateurs, CPOM et CGSMS, se sont progressivement installés dans la gestion quotidienne des établissements, poussant les directeurs d’ESMS qui jusqu’alors étaient relativement protégés de ces contraintes et assuraient une fonction de direction selon un style patriarcal, à s’y former et à y répondre. Nous avons vu se transformer la fonction de direction de la figure du « bon père de l’institution » au gestionnaire, voire au manager d’entreprise sociale.

La RGPP et la loi HPST sont venues ébranler le SMS en attaquant sa structuration sur deux plans :

·      D’une part, sur le plan de la dimension associative,

·      D’autre part, l’intégration du SMS dans les compétences de l’ARS, via la loi HPST.

La mise en question de la dimension associative, de ses valeurs et de sa fonction de porte-parole des personnes qu’elle représente, a été mise à mal lorsque politiques et administrations ont d’un commun accord décidé de réduire le nombre d’associations gestionnaires d’ESMS d’environ 30 000 à 3 000 pour lever, je cite, « l’obscurantisme de ce secteur, y introduire de la transparence et faciliter sa représentativité ». Plutôt que de négocier budgets et projets avec une multitude associations et encore davantage de directeurs, les tutelles ont souhaité réduire le nombre d’interlocuteurs pour soi-disant faciliter le dialogue. Nous avons alors assisté à une cohue médicosociale monumentale – et elle est toujours d’actualité -, chaque association envisageant de se rapprocher d’autres associations pour éviter d’être « mangées ». Les termes de rapprochement, de mutualisation, de regroupement, de fusion… termes empruntés à d’autres secteurs, en l’occurrence marchands, sont venus infiltrer le discours quotidien des professionnels et administrateurs. Les menaces de fermeture, les fantasmes de dévoration (qui mange qui ?), les angoisses liées aux restrictions budgétaires, les comparaisons et rivalités entre services du même type, entre associations cousines… bref un vent de fin du monde possible et un flux de représentations archaïques ont secoué l’ensemble des structures médicosociales au point de faire perdre tête et raison aux dirigeants, directeurs et administrateurs, et surtout de perdre le sens de la fonction première de ces établissements, qui est de répondre à une mission sociale.

Les turbulences furent et sont encore terribles dans de nombreuses petites et moyennes associations qui, dans ces négociations et marchandages technocratiques et financiers, ont vu parfois leurs conseils d’administrations perdre leurs distance symbolique au profit de manœuvres managériales à jouer, au mieux, un coup stratégique ; j’ai pu mesurer que le grand âge de certains administrateurs ne rime pas forcément avec l’idée que l’on se fait de la sagesse, mais qu’en situation de menace et jouant de nouvelle règles du jeu où l’argent est très présent, ils peuvent ranger leur éthique associative de côté, enfiler d’un coup la panoplie de PDG et boostés par les enjeux de pouvoir et l’objectif imaginaire de faire grossir suffisamment l’association pour manger les voisins plus fragiles, passer sur une autre scène. Restructuration, mutualisation, modernisation, mondialisation… tous ces termes sont dès lors d’usage avec les effets que l’on connait de déplacements de certains salariés de leurs postes et métiers (notamment les services administratifs qu’il est plus facile de regrouper), parfois même le licenciement de quelques-uns pour répondre aux ratios posés par l’administration. Logique du bon élève qui anticipe même les attentes de l’administration et les conjugue de son propre chef dans une dynamique de servitude volontaire ou de rapport surmoïque dominant.

Les associations les plus importantes – certaines emploient plus de mille salariés – ont continué leur expansion en phagocytant les plus petites sans se préoccuper de l’histoire de la structure, de ses salariés et des publics accueillis. Ainsi ces mastodontes du social sont-ils aujourd’hui en force pour investir dans de nouveaux marchés, tel celui des psychoses, même si rien ne les dispose dans leur histoire, à s’y intéresser ; si ce n’est le marché que cela représente aujourd’hui du fait de la fermeture de lits en psychiatrie et de la réduction des temps d’hospitalisation.

La loi HPST a rapproché le SMS du secteur sanitaire même si la ministre de la Santé, Bachelot, s’est engagée selon une formule qui a marqué les esprits à garantir « la fongibilité asymétrique des budgets ». Traduisez : garantir que les budgets alloués aujourd’hui au SMS ne glissent pas vers ceux, gigantesques et pourtant insuffisants, du sanitaire ; l’asymétrie permettrait qu’éventuellement le sanitaire abonde vers le SMS mais là, nous pouvons toujours rêver. Cette garantie budgétaire semble jusqu’alors relativement respectée, mais comment peut-on garantir que dans le contexte actuel et surtout dans cette logique d’homogénéisation, un jour, le SMS qui aura subit les restructurations homogénéisantes de la loi du 02 janvier 2002, ne verse pas vers le sanitaire ? Même si les outils diffèrent – accréditation/évaluation – les logiques sont les mêmes et tendent vers des buts similaires.

[Lorsque l’ARS de Basse Normandie s’est constituée, nous avons invité le DG ARS à visiter notre établissement pour faire entendre justement la spécificité de l’accueil de la psychose. Il a accepté notre invitation et au milieu du repas quelques peu tendu par la présence autour de lui de quelques psychotiques marqués, il me demande pourquoi nous ne sommes pas rattachés à l’hôpital psychiatrique de Caen. Je lui raconte notre histoire médicosociale, soulignant que la psychiatrie déborde du seul champ sanitaire et lui fait remarquer que dans le cadre de la règlementation hospitalière, ce déjeuner au restaurant associatif La Loco ne serait certainement pas possible. Il s’en étonne, je m’étonne alors de son étonnement et de son manque de connaissance de la règlementation. Il m’avoue alors ne rien comprendre à la psychiatrie dans sa diversité, sa complexité avec ses approches différentes, aussi au SMS qui est une vraie nébuleuse. Manifestement, le DG ARS rêve d’un monde homogène, uniforme, ce qui simplifierait certainement sa tâche de DG ARS car on imagine bien que de la hauteur de sa pyramide statutaire, il ne peut disposer d’aucune représentation fiable de ce qui se passe sur la scène du quotidien.]

Justement, c’est bien la dimension de nébuleuse qui peut certainement garantir la spécificité de notre champ, les traits de nos organisations, tant sur le plan de la diversité clinique que sur celui des conditions de travail, avec notamment les différentes conventions collectives qui se sont construites au fil des années. Plutôt que d’une nébuleuse, je parlerai d’une constellation de services et d’établissements dont il est vrai que, si vous ne disposez pas d’une connaissance cartographique et historique, vous ne pouvez pas vous repérer. Là, pas de repérage comme dans l’organisation sanitaire, chaque territoire diffère. Certains départements sont largement dotés de structures pour enfants, d’autres pour adultes, d’autres encore dans le champ de la psychose… ceci en fonction des rencontres qui se sont faites, en fonction de l’histoire locale, de l’histoire associative, en fonction des personnes qui ont marqué la création de certains services. Cette absence de planification et de cartographie ne plait pas aux administrations car vous voyez bien qu’elle introduit distinctivité et hétérogénéité.

Vous me voyez venir à grands pas vers cette proposition ou du moins interrogation : le SMS n’est-il pas encore un champ possible des expériences institutionnelles ? N’est-il pas plus praticable au sens où nous l’entendons dans nos pratiques ? Là où le secteur sanitaire semble malheureusement écrasé par les contraintes de toutes sortes, le SMS, grâce à sa structuration et à son obscurantisme historique, dispose encore de recoins, d’espaces qui échappent à cette logique de la transparence.

Un autre élément me semble important et fera lien avec la suite de mon propos, de vous parler concrètement de notre expérience, il s’agit du fait que contrairement au secteur sanitaire où les références sont pensées en dehors de l’institution (HAS, recommandations de bonnes pratiques…), dans le SMS, la loi du 02 janvier 2002 a situé le projet d’établissement comme référence au travail qui est décliné dans l’institution. Il s’agissait à l’époque de permettre à ces établissements qui travaillaient sans aucune autorisation officielle, sans aucun contrôle, de nommer précisément leurs références, outils et fonctions. Le projet d’établissement est donc un outil produit par l’institution, dans lequel les références éthiques, théoriques sont défendues. Jusqu’à présent, ce document n’est pas attaqué par les tutelles qui le réceptionnent sur la forme et discute sur le fond les aspects essentiellement budgétaires. Mais elles ne contredisent pas par exemple la référence psychanalytique d’une institution. C’est un élément essentiel car ce document nous permet de dire très précisément ce que nous faisons, comment nous le faisons et pourquoi.

Bien sûr, les recommandations de bonnes pratiques éditées par l’ANESM, Agence Nationale  de l’Evaluation et de la qualité des ESMS, sont tout de même présentes avec en arrière-plan, les orientations idéologiques que l’on connait. De même, l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP) énonce certaines orientations qui ne trompent personne sur leurs origines, leurs finalités. Peut-être n’est-ce qu’une question de temps, mais il semble que ces orientations restent relativement à distance des pratiques pour peu que directeurs et administrateurs ne les imposent pas comme référentiel des pratiques des professionnels.

Enfin, un dernier point qui me semble important, c’est la dimension du fait associatif. Vous le savez, la loi du 1er Juillet 1901 portée par Pierre WALDECK-ROUSSEAU, en reconnaissant à tout citoyen le droit de s’associer, sans autorisation préalable, a ouvert un espace de création et de liberté considérable.

Rappelons que l’article 1 définit une association comme étant :  » la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Pour peu que cette liberté soit garantie et développée au sein de l’association par ses membres, par les salariés et aujourd’hui souvent les personnes accueillies, cette construction associative introduit un autre rapport aux tutelles et modifie les rapports de dépendance. Il est vrai que notre fonctionnement dépend concrètement des budgets alloués par le Conseil Général et l’ARS ; nous savons bien actuellement combien ce rapport est déterminant. Mais tout de même, ce n’est pas la même chose de se référer à une éthique associative, éventuellement énoncée dans un projet associatif, que d’être en lien direct avec la tutelle. En ce sens, le rapprochement associatif voulu par les gouvernements successifs, est une tentative de réduire cet espace de liberté. A nous de nous battre pour la maintenir car elle maintient un écart symbolique essentiel.

3.  Une initiative psychiatrique médicosociale : le service de l’APPUI

« Il faut savoir parler papou avec les papous » disait la psychiatre Léone Richet qui for de sa formation engagée auprès de Françoise Dolto et de son expérience auprès de nombreuses institutions, connaissait bien la langue de l’autre, aussi l’art de la guerre pour parvenir à se faire entendre. Apprendre à parler la langue de l’autre, c’est aussi ce à quoi notre ami Régis Gaudet nous invite dans son très beau texte « Parler les deux langues », qui a été publié dans la revue Institutions ; difficile exercice, dans lequel il convient de ne pas perdre son latin, ne pas se perdre dans l’autre.

Je vais vous faire partager succinctement notre histoire institutionnelle au foyer et comment nous avons tenté de prendre en compte le contexte et discours ambiant de nos tutelles pour  le subvertir, le tordre, le déformer et tenter d’y inscrire nos projets institutionnels. Autrement dit, à partir d’une expérience de 37 années d’accompagnement et de soins de jeunes adultes psychotiques, nous avons mesuré que ce n’est pas dans un rapport de force frontal que l’on négocie les projets, car dans cette rencontre entre notre monde et celui des administrations (je dis des car les échanges ne se jouent pas exactement de la même manière avec l’ARS et le Conseil Général), il s’agit toujours d’une négociation. Nous parlons de places différentes, avec des cultures et langues différentes, des représentations très différentes quant à la clinique, en l’occurrence la psychose ; bref il faut bien prendre la mesure de nos écarts manifestes et nos territoires totalement étrangers. Un pas de l’un vers l’autre est donc nécessaire pour amorcer les échanges d’une négociation.

Trois grandes périodes caractérisent l’histoire de notre institution et je vous les résume en quelques mots :

les fondations : en 1975, année de la reconnaissance du SMS, se crée le foyer de Cluny à partir d’une conjonction, celle de la rencontre d’une femme avec une histoire institutionnelle en Afrique du sud, du désir d’un psychologue de l’ICB, Claude Deutsch, de créer un lieu institutionnel pour des jeunes psychotiques et d’une première équipe engagée dans cette aventure collective. Dans l’ouverture créée par la loi de 1975, s’ouvre le foyer avec à l’époque, les moyens du bord, autrement dit du désir, des idées, parfois pas très réalistes, mais ce qui est plus certain, peu de moyens. Dans les années 80, l’institution passera par des statuts administratifs différents : lieu alternatif à l’hospitalisation, CAT sans atelier, centre d’accueil thérapeutique…

Cette absence de cadre administratif sera l’objet de nombreux problèmes, avec parfois le risque de fermeture de la structure ; paradoxalement, ce flottement administratif a certainement permis à l’institution de ne pas se retrouver enfermée dans un cadre réglementaire trop formel.

Après des années 80 plutôt marquées par les expériences institutionnelles d’une structure naissante, dans un contexte général plutôt libre de toute contrainte, le début des années 90 se caractérise par la professionnalisation de l’institution sur ces deux versants, médical et social. Les postes d’infirmiers et d’éducateurs sont inscrits à l’organigramme, les professionnels se forment. Quand, au milieu des années 90, il commence à être question d’une restructuration du SMS, l’institution aborde ces changements avec inquiétude. Comment garantir le fonctionnement du restaurant associatif La Loco ? Comment maintenir une liberté de circulation dans l’institution alors que les lois qui s’annoncent vont nous apporter des contraintes ? En même temps, situer l’usager au cœur de l’institution ne nous préoccupe pas car c’est ainsi que nous avons toujours travaillé.

Paradoxalement à nos inquiétudes, la loi du 02 janvier 2002 apporte enfin un statut à l’établissement en transformant notre agrément de foyer à double tarification, terme assez ingrat mais que nous avions accepté bien volontiers pour dormir un peu plus tranquillement, en le statut d’un FAM. Non ni infâme, ni une femme, mais un foyer d’accueil médicalisé, terme toujours ingrat mais qui correspond mieux à notre fonction, même si la dimension du social à laquelle nous sommes attachés n’apparait pas dans le terme.

dans ces mêmes années fin 90, nombreux sont les pensionnaires qui, stabilisés ont accédé à un appartement personnel et continue à être soignés et accueillis dans le cadre de l’externat. Mais la psychose reste la psychose, cela ne tient que si les étayages sont présents au quotidien. Dans la vie quotidienne de l’internat, ces béquilles se conçoivent bien mais dans un appartement, à distance de la présence des soignants, le soir, les week-ends, le risque de décompensation n’est jamais loin.

Nous proposons alors une aide à la vie quotidienne, dispositif d’étayage, en la présence plusieurs fois par semaine d’aides ménagères à domicile. Plusieurs montages se suivent : d’abord l’aide assuré par la femme de ménage de l’internat, puis en 1999, une convention avec l’ADMR qui permet à quelques aides ménagères d’être détachées de leur emploi habituel, de travailler pour le foyer accompagnée par une ES et supervisées par un psychologue. L’expérience prend forme et rapidement le service expérimental déborde de son champ premier, celui de l’accompagnement des externes du foyer, pour répondre à des demandes émanant des services de psychiatrie de Caen. Un partenariat s’institue entre les secteurs et ce service, le SSMAD. Le service accompagne alors une trentaine de personnes. Un nouveau statut lui est donné par l’intermédiaire des réseaux de santé qui permettent d’allouer des moyens supplémentaires.

En 2005, le SSMAD s’étoffe encore et se compose d’un temps de coordinateur, d’un poste d’ES, d’un temps de psychologue et de 5 postes d’AVS. Il accompagne 50 personnes et travaille en liens étroits avec les secteurs de psychiatrie, les associations tutélaires et d’autres partenaires.

2007 le temps se gâte. Les crédits alloués aux réseaux de santé commencent à être menacés. Parallèlement, nous avons pris la mesure que si notre service est maintenant bien repéré et répond à un vrai besoin dans la cité, il n’en reste pas moins insuffisamment professionnalisé. Il conviendrait d’y développer un accompagnement éducatif plus soutenu et surtout d’y apporter une dimension de soin que les personnes que nous accompagnons ne reçoivent pas toujours. La psychiatrie publique commence à perdre ses moyens et nous mesurons ces effets en la raréfaction des VAD, l’éloignement des consultations.

Nous réunissons alors sur notre terrain (et cela eût de l’importance) nos tutelles, CG, DDASS, CPAM pour discuter ensemble de l’avenir du service : de sa possible disparition ou de sa pérennité. Temps de négociation en langue papou qui conduit après deux heures d’échanges à l’accord de transformer le service expérimental en un triple service : un SAAD, un SAVS et un SAMSAH.

Il est vrai que les textes relatifs à ces nouveaux services étaient relativement récents et les tutelles ont vu dans cette négociation, l’opportunité d’inscrire dans un délai relativement court l’existence de ce service dédié aux personnes souffrant de troubles psychotiques. Pardon, de handicap psychique, avons-nous dit !

Accompagné par un service extérieur qui nous a aidé à traduire notre projet en langue formelle, nous avons donc écrit un projet d’un service d’accompagnement à domicile qui conjuguerait plusieurs interventions différentes et complémentaires : l’aide à la vie quotidienne par le SAAD pour 65 personnes, l’accompagnement dans la vie sociale par le SAVS, pour 20 personnes et le suivi psychothérapique psychiatrique par le SAMSAH pour 15 personnes.

En novembre 2009, ce triple service ouvre ses portes et se nomme l’APPUI tel un appui à la vie quotidienne. 16 salariés le font vivre : 1 CDS, 7 AVS qui se rebaptisent intervenants à domicile, 2 EC, 1 infirmier, 1 AMP, 1 AS, 1 psychologue, 1 psychiatre, 1 secrétaire.

Après trois années de fonctionnement, l’APPUI accompagne plus de cent personnes dans la ville de Caen, en lien avec les services de psychiatrie partenaires, les services de tutelles. Les patients reçoivent donc la visite des professionnels à leur domicile mais ils viennent aussi dans le service. Cette circulation permet de sortir, d’éviter le repli au domicile, aussi elle travaille l’accueil et permet de rencontrer les autres. Cette année, s’est mise en place une réunion hebdomadaire pour parler de l’actualité du service et surtout essayer de faire des choses ensemble. De l’accompagnement individuel prescrit, nous tentons de créer du collectif, du faire ensemble, du lien social.

Si la commande était bien de développer un service qui réponde aux nouvelles logiques d’accompagnement comme cela se pratique dans une logique de société de services, nous avons certes un peu répondu à la demande mais surtout, nous avons saisi le dispositif de ces nouveaux services, non sans questions et inquiétudes, pour en faire autre chose, selon les principes qui sont les nôtres.

