Dépêche APM – Santé mentale
27 janvier 2011
Dans une lettre rectificative présentée mercredi 26 janvier en conseil des ministres, le gouvernement introduit "un contrôle juridictionnel du maintien en hospitalisation sans consentement" dans son projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, déposé à l’Assemblée nationale en mai dernier.
Cette disposition répond en fait à la décision rendue le 26 novembre dernier par le Conseil constitutionnel, qui avait jugé que l'hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux, à la demande d'un tiers, ne pouvait être maintenue au-delà de 15 jours sans l'intervention d'un juge.
Un contrôle systématique du JLD
Le projet de loi rectifié prévoit ainsi "l'intervention du juge des libertés et de la détention pour maintenir une personne en hospitalisation complète sans son consentement au-delà de 15 jours, que cette hospitalisation soit consécutive à son entrée dans le dispositif de soins sans consentement ou qu'elle intervienne après une modification de la forme de sa prise en charge".
En cas de renouvellement de la mesure par l'autorité administrative, elle sera systématiquement soumise à un nouveau contrôle du juge au moins tous les six mois, précise le communiqué du conseil des ministres.
Ce contrôle systématique s'ajoute aux possibilités d'intervention d'ores et déjà en vigueur, le juge des libertés et de la détention pouvant "intervenir à tout moment, sur toute mesure de soins sans consentement, à la demande du patient ou d'un de ses proches, et même d'office".
La réforme à l'œuvre dès cet été
Toujours dans le souci de mieux garantir la conformité à la Constitution du dispositif, poursuit le communiqué publié par l'Elysée, "la lettre rectificative adapte les dispositions du projet de loi initial relatives aux certificats médicaux requis préalablement à l'admission dans le dispositif de soins sans consentement".
L'ensemble de cette réforme concerne près de 70 000 patients par an et entrera en vigueur le 1er août 2011, rappelle enfin le gouvernement, en indiquant cependant que le chef de l'Etat a demandé parallèlement au ministre de la Santé "d'engager, avec les acteurs du secteur et notamment les usagers et leur famille, l'élaboration d'un plan pluriannuel de prévention et d'accompagnement des personnes souffrant de troubles mentaux".
Contre ce "millefeuille sécuritaire"
Du côté des professionnels du secteur de la psychiatrie, justement, on se montre plus que critique sur ces orientations, leSyndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP) estimant que cette lettre rectificative ne fait rien d'autre qu'ajouter "une couche de contrôle au millefeuille déjà construit en introduisant dans le dispositif l'intervention du juge des libertés au 8e jour puis au 6e mois", sans pour autant "tirer les conséquences du positionnement du Conseil constitutionnel".
Rappelant d'ailleurs que, de son point de vue, le projet de loi présenté en mai 2010 esquivait déjà "le vrai débat attendu par l'ensemble des professionnels, des usagers et des familles sur la judiciarisation, et la mise en conformité de la législation française avec les règles européennes", le SPEP réclame donc toujours l'ouverture de véritables discussions "autour de cette question qui touche de près aux libertés publiques".
Pour une loi "équilibrée et juste"
Quant aux échéances imposées par la Haute Juridiction constitutionnelle, elles "ne doivent pas servir de prétexte pour faire passer ce texte à connotation trop sécuritaire", proteste le syndicat par la voix de son président, le Dr Angelo Poli.
"A défaut de pouvoir mettre en place ce débat d'ici à l'été, et pour respecter les attentes du Conseil constitutionnel, il suffirait d'intégrer [sa] demande aux textes [actuellement en vigueur] dans l'attente d'un texte concerté", issu des échanges auxquels le SPEP invite "solennellement l'ensemble des syndicats de psychiatres publics comme nous, mais aussi les syndicats de magistrats, aussi concernés que nous", à participer.
Et ce afin d'élaborer une "plate-forme commune qui servira de base de propositions et de négociations (…) pour la rédaction d'une loi équilibrée et juste".
Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, en ligne sur le site de l'Assemblée nationale, ainsi que son dossier législatif
http://www.assembleenationale.fr/13/dossiers/soins_psychiatriques.asp
En complément à cette dépêche :
>Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : ETUDE D’IMPACT
Cette étude d'impact de 85 pages publiée moins d'un mois après la décision du conseil constitutionnel exprime les orientations à venir du projet de réforme de la loi de 1990 par le gouvernement Français. Morceaux choisis :
"…Sur le mode de soins (article L 3213-3 du code de la santé publique) La suppression des sorties d’essais, remplacées par un régime de soins sans consentement en ambulatoire ne devrait pas modifier sensiblement les nombres d’actes administratifs pris antérieurement. Au cours des années 2008 et 2009, le nombre d’autorisation de sorties d’essai a été respectivement de 4843 et 5236 au titre de la sectorisation parisienne.
En revanche, le projet de loi introduit une disposition qui impliquera davantage les préfets dans le suivi des patients. En effet, le texte prévoit, pour les patients en soins sur décision du représentant de l’Etat qui seront pris en charge selon une forme différente de l’hospitalisation complète, qu’un protocole de soins est adressé au préfet.
Ce protocole, qui sera établi par le psychiatre prenant en charge le patient, précisera les formes de la prise en charge, le(s) lieu(x) des soins et leur périodicité. En cas de modification substantielle de ce protocole, le représentant de l’Etat se prononcera pour savoir s’il autorise la modification de la forme de la prise en charge du patient.
Sur la levée de la mesure provisoire (article L3213-2, 2ème alinéa du code de la santé publique). A l’heure actuelle, seules les décisions d’hospitalisation d’office font l’objet d’arrêtés. La nécessité de se prononcer sur les levées de mesures provisoires intervenant avant le délai de 48h devra donner lieu à formalisation. C’est donc un doublement possible des arrêtés préfectoraux qui est à prévoir, compte tenu des 961 arrêtés précités et des 2000 conduites annuelles à l’IPPP."
…Cependant, les motifs de la décision du juge constitutionnel, et notamment ceux qui ont trait à l’insuffisance du recours actuel devant le juge, eu égard à son caractère facultatif, donnent à penser qu’un renouvellement de l’intervention de plein droit du juge judiciaire s’impose dès lors qu’une mesure d’hospitalisation contraignante est mise en œuvre dans la moyenne ou dans la longue durée.
Cette conclusion peut être corroborée par un parallèle avec le régime de la détention provisoire20 où, quand bien la durée globale de celle-ci a été encadrée par le juge, il appartient au juge des libertés et de la détention de se prononcer de plein droit sur la mesure selon une périodicité qui, selon les hypothèses, est de quatre ou de six mois."
Le document à télécharger : 2010-12-24 Et Impact Projet Loi
Lettre rectificative au projet de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/soins_psychiatriques.asp
Attention, la Lettre rectificative définitive adoptée en Conseil des ministres le mercredi 26 janvier 2011, et publiée sur le site de l’Assemblée nationale http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/soins_psychiatriques.asp n’est plus la même que celle en projet de décembre 2010, diffusée et connue à partir du 16 janvier 2011. Seul le site de l’Assemblée nationale fait foi de la Lettre rectificative définitive adoptée en Conseil des ministres. Les versions Pdf qui circulent sont celles de la Lettre en projet. Toujours comparer avec le site de l’Assemblée nationale pour savoir quelle est la version de Pdf ou celle publiée ou citée sur d’autres sites, y compris sur le présente site et dans l’article ci-dessus. – François-R. Dupond Muzart
C'est corrigé.
(Le Webmaster)
Pas vraiment corrigé… pour l’instant la mention en fin d’article ci-dessus :
Lettre rectificative au projet de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl3116.asp
ne conduit pas au site de l’Assemblée nationale, mais toujours à un Pdf qui est celui du projet de Lettre rectificative, qui n’est pas le texte adopté en Conseil des ministres et figurant sur le site de l’Assemblée nationale, à l’adresse http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl3116.asp
Impasse :
On parle beaucoup du Préfet pour les HO dans le projet de Loi ; pas un mot sur le DARS : Directeur Général de l'Agence Régionale de Santé.
Et pourtant dès le 24.3.2010 dans le cadre de la mise en place de la loi HPST , l'administration élaborait des projets départementaux en matière de veille, sécurité et police sanitaire.
Des échanges d'informations entre Préfet et DARS se projetaient dans des projets de décret voire des délégations du Préfet au DARS pour les hospitalisations sans consentement notamment.
Vous l'avez compris , non, non le DARS n'est pas un Préfet sanitaire !
Pace e salute !