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> LE FORUM FOU, c'est ce dimanche au Petit Bain !

LE FORUM FOU, c’est ce dimanche (15/04/) au Petit Bain !

Après le meeting du 17 mars à Montreuil, dernière mobilisation avant les élections… à l’initiative de l’association HumaPsy !

(Pour ceux qui n’étaient pas au meeting, pardon de vous prévenir à la dernière minute…)

La salle de concert du  Petit Bain accueillera donc trois moments de discussions…

(enregistrées mais pas filmées, on mettra en ligne le Podcast)

15 H : Les « questions qui fâchent » :

Ce sera l’occasion d’évoquer la loi du 5 juillet 2011, le rôle des associations de parents ou d’usagers, l’intervention du Juge des libertés, les difficultés pour dénoncer la maltraitance qu’on peut subir à l’Hôpital … ou toute autre question que vous proposerez pour débattre.

Pause

16 h 30 : Les témoignages

Soignants, soignés, citoyens qui n’avez peur ni des uns (car une psychiatrie humaniste existe) ni des autres (parce que vous en connaissez !), venez vous exprimer, car il faut que ça se sache … Quoi ? Ce que vous voulez ! Vous pourrez aussi remettre vos écrits : ils seront mis à la disposition des participants du forum qui pourront en donner lecture.

Pause

18 h : Et maintenant ?

Quelles pistes pour sauvegarder un accès à des soins qui ne se réduisent pas aux seuls médicaments, au recours à la contrainte et autres dérives sécuritaires ?

La question de la psychiatrie pourra-t-elle se poser dans le débat des présidentielles ?

Quelle hospitalité pour la folie ? – demandent les 39…

Et si on la voulait MAINTENANT ?

http://humapsy.wordpress.com/

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> Je suis là parce que vous êtes là.

L’intervention audio de Madame Jacqueline Berger le 17 mars 2012 à « La parole errante » au meeting

est sur cette vidéo cliquez ici

Je suis là parce que vous êtes là.

Parce que j’ai rencontré des gens, des soignants, des institutions pour jeunes enfants qui avaient la culture analytique comme boussole.

Qu’au plus sombre des années avec mes fillettes souffrant de désordres autistiques très excluant, un peu par hasard, j’ai croisé l’orientation psychodynamique et  que je n’ai jamais eu à le regretter.

Il y a cinq ans j’ai écrit un livre pour témoigner de cela.

Non pas de mon parcours personnel ni des réussites de mes enfants, tout cela appartient à l’ordre de l’intime. Mais pour dire que dans l’autisme infantile il y a quelque chose à soigner, qu’il y a du temps à prendre, à donner pour cela.

Que ce qui est efficient, c’est la réparation par le lien.

A contre-courant des discours qui catégorisent à l’excès les symptômes, du discours qui enferme dans la déficience, le défaut génétique et /ou neuronal, les ratées de l’organe cerveau, je veux redire qu’il y a la possibilité d’une évolution positive des syndromes autistiques, que les enfants qu’on dit «autistes» ne sont pas programmés pour rester enfermés dans leur structure ni à l’être par essence, qu’il y a autant d’autismes que d’enfants diagnostiqués ainsi, qu’une fois le diagnostic posé, les souffrances reconnues, il faut l’oublier pour construire le chemin singulier de chacun, qu’il n’y pas de modèle, qu’il y a tout à inventer pour chaque sujet, à chaque fois et que cela demande une énergie considérable pour les parents et pour tous ceux s’en occupent.

Que c’est le devoir de la société toute entière que de les y aider.

Que la psychanalyse a quelque chose à faire là dedans puisque son objet est la relation à l’Autre, celui qui n’est pas Soi, la bonne distance à l’Autre qui n’est jamais une évidence et encore moins dans l’autisme.

Que ce travail porte ses fruits en matière d’être au monde, ou d’autonomie pour être dans un vocabulaire plus à la mode.

J’ai écrit en 2007 :

« L’« autisme », tel qu’on l’entend aujourd’hui comme pathologie, n’est pas une fatalité, une défaillance « irrémédiablement inscrite dans les lois du corps d’un individu, mais un phénomène évolutif dont les mécanismes s’enclenchent au début de la vie. Il résulte de blessures plus ou moins profondes, plus ou moins précoces dans le « sentiment d’existence » que construit petit à petit l’être humain, être social autant qu’animal.