Aujourd’hui l’APPUI est un service reconnu dans le champ de la psychose, identifié pour la plasticité de ses réponses et la disponibilité des professionnels qui le font vivre. En aucune façon, il ne rapt le travail des professionnels de la psychiatrie car il se situe dans une complémentarité, notamment au travers de cette prise en compte du domicile. Par ailleurs, l’APPUI complète le travail de soin proposé par le FAM qui propose une prise en charge en internat et externat. En quelques sortes, la négociation est réussie et à des places différentes et pour des raisons différentes, les tutelles comme nous, sommes satisfaits de la création de ce service qui propose un accompagnement spécifique. 

En conclusion : je faisais référence en introduction aux Fleurs du Mal qui, depuis 10 ans, poussent dans la terre médicosociale. Il est vrai que le contexte devient de plus en plus difficile : il s’agit bien sûr des aspects financiers et budgétaires, mais pas uniquement. La culture médicosociale s’étiole au fil des années et des transformations que les lois et réglementations dont je vous ai parlé ont introduites. La fragilisation du monde associatif va de pair avec la disparition du service public, c’est-à-dire avec une perte de la dimension symbolique que l’état garantissait jusqu’alors.

Nous sommes donc en risque de nous trouver pris dans des logiques analogues à celles qui œuvrent actuellement dans le sanitaire.

Mais encore une fois, n’oublions l’aspect nébuleux de ce secteur et tel un maquis, il est encore possible de s’y cacher, d’y résister et surtout de continuer à penser notre travail au plus près des besoins des personnes. Alors comme le dit le fabuliste Jean-Pierre Claris de Florian dans la morale de sa fable « le Grillon », « pour vivre heureux, vivons cachés », alors oui, vivons cachés et gardons-nous bien de vouloir rendre transparent ce secteur car c’est de la vie de nos institutions dont il est question.

 

Pascal Crété

Caen, le 2 décembre 2012

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> VIèmes Rencontres de Maison Blanche … » «à propos de la psychothérapie institutionnelle d’hier à aujourd’hui»

Le secteur aujourd’hui : où ? Quand ? Comment ?

 

 

Du découpage au partage.

 

 

Plus d’un demi-siècle après la circulaire qui légitima sa conception et bien d’autres textes de lois qui l’ont suivi, qu’est devenu le secteur aujourd’hui dans l’organisation de la psychiatrie ? Que signifie-t-il encore pour les soignants ? 

Créé pour en finir avec les pratiques asilaires et promouvoir la psychiatrie « hors les murs » sur et pour un même ensemble géographique et démographique autour d’une même équipe intra et extrahospitalière, le secteur voulait rapprocher le patient de sa famille et le réintégrer autant que possible dans la cité. 

Soit, le secteur a fait ses preuves. Mais, à l’heure des programmes de soins à domicile, que reste-t-il de la part de transfert et de symbolique dans la conception du soin en psychiatrie ?

Le secteur peut-il être réduit à une conception uniquement cartographique ? Résonne-t-il comme un modèle désuet ? Ou figure-t-il un idéal impossible à atteindre mais dont on entretient passivement la nostalgie ? Ou encore fonctionne-t-il comme un mythe dont on ne cesse de s’inspirer pour nourrir sa pratique et tenter de pallier les trous qui jalonnent l’existence des patients que l’on accompagne d’un port à l’autre ?

D’île en île, de l’intra au foyer postcure, du dispensaire au CATTP ou à l’hôpital de jour, les passages semblent parfois aussi vertigineux pour les soignants que pour les patients, semés d’angoisses, de déconstructions, de pertes de préjugés ou d’illusions avant que l’on puisse créer autrement, dans un autre lieu, à une place différente au sein d’une nouvelle équipe… 

Cette journée sera l’occasion de donner la parole aux soignants autour de ces questions :

Que peuvent apporter des expériences de temps partagés ou de création d’ateliers en intra ?

Le secteur comprend différents lieux mais aussi différents acteurs s’enrichissant de nombreuses approches thérapeutiques, qui échappent souvent aux autres fonctions, en dépit de temps de réunions cliniques ou institutionnelles. Car au delà des rôles, statuts et fonctions, les places sont parfois difficiles à trouver ou à se faire… 

Que peut-on alors espérer d’espaces entre-deux où une autre écoute et une autre parole sont possibles  le temps d’une séance d’analyse de pratiques ou d’un club thérapeutique ?

Le secteur, n’est-ce pas encore créer dans chaque lieu des collaborations singulières avec les acteurs de la cité pour accueillir et intégrer au mieux les patients dans les politiques municipales ?

 

Le secteur et ses limites d’accueil : qu’en est-il ailleurs en Europe, là où justement nombre de nos usagers trouvent une terre d’asile ?

Selma Benchelah.

Présidente de l'association scientifique et culturelle de Maison Blanche.

 

 

 

6/10 rue Pierre Bayle

75020 Paris

métro Philippe Auguste

Inscriptions :

service Formation Continue

formcont@ch-maison-blanche.fr

01 49 44 40 36
Contact : selmabenchelah@free.fr
  

PROGRAMME

 

9h00 – Accueil des participants

 

9h15 – Ouverture de la journée : Nicole Pruniaux, directrice de l’EPS Maison Blanche

            et Dr Annie Msellati, présidente de la CME, chef de pôle 23ème secteur

          – Présentation : Selma Benchelah, présidente de l’ASCMB

       

Modératrice : Selma Benchelah, présidente de l’ASCMB

Discutant : Dr Jean-Jacques Le Corre, chef de pôle 26ème secteur

 

9h30 – Chloé Adad, psychologue, 26ème secteur : « Lieux de passage »

 

10h15 – Grégoire Gourragne  et Amandine Lionnet, infirmiers, 26ème secteur, titre non communiqué

 

11h00 – Pause

 

11h15 – Adam Cano Quero, psychanalyste, analyse de pratique au 22ème secteur :

« Une expérience d’équipe partagée »

 

12h00 – Guillaume Larvor, Lisa Bouvier, Valentin Bachle, éducateurs, 23ème et 11ème secteur : « Educateurs en psychiatrie, un métier, des possibles…»

 

 

 12h45 – Pause déjeuner libre

 

 

Modérateur: Dr  George Archambault, CMP Jean Dollfus, 22ème secteur

Discutant : Dr Jean Artarit, ancien chef de service 22ème secteur

 

 

14h00 – Florence Heurtaut, infirmière, 23ème secteur :

« Du tissage au métissage : Pratiques décalées intra/extra. »

 

14h45 – Serge Klopp, cadre infirmier, EPS Barthélémy Durand, Etampes : « Le collectif morsaintois : un maillage pour l’accueil de la folie dans la cité »

 

15h15 – Pause

 

15h30- Pierre Smet, psychanalyste, Service de santé mentale SAS-Bruxelles, groupe de thérapie institutionnelle – Méridien-Bruxelles :

« Regard bruxellois sur le mouvement de sectorisation »

 

16h15 – conclusion avec le Forum des 39.

  

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2ème festival des évadés du bocal (du 8 novembre au 2 décembre)

 

Le festival des Evadés du bocal recommence. Merdre ! 

Evènement festif et critique, il prétend bousculer quelques-uns des processus normatifs qui trament nos sociétés et leur rationalité néo-libérale. Nous voulons nous emparer du champ de la folie comme analyseur de phénomènes beaucoup plus larges qui agissent sur le lien social. Nous souhaitons rendre possible une analyse critique de ces normes afin d’imaginer d’autres manières de vivre et penser l’accueil de l’autre, l’étrange, l’étranger, y compris celui qui est en chacun de nous.

Nous sommes un collectif d’artistes, de soignants, de patients, de personnes évoluant dans le champ des sciences humaines et sociales, de citoyens. Le festival est pensé pour évoluer au cœur de la cité ; pour cette deuxième édition, il se déroulera au théâtre du Lavoir Moderne Parisien dans le 18ème, au bar le Lieu-dit dans le 20ème, à l’Espace Khiasma aux Lilas et à la librairie l’Atelier dans le 20ème.

A travers le festival, notre horizon est de produire, d’inventer du commun, des constellations de pratiques et de pensées, d’oser une marche particulière qui nous conduise à percer les murs, décloisonner, refuser l’exclusion. Nous voulons, par le biais de cette chose qu’on appelle art, fabriquer des événements qui provoquent de la convivialité, qui questionnent nos postures et nos idées reçues. Nous voulons inventer de nouvelles manières de parler et d’agir ensemble. Trouver des outils d’analyse institutionnelle et des modalités d’action collective pour faire jaillir de l’autrement possible.

SITE OFFICIEL DU FESTIVAL LES EVADES DU BOCAL

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> Transmettre le mouvement de la PI c'est récuser l'arrêt sur image

Dans la dynamique de préparation des Assises que les 39 et les Ceméa organisent en 2013 (31 mai et 1er juin ) P. Chemla propose à la lecture ce texte qui amorce une élaboration sur la transmission de la PI mais aussi le combat pour la construction des Assises.

 

TRANSMETTRE LE MOUVEMENT DE LA PI C EST RECUSER L’ARRET SUR IMAGE

 

J’aborde cette intervention et ce colloque avec un sentiment d’urgence : urgence politique devant les menaces fascisantes de ces groupes qui tentent actuellement de nous faire taire et d’interdire de parler, penser, agir avec la psychanalyse et la PI.

Urgence aussi à transmettre dans un contexte où les représentations de la folie se trouvent bouleversées et se présentent comme une sorte de kaléidoscope : entre l’image du « fou à délier » de l’Asile traditionnel qu’une génération de psy a voulu libérer de ses chaines et celle du handicapé psychique qu’il s’agit de gérer et de normaliser, il semble bien qu’une constante demeure, celle de faire taire et de mettre au silence les témoignages et  la tentative que représente la crie de folie de trouver un lieu d’adresse. Envers et contre tout la Folie s’exprime à sa manière.

Entre temps la psychanalyse et la PI qui étaient « à la mode » il y a 40 ans et qui avaient de fait profondément transformé les représentations de la folie et de la prétendue normalité connaissent un discrédit dans les media mais aussi sur le terrain. Cela alors que les méthodes se réclamant d’une pseudo-scientificité s’appuyant sur la biologie ou le comportementalisme ont fait la preuve de leur peu d’efficacité : il n’y a eu aucun progrès significatif dans l’approche thérapeutique malgré les progrès des neurosciences.

Il s’agit donc d’une imposture mais tous ces discours occupent aujourd’hui une position dominante au point de vouloir éradiquer toute autre approche. Il y a les interdictions récentes qui exigent une mobilisation de notre part, mais elles ont été précédées par de nombreuses autres offensives : dois-je rappeler que l’enseignement de psychanalyse et de PI que nous proposions au titre de la Criée  à la fac de psycho de Reims a été purement et simplement supprimé voici 5 ans ? Comme dans de nombreuses facs maintenant, des psychologues sont formés sans entendre parler de Freud et à fortiori de la PI.

Bien plus grave : certains lobbys de parents d’autistes ont obtenu de la HAS la « non recommandation » du packing et de toute approche fondée sur la psychanalyse et la PI. Et même la promesse de généraliser cet interdit de penser à toute la psychiatrie !

Il s’agit à proprement parler d’une déclaration de guerre que l’on aurait bien tort de négliger en croyant qu’elle pourrait cesser à la faveur d’un changement de gouvernement. Car elle est le symptôme d’une défaite que j’espère provisoire de toute  pensée critique et de la promotion de « pensées » techniques et opératoires qui se prêtent aisément à l’évaluation, à la mesure de la performance et sont ainsi en sympathie profonde avec l’ordre néolibéral. Nous aurions bien tort de croire que ces attaques soient uniquement centrées dans le champ spécifique de notre praxis, alors qu’elles s’appuient sur une conception du monde et de l’humain qui envahit tous les espaces de la société.

Cette nouvelle raison du monde que Pierre Dardot a exposé à l’ouverture de ce colloque ne pouvait qu’entrer en collision frontale avec nos représentations de l’homme en tant que sujet parlant, divisé par son désir inconscient mais aussi inscrit dans une histoire à la fois personnelle et collective.

Cette intrication qui est le ressort crucial de notre praxis est absolument antagonique avec l’ordre néolibéral. Et les efforts pathétiques de certains analystes pour inventer des échelles d’évaluation afin de rivaliser avec les TCC sont bien à côté de la plaque d’enjeux bien plus radicaux.

La guerre nous est déclarée en termes d’éradication, et tout se passe comme si un grand nombre d’entre nous ne voulait rien en savoir au sens du refoulement, mais sans doute aussi du déni de réalité. Longtemps l’illusion a prévalu que nous pourrions traverser le tsunami en évitant le combat frontal et en préservant le noyau dur, autrement dit la psychanalyse. Nombre de collègues sont encore persuadés que cette crise est seulement celle de la psychiatrie, et certains ont même cru un temps que cela laisserait la place libre à une « clinique psychanalytique autonome » et délivrée de toute aliénation à l’ordre médical. Il y aurait beaucoup à dire de cette vision d’un progrès pour l’analyse qui consisterait à se délier de la médecine, pour promouvoir une « psychanalyse pure » prétendument détachée du registre de l’imaginaire pour viser le réel par le biais des mathèmes dont certains à l’ECF prétendent maintenant qu’ils permettent même de se passer du transfert et de raccourcir l’analyse.

Je n’insisterais pas sur cette dérive aberrante si elle n’avait pas envahi le champ de la formation avec une visée hégémonique, discréditant de fait la pratique d’une psychanalyse vivante qui nous permet de penser mais aussi de construire une représentation de notre travail. Sans un acte de foi sans cesse à relancer dans l’inconscient freudien, sans les praticables et constructions imaginaires que nous ne cessons de produire, nous ne pourrions tenir le coup et accueillir les patients, et en particulier les psychotiques et les borderline.

Avec eux nous sommes nous aussi mis à mal et questionnés dans nos fondations, nos croyances et préjugés, notre représentation de la folie mais aussi du transfert psychotique et de la PI.

D’où le détour que je vous propose par l’histoire, ou plus exactement par les moments qui auront marqué notre praxis.  Comment faire autrement que de nous appuyer sur les constructions qui ont marqué l’histoire de notre praxis, en particulier sur les praticables que nous avons pu inventer et qui ont pu soutenir un désir soignant mis en acte ?

Jean Oury témoigne d’une prise de position qui aura marqué un inaugural : avec Tosquelles, dans une transmission articulée avec l’enseignement de Lacan et de multiples apports hétérogènes, il devenait possible de subvertir les établissements et de promouvoir des institutions soignantes, ou tout au moins qui seraient support potentiel du soin psychique. Je le dis pour situer l’enjeu que je vais tenter de déployer : s’agirait-il de poursuivre de façon linéaire une fondation dont chacun sait ici la part de courage, et qui a pu tenir pour nous la place d’un mythe fondateur ? Je vais tenter de questionner ce qui ici pourrait passer pour une évidence et qui risquerait fort de nous conduire dans une impasse.

Une telle perspective risquerait en effet de fixer la figure de jean Oury ou celle de Tosquelles comme icone ou comme fétiche et de produire une mystification, voire une religiosité de très mauvais aloi.

Poursuivre comme si le temps n’avait pas passé reviendrait à croire à ce que les artifices inventés à l’époque par la PI soient perçus comme des invariants structuraux. Et comme ils deviennent de plus en plus difficiles à mettre en œuvre, une telle posture nous fixerait dans la déploration et la nostalgie d’un prétendu âge d’or. Nous avons beau savoir que cet âge d’or n’aura jamais existé ailleurs que dans nos pires moments de nostalgie, il n’empêche que nous aimerions y croire, et oublier l’extrême difficulté rencontrée par quelques-uns qui ont voulu promouvoir le désaliénisme et une praxis de l’analyse articulée avec la phénoménologie. Nous voudrions oublier aussi la lutte opiniâtre d’un Bonnafé arrivant sur le long cours à convaincre de la politique de secteur des gaullistes et des hauts fonctionnaires qui n’étaient pas du tout de son bord politique. Nous aimerions sans doute aussi escamoter les disputes violentes entre les courants de la PI, les scissions justifiées par des enjeux aussi forts que l’obligation faite par le PCF aux psychiatres qui s’en réclamaient de dénoncer la psychanalyse comme « un faux contre-révolutionnaire ». Sans compter la rupture du congrès de Sèvres sur l’enjeu crucial de la participation des infirmiers à la psychothérapie, et la réplique fameuse de Jean Oury : « les infirmiers ne sont pas des cons »…

Ce que je vous propose comme projet : lever en permanence le refoulement et le désaveu d’une histoire qui sinon deviendrait pure mystification, sans pour autant se tenir dans une sorte d’hypermnésie qui maintiendrait le passé comme une chape de plomb paralysante. Mais aussi  refuser « de faire du passé table rase » avec les conséquences tragiques qu’une telle posture entraine…

Se tenir dans une transmission consisterait à nous écarter sans cesse de ces deux écueils pour continuer à penser, créer, agir. Nous ne voulons aucunement d’une tabula rasa pas plus que d’une histoire monumentale.

Je voudrais ici évoquer ma première rencontre avec Tosquelles en 1987 aux journées de St Alban. Nous y allions en équipe invités par Gentis, et ne connaissions personne de la bande de la PI autrement que par le nom. A quelques-uns nous exposâmes dans un atelier la pratique balbutiante du centre Artaud, le club extrahospitalier que nous avions construit depuis 1980, la lutte anti asilaire qui nous agitait, et aussi le récit clinique d’une psychothérapie à domicile d’une patiente psychotique qui d’ailleurs s’en est très bien sortie depuis…

Dans la salle je sentis monter une grande incompréhension, pour ne pas dire une certaine hostilité : ce que je racontais n’était pas très casher : la lutte contre l’asile et l’idée même d’un club extrahospitalier paraissaient condamnables pour une grande partie de l’auditoire, dont une grande partie soutenait explicitement qu’à moins de 100 lits d’hospitalisation on ne pouvait pas faire de PI, cela jusqu’au moment où un petit vieux assis au premier rang prit la parole avec un accent inimitable pour m’intimer l’ordre de ne pas répondre à tous ces « hystériques de merde ». Puis d’annoncer avec un enthousiasme juvénile qu’il s’agissait là du renouveau de la PI alors qu’il avait eu l’impression jusque-là d’être dans la posture d’un Buffalo Bill qu’on exposerait comme à la foire. Je venais de faire la connaissance de Tosquelles sur le mode de la tuche, et il avait donc saisi qu’il ne s’agissait pas de faire du clonage de St Alban, mais de produire le changement possible et nécessaire à partir des conditions concrètes de chaque époque. Les conditions de l’HP de Chalons nous empêchaient de faire à l’époque un travail dans l’intra, la notion de club thérapeutique était vomie par l’établissement et nous étions même moqués voire menacés physiquement par une majorité assez bruyante nous considérant comme des gauchistes en train de détruire l’hôpital, leur outil de travail. Il n’est pas inutile de rappeler cette séquence historique, car si nous avions raison de vouloir le changement, ceux qui nous critiquaient n’avaient pas non plus entièrement tort. Ils avaient tort bien sûr de défendre l’Asile dans toute sa cruauté sordide, mais ils avaient raison quant à la défense du service public. La suite a montré hélas comment notre discours a pu être récupéré par le néolibéralisme qui nous a instrumentalisé pour fermer des lits sans pour autant construire les lieux d’accueil ambulatoires que nous espérions.

