La crevette de Clichy sous Bois
Bernadette Boisse- Christine Manguin
Infirmières.
« Mais bon dieu, ils ne voulaient pas de pommes dauphines pour une fois ! »
Ce soir nous n’allons pas vous raconter l’histoire de la sardine qui boucha le port de Marseille mais celle de la crevette qui mit à mal le budget de l’hôpital.
Plantons le décor :
Un appartement thérapeutique et ses 3 résidents, 2 infirmiers, un dimanche de fin août.
Nous voilà partis au marché afin de préparer tous ensemble le repas thérapeutique dominical.
Liste des courses en main, nous allons d’étals en étals jusqu’à celui du poissonnier. La vue de belles crevettes, des gambas, nous ont mis l’eau à la bouche.
Quelle bonne idée …….
Les patients nous demandent si c’est possible ……
Certains n’en ont jamais mangé, voudraient goûter……
Alors pourquoi pas quelques crevettes bien roses …… Après tout, ça ne va pas chercher bien loin…. et puis c’est pour toutes les fois ou nous nous sommes contentés d’un jambon /beurre. Qu’à cela ne tienne, nous achetons en plus les crevettes, ce qui fera le repas à 14€50 par personne.
Trois mois plus tard, SCANDALE, le service économique a fait ses comptes et nous écrit :
« En dehors de la période pas très propice à la consommation de fruit de mer et du risque de rupture de la chaine du froid dans le transport, le montant de l’achat m’a paru élevé pour un produit qui n’est pas couramment utilisé en restauration collective (sauf en période de fête) »
Telle une crevette décortiquons ce texte :
1) « En dehors de la période pas très propice » : y a-t-il une saison pour les crevettes ?
2) « du risque de rupture de la chaine du froid dans le transport » Comment faire les courses avec les patients, si ce n’est comme tout un chacun ! Après le marché, nous rentrons à la maison avec notre petit panier au bras !
3) « le montant de l’achat m’a paru élevé » Certes si on considère le prix au kilo mais pas si nous ramenons au coût du repas par personne. De plus, nul n’a remarqué à la régie tous les pique-niques très peu onéreux, pris en cette période estivale … C’est aussi un élément de réalité, terme très à la mode en ce moment !
4) « pas couramment utilisé » … et pourquoi ? il faut faire comme tout le monde ???
5) « en restauration collective » Depuis quand faisons nous de la restauration collective à l’appartement thérapeutique ?
6) « sauf en période de fête » pourquoi ? il y a aussi des dates pour faire la fête ???
Mais que diable, arrêtez de casser notre énergie, il nous faut déjà une bonne dose de dynamisme, d’ingéniosité et de motivation, pour susciter du plaisir, de l’intérêt chez des personnes en souffrance, en panne de désir….
Il faudrait en plus se battre face à une administration comptable qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ?
Il y a des personnes payées pour éplucher nos factures ?
Où donc est passé le temps, où notre compétence était reconnue ?
Rappelez-vous, il y avait des ouvriers qui marquait d’un poinçon le fruit de leur travail. Cette marque laissait une trace singulière et personnelle : le sceau de la qualité.
Nul ne vérifiait ensuite les pièces fabriquées par eux ….
AH……. MANGER….. !
Manger est un acte tellement ordinaire qu’on en oublie combien il est chargé de sens.
Le repas thérapeutique va au delà du choix d’un menu, de la gestion d’un budget et de l’organisation de l’espace et du temps.
Médiateur privilégié, le repas est un temps de convivialité, de partage, de plaisir. Il est l’occasion de stimuler, valoriser l’autre dans ses capacités.
Et, en plus, quand on mange, on parle ! Moment de socialisation…
Mais ma parole…. c’est un SOIN !
Nous devons souvent justifier notre travail.
Au nom de quelle connaissance du soin le comptable juge t-il, intervient il pour mettre en question cet acte ?
Réduire le repas thérapeutique à sa plus simple expression, c’est dénier le processus qui s’est construit autour et donc dénier l’acte soignant.
Et puis, tout soin à son plateau ……. Celui-ci, et bien, ce sont des crevettes !!!!!
« Si on traitait les autres comme on traite les objets qui nous tiennent à cœur, ce serait un progrès fantastique » disait Jean Oury
« Monsieur le comptable », nous vous le disons :
Nous ne sommes pas diplômées en restauration collective !
La chaîne du froid n’est pas notre premier souci
Nous confondons peut-être les saisons
Celle des coquillages et celle des fêtes
Mais nous revendiquons d’être des soignants à part entière
Dans les actes que nous posons
Tant qu’ils s’inscrivent dans un projet thérapeutique
Défini et soutenu collectivement (ou par l’équipe ?)
