>Documentaire sur Public Sénat : questions sur la place du malade mental

Le Quotidien du Médecin 19 11 2010

La chaîne parlementaire Public Sénat propose lundi soir (22 novembre) la première diffusion d’« Un monde sans fous »*, un documentaire riche et militant, qui explique comment le rêve humaniste de désaliéner la santé mentale a engorgé les hôpitaux, jeté les psychotiques dans la rue et désorienté les familles.

CARRIÈRES-SUR-SEINE, rue de l’Égalité. La caméra suit une femme qui part déposer des fleurs dans un drôle d’endroit. C’est un squat où a vécu pendant 26 ans son frère Sulleman. Diagnostiqué schizophrène depuis son adolescence, il est mort à l’âge de 42 ans dans la rue, après avoir erré de foyer en foyer, « incompris par la société », peste sa sœur. Cette tragédie aurait pu être évitée, affirme-t-elle, « si une aide psychologique avait été apportée à sa famille ainsi que des structures adaptées ».

Quelle place notre société réserve-t-elle donc encore aujourd’hui à la maladie mentale ? C’est la question, vaste et complexe à laquelle ce documentaire riche et ample donne quelques bonnes pistes de réflexion.

50 000 lits fermés.

Il y a 50 ans, raconte la voix off, la psychiatrie publique avait progressivement ouvert la porte des asiles, rêvant d’installer le soin psychique au plus près de la vie des patients, hors de l’hôpital. Preuve par l’image : direction Reims, où l’application de ce (beau) principe a fonctionné. Frédéric témoigne comment, grâce aux appartements thérapeutiques puis aux appartements « protégés », il a pu revenir à la vie. On entre également dans les murs du centre médico-psychologique Antonin Artaud. « Ici, toute la population du secteur peut recevoir des soins psychiatriques, même en urgence », explique Christophe Ponsard, infirmier. Bien conscient des limites du dispositif, le Dr Patrick Chemla, psychiatre, explique que « le côté trop chaleureux du Club thérapeutique peut persécuter (les patients), ils peuvent avoir besoin quelquefois d’aller à l’hôpital, dans un lieu très très cadré ». Trop d’ouverture peut tuer l’ouverture, en quelque sorte. Il est bon d’en faire usage avec tact et mesure.

Depuis les années 1970, 50 000 lits ont été fermés en psychiatrie publique, sans que suffisamment de structures alternatives de prise en charge aient vu le jour, rappelle le documentaire. Les hôpitaux publics en déserrance ne gèrent plus qu’un flux tendu de patients en crise. Le film montre aussi que la maladie mentale repose de plus en plus sur l’associatif et les familles, souvent dépassées. « Il faut savoir jongler », déplore la mère d’un malade, quand son fils, en crise, a besoin d’un lit d’hôpital.

Surgit alors l’équation dramatique « Pas de lits + Pas d’hébergement car pas de revenus = à la rue ». « On espère ne pas voir ce qui s’est passé aux États-Unis, à savoir la mort des psychotiques dans la rue », s’inquiète Roland Raboin, infirmier psychiatrique du réseau Souffrances et précarité. On estime en effet que le tiers des SDF souffrent de maladies mentales.

« On a confondu une réforme fondamentale de l’asile avec la destruction de l’asile », résume le psychiatre Hervé Bokobza.

Qui a les clefs ?

Le micro est aussi tendu aux juristes. « Le parcours du fou est relativement bien balisé, explique Serge Portelli, vice-président du TGI de Paris. C’est une sorte d’allers et retours entre la rue, le foyer, ce qu’il reste de l’hôpital psychiatrique, la prison et nous, juges. Nous jouons un rôle assez bien huilé dans le système. » La présidente du syndicat de la magistrature, Emmanuelle Perreux, dénonce, elle, une « justice automatisée ». « On juge un acte » (pas une personne).

Le reportage évoque aussi les méthodes comportementalistes, avec l’exemple de Créteil, où la priorité est donnée à l’efficacité pragmatique pour atténuer le handicap et donc accélérer la réadaptation des patients au monde du travail. Il montre encore un jardin thérapeutique. « Qui a les clefs du hangar ? », comme il dirait « Qui a les clefs de la psychiatrie ? », demande un interne(-jardinier) en psychiatrie, convaincu par cette méthode douce, au long terme et non exclusivement médicale.

Le journaliste Philippe Borel, traverse l’Atlantique et montre l’alliance entre les neurosciences et la cybernétique. Chapitre sciences et recherche. Retour en France. Le Pr Yves Agid, directeur scientifique du tout nouvel ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière) s’enthousiasme de son côté, casque de sécurité vissé sur la tête à l’occasion d’une visite du chantier (du futur institut), sur « le formidable boum de la prise en charge des malades psychiatriques dans les années à venir. J’envie la jeune génération de chercheurs en psychiatrie ».

On ne sait pas trop s’il y a vraiment à envier quelque chose.

AUDREY BUSSIÈRE

Le documentaire « Un monde sans fous ? » sur Mediapart

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32 réflexions sur « >Documentaire sur Public Sénat : questions sur la place du malade mental »

  1. Sans parler des expérimentation en cours sur des implants de puces électroniques pour des personnes en souffrance psychique résistants (d’après le reportage) a touts traitements médicamenteux .Le témoignage d’un « économiste » expliquant que les arrêt de travail coûtent beaucoup trop aux entreprises et que la généralisation de ces puces pourraient être une solution pour une assiduité augmentée.La différence semble coûter beaucoup trop cher et malgré l’AAH les personnes « différentes « ne consomment sans doute pas assez.Alors peut on parler d’extermination lente ?

  2. Oui on peu parler d’extermination lente ni plus ni moins,
    sachant que les sujets violents seront enfermés
    dans des structures fermées mais sans véritable soin.

  3. Extermination lente c’est un peu fort mais il y a un implicite pas très humaniste dans ce discours économique.
    Ce qui est sûr c’est que toutes ces politiques sont faites « au nom du bien » selon un modèle où l’homme serait transparent à lui-même et où l’on pourrait corriger ses défauts avec des techniques.
    Pour les « incorrigibles », résistants à cette idée de la transparence, les « solutions » radicales se multiplient. Mais à terme, nous sommes tous des incorrigibles, des déviants etc.
    Si l’on analyse les politiques actuelles, c’est étonnant de voir que partout on parle de « déstigmatiser la maladie mentale » alors que dans le même temps on enferme les plus fous.
    Il va falloir jouer sur ce paradoxe pour démonter ces politiques faites pour notre bien qui mène juste à un individu ISOlé (du nom des normes IS0…)
    D’ailleurs ne pourrions nous pas organiser des trucs pour la semaine de la santé mentale et expliciter sa logique?