Nous aurions ainsi à élaborer ce paradoxe de toute transmission, et à nous dégager d’une opposition binaire où le changement comporterait forcément l’idée de progrès, alors que la défense d’une position ancienne serait forcément rétrograde.

Il me semble que dans les combats actuels que nous menons, nous nous trouvons régulièrement affrontés à ces paradoxes, en ayant souvent tendance actuellement à préserver nos acquis quand nous en avons, tellement la conjoncture nous est défavorable. Or une telle posture par trop défensive est peu propice à la créativité et risque fort de stériliser ceux qui voudraient aujourd’hui se replier dans un lieu qui fut créatif un temps, mais qui pourrait bien vite se transformer en « forteresse vide ». De nombreux collègues ont ainsi récusé le travail en direction de la précarité, et toutes les nouvelles formes que la souffrance psychique emprunte pour s’exprimer, ainsi que les demandes sociales embarrassantes qui nous sont adressées, et nous obligent à des déplacements psychiques : travail avec les familles, avec les réseaux de santé mentale, avec les GEM etc…

A ce point de l’exposé je voudrais évoquer une deuxième rencontre personnelle que j’ai eu avec Tosquelles. Ce fut la dernière hélas, car après il mourut et j’aurais aimé poursuivre avec lui, mais elle fut moins gratifiante que la précédente. Je lui confiais mon projet, déjà à l’époque d’un colloque de la Criée à Reims sur la transmission pour faire valoir l’actualité de la PI. Or il se fâcha tout net en m’opposant la « permanence » sur le modèle de la «révolution permanente ». Comme certains le savent ici, j’étais d’autant plus fâché que je m’inscrivais sur ce bord-là du marxisme, et que j’étais ainsi taxé d’incompréhension radicale du politique par un maitre qui m’inspirait une grande admiration.

Oury a souvent développé depuis combien la structure du POUM aura pu servir pour Tosquelles de matrice aux formes imaginées pour la PI : la transversalité, autrement dit l’articulation permanente entre verticalité et horizontalité dans l’établissement doit beaucoup à cette conception d’un collectif qui refuserait d’aplatir sa multidimensionnalité. Donc pas seulement une dette politique/ la guerre d’Espagne, mais la source d’une gestaltung, d’une forme en mouvement qui laisse place aux vecteurs de singularité tout en soutenant la dimension du politique.

Peu après sans nous laisser trop démonter par la parole du maitre, nous organisâmes à Reims des rencontres de la Criée sur la transmission, et par ailleurs un livre parut sous la direction de Pierre Delion intitulé « Actualité de la PI » auquel notre équipe contribua activement : c’était notre perspective de travail.

Que dire de cette discorde apparente ? Sinon qu’elle révélait dans son malentendu même l’enjeu d’une transmission où le vif de la subversion institutionnelle se poursuivait avec d’autres mots que ceux du fondateur, voire même se relançait dans un nouveau contexte qui nous déclarait déjà has been.

L’enjeu d’une transmission ce serait cette fidélité à la méthode et surtout au mouvement qu’il s’agit d’impulser et de relancer. En aucune manière une fidélité à la personne du fondateur, ou pire à une fondation statufiée qui nous ferait en quelque sorte nous tenir dans un plan fixe, une sorte d’arrêt sur image : une image couleur sépia au charme désuet mais définitivement révolu. Cette fixité-là serait à mon avis à la source d’une posture de déploration qui a ruiné une génération de psychistes tournés vers un passé idéalisé et n’arrivant pas à affronter l’actuel. Cela nous ne pouvons le faire qu’avec notre manière d’être au monde, et surtout en tenant compte du contexte politique et institutionnel dans lequel nous nous inscrivons pour le meilleur et aussi pour le pire.

Nous aurions aussi à soutenir une fondation toujours en devenir, toujours à relancer contre le mirage inquiétant d’une fixation de l’origine ou de l’originaire, qui transformerait inéluctablement l’histoire en image pieuse et les journées de St Alban en pèlerinage au lieu de la révélation.

Ces préliminaires étant posés, il nous resterait à déployer les lieux nécessaires pour métaphoriser le changement, ou pour le dire plus précisément pour relancer le mouvement instituant.

Pendant longtemps nous avons pu nous imaginer qu’il suffirait de développer des lieux suffisamment accueillants, de conjuguer la verticalité de l’établissement avec la fonction club, et de soutenir une analyse institutionnelle permanente.

Cela d’ailleurs reste  vrai, je continue à le soutenir dans ma pratique comme dans mon enseignement, et pourtant je reste persuadé que cela n’a jamais suffi. Il n’y a qu’à constater la multiplicité des lieux que le mouvement de PI s’est donné au cours de son histoire : groupe de Sèvres,  GTPsy, Fiac actuellement etc… pour en déduire la nécessité de lieux d’élaboration extérieurs aux institutions. Ces lieux ont permis la confrontation et la dispute au sens noble de ce terme, mais aussi la confrontation au politique. Il parait en effet difficile à l’échelle d’un seul établissement même bien vivant de se faire une idée de la multiplicité des situations et de mener l’analyse nécessaire de la double aliénation. Concept clé que je garde sans cesse à l’esprit pour éviter tout rabattement unidimensionnel. Il y a une aliénation psychopathologique mais aussi une aliénation au politique (et non à la politique)  et nous aurions  à penser cette duplicité en terme de nouage hétérogène et non de compartimentation.

De plus nous avons à échanger avec ceux qui travaillent en dehors des institutions, et aussi en dehors de la psychiatrie : psychanalystes, mais aussi philosophes, écrivains, artistes, poètes qui explorent et éclairent un réel que nous partageons peu ou prou.

Cette nécessité de lieux tiers figure ainsi une extériorité ou plutôt une figure de bord sur le modèle de la bande de Moebius comme échangeur avec le monde.

Faute de quoi en restant repliés dans les institutions nous pourrions nous figurer une réalité illusoire à la mesure de nos fantasmes ou de nos hantises.

Or cette confrontation au réel est absolument indispensable dans notre travail psychothérapique avec la psychose quand nous tentons de reconstruire avec le patient un monde habitable. Ce qui me fait irrésistiblement penser à Winnicott se levant au cours d’une réunion de la société britannique de psychanalyse pendant la guerre pour déclarer « Nous sommes en train de subir un bombardement ». Cela alors que ses collègues continuaient leur discussion psychanalytique comme si de rien n’était…

C’est ce geste tout simple qui déterminera un point d’accrochage transférentiel avec Margaret Little. Celle-ci sensible à un tel sens du réel, décidera de lui demander une analyse dont elle a fait par ailleurs le récit remarquable ; moment paradigmatique assurément où l’attitude de l’analyste devant le monde permet l’ouverture du transfert psychotique. Rappelons que M.Little avait poursuivi plusieurs analyses, longues pour l’époque, qui lui avaient permis de devenir didacticienne sans pour autant apaiser sa souffrance et ses moments de déréliction.

Car les patients, et Margaret Little en témoigne très précisément dans le récit de son analyse avec Winnicott sentent très bien quand l’attitude de leur analyste est dans le « comme si », empruntée ou convenue. Et de nombreuses analyses menées sur ce mode, en copiant le maitre du moment, M.Klein à l’époque ou Lacan aujourd’hui, ne peuvent être que des analyses « comme si », passant à côté du vif du sujet, le laissant en souffrance d’un lieu d’adresse et de fiabilité.

Car il faudra en cabinet comme en institution tenir cette dimension de la fiabilité qui a toujours manqué au patient psychotique ou borderline : que l’on reprenne l’hypothèse winnicottienne de l’agonie primitive et de l’effondrement ou l’hypothèse lacanienne de la forclusion, nous butons toujours sur une zone de catastrophe, une zone de mort psychique au sens de Gaetano Benedetti.

Or pour traverser ces zones où les boussoles s’affolent, il faudra au patient un thérapeute et si possible un collectif suffisamment vivants, et lui offrant ce petit bout de monde fiable sur quoi il puisse poser ses pieds. Ce bout de monde ayant les plus étroits rapports avec « la fabrique du pré » dont parle Oury dans son séminaire sur « Création et Schizophrénie », un lieu du pathique qui tient d’un dire sensible, ou plutôt d’une conjugaison de dires lorsqu’il s’agit d’un collectif.

Nous savons que l’ambiance, la stimmung tiennent une très grande place dans cette sensation de vivance et de fiabilité qui ne trompe pas la sensibilité de ces écorchés vifs qui sont en attente d’un accueil humain. Et donc la construction permanente de la vie quotidienne est de la plus haute importance pour permettre qu’il y ait de la rencontre.

Mais nous savons aussi que la confusion des registres, l’absence de diacritique, constituent autant d’écueils dans cette construction. Affaire de tact, d’adresse et pas seulement de théorie. Certains y excellent sans aucune formation initiale, alors que d’autres blindés de la « vraie théorie »,  se trouvent dans l’incapacité de faire surgir cet espace de possibilisation de la rencontre.

Et l’expérience montre aussi que certains patients peuvent être à leur tour support de transfert, voire même tenir par moment « la fonction psy » pour d’autres patients ou même soignants. Il n’est pas rare dans mon expérience à Artaud que des patients mettent ainsi leurs soignants référents en analyse plus ou moins sauvage ; ce qui peut induire des effets de déstabilisation si les soignants en question (c’est le cas de le dire) ne s’engagent pas dans une analyse pour leur propre compte. S’ils ne le font pas, ils peuvent avoir tendance alors à se tenir dans un retrait défensif, ou même à s’expulser d’une telle situation.

D’où l’importance des lieux de métaphorisation que j’ai évoqués précédemment et qui peuvent permettre aux soignants d’exprimer leurs éprouvés sensibles, voire d’élaborer leur contre-transfert en théorisant leur traversée en se fabriquant une boite à outils métapsychologique. Mais aussi en rencontrant les éprouvés des patients, des familles et de tous ceux qui se sentent concernés par la folie et la souffrance psychique.

C’est ainsi que j’ai fondé avec d’autres la Criée il y a 26 ans à Reims pour qu’existe un lieu sur le bord du Centre Artaud, tenant séminaires et conférences en dehors des horaires de travail et relançant ainsi délibérément les enjeux hétérogènes du politique et de la psychanalyse avec des étrangers à l’institution.  D’entrée de jeu, cet acte fut vécu comme une dépossession imaginaire par de nombreux soignants : « on parle de nos patients en notre absence », et je persiste à penser que cette dépossession, tout imaginaire qu’elle soit, comporte des effets de réel tout à fait essentiels.

La rencontre avec le mouvement de PI mais aussi avec des analystes de différents courants, à la condition qu’ils acceptent de témoigner de leur clinique,  et les colloques organisés avec des collègues toujours plus nombreux nous permettent  je crois de nous décentrer par rapport au vécu circulaire et autocentré de toute institution.

Il y a de l’ailleurs et de l’hétérogène à accueillir, et de la confrontation aussi avec des discours qui nous sont radicalement étrangers voire carrément hostiles. C’est ainsi que nous avons accueilli et combattu le discours de l’évaluation et de la « bonne gestion de la folie » chère à Edouard Couty, et que nous avons fait valoir une autre manière de parler de notre praxis à partir des éprouvés sensibles et de la théorisation de l’expérience.

C’est dans cet espace que nous sommes rentrés en collision frontale avec le discours de celui que Jean Oury a appelé « la puce » : en nous piquant il a réveillé certains, mais il a propagé une sorte d’épidémie de peste dont nous avions sous-estimé la dangerosité.

C’est dans ce contexte violemment hostile que j’ai participé à la fondation du  « groupe des 39 contre la nuit sécuritaire » avec un sentiment d’urgence à se mobiliser que je n’avais jamais ressenti avec autant d’intensité.

Je passe sur les nombreux meetings et les pétitions qui ont rencontré un succès allant bien au-delà de nos espérances et qui se sont poursuivis jusqu’aux dernières élections ; le départ de Sarkozy ouvrant une nouvelle période sur laquelle je reviendrai plus tard.

Ce sur quoi je voudrais insister c’est la participation active de familles et de nombreux patients, prenant la parole en leur nom et témoignant de leur place dans tous les rassemblements que nous avons provoqués.

Des témoignages qui m’ont d’ailleurs atteint et montré à quel point je méconnaissais la gravité de la situation de la psychiatrie, et le retour de pratiques barbares que je croyais sottement révolues.

Brusquement les pratiques de contention se sont répandues avec une facilité, une absence de résistance des soignants qui m’ont troublé.

Récemment une soignante m’expliquait-mais c’est un discours largement partagé- que si les patients n’étaient pas attachés alors qu’ils sont déjà enfermés et isolés, ils pourraient se faire du mal en se tapant la tête contre les murs. Et comme c’était dit avec une grande sincérité je me suis retenu de lui dire que c’était effectivement à se taper la tête contre les murs !! Vous voyez que l’autocensure m’est venue tout naturellement, alors que j’aurais témoigné aussitôt de ma colère il y a quelques années…

Par contre, il existe aussi un envers de cette banalisation de la violence : plusieurs patients ont rejoint progressivement les 39, dont certains du centre Artaud. Ce qui me met transférentiellement dans une situation délicate, mais qui leur a permis de faire une avancée impressionnante.

Il faut dire que nous tenons depuis longtemps, outre les clubs et lieux de parole, une AG du centre Artaud où toutes les questions de la vie quotidienne peuvent être abordées. Généralement cela tourne autour de la gestion du club, des comptes, des activités et autres fêtes à organiser.

Mais au moment du discours de Sarko, les patients nous ont immédiatement interpelés pour nous demander comment nous nous positionnions.   

Et là impossible de se dérober : j’ai dû leur dire avec un certain embarras mon engagement dans les 39 contre un tel discours qui les criminalisait et qui était aux antipodes de ma conception du soin. Ce qui me retenait jusqu’alors d’évoquer mes positions politiques avec les patients, c’était bien sur le risque de les instrumentaliser dans le transfert et de m’embarquer avec eux dans une aventure dangereuse. Nous ne pouvons en effet méconnaitre les ravages qui ont eu lieu dans les années post68 quand certains que jean Oury appelle les     « régénérés de 68 » ont voulu embrigader les patients dans des groupes gauchistes en méconnaissant précisément la double aliénation et le transfert.

Je pense que l’embarras qui m’a saisi est pris dans cette histoire et m’a permis en quelque sorte d’anticiper les difficultés à venir ; car dans une telle situation, le pire serait l’ingénuité et l’engouement qui risquerait de nous aveugler collectivement.

Or d’engouement il n’y eut point, certains soignants disant leur réticence qu’il s’agissait d’entendre, à se retrouver dans une telle situation de proximité avec les patients ; au point que certains purent témoigner de leur trouble dans une telle occurrence, avec la question : comment nous distinguer des patients si nous manifestons avec eux et que plus rien ne nous différencie?

Où l’on entend que la peur de la folie et de sa contagiosité ont encore un bel avenir y compris dans les équipes les plus engagées et que de telles situations permettent de faire émerger des questions cruciales que l’on aurait pu croire élaborées. Ces questions étant souvent masquées par de l’idéologie ou par une représentation idéalisée que le Collectif se donne de lui-même

Je dois aussi mentionner les très nombreux patients qui ne voulurent rien entendre de toute cette cruauté déversée sur les ondes contre les prétendus  « schizophrènes dangereux » et qui continuent à se boucher les oreilles ou à quitter les réunions dès qu’il en est question.

Mais il y eut aussi la création de l’association Humapsy l’année dernière. Tout commença par des réunions le jeudi après-midi au moment de la fermeture du centre pour cause de réunion institutionnelle. Et les patients nous envoyèrent des messages et même au début des comptes rendus où il était d’ailleurs question « de leur douleur dans le transfert pourtant nécessaire », et de revendications tout à fait pertinentes sur leur situation de stigmatisatisation.

Puis ils prirent de nombreuses  initiatives à nos côtés dans les meetings et manifestations contre le projet de loi sécuritaire.

Et puis arriva le meeting des 39 à Montreuil du 17 mars où deux d’entre eux prirent la parole à mes côtés dans une table-ronde sur la norme avec également un philosophe politique Pierre Dardot. Vous pourrez les voir et entendre leurs interventions remarquables sur le site des 39.

 Mais je voudrais citer l’ouverture : l’un deux pour rendre compte de la naissance de leur association, expliqua qu’au cours des rencontres, ils s’étaient rendus compte de situations désastreuses pour les patients et les soignants, qu’ils s’étaient alors rendu compte de leur chance d’avoir été soignés correctement, et me montrant du doigt il insista en me désignant sur la nécessité que « ça continue quand il ne serait plus là… »

Puis il annonça la première des initiatives qu’il venait de décider : le forum fou sur une barge à Paris, où Humapsy a réussi à rassembler et à donner la parole à de très nombreux patients venant témoigner de leur situation et de leur révolte. Mouvement qui continue depuis avec récemment la tenue d’un stand à la fête de l’Huma et leur projet de s’adresser au public et maintenant de former les soignants en souffrance

On ne saurait mieux dire la nécessité de la transmission et combien celui qui parle alors arrive de façon surprenante à symboliser la perte à venir, et à métaphoriser cette perte en en faisant un gain psychique. Ainsi en anticipant sur ma disparition, ces patients se mettent en position active, dans leur vie comme dans la transmission, et quittent toute assignation à résidence dans un quelconque statut « d’handicapé psychique » ou de « bon malade ».

D’ailleurs les réactions du public en témoignèrent partagés entre la gêne vis-à-vis de moi et le fou-rire que l’on aurait trop vite fait de qualifier d’hystérique. Car il s’agit sans doute d’un rire défensif devant l’angoisse de mort : en tout cas c’est ainsi que je l’ai interprété, dans la mesure où j’étais renvoyé à la possibilité de ma disparition. Nous sommes bien loin du principe de plaisir dans une telle passe mais bien plutôt dans une symbolisation de la mort qui m’a laissé perplexe.

Voilà des patients qui viennent formuler très exactement l’enjeu même de toute transmission, ce que de nombreux névrosés n’arrivent pas à faire, empêtrés qu’ils  sont dans l’inhibition de leur agressivité et de leur angoisse à l’idée de la disparition de leur analyste ou de leur maitre.

Surtout et c’est là que je voudrais vous amener pour conclure sur un questionnement : j’ai bien peur que des lacaniens trop orthodoxes viennent affirmer que si des patients franchissent cette passe, c’est qu’ils n’étaient pas psychotiques, puisque «ils en sont empêchés par leur structure». Propos récurrent qui a le don de me mettre en colère et qui revient à chaque fois qu’un patient s’en sort et passe en quelque sorte de l’autre côté de la psychose, ce que je n’hésite pas à qualifier de « guérison psychanalytique » au sens que Nathalie Zaltzmann donnait à ce terme dans son œuvre.

