Pour la promotion de la psychanalyse dans les lieux de soins, à l’université et dans les laboratoires de recherche
La Santé Mentale va mal dans notre pays. Aux difficultés matérielles s’ajoutent des orientations politiques qui compromettent la qualité des soins. En France, la psychanalyse a joué un grand rôle, fidèle aux aspirations humanistes de bonheur et de progrès de notre République. Elle est depuis longtemps une référence majeure de la vie intellectuelle.
En quelques années, cette situation s’est dégradée. Des acteurs administratifs ont pris des mesures de plus en plus coercitives qui font obstacle au recrutement de psychanalystes sur les lieux de soins et à l’Université. Alors que presque tous les syndicats de psychiatres ont la psychanalyse parmi leurs références, les universités de médecine proposent une formation des psychiatres presque exclusivement axée sur le Manuel DSM 5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders ). L’usage de ce manuel américain est imposé en France par l’O.M.S., sous la forme dite CIM 10. Ce manuel tire un trait sur la grande psychiatrie européenne, dont se sont inspiré Freud, Lacan et bien d’autres cliniciens.
Cette orientation se réclame surtout des neurosciences, alors que ces dernières n’en sont qu’aux hypothèses. Elles manquent de preuves pour le diagnostic et la thérapeutique. En revanche, les preuves de la souffrance psychique abondent. Les nouveaux diagnostics DSM 5 sont si larges qu’ils sont devenus des fourre-tout. Ils recouvrent des problèmes très distincts, qu’il est dangereux de confondre. Par exemple, la « bipolarité » ou la « dépression » concernent les psychoses aussi bien que les névroses. Il faut pourtant savoir les distinguer. Pour les enfants, le « Trouble déficitaire de l’attention » (TDA/H) a connu une extension abusive, plus nocive qu’utile partout dans le monde. Ces diagnostics ne tiennent aucun compte des causes sociales de la souffrance, comme le burn out, certains suicides et certaines dépressions. Les thérapeutiques qui leur correspondent sont le comportementalisme et les médicaments. Or, dans l’approche comportementaliste, les accidents s’accumulent lorsqu’il est la seule référence d’un service. Quant aux médicaments, leur vente a connu une progression considérable. S’ils soulagent, ce n’est que temporaire ; ils ne résolvent aucun problème et leur efficacité provisoire est maintenue à vie, car rien n’a été réglé. Ils provoquent de plus une accoutumance au même titre que les drogues en général : leur usage est parallèle à celui de la toxicomanie. Cette orientation est d’autant plus exclusive que dans de nombreuses universités les laboratoires pharmaceutiques eux-mêmes sont chargés des enseignements. Les conflits d’intérêts sont multiples. Des choix thérapeutiques aussi limités augmentent les charges de la Sécurité sociale et les dépenses publiques.
Au cours de ces dernières années, tous ces obstacles accumulés n’ont jamais fait l’objet d’un débat scientifique, ni d’ailleurs démocratique.
C’est pourquoi nous voulons ouvrir une perspective pour le présent et pour l’avenir de la santé mentale.
I. Pour une psychiatrie de qualité. De nombreuses régions en France sont devenues des déserts médicaux. Le nombre de pédopsychiatres a baissé de 48% depuis 2007. Il faut parfois attendre jusqu’à deux mois pour obtenir une consultation chez un psychiatre.
Nous demandons :
- L’adaptation du numerus clausus à l’entrée des facultés de médecine : c’est la solution urgente de cette pénurie. Mais il n’en reste pas moins qu’une formation médicale ne saurait suffire pour devenir psychiatre. Il faut une formation spécifique – ce qui n’est pas le cas actuellement. Il y a lieu de rétablir – sinon l’internat en psychiatrie – du moins une formation pluridisciplinaire qui respecte les différentes approches. Il faut augmenter le nombre de psychiatres formés, plutôt que de coupler les médecins de ville avec des psychologues, ce qui disperse les entretiens et allonge les parcours.
- Une formation spécifique pluridisciplinaire est une nécessité pour les futurs psychiatres et pédopsychiatres.
- Une formation spécifique des infirmiers en psychiatrie. Actuellement, ce sont eux qui prennent en charge les premiers entretiens, à l’entrée en service de psychiatrie, du fait de la pénurie.
- Une suspension de l’enseignement donné par les laboratoires pharmaceutiques, à l’université, et une suspension de leurs démarches auprès des internes.