  4. @ Orchidoclaste
    « D’ailleurs ne pourrions nous pas organiser des trucs pour la semaine de la santé mentale et expliciter sa logique? »

    Non seulement on peut, mais surtout on doit ! Je suis de Reims, et ici nous envisageons déjà des expos, des débats … Et une projections du documentaire « Un monde sans fous? » est prévue dans la médiathèque le 31 mars. A suivre .

  5. Je viens de voir cet excellent documentaire " un monde sans fous?" de Philippe Borrel lors du festival d'ARIAS ( Association Régionale pour l'Inclusion par les Arts de la Scène ) qui s'est tenu dans ma ville comme chaque année depuis 5 ans.
    Un journaliste , Patrick Coupechoux était présent et a animé le débat suite à la projection. Enfin , quand je dis "animé " , je devrais dire " dirigé" …
    Ne laissant pas ou très peu de place à la parole des autres ….
    Le public était-il unanimement de son avis pour ne pas intervenir ?
    Ce  film-documentaire  est  riche d'enseignements  et  donne un juste éclairage sur les futures orientations de la psychiatrie et sur la place laissée  à nos malades par notre société .
    Il est moins objectif quant à la recherche médicale et à ses avancées technologiques dont les patients pourraient bénéficier un jour.
    Si je veux m'exprimer ici , c'est  parce -que  Patrick Coupechoux a fait deux remarques qui m'ont profondément choquée en tant que mère d'un fils de 41 ans atteints de troubles schizophréniques depuis l'âge de 27 ans ( âge du diagnostic mais pas de la maladie , bien antérieure ! )
    Il a dit , je cite : " la folie , c'est passionnant , la psychiatrie , c'est chiant "
    et la 2° remarque : " il y a d'un côté la folie , ( qui , visiblement l'attire ) de l'autre , le cerveau "….( qui le répugne )
    Pourquoi suis-je outrée ? parce-que , concernant sa 1° remarque ,je pense qu'il n'a jamais demandé à un malade s'il trouvait passionnant d'être fou et comment il vivait sa folie ! secondo , même si la psychiatrie est elle-même malade ( cf "Un autre regard sur la schizphrénie " d'Alain Botéro ; excellent ouvrage car exhaustif et non partisan : chose rare ! ) , elle permet à des milliers de personnes de vivre " comme tout le monde" , tant bien que mal certes , mais hors les murs grâce à une médication adaptée . Bien -sûr , cela ne suffit pas mais je puis vous affirmer que – accompagnant mon fils au quotidien – , sans traitement , il passerait sa   vie à l'hôpital  et mettrait sa vie en danger .
    A chaque fois qu'il a abandonné son traitement , il y a eu rechute , rechute de + en + gravissime pour lui avec hospitalisations répétées et nécessaires ( même si je suis  bien placée pour dire qu'il y a encore et encore du boulot dans les services psychiatriques malgré la bonne volonté de certains ) et avec un temps de récupération de + en + long.
    Aussi , si nous parlons de la même chose , P.Coupechoux et moi , cad de la maladie mentale et non de ce brin de folie largement répandu dans notre société , c'est une vue de l'esprit de croire que  , concernant une schizophrénie grave , l'on peut s'en sortir  sans traitement .
    J'ajouterais même que c'est à partir d'une stabilisation par un traitement que tout redevient possible, que la vie peut reprendre un cours normal et supportable pour le malade.
    Quant à sa 2° remarque ,"il y a d'un côté la folie ( humaine  pcque irrationnelle ) , de l'autre le cerveau ( inhumain pcque en rapport avec la Science  et rationnel )…….
    Je pense sérieusement que P.Coupechoux devrait aller interroger ses propres représentations sur la folie et  le cerveau !
    Là aussi , plusieurs tendances qui , au lieu de travailler en complémentarité ,s'étripent et s'accusent .Les unes de dire, c'est du "tout environnemental " ( on a qd même laissé tomber la cause éducationnelle qui aura duré 30 ans ! ) , les autres de dire , c'est du " tout génétique"
    Ces deux tendances , prises isolément , sont fausses !
    Le malheur est qu'il en découlent des thérapies toutes plus inefficaces voire dangereuses les unes que les autres.
    Et , comme à chaque fois , qui fait les frais de ce morcellement de la prise en charge ? : le malade
    En exemple dans le documentaire , ces thérapies comportementalistes  qui conditionnent les malades à bien se comporter , à bien réagir dans telle ou telle situation .( on est pas loin de Pavlov )
    Et le "tout génétique"? alors , là , n'en parlons pas ! cette théorie a aussi ses détracteurs .
    Exemples dans le documentaire d'expérimentations de poses d'électrodes , de sondes dans le cerveau d'une femme hautement dépressive , et ce , depuis toujours .
    Après des rajustements , la patiente se sent nettement mieux .
    Alors , je dis que P.Coupechoux , journaliste , devrait là aussi , interroger  ses  propres représentations qu'il a du cerveau humain et je lui pose la question suivante :  cela vous parait-il non éthique  d'aller poser des électrodes dans les coeurs humains afin que des être vivent mieux ou vivent tout simplement ?
    Non , bien -sûr , vous ne trouvez rien à redire à cela
    Pourtant , ces questions -fondamentales à l'époque – ont soulevé bien des interrogations , des polémiques , des réflexions éthiques en haut lieu .
    Il en a été de même avec la contraception , l'IVG, la fécondation in vitro ,  les dons d'organes , en particulier
    De tels changements ne se font pas en un jour  mais répondent à l'intérêt général en cohérence avec l'évolution inévitable de nos sociétés . 
    Tout ceci n'est pas de la manipulation
    C'est chercher  des avancées dans l'intérêt des malades et dans le respect éthique
    Pour ma part , je ne vois pas de différence entre le coeur -organe humain vital  – et le cerveau , organe humain  au même titre que le coeur .
    De plus , nous parents concernés par un proche malade ,nous savons très bien que  le cerveau de nos malades dysfonctionne principalement  dans une zone cérébrale qui gère totes les informations extérieures. Pourquoi alors refuser ce qui pourrait
     
     
     

  6. (SUITE )
    Je dis donc que nous devons prendre en compte cet aspect médical .
    Mais je sais aussi combien le lien social , les liens familiaux , la parole, le respect , l'écoute , sont des gages de stabilisation voire de rémission définitive
    Je sais combien l'accompagnement au quotidien est usant , laminant
     Je le vis !
    Je sais aussi combien cette maladie nous a changé , tous
    Je n'aime pas l'idée de " la maladie qui nous fait grandir" mais , qqpart , c'est vrai ….dans le sens d'un enrichissement mutuel
    Je voudrais vous dire une chose : je connais des parents qui ont parcouru le monde  entier dans l'espoir de guérir leurs enfants ( pas toujours avec bonheur : homéopathie , gourou ) et si la SCIENCE que P.Coupechoux récuse avec autant d'excès , peut régler les problèmes des neuroleptiques , de leurs  insupportables  effets secondaires , causes des abandons des traitements , alors , nous n'avons pas le droit  de rejeter un progrès
    Tout ce que je viens de dire est le fruit de 17 ans de réflexion , d'observation et de beaucoup d'écoute .
    je suis avec lui comme avec tout le monde ; j'ai tout de suite perçu -intuitivement- que je m'adressais en 1° chef  à sa Personne  et non à son handicap.
    Je m'adresse  à un être humain qui a ses idées , ses convictions ,sa personnalité ,ses peurs et quelques joies …
    Je suis là pour lui rendre la vie plus douce , le rassurer
    Alors , folie   ? cerveau   ? psychiatrie  ? tout ça est intimement lié , non ? Et les opposer  ou les neutraliser me semble pure élucubration intellectuelle .