Ceux que Jean Clavreul  appelait les lacanistes dans son livre ultime (l’homme qui marchait sous la pluie) ont considérablement discrédité la psychanalyse en transformant le diagnostic de structure psychotique en verdict d’incurabilité.

Ils ont beau citer les écrits de Lacan à propos de Joyce et du sinthome, tout se passe comme si leur clinique de la psychose se réduisait à une clinique hors transfert, d’observation psychiatrique dans le cadre de la présentation de malades. Or ce que nous avons à faire valoir c’est cette réalité vivante du transfert : le ressort de la psychanalyse qui empêche toute conception fixée du psychisme humain, tout arrêt sur image.

Faute de quoi, et ce n’est pas seulement vrai pour la psychose, la psychanalyse se mettrait en posture conservatrice pour ne pas dire réactionnaire, en collusion avec toutes les forces de la pulsion de mort qui détruisent actuellement la Culture.

Vous l’aurez compris, je pense que la psychanalyse vivante, celle qui s’occupe de la souffrance et du soin psychique, qui se soucie de la guérison au sens winnicottien de redonner gout à l’existence (qui fasse « que la vie vaille la peine d’être vécue »), cette psychanalyse en mouvement constitue le soubassement nécessaire qu’il s’agit de re/construire sans cesse.

Faute de quoi nos propositions ne seraient que des prothèses au mal de vivre : car ce n’est pas seulement de moyens financiers ou de reconnaissance imaginaire dont nous aurions prétendument besoin, mais surtout de retrouver du désir mis en acte dans des collectifs. Nous aurions à soutenir une relation à l’inconnu qui peut effrayer certains d’entre nous mais qui est nécessaire pour ne pas se figer dans une défense des acquis alors qu’il s’agit de se tenir du côté de la gestaltung, autrement dit de l’invention de formes nouvelles.

Il est clair en tout cas pour moi qu’il nous faudra compter sur les patients et les familles, et qu’il n’est pas trop tard pour le faire et affirmer que cette transmission/réinvention de la PI peut constituer une cause commune.

Encore faut-il créer le lieu de ce partage et de cette construction commune, et c’est pour cela que le collectif des 39 a décidé de lancer en lien avec les CEMEA des Assises citoyennes pour l’hospitalité dans la psychiatrie et le médicosocial.

Une manière de mettre en acte le pari d’une reconstruction de la psychiatrie par ceux qui en font l’expérience à des titres divers et qui pourraient en témoigner. Un pari sur la démocratie aussi car nous ne pouvons pas savoir à l’avance ce qui résultera d’une telle rencontre que nous commençons à préparer dans des collectifs locaux et qui mise sur la longue durée.

Un pari enfin sur la construction collective qui nous dégagerait d’une simple dénonciation d’une psychiatrie décérébrée, violente et normalisante.

Un pari me semble-t-il aussi pour la psychanalyse qui ne saurait se réfugier dans ses formes anciennes ou ses fondations héroïsées mais devrait se refonder dans cette conjoncture où elle se trouve radicalement menacée. 

 Autrement dit il s’agirait de trouver le courage de sortir du discours de la plainte pour se rassembler dans la diversité des points de vue et des vecteurs de singularité et tenter de poursuivre, c’est-à-dire de réinventer la psychanalyse et la PI de notre époque en frayant notre propre chemin sur les traces de ceux qui nous ont précédés. 

J’en profite pour vous inviter à vous mettre vous aussi en mouvement et que ce colloque soit l’occasion « d’entrer dans la danse » et dans les enjeux de ces Assises.

EUROPSY 2012 –  P. CHEMLA

 

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>L'arbre rose ferme ses portes (sudouest.fr)

Par isabelle Castéra

Il est planté au milieu de l'hôpital Charles-Perrens. Il y a des gens allongés dans l'herbe devant la porte, d'autres sur un banc fument une clope. Une dame en robe longue, les cheveux sur la figure danse avec les étoiles. L'Arbre Rose est un atelier d'art-thérapie, ouvert chaque jour, qui accueille dans un joyeux entassement d'objets colorés, des patients de l'hôpital ou pas. Ici, on met la maladie sur pause. Et on peint, on sculpte, on bricole, on discute, on rigole, on chiale aussi. Le maître des lieux depuis 35 ans s'appelle « Jibé » : Jean-Bernard Couzinet.

Jibé parle fort, autant dire qu'il gueule. Créateur de l'Arbre Rose, il est entré à l'hôpital en 1978, après un doctorat en art et communication, quelques années aux Beaux-Arts, un diplôme d'animateur socioculturel et même une psychanalyse. La folie ne l'effraie pas.

« Tout a commencé ici un jour où un patient est venu me voir avec des tableaux sous le bras, des dessins splendides. À l'époque, l'hôpital m'avait cédé un local, afin d'y organiser une activité. Ce patient, qui s'appelait Bernard m'a initié. Alors que je lui proposais de venir peindre dans mon atelier, il a invité d'autres malades à peindre avec lui. Nous avons créé la première fresque commune. Je n'ai jamais rien imposé, j'ai attendu que les gens viennent à moi. Ici, je les connais tous par leur prénom. Je ne sais rien de leur dossier médical. Chacun arrive avec son projet artistique, pour cela je me suis inspiré de la psychiatrie italienne. »

Lire la suite sur le site sudouest.fr

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> Question écrite à propos de la loi du 5/07/2011

 Question d’une élue à propos de la loi du 5 juillet 2011.

Mme Jacqueline Fraysse attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le mémoire émis par ses services le 6 juin 2012 contre une requête en annulation du Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie. Cette requête porte sur le décret n° 2011-846 du 18 juillet 2011 concernant l'application de la loi du 5 juillet 2011 relative aux « droits et à la protection des personnes faisant l'objet d'une prise en charge psychiatrique » et dénonce la vision sécuritaire de la psychiatrie portée par cette loi. Ce faisant, elle s'appuie sur les arguments avancés par les parlementaires de l'opposition lors de l'examen de ce texte, conduisant à leur vote négatif le 15 mars 2011. Or le mémoire actuellement présenté au nom du ministère de la santé reprend dans ses grandes lignes la position sécuritaire de l'ancien gouvernement. Elle s'étonne de ce manque de cohérence. Elle lui demande donc quelle est sa position concernant ce texte qu'elle a vivement combattu lorsqu'elle était dans l'opposition.

Le lien vers le site de l’Assemblée Nationale

http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-4258QE.htm

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>Communiqué commun de l’ensemble des Syndicats de la psychiatrie publique

 

SPH – IDEPP – SPEP – USP – SPF

A la suite d’un meurtre commis en février 2004 par un malade en fugue d’hospitalisation d’office depuis 20 jours et la condamnation de l’établissement hospitalier devant la cour administrative d’appel en octobre 2009, la responsabilité personnelle du psychiatre traitant a été mise cause au pénal par la famille de la victime.

Notre  collègue le Dr Danielle Canarelli, a été mise en examen au chef d’homicide involontaire avec renvoi au tribunal correctionnel pour un jugement prévu le 13 novembre 2012.

Alors que ce patient se trouvait administrativement en sortie d’essai, une fugue impulsive était survenue pendant la consultation au moment où elle l’informait de la nécessité d’une hospitalisation immédiate.

Il lui est reproché de « n’avoir pris aucune disposition effective pour ramener à exécution de manière contraignante la mesure d’hospitalisation d’office » alors même qu’elle avait établi les certificats et avis de recherche, les avait adressés aux services concernés (DDASS et services de police) et qu’elle avait organisé plusieurs visites à domicile.

L’ensemble des syndicats des psychiatres hospitaliers de la psychiatrie publique apporte son total soutien au Dr Canarelli qui n’a commis aucune faute ni erreur médicales en ayant porté un jugement correct, prescrit des soins adaptés et effectué les démarches médico-légales adéquates. Elle ne saurait être tenue pour responsable dans les faits en cause, puisqu’il ne relevait ni de son pouvoir ni de ses fonctions d’intervenir autrement.

Les syndicats de psychiatres publics dénoncent unanimement la tendance à vouloir mettre en cause la responsabilité des psychiatres hospitaliers en exigeant d’eux une obligation de résultat et non plus de moyen, dans un domaine où la prédictivité et le risque zéro n’existent pas et où de nombreux autres intervenants, sur lesquels ils n’ont pas autorité, sont concernés.

Dr J-C. Pénochet, Président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux

Dr A. Mercuel, Président de l’Intersyndicale de Défense de la Psychiatrie Publique

Dr O. Labouret, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Dr A. Poli, Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public

Dr J-Y. Cozic, Président du Syndicat des Psychiatres Français

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>Après-midi débat le samedi 15 septembre 2012 à 15 h 00

La Fédération des Ateliers de Psychanalyse propose un après-midi débat

 

à la Faculté de Théologie Protestante, 83 boulevard Arago, 75014 Paris Métro : Glacière, Denfert-Rochereau ou Les Gobelins avec Philippe BORREL autour de son film UN MONDE SANS FOUS (documentaire, 2010)

avec la participation de Patrick CHEMLA et Paul MACHTO


"Au cœur du film de Philippe Borel : la place que notre société laisse à la folie. Et, d’entrée de jeu, nous voilà confrontés à cette cruauté banalisée où les patients se retrouvent « jetés hors du monde » (Hanna Arendt), abandonnés à la prison ou à la rue. Le spectre de la mort par délaissement plane ainsi sur tout le film.

Au-delà de l’histoire de la folie écrite magistralement par Michel Foucault, marquée par le grand renfermement, se profile ainsi la perspective nouvelle et terrifiante d’une mise au ban et de « la vie nue », exposée par Agamben dans Homo Sacer.

À l’évidence, ces enjeux éthiques et politiques débordent tout cadre professionnel. Mais quelles sont les implications spécifiques qui reviendraient à tous ceux qui s’inscrivent dans une transmission freudienne ?

Comment imaginer un espace pour la psychanalyse dans un monde qui voudrait taire la folie par tous les moyens possibles, y compris la contrainte à domicile ?

Une telle violence symbolique et réelle est lourde d’une haine de l’inconscient freudien. Cette haine vient maintenant explicitement s’attaquer à toutes les pratiques qui se soutiennent de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

La pratique analytique ne pourrait donc s’envisager en dehors d’une critique de son inscription dans le monde, autrement dit, pour reprendre la formulation de Jean Oury, sans poursuivre « l’analyse de l’analyse ».

Analyse sans fin assurément."

SIÈGE SOCIAL 45 rue Sedaine, 75011 Paris Tél. 01 48 06 24 99 – Mail : gendre.dusuzeau@noos.fr

Site : http://www.federation-ateliers-psychanalyse.org/

Patrick CHEMLA


"Le film de Philippe Borrel pose un regard particulièrement pertinent sur les questions qui se posent aujourd’hui dans la société à propos de l’accueil de la folie, des maladies mentales, et par extension de la souffrance psychique, questions sur la place de la psychiatrie, et ce que l’on appelle la « santé mentale ».

Ce documentaire, fruit d’un travail immense et particulièrement approfondi, fut tourné dans le moment si particulier où Nicolas Sarkozy prononça son sinistre discours à Antony en décembre 2008. Ce fut à cette occasion que Philippe Borrel rencontra le Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire qui venait d’être créé.

Nous sommes confrontés à une régression, prônant un retour au grand renfermement, tournant le dos aux progrès réalisés par la psychiatrie depuis cinquante ans.

La Fédération des Ateliers s’est engagée clairement auprès du Collectif des 39 : participation à plusieurs meetings et forums, communiqués et interventions publiques de plusieurs de ses membres et notamment de sa présidente, Anna Angelopoulos.

En effet, les analystes ont toute leur place dans ce débat, pour y soutenir la place essentielle de la parole, à l’heure où l’idéologie médicale dans sa version la plus scientiste tente de dominer la scène. Les analystes de la Fédération y ont encore plus particulièrement leur place car des discours psychanalytiques, notoirement dogmatiques, ont accompagné si ce n’est suscité, un isolement et un hermétisme notablement préjudiciable, comme on a pu le voir au moment de la polémique stérile sur l’autisme. Ainsi des associations de familles, de patients aussi se sont engouffrés dans cette brèche, et ont accompagné le discrédit de « LA » psychanalyse, attaquée depuis quelques années.

Comme le notait dans Télérama, Marie Cailletet : « Époustouflante enquête, le documentaire explore pas à pas les éléments d'un puzzle qui, en s'imbriquant, font sens. Apparemment sans lien avec la déshérence voulue de la psychiatrie hexagonale, le choix d'un étalonnage mental de la population, du repérage anticipé des « déviances » et du recours aux médicaments pour normaliser se révèle glaçant de cohérence. Mais pour quel monde ?"

Paul MACHTO

(Participation aux frais de location de la salle : 10 €)

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>Résistance, résister : débat le 19 septembre à 19h

Le Mercredi 19 Septembre à 19h

Autour de la revue V.S.T. n°113

« Résistance », « résister » : il en est beaucoup question dans le travail social, et plus largement dans la société civile. Résister à la mise en actes du libéralisme avec la marchandisation du social et du soin, et l’irruption des méthodes managériales stéréotypées dans la gestion des institutions. Résister pour maintenir le centrage sur une clinique du sujet. Qui ne voudrait pas résister ? Reste alors, et ce n’est pas un détail, à savoir comment faire. Seul ? A plusieurs ? Comment ?

Mais résister a aussi un autre sens, moins lyrique. Quand le sujet « résiste » c’est qu’il ne veut pas bouger, centré qu’il est sur ce qui le constitue même si cela l’enferme. Résister c’est donc aussi refuser le changement.

Alors, « résister » : ne rien bouger, jamais ?

Débat avec :

Yves Gigou, collectif des 39

François Chobeaux, rédacteur en chef de VST

Saül Karsz, philosophe, sociologue

Autour de la revue V.S.T.

« VST est une revue associative et militante au croisement du champ social et la santé mentale. Elle s’adresse aux professionnels, aux bénévoles et aux militants de ces deux secteurs, en leur proposant d’être un lieu de confrontation critique et d’élaboration collective face à la pesanteur des tendances traditionnelles réduisant le travail psychothérapique et le travail social à leurs seules formes réglées et codées. »

Librairie La Terrasse de Gutenberg, 9 rue Emilio Castelar Paris 12ème

tel : 01 43 07 42 15   

Métros Ledru Rollin/Bastille/Gare de Lyon Bus n° 86/87/91

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> XXVIèmes Journées de Psychothérapie Institutionnelle

XXVIèmes Journées de Psychothérapie Institutionnelle

 

 

 

 

12 et 13 Octobre 2012 à MARSEILLE

 

Les lieux du changement : quels espaces pour le travail clinique et psychothérapique dans la psychiatrie du 21ème siècle ?

 

Cité des Associations, 93 la Canebière 13001 Marseille

Métro Noailles (ligne 2)

 

  Les lieux du changement : quels espaces pour le travail clinique

et psychothérapique dans la psychiatrie du 21ème siècle ? 

 

 

Deux lames de fond traversent la psychiatrie contemporaine : une dérive sécuritaire assimilant folie et dangerosité et produisant le retour du grand renfermement, et un rabattement étio pathogénique organiciste considérant la folie comme l’expression d’un cerveau malade.

La perte de l’humain qui en découle questionne un nombre croissant de tous ceux qui rencontrent les personnes malades.

Le mouvement de psychothérapie institutionnelle qui considère la folie comme une potentialité humaine a forgé des outils pour proposer un accueil à la folie et des possibilités de transformation psychique de la personne malade autres que l'association médicaments-apprentisages                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  L’AMPI consacrera ses 26èmes journées à ce double enjeu : revisiter le champ des psychothérapies en rappelant leur pertinence dans le projet de transformation psychique des patients et mener une réflexion sur les lieux possibles pour leur mise en œuvre.

Le facteur temps offre bien des surprises et les « hasards » des calendriers mettent à l’honneur en ce printemps 2012 l’idée de changement.

S’il appartient aux « psychistes » de participer activement à ce desserrement de l’étau sociétal, il leur revient également de définir les supports théoriques, techniques, psychopathologiques qui permettent à la personne souffrante de se réapproprier son destin.

Ces apports à la formation initiale et continue de tout soignant, associés à un désir toujours à soutenir, sont indispensables à toute approche relationnelle proposant son espace psychique à l’autre.

A un moment où le « parcours du patient »  se fragmente de plus en plus, où la continuité des soins tend à se confondre avec la « traçabilité »  informatique, où le turn-over soignant devient la règle, il est « urgent » de redéfinir les lieux où la rencontre est possible, c'est-à-dire là où il est possible de circuler, penser, inventer, créer…

Inscription : (Places limitées  pas d’inscription le jour même)

Individuelle : 120 €

Etudiants : 50 € (sur présentation justificatif )

Formation Continue : 180 €.

 

N° A.N.F.H. : 93.13.02.688.13

N° S.I.R.E.T. : 403 156 458 000 16

C.C.P. : 2969-15 Y MARSEILLE

Chèques à l’ordre de : A.M.P.I

A envoyer  à :

A.M.P.I. / Bibliothèque du C.H. Edouard Toulouse

118, chemin de Mimet 13917 Marseille Cedex 15

Tél. secrétariat secteur 13G13 : 04 91 96 99 93 – Fax : 04 91 96 97 58

email secrétariat AMPI : isabelle.borzone@ch-edouard-toulouse.fr

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> Le 7 septembre "L'art de l'écoute et de l'écho"

Vendredi 7 septembre 2012                      

Centre équestre  « Les Cavaliers du Pays Cathare » à Magrin(81) 19h30 

« L’ART DE L’ECOUTE ET DE L’ECHO »

Cette notion semble essentielle pour parvenir à la rencontre avec cet  Autre en souffrance.

Et pourtant :  

Est-il encore possible d’écouter le symptôme, de le considérer comme un signe du sujet ?

Que faisons-nous du transfert, de cet espace psychique nécessaire à la rencontre qui apparait si souvent bien difficile.

Le transfert n’est il pas négligé ?  Est-il encore d’actualité, une option ?

N’existe-t-il pas une tendance visant à réduire trop rapidement le symptôme à une manifestation dangereuse qu’il faut éradiquer au plus vite ?

Que fait-on des émotions si particulières qui sont véhiculées dans la relation soignante ?

Finalement qu’en est-il actuellement de notre écoute et de l’écho que nous faisons à la parole des patients ?

A toutes ces interrogations donnons une  « raison-ance », faisons écho…

 « La psychanalyse, qu’on le veuille ou non, c’est quand même, fondamentalement, une science de l’écoute et de l’écho <….>  Il faut multiplier nos propres capacités d’écoute de ce que l’autre dit et se faire, soi-même, une aptitude à donner un écho sensible, à réagir ». Lucien Bonnafé

Avec la participation de Patrick CHEMLA, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de Service du centre de jour Antonin Artaud de Reims.

Renseignements: 06 87 28 08 05 – lespsycausent@gmail.com – http://lespsy-causent.over-blog.fr/

 

PS : Après avoir bien écouté et pour faire écho à la convivialité, apporte quelque chose à boire ou à manger !