- Une particulière attention à l’égard des lieux d’accueil généreux que sont les « maisons vertes », les lieux d’accueil pour les autistes – comme la maison de Bonneuil – les centres de soins prestigieux comme La Borde, et bien d’autres. Nous demandons que cessent les tracasseries administratives qui étouffent ces lieux thérapeutiques, de même que les pressions exercer pour leur imposer des techniques thérapeutiques qui ne sont pas les leurs.
II. Pour une formation adaptée des psychologues. Pour accéder à des postes d’enseignants chercheurs, les psychologues doivent répondre à des critères sans rapport avec une formation pluridisciplinaire. Ils doivent aussi publier dans des revues anglophones avec référence obligatoire au DSM 5.
- Pour libérer le recrutement d’Enseignants chercheurs, nous demandons la subdivision de la 16ème section du CNU en quatre sous-sections, calquées sur l’arrêté du 4 février 2014 concernant les Master.
- Nous demandons un enseignement concernant les autismes et les toxicomanies dès le niveau Master.
III. Pour une médecine de ville informée. Les médecins ont quotidiennement affaire à la souffrance psychique.
- Dans les correspondances avec l’administration, concernant les prescriptions et les remboursements, le codage imposé est celui de la CIM 10 inspiré du DSM. Ils ne doivent plus être obligatoires. Ce codage a des conséquences lourdes, notamment pour les enfants et leurs familles. Nous demandons que cette nomenclature soit remplacée par la nomenclature française de la C.F.T.M.A. et de la C.F.T.M.E.A. , qui est déjà reconnue internationalement, mais marginalisée.
- Les formations complémentaires des médecins en matière de souffrance psychique doivent être – elles aussi – pluridisciplinaires. Elles ne peuvent être organisées par les laboratoires pharmaceutiques.
IV. Pour une recherche pluridisciplinaire. La Haute Autorité à la Santé s’inspire pour ses recommandations des travaux de laboratoires qui excluent le plus souvent les psychanalystes de leurs évaluations. Les cures ne sont en effet pas chiffrables comme dans d’autres sciences. Il est impossible de tester les patients pendant leur traitement.
- Il est déjà acquis – mais nous demandons qu’il soit rappelé – que les recommandations de l’H.A.S. « ne sont pas opposables ». Leur valeur scientifique est évolutive et elle n’entrave en rien la liberté de choix thérapeutique des soignants.
- Nous demandons que les chercheurs en psychanalyse soient associés aux plans de recherche, et que leurs résultats soient pris en considération avec leurs propres modes d’évaluation.
- Nous demandons que soit réexaminée l’orientation actuelle qui vise à la création d’universités d’excellence aux dépens des universités de proximité. Cet appauvrissement de la recherche est préjudiciable aux capacités de découverte, celles-ci dépendant des moyens qui devraient être mis en œuvre dans toutes les universités.
- Nous demandons que cesse une référence obligatoire aux critères des chercheurs anglo-saxons, dont les résultats n’ont d’autorité que grâce à des décisions administratives sans valeur scientifique, sur des critères dictés par l’O.M.S.
- Nous demandons qu’il ne soit plus obligatoire de publier en anglais. L’emploi du français doit être maintenu, comme le méritent ses apports au patrimoine mondial. La mise à l’écart du français nourrit d’ailleurs par réaction un nationalisme rétrograde.
V. Nous demandons que les associations d’usagers, dans toute leur diversité, soient associées à ces différentes orientations, en les protégeant de tout conflit d’intérêt, notamment à l’égard de l’industrie pharmaceutique.
Les questions que nous soulevons intéressent une grande partie de nos concitoyens. Au-delà de leurs souffrances privées, il s’agit d’une perspective culturelle globale, qui intéresse l’ensemble de la société. Elle ne peut être laissée au libre-arbitre de chaque université ou de commissions spécialisées, dont les avis restent souvent sans effet. Nous souhaitons que les candidats à l’élection présidentielle se prononcent sur ces enjeux.
Cette pétition s’adresse à :
Mme Nathalie ARTHAUD, M. François ASSELINEAU, M. Jacques CHEMINADE, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, M. François FILLON, M. Benoît HAMON, M. Jean LASSALLE, M. Emmanuel MACRON, M. Jean-Luc MÉLENCHON, M. Philippe POUTOU.