  7.  
    Bonjour, je viens de lire attentivement votre intervention et suis vraiment "inquiet" de vos propos. J'ai souffert de psychose à partir de l'âge de 17 ans et ce durant des années. J'ai été aidé par des thérapies institutionnelles accolées à des traitements par neuroleptiques et ne me considère plus désormais comme malade, 20 ans après. Mais me suis-je déjà considéré comme tel ? Le discours qui tend à dire que "tout est bon dans le cochon", c'est  à dire que toutes les approches sont à accepter parce que que ça pourrait "surement aider" est à mon sens dangereux. Le film de Philippe Borel montre les différentes approches, les différentes manières de prendre en compte les psychoses par des professionnels du domaine. La manière dont sont accueillis ceux qui souffrent est essentielle, elle détermine comment ils pourront ou non s'envisager en tant qu'être humain vivant une terrible expérience, effrayante, mais pleinement reliée à leur histoire. 
    Sans mon histoire je ne suis rien. 
    Ou bien si : je peux être un cerveau, un tas de nerfs, une prédisposition génétique, un ensemble de facteurs, une somme de symptômes, etc… Le problème c'est que je suis moi uniquement parce que je suis relié à mon histoire, à une parole et à des échanges avec d'autres humains. Les médicaments n'ont rien à voir avec une pseudo science psychiatrique du cerveau visant à faire croire que tout se passe à des niveaux maîtrisés et fonctionnels. Les médicaments m'ont été indispensables (et le sont parfois encore, d'ailleurs), mais ils n'ont été qu'un moyen de me permettre de parler, rentrer en relation, comprendre, apaiser une douleur, accepter : accepter moi, le monde et les autres. Je ne me considère pas comme schizophrène bien qu'ayant été "placé" plusieurs fois en cellule d'isolement, effectué des séjours traumatisants en hôpitaux psychiatriques, ayant confondu mon monde intérieur avec le monde en tant que tel.
    Aucune science du cerveau, neurosciences ou autre fable moderniste ne pourra me donner ce que les soignants qui m'ont aidé à sortir du gouffre dans lequel je m'étais projeté m'ont donné : de la chaleur humaine portée par une capacité extraordinaire à m'écouter et à me permettre de sortir de ma folie. Cette relation de psychothérapie (pas en hôpital, soyons clair) a été soutenue par des médicaments : pourquoi opposer les médicaments à la relation ? Ce qui est à opposer à la relation, c'est la volonté de "scientiser" la folie, le délire mental, d'en faire une variable d'ajustement que des machines manipulées par des hommes en blouse blanche tenteront d'abolir, d'effacer. 
    La réalité est que je ne regrette en aucune manière ma folie passée, qu'elle m'a construite même si j'ai cru à de nombreuses reprises qu'elle allait me tuer ou pire, m'enfermer définitivement. Si votre fils souffre, ce que je regrette et peux parfaitement comprendre, ce ne sont pas des découvertes du fonctionnement cérébral qui l'aideront : elle ne pourraient que faire une chose ces "découvertes" (et c'est là le nœud de l'histoire pour moi) : lui retirer sa part d'humanité en voulant lui retirer sa "folie". Le cerveau est la chose la plus complexe qui soit. Il n'est pas possible d'en comprendre le fonctionnement,  à mon sens. Le nombre de neurones dans un cerveau humain est de 10 puissance 11, le nombre de synapses de 10 puissance 14, le nombre de connexions possibles…impossible à calculer. Ce nombre est plus important que le nombre d'atomes constituant l'univers qui est estimé à 10 puissance 80. Vouloir maîtriser le cerveau et agir sur lui pour traiter la folie est une folie en soi à mon sens. Et d'une prétention incroyable.
    La folie (psychose) n'est pour moi qu'une capacité à fabriquer un trop plein de sens mais de manière hypersensible, avec une part de douleur et d'incompréhension de notre propre histoire, histoire qui nous dépasse. Il n'y a pas de progrès technologiques ou scientifiques à trouver face à la folie, il y a des hommes et des femmes soignants, eux-mêmes faillibles, qui doivent tentent d'aider leurs patients en étant le plus près de leur vérité, en étant le plus sincères, en maîtrisant le mieux possible le rapport à soi, au monde et aux autres. Pour libérer par la parole ce qui nous détruit. Pour accompagner la folie afin qu'elle ne fasse plus souffrir. Le cerveau d'un schizophrène n'est pas endommagé, ni défaillant. C'est l'émotion du schizophrène qui est en jeu et sa capacité à la maitriser, à en faire autre chose en tout cas que du délire qui tue à petit feu.
    L'enjeu à venir est celui de trouver des humains encore en mesure d'accueillir la parole des schizophrènes, de leur donner les "justes doses de médicaments" pour calmer leur frayeurs et empêcher que des "médecins-machines" ne jouent aux apprentis sorciers en leur branchant des électrodes pour faire disparaître leurs "symptômes".
    Je ne sais pas si j'ai raison, mais c'est  en tout cas ce que je pense.

  8. Patrick, je suis entièrement d'accord avec vous. J'aurais pu écrire ce texte, c'est exactement ce que j'ai vécu et ce que je pense.
    Le problème quand on considère que la schizophrénie est une maladie du cerveau, c'est qu'on la traite uniquement avec des médicaments. Et quand je vois ce que ça donne sur les gens que je connais, c'est un échec.
    J'ai connu trois périodes dans ma maladie, trois ans sans être soignée, trois ans mal soignée, puis bien soignée et maintenant je vis bien avec juste un traitement.
    Les trois ans sans soins ont été les pires, l'enfer. Après j'ai eu des médicaments, ça a soulagé mes symptômes. C'était déjà beaucoup mieux comparé aux premières années. Mais mon suivi psy était catastrophique, et ma vie assez difficile, d'ailleurs je délirais encore et avais de fortes angoisses même si je maintenais un vernis de vie normale, ce que je ne pouvais pas faire au début de la maladie. Après ça, j'ai enfin rencontré une psychiatre avec qui j'ai fait une vraie psychothérapie, qui était humaine, chaleureuse, il y avait une confiance réciproque. C'est ce qui m'a sauvée et me permet de vivre aujourd'hui sans quasiment aucun symptôme, avec juste les médicaments comme garde-fou. Je dis toujours que les médicaments nous permettent de remonter à la surface, mais que c'est la relation thérapeutique qui nous apprend à nager. Et malheureusement trop de patients sont privés de cette dernière (dix minutes par mois pour dire à un psychiatre qu'on dort bien, ça ne compte pas).