Il faut en finir avec cette vision d’un mal encore inconnu, qui serait commun à tous. L’« autisme » est simplement une manifestation, celle d’une souffrance profonde dans la manière d’être au monde, particulière à chaque histoire.

Des soins, des réparations sont possibles, d’autant plus porteurs d’espoir qu’ils sont effectués de façon précoce. Encore faut-il redonner à chaque enfant présentant des troubles, l’individualité qui va de soi pour les individus « sains », et dont le qualificatif « autiste » les prive aujourd’hui.

L’« autisme » qualifie un continuum de déviances, de la plus faible à la plus forte, de la plus supportable,  masquable, à la plus excluante. En plaçant l’individu, et singulièrement l’enfant, souffrant de symptômes autistiques, au centre de la réflexion, en décryptant ses perceptions singulières, il s’agit de faire cesser le regard qui aliène. L’« autisme » est une pathologie qui demande qu’on ne s’arrête pas aux apparences.

 J’ai écrit « Sortir de l’autisme » pour que le regard change :

—que l’on cesse de mettre tous les moyens dans recherche d’une Cause avec un grand C, recherche illusoire, parce qu’à mon sens il y autant d’autismes que de sujets

—Que l’on remette l’enfant tel qu’il est au centre du regard.

 Aujourd’hui je suis venue pour dire que, avec le recul du temps, et l’expérience s’accumulant, je ne change pas une ligne de ce que j’ai écrit en 2007.

L’exclusion dont je décortiquais les mécanismes est en marche à plein régime, il manque toujours autant de places spécialisées, et comble de l’absurde, c’est à ceux qui au jour le jour consacrent le plus d’efforts à penser ce qui se joue pour chaque enfant en souffrance,

à bricoler du sur-mesure pour chacun d’eux que s’élève l’anathème.

Aujourd’hui ceux-là sont sommés d’arrêter de penser. Penser n’est pas rentable, il faut faire. Il faut que les interventions soient visibles dans le court terme, qu’elles se plient à critères d’évaluation qui sont les mêmes pour tous, qu’elles aient l’air de…

L’air de quoi ?

L’air d’être  efficaces, que les cases soient correctement remplies, peu importe si c’est au détriment du sujet et de son devenir, peu importe si c’est au détriment du sens.

L’approche analytique, la voie psychodynamique, bientôt bannie de l’autisme ? Voilà LA réponse au scandale du manque d’accueil des sujets autistes dans la société. Quelle formidable réponse ! Déshabillons Paul pour habiller Pierre, moins de soins pour une éducation/rééducation intensive!

Le motif ? Fait pas la preuve immédiate de son efficacité. Ses procédures ne sont pas standard.

Et oui cette approche qui n’est pas une simple technique mais une culture considère qu’il n’y a pas une unique manière d’être au monde.

Je suis venue pour redire qu’en matière d’autisme chaque chemin est singulier.

Je ne suis pas une preuve scientifique,  au sens d’expérience observable par tous et reproductible (heureusement !)

Mes filles sont de jeunes adultes. Je suis venue ici pour dire que je considère que le chemin que j’ai fait avec elles est une réussite, que la vie me plaît, qu’elles sont sorties d’une forme de mal être particulièrement grave, que ce chemin a été créé avec l’aide de gens qui n’avaient pas arrêté de penser, dont le travail était difficilement évaluable objectivement.

Que j’ai eu la chance d’être étayée par des soignants qui n’avaient pas les réponses, des protocoles standardisés, reproductibles d’un enfant à l’autre.

Mes enfants ont eu la chance d’échapper aux dénominations trop rigides, aux évaluations, aux tests. A quelques années près.

Je considère que c’est une chance.

Je ne suis pas seule à penser cela, mais il faut savoir que la majorité des parents n’appartiennent à aucune association. Par manque de temps, d’énergie ou par désir d’échapper aux projections peu joyeuses qui enferment très tôt dans un destin sûr, catégorisé selon des principes théoriques valables pour tous.

Le développement ces dernières années des évaluations, des diagnostics, l’inflation des personnels intermédiaires s’occupant d’autisme, n’a en rien fait reculer le scandale du manque de places pour les enfants qui ne grandissent pas comme les autres.

