La loi Santé et les GHT visent à démanteler tout le dispositif sanitaire mis en place depuis la Libération tout ce qui subsiste de la politique de Secteur Serge KLOPP
Au travers de la mise en place de la loi Santé, nous assistons actuellement, dans l’ignorance générale, à la plus grave attaque contre le système de santé français depuis la création de la Sécurité Sociale.
Après la Libération, le programme du CNR avait pour objectif de faire passer l’hôpital public d’hôpital pour indigents à l’hôpital de qualité et de proximité pour tous que nous connaissons actuellement.
La loi santé vise à démanteler tout ce qui a été construit depuis.
Depuis 25 ans nous assistons certes à des restructurations visant à fermer un hôpital de proximité ici, une maternité là…
Mais il n’y avait apparemment pas de politique nationale d’ensemble imposant ces fermetures.
Avec la Loi santé, c’est la première fois que tous les hôpitaux vont être confrontés dans le même temps à une restructuration.
Il s’agit de supprimer, dans les 2 ans à venir, 10% des capacités de soins MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique).
Cet objectif n’est dicté que par la logique économique et le rationnement des soins remboursés par la Sécurité Sociale.
Cela se fera au travers de la mise en place des GHT (Groupements Hospitaliers de Territoires).
Au-delà de ces suppressions, il s’agit à terme dans ces établissements multi-sites de supprimer tous les services doublons.
Le principe s’appuie sur l’idée que c’est l’offre qui fait la demande. Donc si on réduit l’offre on va réduire la demande.
Ces GHT doivent regrouper dans un même établissement des hôpitaux MCO et psychiatriques.
A terme il n’y aurait plus que 150 à 200 établissements en France.
Et ce n’est là que le premier temps de cette casse de la santé publique.
Pour cette raison il est indispensable de s’opposer à cette loi et aux GHT et d’exiger leur retrait.
Concernant plus spécifiquement la psychiatrie, l’expérience a montré que chaque fois que les Secteurs de psychiatrie étaient intégrés à un établissement MCO, leurs moyens humains et financiers étaient détournés vers la MCO.
Mais au-delà de cet aspect, les GHT, ne sont que le premier volet de la loi.
Le projet de cette loi concernant la psychiatrie, c’est le démantèlement de ce qui subsiste du Secteur et surtout de la philosophie du Secteur.
Secteur, dont le fondement n’est pas le quadrillage des populations, mais de garantir à chaque citoyen, où qu’il habite, de pouvoir disposer d’une équipe pluridisciplinaire lui assurant à la fois proximité (d’où son aire géodémographique de 75 000 habitants) et continuité des soins préventifs, de cure et de postcure.
Ce qui implique que le Secteur repose sur une clinique du lien et non sur la normalisation des comportements et des populations
Dans sa présentation de la loi en juillet 2014, la Ministre avait certes annoncé la réaffirmation du Secteur.
Ce qui a eu pour effet de rassurer nombre d’organisations syndicales qui ne sont pas allés plus loin dans l’analyse pour voir ce qu’il en était réellement.
Ce que je vais développer devant vous était explicitement écrit dans la version de juillet 2014 de la Loi, mais n’apparait plus dans le texte voté l’année dernière.
Mais, tous les mécanismes permettant de réaliser ce que je vais vous dire sont inclus dans la loi et ne nécessiteraient donc pas une autre loi.
Le projet présenté par la Ministre prévoit, dans le cadre du parcours de santé, de limiter les missions de la psychiatrie au traitement de la crise.
Le suivi au long cours des patients « stabilisés », serait assuré par les médecins généralistes avec éventuellement un étayage du social ou du médicosocial. Peu importe de savoir que, si pour la plupart, ils vont bien, c’est justement parce qu’ils bénéficient d’une prise en charge au long cours en CATTP.
C’est donc bien la remise en cause du principe de continuité.
Il est prévu également un redécoupage de son territoire. Nous savons que le ministère travail sur la base de 200 000 habitants et non plus 75 000. Soit la fusion de 3 Secteurs actuels, entrainant la fusion de CMP, CATTP, HDJ,… Remettant en cause le principe de proximité.
