Intervention d’Hervé Bokobza sur France Culture le 26 janvier à 22h

Faire évoluer le mode de financement en budget réservé de remboursement des soins, le gouvernement promet de revoir l’organisation de la psychiatrie jusqu’à mettre fin au dualisme entre médecine somatique et psychique….mais la ministre de la santé…semble avoir pris la mesure des manques et souffrances puisqu’elle convient, je cite Agnès Buzyn : «  que la psychiatrie ne va pas bien et que c’est une discipline paupérisée » :

Nous sommes ravis d’avoir entendu cette déclaration de la ministre de la santé, je dirais enfin, le hic, le bémol je dirais, c’est que à la lectures des douze mesures d’urgence préconisées par madame la ministre, je ne retrouve aucune des vingt deux mesures d’urgence que tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles avaient exigées il y a maintenant quinze ans. Où nous disions à l’époque que si rien ne se produisait nous allions vers une catastrophe sanitaire grave.

Bravo à Mme Buzyn d’avoir pu se rendre compte où nous en sommes, hélas, grandement hélas, les mesures proposées ne vont pas dans le bons sens et je dirais même plus elles vont empirer la situation existante et le soin tout prêt( ?)(le son est incompréhensible) de la maltraitance qui commencent à s’opérer aujourd’hui dans notre pays en psychiatrie.

La ministre dit bien il faut préserver les moyens de la psychiatrie :

Mais vous vous rendez compte c’est quasiment un mépris, un cynisme, quelle conception alors que justement tous les soignants en psychiatrie se plaignent depuis des années et des années de la réduction des moyens qui entraine une qualité de soin qui va en s’amoindrissant, elle propose de les préserver… alors que tout le monde demande à ce qu’ils soient augmentés.

Les préserver ça veut dire continuons comme ça, ne bougeons pas et continuons à opérer la dégradation des soins dans notre pays. Madame la ministre prend l’énorme responsabilité, la grande responsabilité, alors qu’elle est consciente des problèmes, elle, d’entrainer notre beau pays dans une position concernant les plus démunis d’entre nous absolument excluante, catastrophique et maltraitante.

A vous écouter on identifie bien des insuffisances, que faudrait-il faire en priorité pour redonner confiance au personnel soignant ? :

Alors, d’abord quelqu’un qui souffre mentalement souffre toujours, toujours et toujours, d’un trouble grave de la relation à l’autre, de la relation au monde, de la relation à soi. Donc c’est uniquement en organisant des soins autour de la rencontre relationnelle, autour du lien entre les personnes que peut exister un soin en psychiatrie. Et pour cela il faut du temps, des moyens et de la formation.

Et surtout il faut une conception de la souffrance psychique et de la maladie mentale qui prenne en compte la complexité inouïe du fonctionnement psychique humain. Il faut demander à la Haute Autorité de Santé de foutre la paix aux équipes soignantes qui elles mêmes vont élaborer leur protocole de qualité et d’évaluation en se réunissant collectivement et de ne pas être sous le joug d’une administration à la solde de cette haute autorité de sante qui empêche justement tout ce que je viens de décrire, à savoir comment est-ce qu’on peut rentrer en relation avec un patient.

Alors pourquoi douter de la sincérité de Mme Buzyn, la ministre ambitionne de rendre leur dignité à ceux qui sont pris en charge, dit-elle, dans des conditions déplorables :

Ah mais moi je ne doute pas de sa sincérité, je doute de ce qu’elle nous propose comme moyen. Puisqu’en fait elle propose que les moyens ne soient pas diminués, mais il manquerait plus qu’ils soient diminués. Elle nous propose une formation qui n’est pas une formation initiale, mais une formation qui est après la qualification, et elle nous propose une conception de la maladie mentale qui est une conception tronquée puisqu’elle veut des critères de qualité organisés par la Haute Autorité de Santé qui sont eux-mêmes des critères qui empêchent le travail collectif, qui sont issus de l’industrie, qui sont issus des conceptions qualités qui transforment le patient que nous recevons non plus en un être humain avec toute sa complexité mais en une maladie. C’est à dire qu’on va traiter des maladies. Telle maladie, tel protocole, tel critère. C’est pas ça la psychiatrie, ça c’est la mort de la psychiatrie, la mort organisée de la psychiatrie. Ce que nous décrivons et ce que nous dénonçons depuis des années : on ne peut pas faire de la psychiatrie une discipline comme une autre, c’est à dire une discipline avec signes, diagnostic, traitement. Comme si la psychiatrie, la souffrance mentale était une maladie du cerveau qu’on aurait repéré sur une IRM ou sur un examen biologique. Non c’est beaucoup plus complexe que ça. La psychiatrie pour être crédible, pour que les personnes qui se confient à nous puissent être bien soignées ou le mieux soignées possibles, doit se concevoir comme un carrefour de multiples disciplines et non pas à une petite discipline réduite à sa plus simple expression, or c’est ça que Madame Buzyn en nous proposant comme critère d’évaluation et de qualité, améliorée dit-elle, nous propose. C’est contre-productif, c’est ce que nous dénonçons depuis des années et des années. Donc voilà c’est dramatique mais c’est comme ça     https://youtu.be/Z2f-RTFo4IE

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