  9. Merci pour ce témoignage Laurence, il est important de dire ce qui est, et non ce qui est supposé. Les raccourcis et amalgames sont un peu décourageants, et quand je vous lis ,Martine, je ne comprends pas vraiment :
    "…cela vous parait-il non éthique  d'aller poser des électrodes dans les coeurs humains afin que des être vivent mieux ou vivent tout simplement ?
    Non , bien -sûr , vous ne trouvez rien à redire à cela
    Pourtant , ces questions -fondamentales à l'époque – ont soulevé bien des interrogations , des polémiques , des réflexions éthiques en haut lieu .
    Il en a été de même avec la contraception , l'IVG, la fécondation in vitro ,  les dons d'organes , en particulier…"


    Comparer les dons et greffes d'organes, la contraception, l'IVG (?) avec les traitements es schizophrènes par des technologies du cerveau est comment dire…? Aberrant. Le cœur est un organe qui n'a strictement rien à voir avec le cerveau, comme la contraception n'a rien à voir avec la psychose. Une maladie du cœur non plus n'a rien à voir avec une psychose. Parce qu'il serait bon de rappeler que personne ne sait ce qu'est réellement la psychose, c'est à dire d'où elle provient. Parce qu'elle est simplement une part de l'homme ? Voudrait-on retirer cette part ? Et les artistes, fous, qui créent en délirant, on leur fait quelle ablation au niveau de l'avancée médicale ? On leur pratique une IFP (intervention Forcée de la Psychose) ? Une maladie, c'est quand même quelque chose de précis, la psychose est-elle une maladie ? Une maladie, forcément, c'est visible, ça se mesure. Comme on mesure la pression artérielle.
    Qui sait mesurer le degré de ma psychose ? Comment sait-on jusqu'à quel point je fabrique ou je subis, je suis acteur ou ne fais que subir ? Qui a les outils pour mesurer ma souffrance psychique ? je serais bien curieux de le savoir.
     
     

  10. je me doutais bien que mes propos seraient sources de débats
    Mais je suis AUSSI totalement d'accord avec ce que vous écrivez l'un et l'autre !
    encore une fois , ne jetons pas "le bébé avec l'eau du bain "
    Sans vouloir faire à tout prix l'apologie des médicaments comme SEULE solution de  traitement ,  vous dîtes Laurence , que "maintenant  , vous vivez bien avec juste un traitement " et que , sans traitement , c'était l'enfer
    Patrick , vous dîtes " avoir la juste dose pour calmer mes angoisses"
    Mais je partage à fond ! je connais trop l'insupportable de ces angoisses
    D'ailleurs , qd mon fils est ainsi , je suis moi-même très angoissée ; comme si je " la prenais sur moi " pour l'en décharger …..un peu
    j'écoute , j'accompagne quotidiennement mon fils ; je connais sa souffrance psychique mais je ne peux et n'est pas envie de l'évaluer !
    je sais simplt repérer quand il va mettre sa vie en danger ; par ex , ne plus s'alimenter , ne plus boire , ne plus dormir , ne plus …..pouvoir avaler , même  pas sa salive ! et je ne dis pas tout
    Mais encore une fois , je comprends votre "indignation "
    mes propos se plaçaient par rapport à un débat ( auquel vous n'avez pas assisté , c'est vrai ) et dans une optique d'ouverture progressiste entre les & approches de prise en charge
    Je suis la 1° convaincue de la nécessité de lieux d'écoute et de paroles , d'une activité aussi au sein d'un groupe qui donnent l'occasion de s'exprimer , d'être fière de soi , d'avoir réalisé qqchose qui est très salutaire comme pour tout un chacun !
    je bénis ceux qui ont la chance de pouvoir exprimer leurs talents ; j'en connais
    Mais comment faire avec une personnalité qui REFUSE tout cela ? qui "a mis un mouchoir" sur ce qui a bien pu déclencher ses délires récurrents ? j'en connais des bribes car c'est à moi que mon fils raconte  TOUT
    si j'ai comparé le cerveau aux dons d'organes ou à la fécondation in vitro  , c'est ds ce sens : les grands changements bioéthiques se sont faits difficilement  et ont pris du temps ; y -t-il outrage que de penser , qu'un jour peut-être ????……
    En tant que parent , nous espérons – secrètement  – une solution sans effets secondaires ,  …… ET surtout qui rende la vie meilleure à nos enfants

  11. Je crois que là on s'égare… Le sujet c'est de savoir comment la société envisage de traiter ses fous, et ceux qui ne le sont pas mais qui sont des déviants au regard de la rentabilité. Doit on laisser s'imposer ces méthodes ou pas ? Doit les enseigner dans les universités ou pas .

  12. vous avez raison mais ce qui a été écrit est important  et mérite toute notre attention.
    "comment notre société envisage de traiter ses fous et ceux qui ne le sont pas mais ne sont pas rentables pour autant "?
    bien malin qui peut le dire mais il est vrai que la tendance n'est pas à la tolérance et à l'acceptation de la différence qui fait la richesse d'une société…
    Une société qui cache ses fous est une société perdue et malade ; oui , je suis d'accord avec cette idée ( nous cachons aussi par les mots employés   )
    je me suis toujours et très tôt insurgée contre le fait que , ds des conférences , on ne parle + de maladie mentale mais de troubles psychiques , que l'on ne dise + psychiatrie mais santé mentale , promotion de la santé mentale ; nettement  plus politiquement correct !
    A force , certaines personnes ne savent plus de quoi l'on parle !
    Quant à enseigner ou pas les & tendances que l'on voit se dessiner ds l'enseignement universitaire , je n'y vois qu'un seul avantage : une personne avertie en vaut 2 !
    et ceci peut être matière à haute réflexion pour les générations des futurs professionnels de santé ( au sens large )  , du social , de l'accompagnement  .  
    Mais vu  la lourdeur  des programmes , je ne vois pas très bien où cet enseignement pourrait être dispensé : en Santé publique ? Economie de la santé ?
    Mais , ce n'est que mon petit avis….