Nous devons tout faire pour nous opposer à cette loi !
Et on se rend bien compte que si ces dispositions étaient mises en œuvre, il n’y aurait même plus besoin de l’HAS pour interdire toute référence à la Psychothérapie Institutionnelle ou à la psychanalyse.
Puisque les pratiques induites par cette réorganisation de la santé ne seraient plus compatibles avec elles.
Déjà aujourd’hui une majorité de collègues n’a pas conscience que l’on pourrait soigner autrement.
Que si au lieu de se focaliser sur la violence et sa gestion par l’enfermement et la contention, s’ils se centraient sur l’apaisement de l’angoisse du patient, on pourrait limiter considérablement le recours à l’enfermement et quasiment faire disparaitre la contention.
Et cela avec les effectifs actuels.
Mais il faut se donner d’autres priorités !
Si, parce qu’on n’est pas en nombre suffisant, il faut choisir entre apaiser préventivement un patient et tracer la délivrance des traitements eh bien, il faut que les soignants se sentent autorisés à prioriser le patient et le soin sur la traçabilité !
Cela parait aberrant de dire que dans un hôpital le soin doit primer sur l’administratif, mais nous en sommes là !
En plus, en termes de gestion du temps cela serait plus économique pour les services !
Je rappelle quand même qu’une mise en chambre d’isolement avec contention mobilise souvent un grand nombre de soignants durant plus d’une heure. Et qu’à chaque repas il faut remobiliser plusieurs soignants.
Tout cela parce que bien souvent on a laissé « monter » le patient au lieu de le rassurer bien en amont, lorsqu’il était encore temps.
La psychiatrie n’est pas une spécialité médicale comme une autre mais une discipline spécifique.
Elle nécessite le rétablissement d’un internat et d’une formation infirmière spécifiques, permettant de mettre en œuvre cette clinique du lien, centrée sur un soin relationnel, permettant de mettre en œuvre l’articulation nécessaire entre continuité et proximité qu’exige la mise en œuvre des fondements du Secteur.
Bien sûr qu’aujourd’hui ces fondements sont perdus de vue dans nombre de services.
C’est pourquoi il ne saurait être question de simplement demander le statuquo.
C’est pourquoi nous demandons l’ouverture d’un grand débat démocratique pour élaborer une grande loi cadre refondant le Secteur sur ces bases.
Le 31 mai une première manifestation, regroupant essentiellement de la psychiatrie a eu lieu devant le Ministère à l’initiative de Ville Evrard.
Une autre à l’initiative des fédérations CGT et SUD est annoncée pour le 21 juin concernant cette fois la psychiatrie et la MCO.
Pour le moment la plupart des établissements en action demandent la dérogation prévue par la loi permettant à certains établissements psychiatriques de ne pas être intégrés dans un GHT.
Au vu de ce que je vous ai présenté – et je n’ai pas parlé de tout ce qui nous menace ! – on peut considérer que l’action pour demander une dérogation aux GHT est une bataille d’arrière garde concernant ce premier volet de la Loi Santé.
Si nous n’obtenons que cela, et que nous nous arrêtons là, à priori, cela ne changera rien.
Le seul intérêt de cette dérogation étant de pouvoir mesurer combien de postes et de moyens financiers nous sont retirés chaque année.
Mais même cette disposition, pourtant inscrite dans la loi, le Gouvernement n’en veux pas.
Dun coup même si nous n’arrivions à gagner que cela, ce sera déjà un recul du Gouvernement.
Et nous devrons nous en servir pour mobiliser d’autres forces.
D’autres forces qui sont en train seulement de prendre conscience des enjeux catastrophiques de cette loi ou d’autres forces qui n’ont même pas encore conscience de cette loi, et même d’autres forces qui pensent encore aujourd’hui que cette loi est une bonne loi.
D’autres forces pour combattre les autres volets de cette Loi.
D’autres forces qui avec des collectifs tels que la « Coordination des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité » vont élargir l’action menée actuellement essentiellement par les hospitaliers – et nos amis d’Humapsy – aux citoyens eux-mêmes.
