Les psychiatres et la gauche

Les psychiatres et la gauche

Caroline Eliacheff – France Culture

logoLes médecins n'attendent généralement pas grand-chose de la gauche à une exception près: les psychiatres surtout depuis l'orientation impulsée par Nicolas Sarkozy vers le tout sécuritaire. Ne voyant rien venir concernant la refondation de la psychiatrie plus conforme à l'éthique soignante, ils commencent à s'impatienter.
C'est dire que le plan autisme présenté par Mme Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées, était attendu avec espoir. Eh bien, ce plan renforce plutôt le camp des déçus.
Pour comprendre la déception -le mot est faible- il faut rappeler que nous en étions restés, en matière de prise en charge de l'autisme, aux recommandations de Haute Autorité de Santé classant les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle dans les interventions "non consensuelles" au seul profit des approches éducatives comportementales. Au grand dam des psychiatres et psychanalystes qui pratiquent depuis des années, pour autant qu'ils en aient les moyens, une approche variée, adaptée à chaque cas et aux souhaits des parents, contestant qu'une seule méthode, la leur ou une autre, puisse avoir le monopole de la prise en charge des autistes.
Leur critique a reçu le renfort inespéré de la revue indépendante Prescrire qui s'est penchée sur le guide issu de ces recommandations. La revue conclut:
"Ce guide privilégie les méthodes cognitivo-comportementales et écarte les autres approches sans argument solide. Ce choix exclusif est non ou mal étayé. Il n'aide pas les soignants de premier recours ni les familles à faire des choix éclairés".
Le plan autisme était l'occasion d'apaiser un conflit largement dépassé en pratique entre psychanalyse et éducatif ainsi qu'en témoignent les livres récemment parus de Bernard Golse, Pierre Delion ou Laurent Danon-Boileau. C'est exactement l'inverse qu'a choisi Mme Carlotti. Elle affirme:
"En France depuis 40 ans, l'approche psychanalytique est partout et aujourd'hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d'autres méthodes pour une raison simple: ce sont celles qui marchent et qui sont recommandées par la HAS".
On ne s'attendait pas à retrouver des propos aussi tranchés qu'inexacts dans la bouche de la Ministre. Si l'on veut rattraper notre retard, est-ce bien le moment de s'engager dans le tout-éducatif au moment où ce choix, appliqué depuis longtemps aux Etats-Unis, est fortement remis en question. Dans quelques années, le bilan risque d'être accablant. Au moins les psychiatres ne pourront pas être désignés comme bouc émissaire!
Mais la ministre ne va-t-elle pas trop loin en déclarant:
"N'auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demandons de travailler".
Depuis quand un ministre impose-t-il un mode unique de prise en charge qui ne fait pas consensus? On attendait de la gauche qu'elle résiste à imposer une réponse univoque à la plus complexe des affections, tant par son origine multifactorielle que par ses expressions cliniques. Hélas, à tort.

à écouter: http://www.franceculture.fr/emission-les-idees-claires-de-caroline-eliacheff-les-psychiatres-et-la-gauche-2013-05-15

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