GHT PSYCHIATRIE EN DANGER
Le Groupement Hospitalier de Territoire pour la psychiatrie
Quel non-sens ! Le secteur psychiatrique en danger
Le GHT condamne le secteur psychiatrique à une mort certaine. Je ne peux m’y résigner. Il sera englouti, avalé par cette grosse machine hospitalière annulant ainsi tout une période humaniste de la psychiatrie. Rien ne s’est fait sans lutte. Le secteur mis en place dans les années 60-70 est l’œuvre de tout une communauté de soignants militant pour une prise en charge globale du patient, dans un souci de lien entre l’hôpital et la cité. Ainsi un patient qui décompense est hospitalisé puis à sa sortie est suivi au CMP, avec la possibilité d’un accompagnement thérapeutique à l’hôpital de jour, au CATTP voire une mise en place de visites à domicile.
Ce continuum thérapeutique, véritable étayage soutient l’être souffrant en lui offrant des réponses à tout moment de sa vie. Il évite les hospitalisations trop longues, prévient des rechutes, l’enkystement des symptômes, la déshérence…
Le secteur permet de créer une enveloppe contenante entre le dedans et le dehors. C’est un repère, un appui. La circulation entre les différentes unités détermine un espace dans lequel le patient peut exprimer sa souffrance qu’elle soit passagère, réactionnelle ou chronique comme pour la psychose.
Les équipes sont de plus en plus réduites. Les effectifs diminuent. Le rouleau compresseur est déjà activé. Mais là, nous passons à la vitesse supérieure. Cette ineptie de regrouper l’hôpital psychiatrique avec les hôpitaux généraux signifie bien que tout une pratique soignante, un savoir- faire et un savoir-être sont annulés, anéantis, écartés au nom d’économies budgétaires drastiques. La santé n’a pas de prix. La psychiatrie demande du temps, des professionnels pour être contenants et non contentionnants.
La psychiatrie est une spécificité avec une exigence fondée sur le soin relationnel. De nombreuses pathologies endommagent la relation à l’autre. La relation soignant-soigné est précieuse, socle de toute thérapeutique. Chaque rencontre avec le patient est singulière. Nous ne soignons pas la schizophrénie mais une personne souffrant de schizophrénie avec son histoire particulière.
Quel héritage allons-nous laisser aux jeunes et futurs diplômés ?
Un retour en arrière serait désastreux, parce que nous savons de quoi nous parlons. Nous avons une pratique et avons tiré les enseignements de ce dispositif sectoriel. Nous en avons fait l’expérience. Plusieurs générations de patients et de soignants ont été traversées par cette façon d’être et de faire. Nous savons qu’il ne suffit pas de médicaliser la prise en charge mais aussi d’apporter une aire transitionnelle pour que le patient se re-crée autour d’activés, de séjours thérapeutiques, de sorties dans la ville. Nous le savons et devons maintenir ce qui existe voire l’améliorer.
Les bien-pensants au ministère de la santé font fi de tout ce savoir. Nous ne sommes pas dans la même logique. Ils déshumanisent le soin et nous nous n’avons de cesse de l’humaniser.
De nombreux patients se retrouveront sans soins, sans écoute. Les structures se regrouperont au détriment des patients. Les CMP vont se réduire, les CAC seront plus que menacés .
Les places seront chères ; le délai d’attente pour être reçu va terriblement augmenter. Aujourd’hui, il faut patienter deux mois si ce n’est plus pour être reçu. C’est dire la mise à mal, la mise à mort de la prophylaxie chère à nos métiers de soignants. La maladie n’attend pas, elle empire. Elle gagne la sphère individuelle et familiale. In fine, l’institution devient maltraitante et violente faute de moyens.
La demande
Une institution qui ne peut pas répondre à la demande de soins d’une famille, d’un patient, d’un médecin généraliste ne fait que renvoyer une autre violence. Violence spéculaire qui vient se conjuguer à la violence de la maladie laissant le patient et son entourage dans un désœuvrement psychique et physique.
Le pulsionnel, l’angoisse de mort, de morcellement, la dépersonnalisation : la psychose ne sait pas attendre, ne peut pas. C’est pourquoi, et toutes les études l’expriment haut et fort, l’accueil est essentiel. Première réponse thérapeutique qui détermine l’adhésion aux soins.
Le GHT va générer plus d’agressivité, d’insécurité, l’enveloppe sectorielle se trouera de plus en plus. Nous ne ferons que colmater encore et encore avec au bout un épuisement professionnel déjà bien éprouvé dans différentes équipes. Nous serons tous touchés, soignants, patients.
Je ne peux accepter que cette loi inhospitalière prétende améliorer le parcours du patient.
En psychiatrie, certains seront abandonnés et se retrouveront à la rue. Pour d’autres, la famille ne pourra les (sup)porter qu’un temps. La maladie se manifestant à son paroxysme faute de réponses adéquates, nous assisterons à l’accroissement de passages à l’acte.
Une des missions du secteur, de l’intra vers l’extra-hospitalier est d’être un moi auxiliaire qui borde, donne un cadre, tente d’apaiser et non un réceptacle du vide.
La chute en sera moins douloureuse si nous faisons corps et résistons à cette volonté de considérer la psychiatrie comme la dernière roue du carrosse.
Mon héritage est celui de la psychiatrie institutionnelle, de la politique de secteur.
Mon désir est de transmettre cette expérience dont la subjectivité, au cœur du soin, est nourrie de bon sens thérapeutique dans une équipe pluridisciplinaire.
Offrir un service public digne de ce nom pour tous sans cesser de l’améliorer, de l’inventer.
Malika Kèchkèche, Infirmière de secteur psychiatrique
E.mail : malinka.quetche@gmail.com