D’autres forces pour reprendre l’offensive pour poser les bases de la refondation du Secteur et d’une psychiatrie humaine au travers de cette grande Loi-cadre pour la psychiatrie que nous exigeons depuis des années et sur laquelle nous pouvons nous retrouver majoritaires dans la société.
L’exemple de Ville Evrard ouvre de nouvelles voies dans ce sens.
En Seine Saint Denis le « GHT 93 Est » devrait regrouper 3 hôpitaux MCO (Montreuil, Montfermeil, et Aulnay) avec l’hôpital de Ville Evrard. Depuis le début de l’année l’ensemble des acteurs de Ville Evrard a refusé ce projet. Toutes les instances ont voté contre à l’unanimité, que ce soit, la CME, le CTE, le Conseil de surveillance (dont tous les Elus politiques et les représentants des Usagers !) la Commission des soins. De nombreux élus du 93, Maires, députés, sénateurs, conseillers régionaux et départementaux, Socialistes, Communistes, Front de Gauche, Les Républicains, UDI ont soutenu ce refus. Une pétition de la population de Seine Saint Denis contre le GHT imposé, pour une psychiatrie humaine en Seine Saint Denis a été lancée. Seule la Direction, aux ordres de l’ARS a continué à travailler ce projet.
C’est ainsi que vient d’être publié officiellement le « Projet médical partagé » du GHT. Il y est écrit qu’il a été élaboré par les CME des 4 établissements. C’est un mensonge ! La CME de Ville Evrard a refusé d’y participer!
Ce projet qui affirme vouloir combattre l’hospitalocentrisme, ne laisse à la psychiatrie qu’une seule page, centrée uniquement sur l’activité hospitalière. Pas un mot sur les soins ambulatoires qui représentent pourtant l’essentiel de l’activité de la psychiatrie !
Une modification ,de la répartition des Secteurs
Par ailleurs la carte des « zones de recrutement des établissements constitutifs du GHT » ne comprend plus toutes les communes desservies par les Secteurs de Ville Evrard et d’Aulnay. Vaujours, Coubron, Les Lilas, Le Pré Saint Gervais, Gournay, Noisy le Grand et même Neuilly Sur Marne site historique de Ville Evrard ne dépendraient plus des Secteurs du GHT! Par contre Villeparisis, Chelles et Fontenay Sous Bois y seraient rattachées.
Il ne s’agit pas d’un territoire qui ne correspondrait qu’à la MCO, puisque un GHT ne peut avoir qu’une seule territorialité pour tous ses membres.
Cela préfigure bien du redécoupage territorial des Secteurs prévu par la Loi santé.
Mais même en ce qui concerne la MCO il ne parle pas de réponse aux besoins, mais de conquête de part de marché. A sa lecture on croit bien plus lire la lettre stratégique de la Générale de Santé que les objectifs d’hôpitaux publics.
Parallèlement, à ce projet, à Ville Evrard, nous avons élaboré un « Projet médical de territoire ». Projet, lui réellement partagé puisqu’il a été élaboré par le corps médical, des soignants et l’UNAFAM.
Ce projet ne demande pas le Statuquo. Il ne dit pas « ne touchez pas à Ville Evrard puisque tout y va bien ». Il réaffirme les fondements du Secteur, la continuité et la proximité des soins. Mais au-delà il entend améliorer nos insuffisances, particulièrement en terme de coopération et de complémentarité avec le social et le médicosocial. S’opposant radicalement à leur mise en concurrence.
Ensuite s’est posée la question de savoir ce qu’on allait en faire. Nous ne voulions pas l’envoyer à l’ARS au risque qu’il finisse dans une corbeille ou qu’il ne soit dévoyé par celle-ci.
Nous avons donc décidé de le présenter à la population de Seine Saint Denis et à ses élus le 24 juin dans les locaux de l’UDAF.
Nous mettons ainsi la qualité des soins psychiques aux plus fragiles d’entre nous sous la protection de l’ensemble de la population. Et par là nous entamons ce débat citoyen tant attendu !