Ce scandale demeure et n’a rien à voir avec psychanalyse ou pas psychanalyse, il a à voir avec une société hautement individualiste où règne le dieu de la performance.

Je trouve injuste le mauvais procès fait aux soignants aujourd’hui, qui sont aux prises tous les jours avec cette pathologie qui dévore, avec des moyens sans cesse restreints, des contraintes qui augmentent sans cesse, ils ont bien du courage. Les voilà maintenant sous la menace de positions extrêmes qui réclament une interdiction pure et simple de leur existence. Actée par une loi.

Aujourd’hui, je trouve dangereux l’absence de contre pouvoirs aux discours péremptoires, réducteurs, qui fleurissent sur fond d’indifférence et de bons sentiments, les medias sont de simples chambres d’échos et ce qui filtre, c’est qui est le plus souvent répété ou ce qui est le plus fort. Les journalistes n’ont structurellement plus les moyens d’exercer ce rôle de contre pouvoir, pour le dire plus simplement, d’informer par des reportages, des enquêtes au long cours. Pour savoir quels sont les intérêts en jeu, qui représente quoi, d’où vient l’argent…

Toutes ces questions qui resituent une parole dans son contexte et lui donne sa valeur relative.

L’autisme ne doit pas rester dans le champ clos des passions que l’on voit aujourd’hui, un débat à huis clos confiné aux parents soignants, aidants, il est urgent que tous les citoyens se sentent concernés, parce que ce qui se joue là, c’est l’avenir de tous nos enfants, c’est le monde de demain qui se préfigure. Beaucoup d’espaces de pensée de l’humain sont en train de se refermer au profit d’une « gestion » qui extrapole abusivement les résultats de recherches scientifiques pour exclure de manière raisonnée des catégories de population. Au motif qu’on ne peut pas faire autrement.

J’ai écrit avec l’espérance de faire changer un tant soit peu le regard parce que quand la méconnaissance grandit, la maltraitance ne tarde pas à suivre.

J’ai pris la parole de manière gratuite, n’étant plus personnellement concernée par l’autisme infantile, ne représentant ni soutenant aucun courant de pensée en particulier. Peut-être est-ce le dernier avatar du combat que j’ai mené pour et avec mes filles. Je ne me sens ni coupable ni irresponsable, je me sens concernée par l’inhospitalité grandissante envers tout ce qui sort de la norme et par l’exacerbation du chacun pour soi.

Je me sens concernée par l’infantilisation massive qui nous gouverne, qui nous rend chaque jour un peu plus objet, un peu moins sujets de nos vies.

—Pour que l’on regarde autrement les désordres visibles, les symptômes qui sautent aux yeux, qui, parfois même, pétrifient ceux qui sont en face en provoquant des réflexes de peur ou d’angoisse.

—Pour que ces manifestations soient comprises pour ce qu’elles sont : des manifestations de souffrance, et non      comme la signature d’un état de déficience irrémédiable ou comme quelque chose de menaçant pour soi-même.

Lorsque l’on regarde les choses comme cela, —et c’est tellement important pour un enfant en difficulté— qui comme tous les autres enfants est un sujet en construction,

on donne une petite chance supplémentaire à cet enfant de “naître jusqu’au bout”, selon l’expression de Barbara Donville, c’est à dire d’entrer en société.

Et c’est bien là que le regard de tout un chacun, et pas seulement des parents ou des proches est en jeu : encore faut-il que cette société ait envie de comprendre ce qui se joue

pour des enfants qui ne grandissent pas ordinairement, encore faut-il qu’elle accueille les déviances à une normalité ambiante, qu’elle entende qu’il y a, là aussi, dans ces différences, une source de richesse et de créativité.

J’ai écrit ce livre avec l’ambition de toucher un public hors de ce qu’on pourrait appeler « le monde de l’autisme »,  un public plus large que celui des parents, pour l’entourage au sens large, parce que le regard que l’on porte sur les symptomes pour un enfant en construction est capital, parce que le petit humain, tout petit humain, quelle que soit sa manière de grandir, quelles que soient ses maladies, ses souffrances, se construit d’abord dans les regards d’autrui.

Qu’il y a des regards qui ouvrent des perspectives, un avenir, ou qui à l’inverse enferment.