J'ai souvent travaillé dans des lieux de loisirs , notamment pour des enfants et adolescents. Simple animateur, simple directeur (à temps partiel, vacataires d'une commune, contractuel d'une associations). Nous avions souvent l'habitude d'accepter de faire faire faire les courses aux jeunes, qui acceptaient la majeure partie de faire aussi la cuisine. J'ai souvent imposé ceci comme un atelier, un lieu où le soir, tous on se réunirait après que tous nous ayons confectionner de A à Z un ou plusieurs repas. En étant hébergé un mois, ou en étant simplement dans un centre de loisirs fonctionnant le mercredi, voir aussi à des temps post-scolaires. Et ça a toujours marché. On prévenait les parents des jours où les jeunes rentrerait plus tard que prévu, on invitait les différents chefs de centrres, de marie, parfois un médecin, un ancien moniteur, quelques personnes du monde associatif, des gard d'autres communes et on animait le repas pour cinquante, quatre ving personnes, ceux de mon centre , peut-être une cinquantaine avait mis la main à la pate On faisait notre pain, bos yaourt et les courses, la cuisine, la confection des menus, le présentation des tables, à la fin, on faisait la vaiselle, on nettoyait le local, on rendait ce que des familles nous avait prété pour nous aider à confectionner ces repas. Projet purement pédagogique mais sans doute projet qu'il faut creuser ailleurs vu votre article.
Je parle d'une toute autre pratique , ce qui suit n'a pas grand chose en commun avec votre article, il parle de comment, j'ai été dirigé dans un service hospitalier, comment j'ai vécu la thérapie disons d'influence, et comment l'abus de quelques uns conditione l'abus de quelques autres..
Parti d'une réflexion lors de la fin de mon service militaire, et au sortir d'un match de rugby, je venais de regagner ma caserne. Un homme en civil, m'interpella et me dit "Les médecins vous demande". Autant vous dire tout de suite, que j'ai appris après une longue procédure de soins émanant du traitement démarré durant l'armée, qu'il avait été hospitalisé dans le civil. En tout cas, comme il ne fallait pas arrêter le traitement (vous savez comme moi, qu'on ne stoppe jamais brusquement un traitement sous anxiolitiques, ou neuroleptiques voir d'autres, d'un seul coup. Après l'armée, j'ai revu cet homme, j'étais pour une semaine, en cure de repos, dans une clinique spécialisée. Pour la petite histoire, il était juif comme moi, me parla rapidement et me dit en apparté qu'il allait référé de mon cas aux syndicats (parlait-il de syndicats intra-communautaires, parlait-il de syndicats du ministère de la Défense voir des anciens combattants, de syndicats des professionnels de la psychiatrie). Je lui appris que j'allais partir en Israel. Il me dit que l'une de ses filles allait partir. Je l'ai de ce fait, bien connu en Israel, et nous avons beaucoup parlé, notamment de son père, j'appris qu'il était ancien militaire, qu'il avait entendu parler de moi dans cette fameuse caserne, où il m'avait inviter à aller voir les médecins militaires. Qu'en apparté, il n'avait jamais aimé la caserne, où j'avais passé environ cinq mois selon ma duré d'activité et il s'était vu obligé, de constater qu'il régnait un certain antisémitisme, un certain racisme, une certaine xénophobie qu'il avait constaté tout particulièrement un très grand laxisme. J'avais, en outre constaté que les quelques gardiens professionnels , des civils travaillant pour l'armée avaient aussi constaté ce laxisme. Le Capitaine avait été muté, son remplaçant, un maréchal des logis chef ne souhaitait pas non plus que je reste dans cette caserne qui était à titre d'information réputée semée de petits gradés tous mécontents de devoir encore faire des gardes en Allemagne dans le cadre des accords bilatéraux, ils trouvaient notamment et ne se privaient pas de le dire, aux recrues qui arrivaient. Notamment, l'Allemagne nous oblige à faire des périodes dans leur pays, et nous ont dit que c'est toujours la faute des "juifs, des communistes, des tziganes". Tous coupable, encore et encore. Comme, cete homme était lui aussi juif, son influence est monté aux oreilles de mon adjudant, lu-même décidé à que je consulte. Donc je fus dirigé en psychiatrie, du suivre un traitement sous somnifères sous piqure, dormis pour la première de fois plusieurs jours en service fermé. Puis, fut dirigé en service ouvert et dirigé ensuite sur un autre établissement des armées proche de mon domicile Réhospitalisé dans cette clinique, comme je le disais plus haut, et revis cette personne puis sa fille en Israel? Le projet, de cet homme était de me soustraire à tous les quolibets raciaux, à me dégager des obligations militaires autrement, à me permettre de parler de l'abus dont peut-être victime quelqu'un qui est de confession juive quant il vit dans un monde militaire à part. Les repas pris en caserne se faisait toujours dans un bruit indescriptible. La corvée de nettoyable du local m'a permis de constater que c'était très sales..