  13. Pour répondre à Zyplox, c'est avec l'angoisse et le désarroi des familles, très compréhensibles que certains "savants fous" jouent l'avenir de la prise en charge des fous. Parce que si l'on est prêt à prétendre qu'en plaçant des implants dans notre cerveau, nous ne subirons plus certaines pathologies…il y a du souci à se faire. C'est là où je dis à Martine, méfiez-vous des discours qui prétendent régler les problèmes avec les avancées de la recherche sur le cerveau. Parce que si vous écoutez bien, ce sont des symptômes qui vont être combattus. La tristesse, l'angoisse, la peur seraient vaincues. Mais ces émotions sont centrales, elles sont le propre de l'être humain. Lisez ou relisez "le meilleur des mondes" et vous verrez le monde qui se dessine. Un monde tellement parfait et scientifiquement géré que la liberté et l'humanité en auront disparu.
    Votre fils peut s'en sortir. Chacun peut sortir de la psychose. Mais si demain c'est la nouvelle médecine qui le fait sortir de la psychose pour devenir un humain modifié avec un cerveau modifié, sans émotions ou avec des émotions modifiées par des machines, sera-t-il encore lui-même ? Je ne sais pas d'ailleurs si votre fils accepterait plus qu'on lui trafique le cerveau plutôt que d'aller parler en thérapie. Devrait-on l'obliger à être modifié par les sciences du cerveau ? Qui en aurait le droit ?

  14. D'autant plus que l'Unafam a cautionné le discours de Sarkozy et le projet de réforme, s'en réjouit même.
    Martine, je précise quand même que j'ai dit que c'était l'enfer sans soins, et non seulement sans traitement, et que le traitement seul n'a pas suffit.
    Je suis d'accord aussi ave le fait que psychiatrie n'est pas un gros mot, et que la dérive vers la santé mentale fait passer en douceur le fait qu'elle s'occupe(ra) de tout le monde, et abandonnera les "vrais" malades, soi-disant irrécupréables, et surtout présentés comme dangereux  (ça ne choquera donc plus grand-monde qu'ils restent enfermés sans soins), pour se concentrer sur ceux qui peuvent être productifs, sur ceux qui souffrent d'un libéralisme écrasant, et afin même de ne pas remettre en cause ce libéralisme.

  15.  A  Laurence , où avez -vous vu que l'Unafam cautionnait le discours de Sarkosy ?  Je suis adhérente de l'Unafam , ai tous ses numéros de son excellente revue trimestrielle " Un autre reagard" depuis + de 15 ans  , ai suivi ses formations  , en particulier Profamille et  , vraiment , je ne vois pas ce dont vous parlez
    A Patrick : " devrait-on obliger qq'un à être modifier par les sciences du cerveau "?  la réponse est : NON 
    Qui en aurait le droit ? : PERSONNE
    PS : ne croyez -vous pas que les neuroleptiques modifient aussi le cerveau ?

  16. http://www.unafam.org/actualites/communiques/38.html
     
    Excusez-moi, mais je vous trouve un peu naïve quand vous dites que personne n'aurait le droit d'obliger quelqu'un à modifier son cerveau. Depuis quand les personnes souffrant de maladies mentales ont-elles des droits réels? Droit à la liberté, droit de choisir son hôpital, droit de prendre ou pas son traitement? Aucun, puisque tous peuvent être balayés par une mesure d'urgence. Droit par contre d'être attachés, isolés, d'être privé de liberté sans justice, oui, effectivement nous avons quelques droits qui nous sont propres, mais on s'en passerait bien. Malheureusement les politiques ne vont pas de ce sens, et l'Unafam les approuve.
    Je préfère ne plus parler de l'Unafam parce que je n'ai pas envie de devenir agressive.

  17. Je suis désolée de votre ressenti par rapport à l'Unafam qui est à l'origine du Livre Blanc , de la reconnaissance du handicap psychique ,  du droit des malades , qui milite et oeuvre pour la création de plus de structures alternatives , qui aide et accompagne les parents , les familles, qui défend la participation des usagers dans toutes les instances.
    Si ce n'est pas trop indiscret , car il est vrai que cet espace est un lieu d'échanges et non d'opposition ou de pugilat
    ce n'était  pas mon objectif en m'inscrivant – très récemment – sur ce site et je pense aussi , comme Zyplox , que nous nous égarons
    Cependant , un rappel : ce n'est pas de la naiveté , c'est la loi : tout patient  a le droit de refuser des soins  , même les malades psychiques  au même titre que les autres !
    tout patient  -psychiques ou pas – ne peut pas choisir son hôpital   ni un service hospitalier à cause de la carte sanitaire 
    je sais qu'il a des cas qui relèvent de l'urgence  et donc , selon les circonstances , de l' HO ; là on est dans une situation particulière d'injonction de soins
    je précise que tout ce que je dis n'entraine pas forcément mon approbation  ( sf pour le droit de refuser des soins ; là , je suis complètement d'accord  même si , parfois , en tant que parent , c'est dur à admettre )
    je fais simplt  un constat
    Si je peux me permettre : ne restez pas dans cette révolte ; ce n'est pas bon pour vous et ça n'est pas constructif
    cordialement

  18. à Laurence :
    viens de m'apercevoir que je n'ai pas fini une phrase ! je recommence donc 
     si ce n'est pas trop indiscret, car il est vrai que cet espace est un lieu d'échanges et non d'opposition ou de pugilat , quelles sont les raisons de votre  indignation contre l'Unafam