Des regards, des projections liées au vocabulaire employé —et à ce qu’il véhicule de figé— qui soutiennent ou blessent davantage.

J’ai voulu axer cette intervention sur le thème du regard dans l’autisme infantile parce qu’il y a deux manières d’envisager des enfants avec des difficultés relationnelles et comportementales aussi importantes : soit les regarder à travers ce qui leur manque, soit considérer d’abord leurs capacités.

Le tâtonnement du regard c’est l’abandon de la recherche d’une certitude, c’est prendre le risque de ne pas savoir, de se tromper— mais on ne vit pas sans risques et c’est plus  fécond, plus porteur de vie que les projections peu joyeuses qui enferment très tôt dans un destin sûr, catégorisé selon des principes théoriques valables pour tous. 

Quand on parle de touts-petits, avec qui, tout reste à construire — dans les études scientifiques on évoque de plus en plus souvent la plasticité neuronale—

le regard qui s’attarde sur le « plein »  est le plus créatif, c’est celui qui rend à l’individu son existence entière en tant qu’individu parce qu’il respecte ce qu’il y a de positif,

qu’il encourage le bond en avant existentiel, sans réduire la dimension de l’être à ses difficultés.

Ce regard donne une marche à suivre au quotidien.  Parce que c’est au quotidien que tout se joue, dans tous les menus faits et gestes, dans les menues paroles tout autant que dans des temps de soins ou d’éducation. Une question restée sans réponse, un acte inapproprié face à une demande, même si cette demande est, elle aussi, inappropriée, ajoutent aux blessures qui nourrissent un sentiment d’inexistence déjà trop prégnant.

La capacité de réassurance, de contenance, nécessite d’apprivoiser ses propres peurs,

de s’interroger sans cesse sur ce qui nourrit notre propre regard sur le monde et sur l’Autre. Cela amène parfois à se confronter à ses vertiges personnels car les terreurs qu’ éprouvent ces enfants sont les nôtres, subies à un moment ou à un autre de notre existence, apprivoisées petit à petit grâce à une chance, à l’amour des proches…

Si nous sommes bien portants c’est aussi que avons échappé à la sidération, entendue comme pétrification des émotions, mais, chez chacun de nous, il y a des traces de ces blessures existentielles, de ces grandes peurs fondamentales ayant partie liée avec la crainte de la mort. Et il ne faut pas grand chose pour les réactiver .

Il n’y a pas une manière unique d’être au monde, une manière unique de réussir sa vie, mais tout humain se construit en intégrant à l’intérieur de soi les différents regards d’autrui. Et le regard porte nos sentiments conscients mais ausi nos émotions inconscientes.

Ce dont j’ai voulu porter témoignage, ce n’est pas de mon histoire personnelle, mais de ce poids du regard, pour que chacun se sente concerné. J’ai éprouvé tout au long du parcours qui a été le mien en tant que mère le réconfort du regard qui aide à être fière, qui aide à passer le gué, à trouver des solutions, à prendre conscience de son propre regard sur son enfant, à le changer et à s’en trouver heureux, à rendre la vie joyeuse

en se sentant appartenir à la communauté des autres.

J’ai aussi éprouvé l’amertume de regards qui enfoncent dans un rôle de victime, qui excluent, qui portent des coups à la confiance en soi, disqualifient.

Les parents ne peuvent pas être seuls, même regroupés entre eux, ils ont besoin de toute la société pour inventer sans cesse de nouvelles solutions réelles, humaines, qui ne soient pas dans le semblant de l’inclusion mais leur permettent une inscription véritable dans la communauté humaine, des bricolages singuliers qui font reculer l’angoisse pour tout le monde et permettent aux créativités singulières de s’épanouir, pour l’enrichissement de tous.

Le bien-être ne peut se satisfaire de réponses standardisées, protocolaires, reproductibles de l’un à l’autre, qui engendrent une ghettoïsation. Il n’y a pas de solutions massives à l’autisme, préserver le foisonnement, la légèreté de petites structures qui encouragent la création me parait être la voie de l’espoir.

Plus que tout, les enfants gravement perturbés ont besoin un regard qui n’évalue pas avant de voir, qui ne mesure pas tout à l’aune d’un étalon standart, un regard qui donne à autrui la possibilité d’être pleinement ce qu’il est, dût-il être étrange et dérangeant.