 

 

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>Cahiers pour la folie N°3

 

Le numéro 3 des Nouveaux Cahiers pour la folie est paru! 

Sous le titre de « Maux-fléchés », vous y  croiserez des aphorismes, des poèmes qui croissent  là où le sens commun s’arrête, une conversation entre « schizos qui se rencontrent », un examen des idées reçues sur l’autisme, des recherches institutionnelles, des photos de ce qui ne se voit pas, des dessins de ce dont on a perdu la mémoire, un entretien sur le délire des marchés financiers, et beaucoup d’autres choses encore…

Les Nouveaux Cahiers pour la folie y poursuivent leurs chemins de traverse, en recueillant des textes et images émanant de diverses personnes impliquées dans les différents bords de la folie. Concrètement, y interviennent tant des personnes soignées en psychiatrie que des personnes ayant fonction de soignant, ou tout un chacun qui se sent concerné à quelque titre que ce soit. Pari sur l’utopie, dans une période où tout concourt à faire taire les « voix » de la folie.

Rappelons que tout lecteur est invité à devenir contributeur, il suffit d’envoyer vos propositions à:  http://lesnouveauxcahierspourlafolie.unblog.fr

Et voici la nouveauté: une offre d’abonnement. N’hésitez pas, la revue n’est subventionnée que par ses lecteurs!


Patricia Janody, Sophie Dufau, Thomas Gabison,

avec Anne-Lise Caprile et Frédéric Mauvisseau

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OFFRE D’ABONNEMENT pour 3 NUMEROS: 20 euros  (frais de port inclus)

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Chèque à établir à l’ordre de Champ Social Editions

Adresser à : Champ Social Editions

34 bis rue Clérisseau

30000 Nîmes


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TELECHARGER les Cahiers pour la folie N°3 : Cahiers-folie-n-3

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> Le soin sans consentement n’existe pas

Le 20 avril 2012 le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Dès lors, que devient cette loi ? Explication de texte par Gilles Devers, avocat et docteur en droit.

Après la décision du Conseil constitutionnel (CC) du 20 avril 2012, que se passe- t-il pour la loi du 5 juillet 2011 ?

Les sages du Conseil constitutionnel ont été saisi de quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par l’association d’usager de la psychiatrie CPRA (Cercle de réflexions et de propositions d’actions sur la psychiatrie). Après examen de ces questions, les choses sont simples : le Conseil constitutionnel (CC) laisse intact l’essentiel de la loi du 5 juillet 2011. Il ne déclare anticonstitutionnel qu’un aspect ponctuel de la loi, à savoir les dispositions contenues dans le paragraphe II de l’article L.3211-12 et l’article L3213- 8, concernant les conditions d’hospitalisation sous contrainte pour les patients faisant l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale ou ceux admis en UMD. S’agissant des programmes de soins à domicile, le Conseil constitutionnel constate que la loi ne permet pas de prendre des mesures coercitives et qu’il est donc impos- sible d’imposer des soins sans consentement. En clair, si un patient refuse de respecter le programme de soins établi à l’issue de la période de soins et d’observation de 72 heures, le psychiatre ne peut l’y obliger sauf à le faire hospitaliser.

Peu de choses vont donc changer ?

lire cet article sur le site de Santé Mentale

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>Le Collectif des 39 à Jazz in Marciac avec la Ligue de l’enseignement

Lundi 30 juillet 2012 à 14h30 : « Thélonious Monk, de la singularité à l’universel ». Avec Yves Buin, psychiatre et écrivain, auteur d’une biographie de T. Monk et Patrice Charbit, psychiatre à Montpellier, du Collectif des 39.

"Thelonius Monk à la fois universel et singulier est l'un des acteurs emblêmatiques non seulement de l'art afro- americain du vingtième siècle mais de la musique contemporaine. Pianiste et compositeur, il fut artiste exigeant tout au long de son parcours, cultivant une sorte d'ascèse musicale marquée toutefois par la jubilation et l'humour, qui le fit considérer comme le Webern noir. Son oeuvre en fait désormais un classique."

 Yves Buin

Yves Buin. Psychiatre de profession, aujourd'hui en retraite, il a choisi d’exercer son métier en milieu urbain déshérité. 

Egalement poète, passionné de jazz, il a collaboré à Jazz Hot à la fin des années 60, avec Patrice Blanc Francart, Daniel Caux ou Philippe Constantin, dans l’équipe rassemblée par Michel Le Bris qui joua un grand rôle dans l’introduction du free jazz en France. Biographe de Thelonious Monk entre autres – il conjugue travail et passion grâce à la littérature.

Son écriture, lorsqu’il ne s’agit pas d’essais psychiatriques, s’inspire des rythmes et des respirations du jazz. Rien d’étonnant donc à ce qu’il se passionne pour l’oeuvre de Jack Kerouac : le jazz était, dans Sur la Route, presqu’un personnage à part entière, et Jack Kerouac disait chercher la similitude rythmique entre jazz et écriture.

Les oeuvres poétiques d’Yves Buin sont régulièrement mises en musique… jazz bien évidemment.

Auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, Yves buin a notamment écrit deux essais sur la psychiatrie, (Psychiatries, l’utopie, le déclin et La Psychiatrie mystifiée). Kerouac, publié en 2006, n’est pas le premier livre que Yves Buin consacre au plus breton des auteurs américains (il raconte la recherche de ses racines à Brest dans Satori à Paris). Il a déjà préfacé et établi l’édition d’œuvres choisies de Jack Kerouac pour Sur la route et autres romans (Gallimard, 2003) et rédigé Jack Kerouac : vendredi après-midi dans l’univers avant de se lancer dans l’écriture de sa biographie. 

Mardi 31 juillet 2012  à 14h30 : « Prendre soin… Eloge de la parole et de la créativité ». Avec Hervé Bokobza, psychiatre à Montpellier et Simone Molina, psychanalyste, Avignon, membres du Collectif des 39. Débat animé par Sophie Dufau, journaliste à Médiapart.fr

« Au cours des cinq dernières années, les personnes en souffrance psychique ont été particulièrement stigmatisées. La politique sécuritaire a malmené la psychiatrie en renforçant les mesures d’enfermement. La loi du 5 juillet 2011 sur "les soins sans consentement", y compris à domicile, a gravement accéléré le déclin des pratiques humanistes de nombre d'équipes professionnelles au profit d’une dérive techniciste  prônant l'isolement et la contention comme seule réponse à ces souffrances. 

Au lieu d’un débat sur l'organisation des soins et d’un renforcement de la politique de secteur psychiatrique demandée par les soignants, nous avons assisté à une mise en cause des professionnels afin de masquer la bureaucratie et le tout-gestionnaire des hôpitaux ainsi que les carences dans le domaine des soins de l'enfance et de l'adolescence comme dans d'autres champs du social. Cette mise en cause a favorisé des affrontements alors que c'est le débat et le dialogue qui s'imposent sur ces questions complexes. 

La nouvelle donne politique va-t-elle ouvrir enfin des espaces de dialogue, de débats pour refonder une psychiatrie où l'accueil et l'hospitalité seraient au coeur même du dispositif de soins ? 

La culture, la création, les activités artistiques, qui font encore partie du dispositif thérapeutique dans certains lieux de soins du fait de la détermination des équipes soignantes et des personnes accueillies, pourront elles avoir la place qu'elles méritent ? 

Tels sont les enjeux que le Collectif des 39 — associant professionnels, patients et entourage — veut porter dans le débat public ».

Mercredi 1er août 2012 à 14h30 : Projection du film « Les Voix de ma sœur », de Cécile Philippin. Débat avec la réalisatrice, Yves Gigou, infirmier et formateur, ( Villejuif 94) et Paul Machto, psychiatre, (Montfermeil 93) membres du Collectif des 39. Débat animé par Sophie Dufau, journaliste à Médiapart.fr

« Les voix de ma sœur » est un portrait et un témoignage. Il prend la forme d’un journal intime à plusieurs voix :
- celle d'une patiente, décrivant avec lucidité sa pathologie, 
- celle de sa famille combattant la culpabilité et le déni, 
- celles de ses soignants de l'hôpital Saine Anne à Paris.

Ce document a vocation de dé-stigmatisation des personnes souffrant de troubles schizophréniques et de sensibilisation au travail des familles et des soignants.

Les voix de ma sœur n’est pas un documentaire sur la schizophrénie, un énième qui montrerait combien la maladie psychique est dure, est triste, chronique, presque sans espoir…Ce film est la déclinaison des modes de la liberté humaine, y compris dans la folie qui l’excède. C’est un éloge de la parole et de ses effets. Dr Philippe Lavergne »

avec Paulette, Valérie et Hélène Philippin, Pr Jean-Pierre Olié, Odette Forestier, SHU Sainte Anne, Unafam 92, Gem des 4 Communes.

Tournage : février – octobre 2011- durée : 49 minutes.

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>A Lille, le procès d'une méthode de traitement d'enfants autistes (Mediapart)

(par Sophie Dufau, Mediapart)

La prise en charge des enfants autistes selon les méthodes de Vinca Rivière, dans le Nord, est loin d'être le conte de fées que cette enseignante à l'université s'évertue à présenter. Après le rapport de l'agence régionale de santé qui, en réponse à un courrier de parents, concluait en février que le centre Camus présentait des « dysfonctionnements »constituant « des facteurs de risques de maltraitance susceptibles d'avoir des répercussions sur les enfants accueillis » (lire les révélations de Mediapart), c'est un procès au civil qui se prépare pour l'automne pour « pratique déloyale de Vinca Rivière et de son association Pas-à-pas et manquements contractuels » dans la prise en charge d'un enfant à domicile. Autrement dit, à entendre cette famille raconter son histoire : mauvais traitements et personnel incompétent.

Jacques Turan, le père de l'enfant, ne fait pas ce procès «pour l'argent» – les parents réclament 5 000 euros, bien loin des sommes engagées et s'ils obtiennent gain de cause, la somme sera reversée à une association de prise en charge de l’autisme –, « c'est simplement pour dénoncer le mépris qu'elle a eu de notre enfant : elle l'a pris comme un Kleenex, elle l’a exclu sans aucun scrupule. On ne voulait pas partir avec ce sentiment d'impunité. Et on espère, en témoignant, que ça servira aux autres parents ».

Vinca Rivière, à droite.Vinca Rivière, à droite.

Pour comprendre les enjeux de cette plainte, il faut d'abord se souvenir que Vinca Rivière est une petite sommité dans le monde de l'autisme. Responsable d'un master et d'un diplôme universitaire à l'université de Lille 3, elle se targue d'avoir introduit en France la méthode ABA – Applied Behavior Analysis, ou, en français, analyse appliquée du comportement –, une méthode comportementale d'apprentissage que la Haute autorité de santé a classée en mars dernier dans les « interventions recommandées » dans la prise en charge des personnes présentant des troubles envahissants du développement.

Même si nombre de professionnels contestent à Vinca Rivière le titre de pionnière, même si l'unique association à laquelle elle revendique appartenir« la fédération pour le développement des sciences du comportement qui réunit jusqu’à 12 associations nationales et 2 associations étrangères», fut simplement créée par elle en 2009, c'est pourtant vers Vinca Rivière que bien souvent se tournent les médias pour illustrer les nouvelles prises en charge de l'autisme. Et le grand public se souvient sans doute de la soirée que France-2 lui a consacrée en juin 2008, lorsque l'acteur Francis Perrin eut carte blanche dans l'émission Envoyé spécial pour présenter la méthode et les professionnels qui s'occupaient de son fils Louis.

Dans notre enquête d'avril dernier, outre que Vinca Rivière défendait pour certains cas de patients adultes « des procédures de punition par choc électrique », nous révélions aussi que forte du soutien écrit de Xavier Bertrand qu'elle a obtenu, le centre Camus qu'elle a ouvert en 2008 se voyait octroyer par le ministère de la santé un budget de fonctionnement de plus de 80 000 euros par enfant et par an, soit une somme 2,5 fois plus élevée que des centres fonctionnant de façon similaire en France.

C'est dans ce contexte que ces courriers et plainte de parents prennent tout leur relief. A Roubaix, Vinca Rivière dirige deux structures : l'association Pas-à-pas qu'elle a fondée au début des années 2000 (elle en est aujourd'hui la trésorière) pour assurer une prise en charge à domicile des enfants et le centre Camus ouvert en 2008, dont le gestionnaire est l'association Pas-à-pas. Aujourd'hui 20 enfants sont accueillis dans le centre et 80 dans l'association.

C'est au milieu des années 2000 que Jacques Turan croise la route de Vinca Rivière.

Fin 2006, il s'inscrit au diplôme universitaire qu'elle dirige à Lille 3. Il est alors médecin en Franche-Comté. Son fils, 6 ans à l'époque, ne parle pas, n'est pas propre et n'avait pas particulièrement de prise en charge. Le père espère que ces allers-retours mensuels Lille-Vesoul lui permettront de rencontrer des psychologues ABA disposés à s'installer dans l'Est de la France.« Mais Vinca Rivière m'a affirmé que si on venait à Lille, Zacharie pourrait bénéficier d'une prise en charge de 40 h par semaine à domicile. » En avril 2007, la psychologue avec laquelle il fut mis en relation lui assure que « tout est prêt pour l'accueil de Zacharie ». « Et il ne fallait pas traîner. A 6 ans, disait-elle,chaque jour compte. Il faut venir vite, très vite. C'était presque du harcèlement. »

Même si l'association n'avait fait aucun diagnostic de l'enfant et s'était contentée du récit du père pour évaluer ses besoins, les époux Turan décident de s'engager. Du jour au lendemain, ils quittent la Franche-Comté, vendent la maison « qu'on avait fait construire », mettent fin « à la collaboration avec le cabinet de médecins avec qui je travaillais ». Face à l'indigence des prises en charge de leur enfant autiste, toute perche qui se présente fait espérer de pouvoir sortir la tête de l'eau.

Mais arrivés à Lille, ce fut la « grande surprise, il n'y avait pas d'équipe, seulement une étudiante fraîchement diplômée, incapable d’élaborer ou de modifier un programme selon l’évolution de l’enfant, et une autre en 4e année d'études », raconte le père. La mère poursuit : « Dès le départ, il y avait beaucoup de choses qui clochaient : la psychologue était complètement à côté de la plaque, vague, évasive. Elle a fait passer le test de capacités à Zacharie à toute vitesse. Dans tous les centres de ressources autisme, ce test est suivi d'un compte rendu écrit, nous en avions d'ailleurs eu un à Strasbourg. Mais quand je le lui réclame, elle me répond que ce n'est pas “dans sa pratique” et qu'elle fera un bilan verbalement. Nous avions quand même payé 545 euros… »

Vinca Rivière vient alors chez eux pour discuter. Les parents demandent non seulement un compte rendu écrit du test, mais aussi un bilan des séances que Zacharie suivait avec la psychologue et l'intervenante. « Pas à l'issue de chaque séance,explique le père, mais une fois par semaine ou même 2 fois par mois, simplement quelque chose qui nous détaille le programme, les progressions éventuelles. »

Alors qu'ils pensaient, en arrivant à Lille, pouvoir disposer de personnel expérimenté, les parents comprennent vite que tous les intervenants sont des étudiants. (« On les payait en chèque emploi service : 12 € net de l'heure, pour ceux qui étaient en master 2 ; 10 € pour ceux qui étaient en master 1 ; et 8 € pour ceux qui étaient en licence. ») Une psychologue est là pour assurer la supervision des intervenants, une sorte de formation continue.« Nous avions convenu au départ que Zacharie aurait chaque semaine 40 h de séances à domicile, et que la psychologue nous facturerait en plus 10 heures de supervision. »

Mais face aux difficultés rencontrées par les intervenants, la psychologue n'avait qu'une seule réponse : « Dès que ça n'allait pas avec telle ou telle, il fallait superviser. C'était toujours plus de supervisions, payées 35 € de l'heure, et donc toujours plus d'argent. Ou alors elle se proposait pour intervenir elle-même, mais au tarif de 25  de l’heure, ce qui n’était pas du tout prévu dans notre budget », explique Zakia Turan. En moyenne, cette prise en charge leur a coûté quelque 2 000 euros par mois.

 

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>Des fous comme vous (France Culture)

Emission du 12 juin 2012. ECOUTEZ L'EMISSION

 

Chacun a sa représentation de la folie. Schizophrénie, paranoïa, bipolarité, érotomanie, dépression, troubles cognitifs et comportementaux. Mais derrière ces mots, ces maux, il y a des êtres humains avec leurs rêves, leurs vies, leurs aspirations, leurs désirs, leurs envies malgré la maladie.

Dans ce documentaire voici le vécu, le ressenti, les espoirs, les aspirations, les émotions d’exception et les réflexions du quotidien de Léa, Michel,Giancarlo et Marie-Françoise, tous clients assidus des centres et des hôpitaux psychiatriques, mais surtout des êtres d’exception qui ont cent vies en une seule, qui suçotent leur cigarette comme si c’était la dernière et qui seront toujours les premiers à s’étonner, malgré leur maladie, de la folie et de la bizarrerie de la société.

Il y a un monde derrière le miroir des illusions, des a priori, des préjugés. Il existe des fous comme les autres terriens, pour qui la vie est une lutte de tous les jours, un chemin entre rêves et cauchemars, beauté et laideur, tout comme vous.

« Entre un dixième et un cinquième de la population, estime-t-on, risque d’être atteint par un trouble mental à un moment quelconque de la vie. » Extrait du Rapport de la Cour des Comptes de Décembre 2011 sur l’organisation des soins en psychiatrie

Site de l'émission

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>Droit de réponse à l'interview de Madame Rogé sur Mediapart

A Madame Bernadette Rogé, à la suite de son interview dans Médiapart le 14 mai

 

De la part de Madame Dominique Amy, présidente de la CIPPA


Bonjour Madame,

Bien que co-éditées par Dunod, nous n'avons jamais eu l'occasion de nous rencontrer et je le regrette.

En tant que présidente de la CIPPA (Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s'occupant de Personnes avec Autisme), je souhaite faire un commentaire à votre interview  du 14 mai dernier dans Médiapart.

Etant, comme un certain nombre de membres de la CIPPA, formée aux approches éducatives et aux évaluations cognitives, je ne peux que m'associer à la plupart de vos assertions.

Toutefois les réactions virulentes d'un nombre important de nos membres psychanalystes ou non, m'amène à revenir auprès de vous sur ce que vous dites de la psychanalyse et qui, nous semble-t-il, relève d'une vraie méconnaissance de notre pratique.

Comment pouvez-vous imaginer un seul instant que nous allongeons des enfants, des adolescents ou des adultes autistes sur un divan?  Si tant est qu'il y en ait un dans le bureau – ce qui est loin d'être toujours le cas ! – il est, comme tout le reste du matériel, à la disposition de la personne autiste comme un objet de mise en scène d'un état qu'elle vit et que nous cherchons à comprendre et à l'aider à comprendre elle même.