  19. On n'a pas le droit de refuser des soins, puisqu'il existe des HDT et des HO.
    Je ne sais pas si c'est sain ou pas d'être révoltée contre l'Unafam, mais le fait est que nos points de vues sont radicalement opposés.
    Je veux bien donner mes raisons, même si j'imagine que tout le monde va me tomber dessus après, mais bon… Je précise quand même avant que c'est contre des idées générales, contre certaines personnes, mais que ce n'est pas pour ça que je vais rejeter toute personne adhérant à l'Unafam, ou Similes leur équivalent belge, ou encore l'équivalent suisse.
    Déjà, je suis contre le fait de nous faire passer pour des handicapés, car une maladie évolue, se soigne, c'est donc différent.
    Je suis contre le projet de loi de réforme et le discours sécuritaire actuel. Et l'Unafam veut nous réduire nos droits, pas les défendre.
    Je ne supporte pas que des gens disent "nos malades" au lieu de "nos enfants", ni qu'ils disent de leur enfant de 20 ans que sa vie est fichue, qu'ils le condamnent d'avance, mais ça va avec la vision du handicap au lieu de la maladie.
    Je ne supporte pas qu'ils se fassent passer pour les principales victimes de la maladie, qu'ils considèrent leurs enfants comme de grands malades incapables de rien sans eux, qu'ils se demandent s'il faut dissimuler les neuroleptiques dans la nourriture, qu'ils râlent contre les psys qui donnent trop de liberté aux patients.
    J'ai appelé un jour Similes, pour savoir s'ils connaissaient des associations de patients, quand la dame a su que c'était pour moi, son ton a changé et elle m'a parlé comme à une demeurée en me disant que les thérapies de groupe, c'était à l'hôpital.
    Une des mes amies, peintre, a été sélectionnée par l'Unafam pour illustrer leur revue. On lui a demandé comment elle l'avait connue, elle a dit qu'elle était psychotique. Changement de ton également, on lui a demandé si elle voulait qu'on indique son nom sur les illustrations ou qu'on mette "illustrations d'une psychotique", avant de lui dire que finalement on ne la prendrait pas la prochaine fois, parce qu'ils ne voulaient pas mélanger les choses.
    Je ne supporte pas non plus qu'ils ne veuillent pas se remettre en question, que toute la folie, transformée en simple maladie du cerveau, soit uniquement du côté de leur enfant. Eux sont des parents parfaits qui ont la malchance d'avoir un enfant, pardon un malade, handicapé. Et pourtant quand on parle avec les soigants, ils l'avouent à demi-mots ou le disent carrément, les familles sont souvent pathogènes. A ce jour, je n'ai jamais rencontré un schizophrène qui n'ait pas une famille dysfonctionnelle. Je ne dis pas que c'est la cause unique de la schizophrénie, loin de la, mais ce serait pas mal que les parents veuillent bien réfléchir à ça, au lieu de tout remettre sur le dos de leur enfant, seul coupable du naufrage et seul à devoir se remettre en question.
    Je connais des mères de schizophrènes qui ont fui l'Unafam parce qu'elles ne supportaient pas leur vision misérabiliste, ni le fait de leur dire qu'il fallait considérer leur enfant comme s'il avait 5 ans.
    Je connais des parents à l'Unafam qui expliquent tout chez leur enfant par la maladie, en étant condescendant.
    Voilà, ma vision des choses c'est que je suis avant tout un sujet, que j'ai une maladie et pas un handicap, que j'écris, que j'ai une pièce de théâtre en cours d'être mise en scène et que ce sera mon nom qui sera sur l'affiche et pas "une psychotique", que je veux les mêmes droits que tout le monde, que ce ne sont pas les autres qui savent ce qui est bien ou pas pour moi, que ma famille est dysfonctionnelle, que j'ai des torts mais certainement pas tous, que je n'ai jamais voulu qu'on dise que ma vie était fichue, que tout ce que je fais ou dit n'est pas à mettre sur le dos de ma maladie, que la principale victime c'est moi et non ma famille, même si je ne nie pas les douleurs des familles, et que je n'ai pas à être infantilisée. Et c'est comme ça que je m'en suis sortie.

  20. Je vous renvoie la balle Laurence, je n'aurais pas mieux dit…
    Parce que le fond de la discussion est quand même très important pour nous autres ayant subi cette fameuse psychose, nous autres qui avons été en des endroits d'où l'on ne revient pas les mêmes et qui avons exploré des méandres de la psyché humaine.
    Ce fond c'est celui de la liberté et de l'âme humaine. Nous parlions du cerveau, fort bien. Mais quid de l'âme ? Pas celle des religieux, mais celle qui nous permet d'imaginer, de rêver éveillé et bien entendu parfois…de délirer. Parce que dans le délire il n'y a pas que du mauvais, de l'horrible, ce n'est pas comme le cochon, l'âme humaine, c'est plus compliqué, il y a du terrifiant, mais il y aussi des moments d'une intensité incomparable, du sentiment de puissance, de dépassement de la réalité, de formes d'infinis et d'universalité. Du délire qu'on voudrait voir durer éternellement. Et oui.
    On en parle peu parce que ce serait "cautionner la psychose", mais pourtant c'est le cas. J'en ai souvent parlé avec d'autres qui eux aussi étaient passés par ces moments de délires "magiques", ces portes fabuleuses, ces compréhensions "surnaturelles".
    Il y a aussi de la création dans la psychose. De la découverte. On invente un autre monde, dont on est souvent le centre, et ce monde peut être rempli de fantômes effrayants comme de rencontres fabuleuses, de fictions absurdes comme "d'histoires vraies" ayant trait à notre propre histoire.
    On ne naît pas psychotique, on le devient à un moment. Puis on en sort—ou pas. Et il est étonnant de découvrir en thérapie le nombre de personnes psychotiques ayant subi des abus sexuels enfants ou des traumatismes de toutes sortes. Comme c'est bizarre…
    Alors certainement pas un handicap ni une maladie, un passage excessivement difficile, oui. Un combat pour en sortir. Et pour répondre à Ninou sur les neuroleptiques et le cerveau :
    ils agissent sur les transmissions synaptiques, et je crois bien que le système nerveux central est situé dans le cerveau. Mais la différence entre un neuroleptique et une science du cerveau telle que celle décrite par des médecins ou chercheurs dans le film de Phiippe Borel est que le neuroleptique ne va pas "soigner une maladie" qui aurait pour origine un dysfonctionnement d'une partie du cerveau. Le neuroleptique fait tomber le délire, l'écroule (comme le patient), c'est tout. Donc il est crucial, hyper important, mais ne suffit en rien pour guérir. C'est une fois que le neuroleptique est en place que le patient prend sa place dans le processus thérapeutique. Il peut devenir alors acteur du soin. Par la parole, la musique, la peinture, le théâtre, l'écriture, avec des thérapeutes qui "savent qu'ils ne savent rien" mais aident ce patient, l'accompagnent vers une issue qui lui convient. Pas qui leur convient. Et ça, ça s'appelle du soin thérapeutique.
    Et c'est comme ça que je m'en suis sorti, moi aussi.
    Quant à ma famille, elle a été bien dysfonctionnante, elle aussi. Mais je ne lui en veux pas : je crois bien qu'elle ne l'a même pas fait exprès, comme la plupart des familles, qui pourtant, devraient se pencher sur leurs propres failles au lieu d'aller hurler au loup et demander des comptes à tout va.
     
    Mais ce n'est que mon humble avis.

  21. Je suis contente de m'en être sortie, et ne voudrais pas revivre tout ça, mais j'avoue que parfois l'intensité exceptionnelle de ces années me manque. C'était le plus dures mais les plus fortes aussi, et pourtant je n'ai jamais eu de délire agréable.
    Quant à ma famille, moi non plus je ne lui en veux pas. J'ai commencé à m'en sortir quand j'ai compris comment elle fonctionnait, eux n'ont pas voulu le faire. J'ai réglé mes problèmes, le reste c'est le leur et ils en font ce qu'ils veulent.