Un regard qui donne de l’existence, qui ne cherche pas à dominer. C’est un regard qui donne, qui soutient, qui partage, qui n’affirme pas sa supériorité fut-ce par la voie détournée de la pitié.

Jacqueline Berger

Le 17 mars 2012

Jacqueline Berger. Sortir de l’autisme. Ed. Buchet Chastel, 2007. 18 euros

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> Militant dans l'Hérault, une folie ?

Communiqué de presse

Militant dans l’Hérault, une folie ?

Un communiqué commun de la section de Loupian et du comité régional Languedoc Roussillon de la Ligue des droits de l’homme nous apprend que, le 26 mars 2012, un militant défenseur de l’environnement a fait l’objet d’un arrêté du maire de sa commune, confirmé deux jours plus tard par le préfet de l’Hérault, ordonnant son admission en soins psychiatriques.

Ce militant, qui manifestait par une action non-violente son opposition à un projet de déclassement d’une zone Natura 2000 dans sa commune, a été hospitalisé aux motifs allégués qu’il présentait des troubles mentaux « qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public », troubles qui se manifestaient par « des propos désobligeants et insultants » et par le fait qu’il s’était « cadenassé à une grille de protection de la mairie ».

La motivation ahurissante de cet arrêté, censée caractériser un trouble grave à l’ordre public – à moins que le préfet de l’Hérault ne considère que des propos désobligeants ne compromettent … la sûreté des personnes ! – révèle une dérive inquiétante : après les placements en garde à vue et les poursuites judiciaires de plus en plus fréquents, le pouvoir exécutif s’est trouvé une nouvelle arme contre les militants actifs, l’hospitalisation contrainte en psychiatrie.

Ce militant, au mépris de ses droits les plus élémentaires, a été placé à l’isolement pour avoir refusé le traitement que l’on voulait lui imposer, a été interdit de tout contact avec ses proches pendant plusieurs jours, et a eu le plus grand mal à obtenir communication des décisions le concernant !!

Les organisations signataires, membres du collectif « Mais c’est un homme », dénoncent l’usage inadmissible par l’autorité administrative de ce pouvoir d’internement – survivance archaïque au regard des législations de nombreux autres pays européens – à des fins coercitives et les atteintes graves ainsi portées aux libertés et aux droits sociaux.

Elles exigent la mainlevée immédiate de la mesure de soins psychiatriques imposée à ce militant, encore hospitalisé à ce jour malgré un certificat médical récent favorable à la levée de celle-ci.

 

LDH Ligue des droits de l’Homme

Sud Solidaires – Santé Sociaux

Advocacy France

Syndicat de la Magistrature

Union syndicale de la psychiatrie (USP)

Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA)

Collectif des 39 « Quelle hospitalité pour la folie ? »

 

 

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> Pour accompagner quelqu’un, encore faut-il marcher sur ses deux jambes !

Pour la journée de PI de Bruxelles du samedi 24 Mars 2012

 

 

Pour accompagner quelqu’un, encore faut-il marcher sur ses deux jambes !

Quand Pierre Smet m’a proposé d’intervenir dans cette 26° journée de PI, j’étais bien loin de me douter de la campagne idéologique qui allait exploser contre la psychanalyse et la Psychothérapie Institutionnelle, et mettre Pierre Delion en place de bouc émissaire pour sa pratique auprès des enfants autistes.

J’étais aussi bien loin de me douter que Pierre ferait l’objet d’un marchandage assez abject de certains de ses collègues le lâchant au milieu du gué, c'est-à-dire  lâchant le packing pour prétendument sauver la psychanalyse et la PI !

Il est clair qu’il va nous falloir encore plus de détermination dans nos pratiques pour éviter de tels sauveteurs ne voulant pas se rendre compte de leur responsabilité dans la destruction de la psychiatrie.

Jamais depuis longtemps, la double aliénation dont je voulais vous parler n’aura été aussi explicite et violente !