Vous le savez aussi bien que moi, les autistes vivent des émotions dont le sens leur échappe. Lorsqu'ils sont sans langage, c'est bien par le corps qu'ils nous montrent à la fois ce qu'ils vivent et leur incompréhension de ce vécu. Comment donc imaginer qu'un psychanalyste puisse allonger une personne autiste ( j'en connais peu qui se plieraient à cet exercice ) et qu'assis derrière lui ou elle, il attende sagement qu'elle  se mette à parler?

Tout ceci me désole car si une personne aussi bien formée que vous l'êtes (j’ai lu votre livre avec le plus grand intérêt) imagine que la psychanalyse est ce que vous semblez penser qu'elle est, on comprend mieux ce qu'il en est des parents ou de certains professionnels non avertis.

J'espère que nous aurons l'occasion d'une rencontre et d'une discussion approfondie sur tout cela et vous prie, en attendant, de croire, Madame, à mes sentiments cordiaux.

 

Marie Dominique Amy

 

P.S. voici notre cite: www.cippautisme.org

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>Seuls les moutons ont besoin de berger

Un  management autoritaire s’est  instauré depuis 2008 (particulièrement depuis l’arrêt maladie du Directeur d’établissement à l’IME, qui en est une des conséquences), dite « nouvelle gouvernance », avec l’accroissement d’une hiérarchie à distance du terrain, qui méconnait malgré ses dires ce terrain, qu’il imagine de façon fantasmatique, avec divers préjugés.

Cette association est constituée de parents d’adultes qui ont fréquenté l’IME il y a 20 voire 30 ans (Les parents des jeunes accueillis à l’IME ne sont pas pour la plupart adhérents à l’Association et peuvent avoir des options divergentes avec cette dernière).

Le Président de cette Association gestionnaire, issu du privé, transpose au médicosocial une idéologie marchande.  

D’où :

– l’autoritarisme          

– La volonté  de soumette toute l’équipe pluridisciplinaire à un projet technocratique défini de façon unilatérale.

Le mépris également des métiers,  de l’expérience : les éducateurs ne sont là que « pour promener les enfants », les « psychologues sont dogmatiques » , division des différentes catégories de personnel ( ex : mise en place d’un audit , qui a été présenté au personnel de L’IME comme : une aide , des « appuis techniques » pour pallier à l’absence du Directeur d’établissement , et qui s’est dévoilé comme étant un audit pour monter les salariés les uns contre les autres : untel a dit que …etc.).

Le management par la peur et diverses manipulations est également  un moyen de cliver le collectif, et de faire voler en éclats les solidarités.

Ce management « rusé » impose « des petits changements successifs » en s’ingérant dans la pratique professionnelle, et multiplie des « commissions » (« loisirs », « vivre ensemble »…) afin que le personnel ait l’impression de « décider »  de quelque chose décidé à l’avance ! « Soumission volontaire » par la réunionite !

Le projet institutionnel, construit collectivement est dénigré, voire dénié : « il n’existe pas » ! Pourtant il est obligatoire pour les autorités de tutelle et  assure la cohérence de l’ensemble institutionnel.

Or ce projet insiste sur l’importance :

– d’une conception solidaire et humaniste du « vivre ensemble » : enfants en situation de handicap et adultes de l’équipe pluridisciplinaire.

– la nécessite de « penser » en continue ses pratiques, ses valeurs et de ne pas accepter une localisation étanche des savoirs.

Un travail clinique : qui fasse que chaque jeune accueilli soit entendu comme sujet qui respecte la pluralité et la conflictualité de la parole. 

La pensée que nous considérons comme la plus value «  symbolique », la valeur de nos métiers est méprisée : il faut agir, multiplier les actions vidées de toute substance et les accoler  à une signification immédiatement utilitaire  (Emploi du temps bien rempli) et se soumettre à la normalisation idéologique.

Tout cela conduit à une exténuation du sens et de l’humain.

A contrario d’un des animateurs d’ HUMAPSY (Mathieu), qui disait au colloque des 39, le 17 mars 2012 : « Etre un non spécialiste de RIEN », ces gestionnaires se pensent des spécialistes de TOUT, souhaitant tout maitriser.

Les enfants accueillis ont des pathologies importantes : organiques ou psychiques, dont certaines mettent déjà  a mal le lien social (violences, attaques du cadre éducatif surtout dans les groupes d’adolescents). 

Les pressions continuelles de l’employeur ont bien sur des effets sur le personnel en terme de souffrance au travail (arrêts maladie à répétition, départ d’une des psychologues cliniciennes, désorientation des personnels quant-au sens de leur action) et sur le travail d’accompagnement (médical, éducatif, pédagogique)  auprès des enfants.

Dans ce secteur : il est important de prendre soin des enfants dans une ambiance apaisée, sinon on déclenche de l’angoisse et des passages à l’acte du côté des enfants et jeunes adultes.

Egalement main mise sur la formation et volonté de mettre en place une sorte de « police des normes » comme dit Rolland Gori (Ex : mise en place d’une formation « maison », avec forte incitation  des salariés à s’y inscrire, au niveau du plan de formation).

Les éducateurs qui se plaignent de perdre le sens de leur travail sont taxés d’archaïsme, de refuser la « modernité ».

Le travail de Max WEBER sur l’innovation sociale  souligne que c’est l’individu qui est la source véritable de l’innovation sociale ….Si l’individu est mis à mal sa créativité se délite.

Le sentiment général est un sentiment de désolation face à la déconstruction d’un projet qui était très mobilisateur pour tous (enfants, parents, personnel), et qu’il a fallu des années pour construire.

Actuellement porté une idéalisation objectivante de la SCIENCE, l’association gestionnaire vise à une réorganisation, non plus seulement sur le mode technocratique (création d’un siège,  et d’une pléthores de cadres  éloignés du terrain, hiérarchisation accrue, évaluations fétichisées….Etc.) , mais idéologique : les enfants sont arrimés à leurs gènes, il faut dans un proche avenir (une fois le psychiatre en place viré) multiplier les bilans neuropsychologiques, les examens biologiques et autres … car «  la science a évolué » ! 

On radicalise le rapport humain à la chose et on vide la vie de son contenu.

Voila ! La tâche est devant nous :  

il nous faut recréer de nouvelles forces « éruptives » 

-qui ressouderont le collectif  

– qui nous libéreront de la standardisation de nos métiers.

– qui nous sortiront de la «  domestication » : nous refusons de devenir des moutons  

                          

 Des indignés Sparnaciens

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>La loi du 5 juillet 2011, une loi biopolitique ? (gilles sainati – Mediapart.fr)

Ce  texte de loi et de procédure n’est pas apparu le soir d’un jour de pluie mais il a été largement anticipé par toute une série de textes qui visent à placer la notion de  dangerosité comme le critère distinctif entre la norme et l’anormalité et d’en faire découler toute une série de processus de contention et de contrôle sociaux, pénaux.

Citons ici:

les dispositifs qui consistent à repérer les enfants turbulents à l’école et que l’on retrouvera ensuite avec un traitement de ritalin, l’un des critères pouvant être la notion d’absentéisme scolaire aboutissant aussi , dans certains cas , à suspendre les allocations familiales,

Les dispositifs de bracelets électroniques pénaux  ( gps) visant à suivre les condamnés en milieu ouvert et à remplacer le suivi post-pénal avec un contrôle électronique à distance..La tendance est maintenant à poser des bornes pénales interdisant l’accès à certains endroits en fonction du type de condamnation ( exemple:  proximité des établissements scolaires)

Les textes juridiques qui fondent ces dispositifs ont émaillé les lois votées ces dix dernières années: loi perben II, loi prévention de la délinquance, loi sur l’égalité des chances etc. 

Indiscutablement cette nouvelle société de contrôle tourne autour d’un concept: la dangerosité qui explose tous les cadres précédemment établis de l’Etat de droit qui  reposaient sur un principe simple celui  de la légalité des délits et des peines…C’est à dire que l’on ne pouvait condamner une personne que si elle avait commis un acte, une infraction prévue par loi.

Aujourd’hui la sanction n’est plus réservée au juge pénal, mais en plus l’on sanctionnera un comportement selon qu’il sera considéré dangereux in futurum…Le juge, le droit est dépassé..

Deux lois illustrent parfaitement cette nouvelle ère:

la rétention de sûreté qui prévoit qu’une personne ayant purgé une peine puisse rester enfermée car considérée comme dangereuse…

– la loi que nous examinons ici du 21 juillet 2011 telle que issue de sa nouvelle forme après la décision du Conseil Constitutionnel

Les caractéristiques de ces nouveaux textes sont que la notion de dangerosité est principalement arbitrée par une autorité administrativo-médicale et que le droit est transformé en une suite de procédures complexes qui confinent au  processus.

La loi nouvelle, au travers des mécanismes qu’elle met en oeuvre, interroge alors la nature de cette société postdisciplinaire que Foucault avait entrevue et que Gilles Deleuze a nommée la société de contrôle. La prise en charge des anormalités n’y relèverait plus du redressement autoritaire et de l’exclusion systématique de la vie sociale mais procèderait davantage d’une gestion des problématiques liées à certains groupes et individus au cœur de la cité par dispersion de mécanismes de correction souples et protéiformes qui, tout en manifestant généralement une volonté de respecter la liberté individuelle voire en se fondant sur elle, viseraient à conduire chacun à exercer celle-ci de manière conforme à certaines normes sociales explicites ou implicites.

En quelque sorte, la psychiatrie de secteur a été rattrapée par les soins ambulatoires sans consentement..

La contrainte devient protéiforme sous les atours d’une bienveillante tolérance.  Le danger devient évident et repose sur l’énoncé de la loi : généraliser les soins sans consentement hors l’hôpital transforme petit à petit la psychiatrie en une trame médico-administrative vouée à distribuer dans le corps social les prises en charge juridiquement imposées. A cet égard, le fait que les soins sans consentement aient vocation à se dérouler hors de l’hôpital et puissent même englober le domicile du malade s’avère lourd de significations quant à un effacement de nombre de séparations fondatrices de notre constitution sociale voire anthropologique : liberté/contrainte, dedans/dehors, privé/public…(1)

La loi du 5 juillet 2011 poserait  certains jalons favorisant la réalisation cette nouvelle société biopolitique.

2)Analyse du process de la loi

Pour analyser ce texte de loi qui enchevêtre les compétences judiciaires et administratives ainsi que l’approche médicale il convient de retenir l’intervention de trois autorités dans un processus:

le préfet et/ou le directeur d’établissement

Le corps médical et pas forcement psychiatrique

le juge du siège.

La loi distingue  deux types de mesures sous contrainte :

d’une part, l’hospitalisation complète,

d’autre part, un ensemble de modalités particulières de soins, définies dans un programme de soins (article L. 3211-2-1). Ces alternatives à l’hospitalisation complète peuvent prendre plusieurs formes, notamment une hospitalisation à temps partiel (de jour, de nuit), des soins à domicile, des consultations en ambulatoire, des activités thérapeutiques.

Les nouvelles modalités de soins supposent en toute hypothèse la mise en œuvre d’une phase initiale d’hospitalisation complète à des fins d’évaluation, dont la durée peut aller jusqu’à 72 heures. Avant l’achèvement de celle-ci, un certificat médical spécifique est établi et, s’il conclut au maintien nécessaire de la mesure, une proposition motivée se prononçant sur la forme de la prise en charge et, le cas échéant, sur le programme de soins, est formulée par un psychiatre de l’établissement d’accueil. Des soins ambulatoires, ou un autre mode de suivi contraignant peuvent alors être substitués à l’hospitalisation complète. Une procédure souple permet cependant au directeur d’établissement de rétablir une hospitalisation complète, s’il est constaté que la prise en charge sous une forme moins contraignante ne permet pas de dispenser les soins nécessaires.

La distinction entre les soins ambulatoires et l’hospitalisation complète détermine la compétence du juge au regard  de l’article 66 de la Constitution, 

contrôle obligatoire du juge

1) Le contrôle de plein droit prévu à l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique

Suite à la décision du Conseil Constitutionnel du 26 novembre 2010, un contrôle de plein droit, portant sur la nécessité du maintien de l’hospitalisation complète, a été instauré à l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique.

Ce contrôle systématique s’applique à toutes les mesures d’hospitalisation complète, ainsi qu’aux décisions les renouvelant :

– celles décidées par le directeur d’établissement à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent sur le fondement des articles L. 3212-1 (demande d'un tiers accompagnée de 2 certificats médicaux), L. 3212-3 (demande d'un tiers accompagnée d'un seul certificat médical, en raison d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade), ou L. 3212-7 (renouvellement de la mesure tous les mois) ;

– celles décidées par le représentant de l'État dans le département sur le fondement des articles L. 3213-1 (hospitalisation initiale), L. 3213-4 (renouvellement de la mesure à 1 mois, puis 3 mois, puis tous les 6 mois), L. 3213-6 (lorsque consécutivement à des soins psychiatriques à la demande d’un tiers, un psychiatre constate la nécessité de soins, le patient compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public) et L. 3214-1 (mesure concernant une personne détenue) ;

– celles prononcées, à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale, soit par la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement (article 706-135 du code de procédure pénale), soit par le représentant de l'État (article L. 3213-7).

Le nouveau contrôle intervient avant l’expiration du quinzième jour à compter de l’admission en hospitalisation complète, puis à l’issue de chaque période de 6 mois à compter de la précédente décision judiciaire. En cas d’hospitalisation sans consentement ordonnée directement par la juridiction pénale, le premier contrôle a lieu dans les 6 mois de cette décision judiciaire, puis est renouvelé tous les 6 mois.

Le juge peut, soit maintenir l'hospitalisation complète, soit en ordonner la mainlevée.

Ce dispositif ne s’applique pas aux mesures incluant des soins ambulatoires, même si ceux-ci sont associés à une hospitalisation à temps partiel, de telles mesures ne constituant pas une privation complète de la liberté individuelle relevant de l’article 66 de la Constitution.

2)Le contrôle de plein droit prévu par l'article L. 3213-5 du code de la santé publique

La loi prévoit également une saisine systématique du juge, si, au-delà du quinzième jour de l’admission en hospitalisation complète, le représentant de l'État dans le département n'ordonne pas la levée d'une mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète, alors qu’un psychiatre atteste par un certificat médical que les conditions ayant justifié cette hospitalisation ne sont plus remplies et que la levée de cette mesure peut être ordonnée (article L.3213-5 du code de la santé publique).

Ces contrôles de plein droit se cumulent avec les recours qui existaient antérieurement à la réforme du 5 juillet 2011, à savoir avec :

– La faculté pour les intéressés, ou les personnes habilitées à agir dans leur intérêt, d’exercer un recours facultatif à l’encontre d’une mesure de soins sans consentement, prévu à l'article L. 3211-12 modifié du code de la santé publique, étant précisé que ce recours a été étendu et peut désormais être formé quelle que soit la forme des soins contraints (hospitalisation complète ou partielle et soins ambulatoires) ;

– La faculté pour le juge de se saisir d'office : Les articles L. 3211-12 et R. 3211-14 du code de la santé publique reprennent ainsi les dispositions permettant au juge des libertés et de la détention de se saisir d’office (ancien article R. 3211-7) et fixent les spécificités applicables dans ce cas.

le contrôle facultatif du juge (article L. 3211-12 du code de la santé publique) : 

Le recours peut être exercé aux fins d’obtenir la mainlevée de toute mesure de soins psychiatriques, quelle qu’en soit la modalité de mise en œuvre (hospitalisation complète ou soins ambulatoires), dès lors que celle-ci relève soit d’un des chapitres II à IV du titre premier du livre deuxième de la troisième partie du code de la santé publique (hospitalisation sans consentement ordonnée par le directeur d'établissement ou le représentant de l'État), soit de l’article 706-135 du code de procédure pénale (hospitalisation d'office ordonnée par la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement ayant prononcé un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental). Le juge peut donc être saisi aux fins d’ordonner mainlevée d’une mesure contraignante tant en cas de soins ambulatoires, avec ou sans une hospitalisation partielle, qu’en cas d’hospitalisation à temps complet.

Une décision de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, si elle est prise par le juge, ne met toutefois pas nécessairement fin à tout soin psychiatrique délivré dans le cadre d’un programme de soins sous contrainte. En effet, la loi prévoit des procédures ménageant au directeur d’établissement ou au représentant de l'État la possibilité d'organiser des soins sans consentement à l'issue de la décision judiciaire. Ainsi qu’il a été rappelé au I-C ci-avant, il appartient au juge prononçant la mainlevée d’une hospitalisation complète d’apprécier s’il y a lieu d’assortir ou non sa décision d’une mention en différant l’effet durant un délai maximal de 24 heures afin de permettre, à l’autorité administrative compétente, lorsqu’elle l’estime nécessaire, de mettre en œuvre un programme de soins. Si tel est le cas, le prononcé d'un tel différé devra donner lieu à une motivation spécifique dans l'ordonnance.

3) Un contrôle judiciaire de façade

Comment un juge peut il ? :

Contrôler la réalité d’un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade accompagné d’un certificat médical

Contrôler le péril  imminent assorti de deux certificats médicaux

L’on voit ici  que le juge va donner une réponse en fonction du contexte ,, la loi ne distinguant pas la nécessité si le certificat médical initial doit émaner d’un psychiatre ou pas ( cas de Loupian)..

Enfin il est bien évident que cette réforme s’est faite à moyens constants en termes d’effectifs et la saisine d’expert enserre la décision dans un délai de 15 jours, aussi la loi prévoit le principe de subsidiarité des expertises susceptibles d’être ordonnées par le juge, que rappelle le code de procédure civile, tel son article 147 au terme duquel le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

Par ailleurs les experts qui seront désignés par le juge doivent  nécessairement désigner un expert figurant sur la liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé de la région dans lequel est situé l’établissement ou, à défaut, sur la liste des experts inscrits près la cour d’appel du ressort de l’établissement (cf. articles L. 3211-12 II et L. 3211-12-1 III, renvoyant à l’article L. 3213-5-1). La prégnance de la tutelle de l’autorité administrative en l’occurrence l’ARS s’applique aussi au juge. 

De quel juge s’agit -il ?

Le Juge des Libertés et de la Détention (J.L.D) est compétent pour statuer. Il a aussi la compétence en matière de mandat de dépôt et de rétention des étrangers. En réalité à la différence du juge d’instruction ou du juge de  l‘Application des Peines, le  JLD n’a aucun statut. Nommé par le Président du Tribunal, il est révocable ad nutum, en fonction de la gestion du personnel ou de ses inclinaisons politiques. Ainsi, sous l’ère Sarkozy,  de nombreux JLD furent rapidement transférés de service et se sont retrouvés à juger des affaires de circulation car ils s’opposaient à la politique du chiffre en matière d’éloignement des étrangers…

Ainsi  donc à  cette fragilité de statut se rajoute la mission d’un contrôle impossible; le contrôle du JLD est donc extrêmement marginal.