  22.  
    Merci de votre réponse et de votre franchise  
    ce que vous dîtes est très instructif
    Pour faire en sorte de ne rien omettre , j'ai noté les points essentiels à mes yeux et auxquels je veux répondre , mais en mon nom personnel , bien-sûr ; je ne suis pas la Présidente de l'Unafam !
     je ne sais pas -et ne veux pas savoir -de quel ledélégation vous  dépendez ou avez dépendu
    je ne reconnais aucune de ces idées énoncées
    cependant , je me souviens de la 1° fois où je suis allée aux permanences d'accueil et où un père , âgé et visiblement à bout , m'a dit , alors que je lui disais que mon fils avait trouvé un boulot , sans l'aide de personne : " votre fils travaille ? on a jamais vu un schizophrène  pouvoir travailler " je me suis révoltée et ne suis plus jamais retournéé à ces permanences
    c'était il y a 17 ans !! les mentalités ont changé depuis ; vous ne pouvez pas dire le contraire même s'il y a encore bcp à faire !
    chez moi , nous avons la chance d'avoir même des chargés de mission en insertion professionnelle  en milieu ordinaire de travail ;  il n'y a pas d'handicapés ds notre délégation ; seult des personnes qui ont une maladie fluctuante – vous le soulignez – qui entraîne un handicap essentiellement social  ; le handicap n'a jms été une maladie , il est la conséquence d'une maladie ou d'un traumatisme. Et je vais être franche aussi avec vous , je connais bien le handicap pour en avoir un , physique , congénital ….et  que je considère bénin ! je ne me plains pas , je connais pire
    je vis avec depuis une paire de dizaines d'années et je n'ai jamais considéré le handicap comme une honte ; une gêne , oui , souvent pour faire les choses  aussi vite , aussi bien ….
    cela m'a certainement appris très tôt ce qu'était la différence et à l'accepter et ainsi accepter la différence de mon fils ; je ne le souhaiterais pas autrement ! sa souffrance en moins , évidemment  ; il va  mieux , vit sa vie , seul mais indépendant et autonome …..grâce à son traitement ;  il accepte qu'un  infirmier vienne chez lui ; il refuse d'aller à ses RV  en hôpital de jour  et n'a aucun suivi  psychothérapeutique , il n'en veut pas
    pour en revenir à l'Unafam, j'y suis revenue 15 ans après
    j'ai suivi une  formation d'aide à la communication animée par 2 personnes extra   ; valable pour tout un chacun , vous me direz ! j'ai pu mesurer les différences de parcours des familles , de leur manière d'aborder leurs enfants ou leurs frères et soeurs ou leurs maris malades. Chacun était à un endroit différent dans le cheminement nécessaire et il faut respecter cela
    je pense que vous n'avez pas eu de chance dans vos rencontres à l'unafam ; cacher les neuroleptiques dans la nourriture ??  s'inquiéter d'un psychiatre qui donne "trop " de liberté au patient ?? mais j'hallucine , comme dirait un jeune !
    autre point qui me parait essentiel : vous connaissez bcp de familles qui ne soient pas -peu ou prou -dysfonctionnelle ?et je ne vous apprends rien en vous disant que , quand bien même, cela ne suffit pas à déclencher une maladie . Il y a , vous le savez , de multiples facteurs , environnementaux certes , mais arrêtons avec le facteur éducationnel qui a duré assez longtemps , et qui est en plus , faux 
    Je pense surtout que c'est l'hyper sensibilité et parfois l'intelligence supérieure  de ces personnes qui peut  les fragiliser  plus que d'autres lors d' évènements stressants et / ou malheureux de leur vie , notamment à la période critique de l'adolescence .
    Enfin , il n'y a pas de coupable !!! la maladie est proprement  injuste ; toutes les maladies , celle-ci plus qu'une autre à cause du regard que les autres portent dessus.
    Et vous savez ce que je fais , à mon niveau , pour changer ce regard   ? je sors en ville avec mon fils , je vais boire un verre dans les bars qu'il aime et dans ceux …….qui le refuse ….je vais au cinéma avec lui ….quand il veut ( je précise que je ne le fais qu'à SA demande )
    Je " m'affiche" avec lui  et  immanquablement , j'en suis sûre , les gens s'interrogent 
     j'ai  , d'ailleurs , remarqué de l'attention et de la gentillesse dans le regard des autres
    les temps changent …..soyez confiante
    PS : ces échanges auront été plus prolixes que prévu ; c'est que le sujet est grave ! il y en aurait encore bcp à écrire
     projet sécuritaire par manque crucial d'encadrement : + de psychiatre , + d'infirmiers qui veulent aller travailler en psychiatrie  mais aller sur des plateaux techniques mettre en pratique ce qu'ils ont appris ds leur formation devenue , il est vrai , de + en + difficile
    les mutuelles santé qui ne remboursent les forfaits journaliers hospitaliers en service psychiatrique qu'à hauteur de 60 jours/an ; la plupart , c'est 45 jours ; c'est un scandale quand on connait la durée moyenne de ces hospitalisations ! c'est retenu sur l'AAH  et il doit rester au malade environ 30 euros/ mois pour vivre !!  ds ces conditions , les familles – quand il y en a une ! – sont mises à contribution
    Bonne soirée

  23. Je ne dépends et n'ai dépendu d'acune délégation. Je me base sur les discussions que j'ai eues, les témoignages sur mon blog, mes lectures, des reportages.
    Les neuroleptiques dans la nourriture, c'était écrit textuellement il y a quelques années dans un livre de l'Unafam.
    Je ne doute pas qu'il y ait des gens biens à l'Unafam comme ailleurs, comme je vous l'ai dit je ne suis pas d'accord avec un discours général et avec les gens à qui j'ai parlé.
    Concernant les problèmes dans la famille, ça ne veut pas dire désigner des coupables. On l'a trop fait, je suis d'accord, mais simplement s'en laver les mains, c'est trop facile. Ca ne veut pas dire que c'est l'éducation qui est en cause, mais les relations dans la famille. C'est politiquement incorrect de le dire, mais je répète que les soignants avec qui j'en ai parlé, s'ils ne diront sans doute pas publiquement, sont d'accord sur le fait que ça joue un rôle. Avoir une responsabilité, ce n'est pas la même chose que d'être coupable. Moi j'accepte mes responsabilités, mes parents, comme l'Unafam, ne veulent pas le faire. Je vais beaucoup mieux depuis que j'ai compris ce qu'il s'était passé dans ma famille, depuis que je peux avoir des relations avec mes parents en m'extrayant de tout ça. Dommage pour eux qu'ils ne veulent pas y réfélchir, nos relations resteront superficielles, mais encore une fois ce n'est pas mon problème. Je m'en fiche parce que ça ne me touche plus, mais malheureusement ce n'est pas le cas pour tous les schizophrènes.

  24. PS: et si la plupart des familles sont dysfonctionnelles, pourquoi celles des schizophrènes refusent de le voir? Pourquoi elles ne le seraient pas, si c'est le cas de tout le monde ou presque?

