Samedi 25 septembre 2010, de 9h. à 17h, le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire organise à Villejuif, dans le Val de Marne, un troisième meeting national, sur le thème « Quelle hospitalité pour la folie ? ». Ce devrait être un moment fort de mobilisation contre le projet de loi du Gouvernement réformant la loi sur les hospitalisations en organisant « des soins sans consentement ». Les associations de parents et de patients, en tout cas les plus importantes d’entre elles, la F.N.A.P.S.Y, fédération des associations de patients en psychiatrie, et l’U.N.A.F.A.M., qui réunit les parents et amis de malades, soutiennent ce projet de loi, qui pourtant, à mon avis peut être résumé par trois mots : imposture, illusion, et régression ! Certes cela est quelque peu lapidaire. Quoique !
Nous avons pensé dès lors qu’une « Lettre Ouverte » pourrait tenter d’ouvrir un débat. Nous leur proposons de le commencer notamment lors de ce meeting. Nous leur lançons un appel public :
« Ne vous laissez pas leurrer par une illusion ! »
Le projet de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie proposé par le gouvernement semble avoir recueilli le soutien d’associations de patients et d’associations de familles.
Partant du constat de l’insatisfaction de la réponse à l’attente de soins psychiatriques, du décalage entre certaines situations de détresse et les propositions des professionnels, les associations espèrent que ce texte va créer les conditions pour répondre à leurs inquiétudes.
Il n’en sera rien !
L’utilisation démagogique, émotionnelle de quelques drames, certes très choquants mais exceptionnels, fait de l’exception la règle pour l’immense majorité des situations pathologiques rencontrées. La question de non- reconnaissance de ses troubles par une personne, nécessite au contraire la mise en place d’une patiente approche, l’instauration de l’ébauche d’une relation, la mise en œuvre de la continuité d’un travail de contact, de confiance et de lien avec cette personne et avec son entourage.
En dépit des dénégations officielles, ce projet de loi est d’abord un texte sécuritaire.
Ce projet de loi ne garantit pas le nécessaire équilibre entre les libertés et les nécessités de sécurité publique. Le coeur de ce projet repose sur un dispositif qui va accroître les entrées en hospitalisation sous contrainte et durcir les possibilités de sortie des patients, ce qui aura un impact important sur l’organisation des soins et sur la qualité des prises en charge.
Mais surtout, ce projet de loi crée aussi un nouveau mode de soins, le soin sans consentement à l’extérieur de l’hôpital, ce qui revient à faire de l’espace public et du domicile des personnes un espace de contrainte, de surveillance et de contrôle permanent.
Cette proposition est illusoire car inefficace : il ne peut exister de véritable soin dans la continuité sans adhésion de la personne, en dehors des périodes d’hospitalisation, des situations aiguës où une équipe soignante amène le patient à entrer dans une démarche de soins et dans la conscience de ses troubles.
Les personnes souffrant de difficultés psychiques, affectives ou relationnelles ont le droit, au même titre que les autres, à bénéficier de soins de qualité, de sécurité, de respect de leur liberté, condition indispensable à l’instauration d’une authentique relation thérapeutique, un lien relationnel dans la durée. Tel est le meilleur outil de prévention, de réduction de la gravité de troubles du comportement éventuels.
Les modalités proposées, « les soins sans consentement en ambulatoire et la ré – hospitalisation autoritaire en cas d’abandon du traitement ou non présence aux consultations » vont entraîner au contraire une augmentation de l’échappement aux soins, mettre les soignants dans une position de menace potentielle pervertissant tout projet relationnel et thérapeutique sur la longue durée, et par là même amplifiant de fait les ressentis de persécutions vécus dès lors comme réelles…
Cette disposition : - détruit la qualité du soin qui repose sur la confiance et la proximité entre le patient et l’équipe soignante.
— réduit les soins à l’observance d’un traitement médicamenteux dont nous connaissons les limites, les impasses, les échecs.
— menace la sécurité des patients en les laissant seuls à l’extérieur.
— risque bien au contraire d’augmenter le nombre de patients qui tenteront d’échapper à cette surveillance du fait de la méfiance à l’égard des soignants vécus plus comme des surveillants que comme des alliés.
— réduit la place de l’ équipe soignante au profit d’un protocole de soin standardisé.
— attaque les libertés publiques en faisant du contrôle et de la contrainte les outils privilégiés de cette réforme en contradiction flagrante avec les recommandations du Conseil de l’Europe.
Ne vous laissez pas leurrer par l’illusion qu’un traitement médicamenteux est le seul moyen de contrôler pulsions, délires, hallucinations.
L’intolérance se développe face aux souffrances psychiques. La tendance à l’exclusion des soins des patients dont les troubles s’inscrivent dans la durée, le tri entre les situations d’urgence, les « petits » troubles et désordre psychiques, et les patients lourdement affectés nous inquiètent particulièrement. Ces perspectives justifient la plus grande des vigilances, des rencontres, des partages d’analyse, des modalités d’action commune entre les associations de patients, de familles et les professionnels attachés et engagés dans un accueil humain, des soins de proximité et des thérapeutiques diversifiées
Le Collectif des 39 s’est aussi et surtout constitué face à l’insupportable dérive des pratiques : en tant que professionnels, praticiens travaillant depuis de nombreuses années, en référence à un accueil, une démarche thérapeutique respectueuse de la personne humaine, nous ne pouvons accepter la banalisation des isolements, des contentions, des enfermements d’une époque que nous croyions révolue.
Depuis 2003 et les « Etats généraux de la psychiatrie », nous ne cessons de réclamer aux pouvoirs publics des mesures fortes pour enrayer la dégradation de la qualité des soins. Nous constatons l’abandon de toute politique publique sur ce sujet depuis de nombreuses années et les répercussions que cela entraîne sur la vie des patients et de leur famille. Nous sommes convaincus que tel est aussi votre souci : être accueilli au plus tôt si nécessaire, au plus près de votre domicile, avec des soins respectueux, dignes, et de qualité par une équipe pluridisciplinaire, soignants disponibles et formés à des approches thérapeutiques diversifiées. Des thérapeutiques dans le cadre desquelles vous pouvez devenir acteur de vos soins, responsabilisé au plus tôt et au plus vite dans les lieux d’accueil et de soins. C’est donc à des modalités d’organisation des soins, de l’accueil, de la place des patients et des familles dans le dispositif soignant qu’il faut œuvrer, pour ensuite aborder la question des soins sans consentement. C’est pourquoi nous vous invitons à réexaminer vos positions par rapport à ce projet de loi ». Serons-nous entendus ? Le gouvernement ne cesse de dénier le caractère sécuritaire de ce projet, ainsi que l’opposition de la plupart des organisations syndicales de psychiatres et des personnels soignants.
Lorsque nous avions choisi en décembre 2008 le titre de notre appel « contre La Nuit Sécuritaire » après le discours de Nicolas Sarkozy à Antony, nous la redoutions pour les institutions psychiatriques. Dans la fuite en avant, cette sorte de stratégie de la tension à laquelle nous sommes confrontés depuis juillet (Roms, mensonges d’État, Europe), espérons que cette expression ne soit pas une redoutable intuition de psys pour le pays …