Nous ramenant à une situation que je qualifierais bien de fascisante et propice à un climat de chasse aux sorcières, pour ne pas dire de chasse à l’homme…

La semaine dernière à Montreuil, comme l’a souligné MC Hiebel, malgré la standing ovation que le grand meeting des 39 a réservé à Pierre Delion, sa peine nous faisait tous très mal. Alors bien sur nous sommes à ses cotés, mais je crois aussi qu’il ne faut pas en rester là et qu’il s’agit de traverser cette zone de douleur, de trauma, pour en faire une colère active, celle de l’intelligence de la situation, de l’art de la guerre qu’il va falloir mener contre nos ennemis, et en même temps de notre appui sur les collectifs que nous animons.

Au sujet de ces collectifs, une remarque : depuis trois ans que le combat s’est radicalisé contre le discours fascisant de Sarkozy et d’une partie de l’appareil d’Etat, l’implication des patients à nos cotés a été de plus en plus forte. Au point que dans certaines manifestations que les 39 ont proposées, ils étaient probablement plus nombreux que les professionnels.

Mais pour être au plus juste, je voudrais vous parler de ce qui s’est passé dans ma praxis, et qui pourrait se passer partout si nous nous donnons les moyens.

Comme certains ici le savent, nous avons démarré à Reims dès 1980 en nous réappropriant à notre manière et à notre rythme la méthode de la Psychothérapie Institutionnelle.

Certes il y avait eu pour ma part quelques années de tâtonnements: j’avais été séduit par la geste basaglienne et le projet d’en finir avec l’asile.

Mais très vite sur le terrain de la praxis, j’ai pu constater l’impasse de ce discours dont il faut remarquer combien il a été récupéré et instrumentalisé par l’idéologie néolibérale. Aujourd’hui le nouveau discours antipsychiatrique et antipsychanalyse a pris le pouvoir dans les ministères, à l’OMS, et maintenant dans certaines associations  de parents.

Qu’on ne s’y méprenne pas : je ne confonds pas un discours qui a pu porter l’illusion, autrement dit le désir de transformation et même de révolution ; avec sa perversion qui a pulvérisé la psychiatrie en l’attaquant dans son essence même.

Les responsabilités sont multiples et il faudra bien un jour faire l’inventaire de tous les « collabo » qui auront contribué à cette situation, mais l’urgence consiste à analyser la situation présente.

Donc retour à Reims : nous avons donc commencé par un club thérapeutique dans l’ambulatoire, club qui continue à vivre et à fédérer aujourd’hui l’ensemble des clubs du service. Puisqu’entre temps, nous avons considérablement développé le dispositif ambulatoire, avec un réseau d’AT et un autre d’AP, un centre de jour à la campagne, le centre Artaud au centre ville de Reims constituant le lieu de rassemblement et d’orientation de l’ensemble.

 Nous avons aussi repris un travail solide à l’hôpital avec un club qui gère la vie quotidienne et s’articule avec les clubs hospitaliers, mais aussi avec le GEM articulé comme un club etc.…

Rien de très original pour tous ceux qui connaissent les principes directeurs de la Psychothérapie Institutionnelle, sauf peut-être que le centre de gravité de notre travail s’est déplacé en ville, l’hôpital s’inscrivant comme un des lieux possibles du soin.

Ce qui surprend, c’est plutôt notre sentiment de solitude, la rareté actuelle des expériences de terrain et les difficultés innombrables auxquelles nous nous heurtons, tant du côté des administrations que des collègues.

IL est important de souligner cette démoralisation, cette apathie qui prévaut dans tous les métiers de la psychiatrie, tout en soulignant qu’il s’agit aussi des effets d’une destruction qui a été voulue, pensée et exécutée ! Ce qui est inquiétant c’est le peu de résistances rencontrées, et même le désir de servitude volontaire manifesté par de nombreux soignants courant au devant des attentes de l’Etat ! Bien avant que l’indépendance professionnelle des psychiatres soit vendue pour un plat de lentilles, on a pu constater cette soumission à tous les diktats normatifs, alors pourtant qu’il n’y avait pas grand risque à y opposer un refus !

Je ne crois pas que cette soumission soit explicable par des erreurs théoriques sur l’analyse de la fonction de l’hôpital, ou sur l’approche psychanalytique. Je crois que nous nous sommes heurtés à une espèce de catastrophe politique qui reste à analyser : une défaite sans combat.

