Danielle Lévy, pour le Collectif des 39
Stupéfaits de constater que Mme Martine Wonner, députée LREM de la 4e circonscription du Bas Rhin, membre de la Commission des affaires sociales, psychiatre de profession, avait signé une pétition réclamant « l’exclusion des tribunaux, des hôpitaux et des universités, de la totalité des psychiatres et des psychologues se référant à la psychanalyse », des membres du Collectif des 39, de l’Appel des Appels, de l’Union Syndicale de la psychiatrie et des universitaires du SIUEERPP (Séminaire Inter-Universitaire Européen d’Enseignement et de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse) avaient écrit à Gilles Le Gendre, président du groupe parlementaire LREM, le 12 décembre 2019, pour lui demander de les rassurer « quant aux options sur cette question du groupe parlementaire qu’il préside », et « pour le prier instamment de veiller à ce que les membres de ce groupe ne relayent pas les discours de haine et d’exclusion». (Nous vous rappelons que la pétition initiale intitulée «la psychanalyse, exercice illégal de la médecine », qui a recueilli 2400 signatures dont celle de Madame Wonner, a suscité la réaction, souvent indignée, de 35200 personnes.)
A ce jour, M. Le Gendre n’a pas répondu à cette lettre. Madame Wonner l’a fait, à un seul de ses signataires.
La lecture de sa réponse n’est pas de nature à nous rassurer.
Cette députée, qui prétend avoir le plus grand respect pour les professionnels de santé, n’hésite pas à stigmatiser nombre d’entre eux, relayant les accusations mensongères et outrageantes de la pétition qu’elle a signée.
A notre demande « de voir garantie la qualité des débats qui présideront à l’amélioration du fonctionnement de nos tribunaux, de nos hôpitaux et de nos universités », elle ne sait qu’opposer des idées reçues, caricaturales sur la psychanalyse (« chosification » des patients » «dogmes psycho-sexuels freudo-lacaniens »…) colportées par cette même pétition.
Elle prétend aussi s’inquiéter des délais de prise en charge des patients, alors qu’elle soutient les politiques des Agences Régionales de Santé (ARS) qui, depuis des années, ferment des consultations, des hôpitaux de jour, des services de soin à domicile, détruisent les équipes de secteur…
Qui est responsable de cette « chosification » et entretient la maltraitance des patients soumis à d’insupportables délais d’attente avant de pouvoir être pris en charge?
Les psychanalystes ou Martine Wonner, députée de la majorité, ayant présidé 2 missions parlementaires sur la psychiatrie ?
Les psychanalystes qui travaillent dans les équipes pluridisciplinaires des CMP et CMPP, où ils accueillent, un par un, quelle que soit leur symptomatologie, et le plus tôt possible après qu’ils en ont fait la demande, des adultes, des enfants et leur famille en détresse, dans ces lieux de consultations proches de leur domicile, réduisant ainsi les inégalités territoriales d’accès au soin?
Les psychanalystes ou bien les nouvelles politiques de santé mentale menées par les ARS et pilotées par la Haute Autorité de Santé ?
Politiques qui imposent la mise en place de « plateformes diagnostic » visant à trier des flux de patients, à les gérer comme des marchandises, à les orienter vers un parcours de soin obligatoire (traitement médicamenteux, rééducations et thérapies comportementalistes) aux dépens de leur liberté de choix et dans l’indifférence à leur demande.
Pour justifier ces politiques, menées pour des raisons purement idéologiques et budgétaires, Madame Wonner nous livre une présentation déformée de la réalité de la psychiatrie et jette le discrédit sur une partie des soignants qui y travaillent .
Nous constatons que, malgré cela, elle occupe les fonctions de Vice-Présidente des Groupes d’Études de la « Lutte contre les addictions » et de celui sur la « Pauvreté, précarité et sans-abri » – tous deux fléaux relevant d’approches soignantes multiples.
Peut-elle se montrer aujourd’hui publiquement juge et partie ?
Lire aussi le Par Paul Machto https://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/201219/les-aveux-de-martine-wonner
Lettre de Martine Wonner, Députée du Bas-Rhin
Psychanalyse et santé mentale : pour le respect de la santé publique et l’accès aux soins pour tous !
Bonjour,
J’ai appris ce jour la demande formulée au Président du groupe parlementaire auquel j’appartiens à l’Assemblée nationale, remettant en question les fonctions que j’occupe au sein de groupes d’études parlementaires, au motif que mon opinion exprimée sur la psychanalyse stigmatiserait « des citoyens, professionnels du soin, enseignants, chercheurs, tous acteurs engagés de la vie sociale ».
J’ai toujours, tout au long de ma vie et de surcroît depuis mon élection à l’Assemblée nationale, eu le plus grand respect pour tous les professionnels de santé qui chaque jour, sur tout le territoire, rendent le plus beau des services : celui de soigner.
Psychiatre de profession, je suis fermement engagée pour la déstigmatisation des troubles psychiques, le respect du libre choix des patients et de leurs droits fondamentaux ; les deux missions parlementaires que j’ai menées en 2019 ont plaidé en ce sens.
Comme médecin mais comme Députée avant tout, ma responsabilité est d’assurer que le code de la santé publique et les recommandations de la Haute Autorité de Santé – aussi perfectibles qu’elles soient – s’appliquent de la même manière partout sur le territoire national. J’ai acquis l’intime conviction que les inégalités territoriales de prise en charge en santé mentale représentent, pour nos concitoyennes et concitoyens une véritable perte de chance que sous aucun prétexte je ne pourrais tolérer.
L’école de pensée psychanalytique, comme tous les courants de pensée, ne saurait être exempte de questionnements visant à améliorer la prise en charge des patients. Je reprends à mon compte la phrase tirée de la pétition que j’ai signée à ce sujet : « le refus de nombre de psychanalystes de poser un diagnostic, l’ignorance volontaire des symptômes, la chosification et la maltraitance des patients et leur famille au nom de dogmes psychosexuels freudo-lacaniens obsolètes sont monnaie courante aujourd’hui. Le traitement de ces personnes comme des patients de ‘seconde zone’ n’est plus tolérable en France. »
Ma méthode a toujours été, et sera toujours celle du dialogue. Durant mes deux missions parlementaires, de janvier à septembre 2019, j’ai reçu tous les syndicats, personnels soignants, de toutes les écoles de pensées de la santé mentale. Sous aucun prétexte je ne cèderai aux multiples pressions venues de toutes parts que je subis depuis la publication de mes rapports, symptômes de la difficulté de ces champs de la médecine à entrer dans le XXIème siècle. Les délais de prise en charge avoisinant plusieurs mois ne sont pas acceptables et l’activité uniquement programmée ne peut garantir une réponse aux besoins des patients. Évaluer les pratiques des spécialistes, quel que soit le champ de la médecine, et donc les psychiatres et autres psychanalystes est une impérieuse nécessité pour une meilleure qualité des soins .
A l’occasion du processus législatif qui s’ouvrira en janvier, ma porte sera toujours ouverte à celles et ceux qui sont prêts au dialogue, loin des dogmatismes et luttes stériles.