Cette situation est dénoncée par la commission des affaires sociales de l’assemblée nationale dans un rapport d’information relatif à la mise en œuvre de la loi déposé le 22 février 2012 qui relève que "quand les patients sont transportés au tribunal, les conditions matérielles d’accueil sont rarement adaptées et ne présentent pas toujours des conditions de sécurité suffisantes" et constate que cette expérience peut se révéler traumatisante pour le patient, ce que confirment de nombreux soignants.

Lorsque ces audiences ont lieu au tribunal, il est par ailleurs avéré que de nombreux malades n’y sont pas conduits, un certificat médical s’y opposant "dans leur intérêt" ; le taux de non-présentation serait ainsi de l’ordre de 40 à 45 % en région parisienne et atteindrait même 100 % pour certains établissements !!

 Il est en effet ainsi procédé, de plus en plus souvent, à un simple contrôle « sur dossier » ; la personne hospitalisée sans son consentement se trouve privée, pour des motifs fallacieux, de son droit légitime de rencontrer le juge chargé de contrôler la mesure qu’elle subit et de pouvoir faire valoir ses observations ; d’autant que, dans ces conditions, elle n’aura souvent pas eu de contact avec l’avocat chargé de la représenter, saisi tardivement.

Les rapporteurs de la commission des affaires sociales soulignent encore que cette situation serait imputable à une réticence, voire d’un refus, de la hiérarchie judiciaire d’envisager – parfois contre l’avis des juges des libertés et de la détention concernés – l’organisation des audiences sur le site de l’hôpital ou d’accorder les moyens le permettant.

L’expérience de ces quelques mois d’application de la réforme témoigne pourtant indiscutablement du fait que ce contrôle s’exerce de manière effective (la quasi-totalité des malades assistant à l’audience), dans des conditions satisfaisantes pour tous, dans les juridictions ayant fait choix de tenir les audiences sur les sites hospitaliers ; le rapport précité de MM. Blisko et Lefrand préconise d’ailleurs, au terme de l’enquête réalisée, leur généralisation, solution "éminemment préférable d’un point de vue humain" et respectueuse de la dignité des patients.

Si cette réforme a bouleversé considérablement l’activité des juges des libertés et de la détention dans ce domaine (plus de 30 000 saisines en six mois selon le bilan statistique établi parle ministère) ; l’étude réalisée en janvier 2011 évaluait d’ailleurs l’impact de cette réforme sur les effectifs à 80 ETP de magistrats et 60 ETP de greffiers ; elle préconisait également un abondement du budget de l’aide juridictionnelle en conséquence.

Le remède à cette situation ne saurait être le recours massif à la visioconférence – piste semble-t-il privilégiée par la Chancellerie – dont l’usage ici, encore plus que dans d’autres domaines, s’avère totalement inadapté compte tenu de l'état de santé des personnes hospitalisées. 

Et la liberté dans tout cela ..

L’intervention du juge du siège est motivée par la préservation de nos libertés, rude mission..

Mais la réponse est dans  les motivations de loi et je dois vous lire ces quelques lignes extraites du discours de Grenoble de notre ancien président du 2/12/2010 qui présentait cette loi à l’occasion de la visite d’un hôpital psychiatrique à Antony. Ce discours intervenait suite à la mise en exergue d’un fait divers dramatique intervenu à Grenoble sur une personne de 26 ans par un malade qui avait fugué de l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève.

«Il faut trouver un équilibre, que nous n’avons pas trouvé, entre la réinsertion du patient absolument nécessaire et la protection de la société. Dire cela ce n’est bafouer personne. Mon devoir c’est de protéger la société et nos compatriotes, de la même façon que les personnels. Parce que vous êtes les premiers au contact de cette violence éruptive, imprévisible et soudaine. L’espérance, parfois ténue, d’un retour à la vie normale, – j’ose le dire ici – ne peut pas primer en toutes circonstances sur la protection de nos concitoyens. Mettez-vous aussi à ma place. Je dois répondre à l’interrogation des familles des victimes que je reçois. Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière afin d’empêcher un éventuel passage à l’acte. Et vous savez fort bien, mieux que moi, que des patients dont l’état s’est stabilisé pendant un certain temps peuvent soudainement devenir dangereux.»

Et plus loin : «Les sorties de patients, absolument indispensables, doivent être davantage encadrées. La décision d’autoriser une personne hospitalisée d’office à sortir de son établissement ne peut pas être prise à la légère. Je ne dis pas qu’elle est prise à la légère. Vous avez des convictions j’en ai aussi. Je dis que la décision de sortie est une décision qu’on ne peut pas prendre à la légère. Elle ne l’est pas, tant mieux.»

«Mais des gens dangereux dans la rue, c’est un scandale aussi. Je veux dire les deux choses et qu’on ne vienne pas me dire que c’est un cas de temps en temps. Parce que si c’était nous, un membre de notre famille, on ne dirait pas cela. Donc, il va falloir faire évoluer une partie de l’hôpital psychiatrique pour tenir compte de cette trilogie : la prison, la rue, l’hôpital, et trouver le bon équilibre et le bon compromis.»

Prison, hôpital, rue,  voici donc que les mots sont lâchés et la mission assignée à la psychiatrie: la tranquillité et l’ordre social et sa hiérarchie intrinsèque   aussi il n’est pas  étonnant que ce dispositif puisse servir maintenant à éliminer les militants récalcitrants, les contestataires …

Dans la campagne électorale il n’a pas été question de cette loi, pourtant il ne tient qu’à nous d'inverser ce mouvement en re-affirmant les fondements  éthiques et démocratiques qui fondent notre Etat de droit et la singularité du soin. C’est une  histoire que l’on doit écrire dans les prochains mois.

Gilles Sainati

Cet article est issu du texte de mon intervention lors de la journée «Folie et ordre social, entre prévention et prédiction, consentement et stigmatisation, quelle politique pour la « santé mentale ? » organisée par l’association régionale d’aide à la santé mentale « Croix Marine » le 12 mai 2012 à Montpellier

1) voir notamment l’article de Mathias  Couturier , Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles: «La loi du 5 juillet 2011 :vers un contrôle social psychiatrique ?» sur https://www.collectifpsychiatrie.fr/

URL source: http://blogs.mediapart.fr/blog/gilles-sainati/210512/la-loi-du-5-juillet-2011-une-loi-biopolitique

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> La Criée

La Criée (Collectif de recherche sur l'institutionnel et l'éthique) a été fondée à Reims en 1985 par des professionnels du champ psychiatrique adossés au Centre Antonin Artaud et rejoint par des soignants d'autres équipes, des psychanalystes et des psychiatres libéraux. D'entrée de jeu, il s'agissait de créer un lieu d'échange et de recherche inscrit dans la transmission de la Psychothérapie Institutionnelle, et la volonté de promouvoir une psychiatrie respectueuse du sujet en souffrance.

La  psychiatrie française avait en effet connu une vague de progrès depuis l'après-guerre, avec l'apport de la psychanalyse et d'une volonté politique de construire le Secteur, autrement dit d'offrir des soins de proximité tout en luttant contre l'enfermement et les processus de ségrégation des malades mentaux.

Mais nous constations déjà un reflux avec une tendance qui est allée en s'alourdissant de mesurer les pratiques humaines avec des normes issues de l'industrie. Cette tendance est aujourd'hui dominante qui promet de tout mesurer de la souffrance et du désir humain, alors que toute notre expérience témoigne de l'incommensurable de l'esprit humain.

Tous nos séminaires et colloques qui se tiennent depuis cette époque reprennent ce souci de l'autre en l'articulant avec une analyse des pratiques et des confrontations nécessaires entre des professionnels de toutes disciplines. Très tôt nos colloques rémois ont accueilli des soignants venant de toute la   France, et même d'autres pays francophones et la qualité des échanges nous a permis une publication régulière aux Éditions ERES.

Depuis le discours d'Antony en décembre 2008 où Nicolas Sarkozy traitait les malades comme des criminels potentiels, la Criée s'est mobilisée et a été partie prenante du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire.

Avec le soutien d'Adeline Hazan et de la Mairie de Reims, soignants et patients, rejoints d'ailleurs par plusieurs familles, se sont mis en mouvement pour faire reconnaître une autre psychiatrie fondée sur des valeurs respectueuses de l’humain, et refusant le tournant actuel d'une psychiatrie sécuritaire, refusant en particulier la nouvelle loi honteuse du 5 juillet 2011 qui permet "l'internement à domicile"

A l'inverse, dans nos pratiques, dont les média se sont fait l’écho, comme dans les échanges que nous proposons, nous témoignons d'une possibilité dès maintenant d'une transformation positive des pratiques, en lien avec les patients regroupés maintenant dans l'association rémoise Humapsy et les familles  regroupées dans l'Unafam.

Notre prochain colloque "Politiques de l'hospitalité" s'inscrit dans cette perspective d'un débat entre professionnels, mais aussi d'un forum citoyen ouvert à tous ceux qui se sentent concernés par cet enjeu humain  et politique. Ce forum soutenu par la mairie de Reims donnera la parole à plusieurs intervenants directement concernés et témoignant de la crise actuelle mais aussi de leurs aspirations.

A bien des égards ces aspirations demandent à être entendues par le nouveau pouvoir que la France vient d'élire, et nous préparons des Assises d'une psychiatrie fondée sur l'hospitalité pour construire le mouvement nécessaire. A Reims le samedi 2 Juin, nous donnerons en quelque sorte le coup d'envoi à ces Assises… 

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>Trouble 307.23 : lecture le mardi 22 mai 2012 à 20h30 au lieu dit Le Vent Se Lève !

Lecture / Performance

DURÉE : 2h00

Tout public

Par Joël Kérouanton

Quid de nos enfermements ? Quid de nos présupposés ? Quid de nos divagations ? Quid de notre liberté ?

Lecture-performance de Trouble 307.23, en présence de l'auteur et de l'artiste plasticien Wen Aloë. Nota.Bene : cette soirée ne s'arrêtera pas à une rencontre littéraire. Trouble 307.23 propose un détournement des Critères diagnostics du DSM-III ; Wen Aloë se réappropriera Trouble 307.23 dans un geste pictural en live. Il sera accompagné par l'ambiance du débat, introduit et modéré par Frédérique Debout, psychologue clinicienne, membre du Laboratoire psychanalyse, santé et travail de Christophe Dejour, secrétaire de rédaction de "Champ psy" et membre du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. 

Trouble 307.23, Joël Kérouanton, éd. champ social, 2011 : Deux drôles déblatèrent dans une roulotte avec la ferme intention de donner chair à une pièce de théâtre. Ils divaguent autour de Sébastien Brant et sa Nef des fous, Michel Foucault et son Histoire de la folie… Nul ne sait pourquoi l’un d’eux dérape tout particulièrement sur le DSM-III (Diagnostic and Statistical Manual – Troisième révision), et poétise les Critères diagnostics de ce célèbre ouvrage de psychiatrie.

« Sur invitation de Philippe Duban, directeur artistique de l’association Turbulences !, je lis le DSM-III en évitant de surligner les formes morbides de la folie et en y prélevant les déformations de la vie morale. Je lis et je prélève et j’isole, de façon à ce que ces Critères diagnostiques, remis à dessein dans leur état brut, puissent constituer le contour d’un individu lambda, un ami ? un voisin ? un politique ? un autoportrait ? Ces critères, devenus poèmes, se liraient comme un jeu, non sans humour. Un jeu glissant, puisque quatre à cinq d’entre eux suffiraient à définir le trouble psychiatrique. Trouble 307.23 est dédié à tous les malades d’hier, d’aujourd’hui et demain. » (J.K.) 

Dossier de presse  – http://www.calameo.com/read/00082383985eadf6c6559

Publications – http://fr.calameo.com/read/00082383983453bcc6f8b

Site de l'éditeur : http://www.champsocial.com/book-trouble_307_23,626.html

 

Le Vent Se Lève ! se situe au 181 avenue Jean Jaurès dans le 19e arrondissement.

Métro Ourcq (ligne 5) 
Ourcq/Jean Jaurès (BUS 60)

Nous sommes un peu cachés, derrière le restaurant El Molino qui est également au 181 avenue Jean Jaurès

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>Autisme: l'ABA trouble l'université de Lille (Article Mediapart)

Ce sera l'un des dossiers brûlants des prochaines semaines de l'université de Lille-3 : l'ouverture ou non d'une licence Pro ABA – Applied Behavior Analysis, ou, en français, analyse appliquée du comportement – destinée à former des intervenants à cette méthode comportementale d'apprentissage pour enfants autistes ou présentant des troubles sévères du comportement. Le 6 avril dernier, juste avant les vacances, le conseil d'administration de l'université de Lille-3 a reporté sa décision concernant la création d'une telle licence.

Hasard du calendrier, ce report fit suite à notre enquête, publiée le 3 avril et toujours disponible en cliquant ici, enquête qui révèle les résultats d'une inspection de l'agence régionale de santé (ARS) du Nord dans le centre Camus de Villeneuve d'Ascq où, suite à la lettre d'un parent, les quatre membres de l'équipe d'inspection concluaient que ce centre présente des « dysfonctionnements »constituant « des facteurs de risques de maltraitance susceptibles d'avoir des répercussions sur les enfants accueillis ».

Or, ce centre, fortement soutenu par Xavier Bertrand comme nous le révélions, entretient des liens très étroits avec l'université. Non seulement, au moment de l'inspection de l'ARS, tous les psychologues travaillant au centre Camus étaient titulaires du Master 2 “Psychologie spécialité analyse expérimentale appliquée au comportement” de Lille-3, mais surtout, le centre Camus a été créé par Vinca Rivière, maître de conférences à Lille-3 où elle est responsable d'un master et d'un diplôme universitaire et où elle espérait, jusqu'au 6 avril dernier, obtenir l'ouverture d'une licence professionnelle.

Outre ces dysfonctionnements pointés par l'ARS, notre enquête révélait aussi que Vinca Rivière n'était pas contre « des procédures de punition par choc électrique »: « Ce qu'on appelle “choc électrique”, on le présente en formation en faisant sucer une pile de 9 volts : ça picote la langue, se justifiait-elle. Et ça suffit à changer un comportement, je l'ai vu en Hollande, et l'efficacité en est démontrée depuis les années 50. La personne au comportement inapproprié (là, explique-t-elle, une femme qui se tapait violemment le menton – ndlr) porte en permanence à la taille une ceinture reliée à un émetteur placé sur sa cuisse. » À distance,« l'éducateur actionne le dispositif grâce à sa télécommande dès qu'elle émet le comportement. Ça produit effectivement un choc. Mais l'important est de voir que cette personne, qui ne pouvait plus rien faire, a diminué son comportement et a pu faire autre chose. »

Enfin, Vinca Rivière, à contre-courant des recommandations de la Haute autorité de santé édictées en mars dernier, expliquait pourquoi elle refusait toute pluridisciplinarité au centre Camus : pour avoir la garantie que « 50 % des enfants qui seront pris avant l'âge de 4 ans n'auront plus besoin de suivi au bout de 2 ou 3 ans », il faut « l'ABA et rien d'autre ». Et « la base, c'est notre formation » à l'université.

L'ABA n'a pas été importé d'Amérique du Nord par Vinca Rivière, contrairement à ce qui est souvent affirmé. D'autres universitaires l'enseignent et le pratiquent en France depuis des années avec une tout autre approche. Bernadette Rogé est de ceux-là. Psychologue, formée à l'ABA depuis quelque trente ans, professeur des universités à Toulouse Le Mirail, c'est l'une des expertes du comité de pilotage élargi de la Haute autorité de santé. Elle est aussi fondatrice et directrice d'un SESSAD (service d'éducation spéciale et de soins à domicile) à Toulouse, géré par l’associationCeresa (Centre régional, d'éducation et de services pour l'autisme). Cette structure comporte une équipe pluridisciplinaire de 20 personnes pour 38 enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme et fonctionne avec un coût moyen de 29 000 euros par enfant et par an.

Quand et comment avez-vous été formée à l'ABA ?

BERNADETTE ROGE — Au milieu des années 1970, à la fin de mes études de psychologie, j'ai pris l'orientation thérapie comportementale et cognitive (TCC) et fait différentes formations généralistes en TCC. Puis dans les années 1980, je suis allée à Los Angeles où j'ai eu l'occasion de me former auprès du docteur en psychologie Ivar Lovaas, qui a initié cette méthode dans les années 1960. Ça fait donc quasiment trente ans que je suis formée à l'ABA et que je l’ai intégré à ma pratique en France.

Justement, comment le pratiquez-vous ?

D'une manière souple. Car si, au départ, Lovaas pratiquait un comportementalisme pur et dur où les intervenants étaient très directifs avec les enfants en leur imposant des tâches répétitives que l'on renforçait systématiquement (grosso modo, par un système de récompense quand les tâches étaient correctement accomplies), depuis, il y a eu des avancées. On sait aujourd'hui que les enfants autistes ne généralisent pas bien. Si on leur fait répéter indéfiniment une même situation, ces enfants feront certes des acquisitions mais ils ne pourront les reproduire que dans cette situation donnée. Ils ne la transposeront pas à une situation similaire. L'apprentissage alors n'est pas intéressant car ce que l'on veut c'est que, globalement, l'enfant soit davantage adapté au monde qui l'entoure. Cette approche a donc évolué en tenant compte de la dimension cognitive. J'ai ainsi été formée aussi auTeacch chez Eric Schopler, où, pour le dire vite, on adapte l'environnement pour favoriser les apprentissages de l'enfant. J'ai ainsi infléchi mon approche de l'ABA en tenant compte des particularités de ces enfants. Car on ne peut pas se contenter de travailler avec ces enfants en leur inculquant des fonctionnements répétitifs, nous devons aussi tenir compte de leur disponibilité, leur motivation, leur fonctionnement particulier sur le plan sensoriel, cognitif, ce qui demande beaucoup d'adaptations. Enfin, en juillet dernier, je suis allée me former à Sacramento en Californie, au modèle de Denver. Cette approche destinée aux tout-petits travaille davantage sur les émotions et la dimension relationnelle. Elle croise l'approche émotionnelle et l'ABA. Plus concrètement, au lieu de rester sur un plan strictement cognitif ou adaptatif, on pose un contexte qui est celui du jeu et de l'interaction émotionnelle positive. Denver se différencie des méthodes de thérapies par le jeu que sont SonRise ou Floortime, car Denver utilise le jeu, le plaisir, pour appliquer les techniques de l'ABA et faire apprendre l'enfant. Si l'on est moins directif qu'avec l'ABA seul, c'est pour que l'enfant nous suive dans ce que nous lui proposons. L'important, c'est d'obtenir sa motivation pour lui apprendre qu'il a une certaine emprise sur son environnement. S'il dit non ou refuse, on accompagne ce refus en le commentant et en en tenant compte. « Tu ne veux pas ? Alors c'est terminé et on passe à autre chose. » Du coup, on travaille tous les domaines, langage, adaptation, motricité… d'une manière beaucoup plus naturelle et spontanée. Je constate tous les jours qu'avec cette combinaison de méthodes, on peut obtenir des comportements beaucoup plus spontanés. Il s’agit de très jeunes enfants et le fait de tenir compte de ce qu’ils aiment ou pas leur procure une certaine emprise sur le milieu, les motive et leur donne plus d’initiative. Cela ne signifie pas que progressivement on ne va pas aussi poser un cadre et des interdits comme pour tout enfant.