  25. à Patrick :
    croyais en avoir fini pour ce soir et hop …..
    mais suis bien d'accord avec vous , encore une fois !
    les neuroleptiques ne font que gommer les délires ou symptômes positifs comme on les appelle pcqu'ils "produisent "  et ils ne guérissent en aucun cas
     il est bien connu que l'absence totale de délire est une cause de dépression toujours à craindre dans les 1° mois de traitement ; tellement que certains psychiatres donnent un anti dépresseur en plus ….
    Nous savons -ou imaginons bien – que le délire peut être attirant
    mon fils se plaint de "revenir" au monde , à la réalité …qui est bien dure ;  il a de plus une conscience politique extrême , je le comprends
    Quant au soin thérapeutique ,Patrick  tel  musique , théâtre , écriture , activités quelqu'elles soient , mon dieu , oui , c'est tout ça qui sauve ! puisse mon fils vous entendre !

  26. à Laurence : pcque la CULPABILITE est trop lourde et c'est un sentiment néfaste pour tous
    ceci dit , quand j'ai écrit ça , c'était une façon de parler ; "on a tous qqpart , qqchose qui ….." ça ne veut pas dire que ce soit  pathogène
    mais , j'ajoute que je connais bcp de familles qui ont fait un travail sur elle-même ; vous n'en connaissez pas ?

  27. Des familles de schizophrènes qui ont fait un travail sur elle-même, non je n'en connais pas, mais j'espère bien qu'il en existe.
    La culpabilité est trop lourde, donc on remet tout sur le dos de son enfant, sur sa maladie. Oui, c'est bien ce que je dis, et je ne trouve pas cela correct du tout. Comme je l'ai dit, je n'en veux pas à ma famille, parce qu'ils ne l'ont pas fait exprès, mais qu'on me remette tout sur le dos, avant que je comprenne que c'était faux, ça ça m'a fait souffrir.  Je considère que finalement ma maladie a été une chance en me permettant de comprendre tout ça, de sortir d'un dysfonctionnement familial,  j'ai été obligée de me pencher la-dessus pour survivre. Eux n'y ont pas été obligés, ils ont choisi de ne pas le faire. Oui, on peut préférer cela, et faire porter la culpabilité à son enfant, mais il faut en assumer les conséquences dans ce cas, qui sont soit que l'enfant s'enfonce ou reste dans sa maladie, soit qu'il s'éloigne, pas forcément physiquement.

  28.  

    Le terme pathogène est mal approprié Ninou, puisque vous remettez encore et toujours ce qui nous a affecté, la psychose en terme de maladie. J'insiste, ce n'est pas une maladie. C'est pour cela entre autres que ça ne se transmet pas. Et si "transmission" il peut y avoir au sein des familles, c'est une transmission d'histoire et de traumatisme…pas d'une maladie de la psychose.
    "vous connaissez bcp de familles qui ne soient pas -peu ou prou -dysfonctionnelle ? et je ne vous apprends rien en vous disant que , quand bien même, cela ne suffit pas à déclencher une maladie . Il y a , vous le savez , de multiples facteurs , environnementaux certes , mais arrêtons avec le facteur éducationnel qui a duré assez longtemps , et qui est en plus , faux "
     
    Une famille dysfonctionnelle ne suffit pas à déclencher une psychose ? Mais si ! Bien entendu ! 
    Qu'elle puisse par contre se dégager de toute responsabilité en voulant à tout prix déclarer la psychose en question comme "maladie" parce qu'ainsi elle n'a plus à se questionner, ça oui, je l'ai vu et revu. Et quand vous dîtes "arrêtons le facteur éducationnel qui a duré assez longtemps, et est en plus, faux", je m'interroge.
    Qui a déclaré cette fausseté ? Pourquoi le terme éducationnel au lieu de relationnel ? Parce que le sujet n'est pas de pointer des défaillance d'éducation des familles mais de parler des dysfonctionnements de la relation dans la famille. Et croyez-moi, si les familles se regroupent aujourd'hui pour demander de régler le problème de la "maladie de la psychose" qui en gros nous tombe dessus comme la grippe ou la sclérose en plaque, ce n'est pas pour rien.
    La psychose est un dysfonctionnement de la relation. Je le disais au dessus. A soi, aux autres, au monde. Comment voulez-vous que les familles, au cœur de la relation depuis que nous sommes tout petit ne soient pas "en cause" (c'est à dire en lien avec cette affection) ?
    Pace qu'accepter qu'elles ont une part de "responsabilité" dans cette affection, pas coupables, mais en lien avec, c'est déjà une partie du travail d'aide qui peut être fait.
     
    Alors qu'en le niant, en ramenant la psychose à une maladie et en cherchant des causes ailleurs que dans la relation, on commet une grave méprise. Quant à "faire un travail", oui, si ce travail est réellement celui d'aller chercher là où ça fait mal. Pas de se rassurer ou de se dédouaner.
     
    Parce qu'à force, je fatigue un peu d'entendre les mêmes choses : "laissez-nous tranquilles, nous les familles, nous souffrons de la maladie de notre enfant et en plus les psy nous culpabilisent."
     
    On avancerait un peu le jour où les familles seraient incités fortement à venir elles aussi en thérapie un tant soit peu pour que leur enfant soit pris en charge. Parce que sinon c'est simplement dire : il est malade, occupez-vous en, nous on y peut rien, c'est une maladie grave…
     

  29. Pour moi, il y la folie, qui a du sens, et les symptômes qui nous gâchent la vie qui sont une maladie, et sont traités par les médicaments, mais ce n'est pas une maladie comme les autres, on ne peut pas la comparer aux autres, sinon on oublie le sens qu'elle a. La folie prend son sens justement grâce à la thérapie, aux remises en question, qui sont tout aussi importantes, voire plus, que les médicaments.

  30. Je viens de voir le débat qui suivait la rediffusion du documentaire, très riche, merci au Dr Guyander, au Juge Serge Portelli et à P.Coupechoux pour leur éloquence. Il est possible d'intégrer des fous dans l'environnement, il est possible que ces fous aient une vie stable, mais c'est sur que ça a un cout, car si c'est possible c'est grâce aux équipes qui suivent au Long cours les patients, c'est possible si on laisse à la psychiatrie les moyens de mettre en place des appartements thérapeutiques, c'est possible si on redonne la formation aux soignants, c'est possible si on donne aux fous les moyens de vivre dignement hors les murs, c'est possible, je le sais, je vis chez moi, je vais faire des courses, il m'arrive de prendre les transport en commun, je vis, il arrive qu'on me sourit, merci.

  31. Ca a un coût, mais sur le long terme, ça peut créer aussi des économies. Les quelques années où j'ai vu ma psychiatre une heure par semaine ont sans doute coûté cher à la sécu, plus que quand on voit un psy dix minutes par mois, mais finalement je prends moins de médicaments qu'à l'époque, je ne vois ma psy qu'une ou deux fois par an et je n'ai pas été réhospitalisée.

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