Pourquoi toutes ces évolutions ? L'ABA ne suffisait pas ?

Au départ, ce qui était reproché à l'approche comportementale, c'était d'apprendre à l'enfant un type de comportement plaqué, acquis par renforcement. Et c'est vrai que certains enfants gardaient un style stéréotypé. Mais Sally Rogers, la psychologue américaine qui développe le modèle Denver, montre que si l'enfant est pris en charge jeune, à l'âge où les réseaux neuronaux sont en cours de constitution, et que l'on travaille sans séparer le socio-émotionnel du comportemental, on a plus de chance d'obtenir un comportement naturel. Sally Rogers travaille avec des enfants de 12 mois environ. Moi, parce qu'on n’a pas les mêmes outils de détection en France, je travaille avec des enfants de 2 ou 3 ans. Mais même plus grands, je constate avec un grand plaisir l'évolution des enfants, des évolutions plus intéressantes qu'avec l'ABA stricto sensu.

Au centre Camus de Villeneuve d'Ascq, Mme Vinca Rivière affirme pourtant que l'ABA doit être utilisé seul pour obtenir des résultats…

Je ne veux pas me prononcer sur ces pratiques. Même quand Mme Rivière explique que la technique “du choc électrique” est efficace sur certains adultes ? J'ai dit que je ne voulais pas me prononcer… Mais il faut savoir qu'au départ, dans les années 1960, il y a donc plus de cinquante ans, l'ABA était une technique exclusivement expérimentale : on voulait voir si les enfants et les adultes avec autisme pouvaient, comme tout un chacun, apprendre avec les théories de l'apprentissage et du conditionnement. On apprenait donc à un enfant à appuyer sur un bouton quand il y a une sonnerie, et pour renforcer le bon comportement, on lui donnait un aliment ou un bonbon. Ça n'avait pas beaucoup de sens, mais c'était des expérimentations pour montrer que ce modèle d'apprentissage pouvait marcher chez les autistes comme chez les autres personnes. Ensuite, il y a eu, et c'est dommage, et c'est très malencontreux, des gens qui ont utilisé des chocs électriques. Ça a été dénoncé dès les années 1960, par Eric Schopler notamment, puis même Lovaas l'a regretté. Pour ma part, je pense que sur un plan éthique, c'est absolument exclu. C'est impossible à justifier.

Mais dans les instances professionnelles, vous en parlez ?

Mais cette personne n'est dans aucun réseau professionnel français des thérapies comportementales et cognitives ! Pour ma part, j'ai eu la chance de suivre ces évolutions car je suis membre del'association française des TCC, je suis aussi présidente du comité scientifique de l'Arapi (Association pour la recherche sur l'autisme et la prévention des inadaptations), par ailleurs, en tant qu'enseignante chercheur à l'université de Toulouse Le Mirail, je fais évoluer ma pratique en fonction des progrès scientifiques. On sait maintenant que faire uniquement de l'ABA, ce n'est pas forcément l’idéal. Il faut s'adapter à l'enfant, le mettre au centre du dispositif et utiliser tous les outils, sans entrer en religion pour une méthode.

Tous les outils… jusqu'aux psychothérapies ?

Non, ça s'arrête aux approches éducatives recommandées par la Haute autorité de santé. Il s'agit de ne pas tout mélanger même si l'on peut utiliser certaines psychothérapies avec des enfants de haut niveau, comme des autistes Asperger par exemple. Mais on doit rester dans une approche très pragmatique et concrète correspondant aux besoins de ces enfants et adolescents. Par exemple, à travers un jeu de rôle, on peut construire avec eux un scénario qui mette en scène une situation qui les angoisse, qui est difficile et on peut leur apprendre à mieux se comporter dans cette situation lorsqu’elle se reproduira. La dimension concrète est très importante pour les autistes. Les allonger sur un divan, ça n'a pas de sens quand on sait comment ils fonctionnent.

Diriez-vous qu'avec l'ABA ou les autres méthodes que vous utilisez, les enfants peuvent sortir de l'autisme ?

Non. Dire cela, c'est méconnaître totalement ce qu'est l'autisme. On ne sort pas de l'autisme, on s'améliore. Quand on pose le diagnostic, en général, des choses irréversibles se sont déjà produites dans le cerveau. D'où l'importance de prendre en charge au plus jeune âge. Avec des enfants encore en développement, on peut, avec des méthodes adaptées minimiser les risques d'évolutions négatives et leur apprendre beaucoup de choses. C'est sûr que l'on obtient des améliorations, mais promettre qu'on va les faire sortir de l'autisme, c'est du mensonge.

Comment évaluer alors les effets de la méthode ABA ?

D'abord chaque professionnel s'auto-évalue, il trace les courbes d'apprentissage des enfants, et cela peut se prêter à une évaluation externe. D'ailleurs, si l'on veut faire une publication scientifique, ce sont les évaluations de personnes externes qui comptent. Il faut que ce soit bien sûr fait par des psychologues formés à l'ABA, mais il y en a beaucoup en France, qui ont reçu un enseignement à l'étranger ou en France. Rien que dans mon université, je forme depuis des années des psychologues à l’approche comportementale et cognitive.

Justement comment se fait la formation ? Comment s'articulent la théorie et la pratique et comment s'assurer que, notamment durant les stages, la pratique des étudiants est une bonne pratique ?

Chaque étudiant qui entre en Master Professionnel (après une licence et une première année de master, soit quatre années d’études) consacre d'abord tout le premier semestre à ses cours. C'est une partie théorique très intensive. Ensuite, de janvier à juin, il aura un stage de professionnalisation de 500 heures dans une structure. Et tous interviennent aussi dans des familles. Les étudiants qui vont dans les familles n'y vont jamais seuls. A deux, ils forment un binôme et quand ils rencontrent de trop grandes difficultés, les enseignants les accompagnent. De plus, ils sont supervisés chaque semaine, au cours d'une séance de trois heures. Ils sont vraiment suivis et en aucun cas les étudiants ne partent remplacer des professionnels. C'est une rigueur qui rassure les familles mais qui assure aussi la qualité des pratiques qui leur sont proposées.

Article original sur mediapart

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>Lettre au nouveau Président de la République et aux futurs élus de l'Assemblée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Président, chers candidats,

C'est avec émotion que je m'adresse à vous, avec émotion et espoir, l'espoir du professionnel et du citoyen qui a assisté impuissant dans le dernier quinquennat à la déconstruction du plus bel outil façonné patiemment depuis des décennies dans la Résistance par la psychiatrie française: la psychiatrie de secteur.

L'émotion est celle d'un citoyen espérant pouvoir enfin redevenir fier de son pays et de la façon dont il traite les personnes souffrant de troubles psychiques. L'état des lieux, Monsieur le Président, laissé par votre prédécesseur, est celui d'un pays qui aurait perdu toute humanité, et qui aurait été guidé par le seul désir de contrôle au service du pouvoir, utilisant la menace et la peur pour convaincre…

L'idéal socialiste qui vous anime ne saurait se satisfaire de cet état des lieux. Aidez-nous à renouer avec notre service public, sa qualité et la philosophie qui en a permis le développement. Que le socialisme montre au monde entier comment respecter, soutenir et faire advenir la part d'humanité, existant en chaque personne présentant un handicap psychique.

Votre prédécesseur dans son violent discours à la télévision du 2 décembre 2008 s'est appuyé sur des thèses du 19e siècle associant crime et maladie mentale et a fait voter la loi du 5 juillet 2012 plus répressive que toutes celles qui ont existé avant, utilisant enfermement et traitement chimique obligatoire, disqualifiant tous les efforts qui ont porté la psychiatrie française au plus haut niveau (Obama et la Chine ont cherché à la connaître).

Au lieu de continuer à développer tous les soins dans le tissu social, il a renforcé les anciens asiles du 19e siècle. La stigmatisation ainsi créée a eu des conséquences dramatiques. Elle a détruit le moral des soignants en les disqualifiant par son propos, annulant 50 ans d'efforts faits pour rendre les soins proches, accessibles, solidaires; il a divisé les divers acteurs de la Santé mentale, favorisé des compromissions réunies dans le Plan de santé mentale de janvier dernier: celui-ci intègre le rapport Couty proposant la dispersion des divers soins nécessaires pour un même malade, ce qui détruit la continuité des soins proposée par la politique de secteur, et pire sous le titre ''d'aidants'' veut lever une véritable "milice" de familles (aidants familiaux) et de patients (médiateurs-pairs aidants, ou "bons malades") pour suppléer les soignants dits défaillants.

Aujourd'hui il est indispensable et nécessaire que le Président, les nouveaux élus, redonnent confiance aux divers professionnels de la psychiatrie et de l'action sociale, qu'ils abrogent la loi de 2011 et le Plan de santé mentale qui la consolide. Ainsi ils permettront leur rassemblement et leur union autour d'un grand projet pour la psychiatrie associant les soins et les compensations sociales des handicaps psychiques.

Savez-vous chers candidats que ce sont 10 millions de personnes qui sont concernées par la psychiatrie, dont 3 millions avec des troubles graves, en comptant leurs familles et leurs soignants ? La stigmatisation était telle qu'ils n'osaient plus se manifester.

La peur étant écartée, la psychiatrie de secteur pourra être reconstruite sur la solidarité, la proximité: une même équipe de soin, met à la disposition de chaque patient, dans la continuité tout au long de sa vie, les diverses acquisitions psychothérapiques et scientifiques en veillant à toujours les associer.

Ce projet né au lendemain de la guerre avec l'expérience de la Résistance, bâti sur la solidarité, doit être reformulé, reconduit, mais associé à la création d'un bureau de la psychiatrie au ministère de la Santé et d'un comité de Sages, nécessaires pour faire évoluer la psychiatrie à la mesure de l'évolution de la société française (ceci existait entre 1970 et 1990 et a fait ses preuves). Ces instances sont plus fiables que des lois.

Confirmez la psychiatrie de secteur qui a fait ses preuves, avec ses soins bâtis sur la confiance, la liberté, à partir d'une vraie rencontre humaine, cette liberté dont le patient a besoin pour se reconstruire, s'appuyant sur ses talents, ses potentialités, sa créativité.

 

Guy Baillon, Psychiatre des hôpitaux en 1969, chef de secteur de Bondy dans le 93, rattaché à Ville-Evrard.

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>Monsieur le Président…

Le 14 mai 2012                                                    

 

 

Monsieur le Président,

 

Déterminés à œuvrer pour que votre élection advienne, nous sommes très heureux de vous voir enfin nommé à la tête de l’État. L’immense espoir que vous avez levé dans la Nation doit se voir concrétisé lors des élections législatives du mois de juin. Nous comptons poursuivre notre effort afin que vous ayez une majorité qui vous soutienne à l’Assemblée nationale.

Votre élection suscite déjà beaucoup d’attente et notamment celle d’apaiser notre lien social si fragilisé par les cinq années passées. Nous croyons comme vous que les valeurs humanistes et progressistes sont une nécessité tant au niveau d’une politique générale que dans nos métiers et nos pratiques quotidiennes.

Le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire a vu le jour au lendemain du discours sur la psychiatrie et les malades mentaux, tenu le 2 décembre 2008 par le Président sortant Nicolas Sarkozy. Les personnes malades s’y sont vues assigner le destin d’une population parfois à exclure, souvent à enfermer, toujours à contrôler. La loi sécuritaire qui en a résulté en juillet 2011, promue sous le joug de l’émotion, a conduit une partie de nos concitoyens, les plus fragiles, tant psychiquement que socialement, à être exclus d’avantage, désignés et stigmatisés, d’être exilés de notre humanité commune.

C’est exactement à partir des valeurs humanistes que nous avons fondé notre Collectif afin de résister au pire, à la relégation d’une partie de nos concitoyens hors du lien social. Nous avons alors dû tenir fermement sur ces positions humanistes, pour proposer toujours et encore une psychiatrie fondée sur l’hospitalité, le temps que le peuple choisisse enfin de changer de Président.

Si sur le terrain notre mobilisation a eu des effets et a contribué à créer des espaces de travail commun entre patients, soignants, familles, monde de la culture et citoyens intéressés, il est nécessaire de sortir l’ensemble des acteurs du champ « psy » de leur abandon, de leur désarroi et du désaveu du travail des professionnels qu’ils ont subi du plus haut sommet de l’Etat. Au niveau national, notre mobilisation, si elle n’a pas suffi à empêcher le vote de la loi du 5 juillet 2011, elle a néanmoins permis à la psychiatrie de sortir de l’ombre et de contribuer au changement de regard porté sur la maladie mentale, notamment dans les médias.

La démolition de notre pacte social a été telle et eu tant d’incidence dans les services publics et en particulier dans le secteur de la santé qu’une politique liquidant l’héritage trouble du Président sortant, de son gouvernement et de sa majorité est actuellement une priorité.

Les diverses atteintes aux fondements républicains et démocratiques d’un état de droit, nécessitent la révision d’un certain nombre de lois dont celles du 5 juillet 2011 réformant les hospitalisations psychiatriques sous contrainte ainsi que la réforme hospitalière de 2009 (loi HPST). Cette dernière a tellement distordu les métiers, les pratiques et les expériences de terrain au profit d’une logique purement gestionnaire, que les citoyens ne retrouvent plus ce service public qui faisait encore, il y a peu, notre fierté nationale.

Comprenant les préoccupations du moment concernant l’Europe, les finances de la Nation ainsi que les priorités pour l’éducation et la justice, nous souhaitons toutefois vous faire part des nôtres concernant les champs du service public, du sanitaire, du médico-social et de l’associatif. Confrontés aux conséquences catastrophiques pour l’accueil et pour les soins psychiques tant en communauté qu’en institution et en soins ambulatoires, il nous faut sensibiliser le gouvernement et les élus de la Nation au défi que nous avons à relever dans l’arsenal législatif et réglementaire qui borde nos pratiques.

Nous souhaitons qu’une politique juste et équilibrée soit élaborée dans le cadre d’une loi générale pour la psychiatrie et le secteur médico-social, permettant aux avancées cliniques d’une psychiatrie moderne et attentive à la personne humaine de se développer.

Enfin débarrassés d’une hyper présidence extrêmement dommageable dans ses menées autoritaires et sécuritaires, nous souhaitons dans les temps prochains pouvoir solliciter auprès de vous un entretien afin de vous exposer les préoccupations qui sont les nôtres.

Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

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>Politique de l'hospitalité : XIIIème rencontre de la Criée le 1er et 2 juin

 

Reprendre une fois encore cet enjeu crucial de l’hospitalité dans ce moment de crise, traversé d’attaques aux fondements de la Culture, nous conduit nécessairement à une prise de position politique. Comment passer sous silence l’insupportable montée du racisme et de l’antisémitisme, l’hostilité explicite aux étrangers qui menaceraient tellement l’identité nationale qu’il faudrait les expulser sans cesse ?

Se trouve ainsi ravagée toute une tradition du droit d’asile et des lois de l’hospitalité qui sont au fondement même du lien social et des processus de symbolisation. Ce que l’anthropologie a pu reconnaître et investiguer en termes d’éloge du don et du pottlach, de la régulation qu’opère aussi le sacrifice rituel dans la religion monothéiste, tous ces montages textuels et sociaux se trouveraient déniés par une lame de fond que l’on dit postmoderne.

Un tel contexte où la haine de l’étranger vient à se dire de façon de plus en plus explicite ne peut qu’exacerber la peur et la haine du différent, et retentir dans nos pratiques d’accueil de la folie. Quand un magistrat, Serge Portelli, vient nous dire que nous serions dans un « Etat limite », dans la hantise d’un Etat autoritaire qui pourrait produire des ravages inédits, nous aurions intérêt à nous sentir pour le moins concernés, si ce n’est menacés par de telles dérives. Ce qui s’énonce comme une politique sécuritaire, prend le visage précisément de la rupture avec une tradition d’accueil et de soins qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, mais qui ne mettait plus en avant, depuis les avancées du Secteur et de la Psychothérapie Institutionnelle, ces idéaux de contrainte et de « soins sans consentement » qui reviennent aujourd’hui sans vergogne.

Cette rupture s’opère, parée maintenant des vertus présumées d’une déshospitalisation qui se trouve pervertie, en rejetant les patients à la rue ou en les condamnant à la prison. Une nouvelle loi nous promet le meilleur des mondes en avançant la généralisation de « soins obligatoires en ambulatoire », soins qui sont imaginés selon une conception du sujet où tout désordre trouverait son remède. Que ces remèdes soient en premier lieu imaginés comme médicaments administrés de force témoigne d’une méconnaissance active, voire d’un refus de tout l’abord psychanalytique du sujet, de la folie, et de soins psychiques fondés en raison sur l’accueil du délire. Nous ne pouvons pas non plus ignorer la possibilité de « psychothérapies sur ordonnance » qui seraient exécutées par des praticiens « certifiés conformes » par l’Etat, censées résoudre ainsi le malaise et produire l’adéquation d’un monde parfait.

L’appui sur l’abord freudien nous sera donc essentiel pour questionner l’accueil de l’étrangement inquiétant (unheimilich) et soutenir en acte la possibilité du transfert. Le concevoir comme une offre en rapport avec le désir d’analyse pourrait polariser cette hospitalité où l’analyste, le soignant offre son espace psychique pour accueillir autrui.

Ce don premier qui est une bejahung, une affirmation primordiale et une ouverture à l’altérité, constitueraient autant de fondations précieuses qu’il s’agirait de relancer sans cesse, dans leur précarité d’autant plus essentielle qu’elle se trouve menacée de façon explicite par l’idéologie de notre époque.

Penser l’hospitalité à l’entrecroisement hétérogène de plusieurs champs s’impose avec insistance, et nous aurons besoin, pour soutenir ce mouvement et retrouver du souffle, d’autres abords philosophiques, littéraires, poétiques … L’enjeu consisterait, en évitant la nostalgie d’un âge d’or, à soutenir les collectifs qui résistent et soutiennent une pratique inventive, tout en évitant un repli dans des institutions qui pourraient vite devenir de petites « forteresses vides », si nous cessions d’y relancer un mouvement de subversion de l’institué.

Patrick CHEMLA

Télécharger le programme et les bulletins d'inscription : La-CRIEE-2012

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>Humapsy à la radio (émission du 13 avril 2012, Radio Libertaire)

Plusieurs membres de l'association Humapsy étaient invités le 13 avril dernier dans les studios de Radio Libertaire pour parler psychiatrie, psychose, folie, société, relation, médicaments, soins psychiques…

L'émission débute un peu brutalement, mais il semble ne pas manquer beaucoup du début de cette émission passionnante dont les intervenants, premiers concernés par les soins psychiques, expriment avec une grande justesse la réalité du monde de la psychiatrie : ce qui est nommé folie ou maladie mentale…

Ecouter l'émission 

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Le Collectif des 39