Sans doute, les analyses de G. Agamben, et en particulier Homosacer sont elles fort utiles pour relier cet effondrement à la catastrophe qui a ravagé le 20° siècle et que C. Lanzmann a nommée Shoah. Comme si une frontière avait été franchie dans la possibilité de l’impossible de la destruction de « l’espèce humaine » (Robert Antelme) ; et qu’une fois cette frontière franchie, elle soit devenue totalement poreuse.

Traiter l’humain comme du bétail, pratiquer le tri et la sélection, évaluer ceux qui méritent de survivre et ceux qui devront être liquidés en premier etc.…

Il m’aura fallu un certain temps pour supporter cette idée d’une continuité dans la discontinuité des processus historiques, et d’une réappropriation de l’idéologie nazie par le néolibéralisme.

Pas de raccourci sommaire, ni de simplification abusive en avançant cela, mais la nécessité d’affronter une réalité et donc de l’analyser si nous voulons nous dégager de cette passivation dangereuse et de l’incorporation insidieuse des discours « santémentalistes ». Je fais allusion au développement important que Mathieu Bellahsen a consacré dans sa thèse de médecine à ce qui se présente comme nouveau discours des bien-pensant prônant la déstigmatisation des « handicapés psychiques » etc.…Vous entendez comme cette idéologie malfaisante et destructrice de la psychiatrie s’est avancée en détruisant, dévoyant les mots de la mouvance désaliéniste, puis produisant une novlangue qui tourne sur un vocabulaire restreint mais efficace pour nier la réalité de la maladie mentale, de la psychose, et prôner une nouvelle conception du monde. Ce modèle qui se présente comme intégratif, et même partisan d’une intégration forcée, a besoin de nier la spécificité de l’humain, du « désir inconscient inaccessible » (comme dirait Oury), du rapport de l’humain au langage et à l’altérité. Autant de notions qui nous paraissaient jusqu’alors comme tombées dans le domaine public, et qui se trouvent rejetées violemment.

Il faut dire que la violence s’est avancée masquée dans un premier temps, sous ce prétexte de déstigmatisation, en subvertissant les mots et en formatant les pratiques par les biais des accréditations et de l’évaluation. Beaucoup de « collabo » pour cette mise en place des « bonnes pratiques », du culte de l’homogène et de  la transparence ! Tout cela s’avançait sous couvert de bons sentiments dont on ne se méfie jamais assez, et d’une meilleure qualité d’accueil pour les patients. Moyennant quoi, tous ceux qui se sont prêtés à cette mascarade depuis des années ont contribué à construire cette idéologie gestionnaire, prétendument athéorique comme le DSM, et autres machines de guerre construites pour défaire une clinique multiréférentielle s’adossant à la psychanalyse et à la phénoménologie. 

C’est ainsi que ce modèle gestionnaire a été voulu par la droite, comme par la gauche : Edouard Couty, militant socialiste comme JL Roelandt, n’est-il pas l’auteur d’un des derniers rapports de psychiatrie proposant une « gestion de la folie » et voulant entre autres joyeusetés cliver l’intra de l’extrahospitalier ?

Edouard Couty présente l’actuel plan de santé mentale à la Fédération Hospitalière de France sur des pdf  frappés du sigle de Fondamental : le lobby mené par Marianne Montchamp et Marion Leboyer auprès des entreprises et des politiques. Ce même lobby montré dans le film de Borel « Un monde sans fous »  qui veut en finir avec la psychanalyse qualifiée de romantique pour arriver enfin à une conception scientifique de la maladie.

Traduisez : une conception scientiste et réductrice, qui conçoit le sujet comme un système cérébro-spinal et nous ramène à un modèle animalier. Une conception en fait fort ancienne qui fait croire à des découvertes récentes, ce qui est un mensonge repris par les media et par l’Etat, que François Gonon est venu pulvériser au meeting de Montreuil, mensonge auquel beaucoup finissent par croire !

Les agrégés de psychiatrie adulte sont en train de vouloir s’aligner sur ce modèle qui nous vend de l’ancien pour dissoudre leur discipline dans la neurologie alors même que leurs « laboratoires de recherche » ne trouvent strictement rien de probant tout en multipliant IRM, scanners et recherches génétiques !

Je dis bien « leur » discipline, mais allons-nous nous laisser exproprier de nos pratiques et de nos savoirs ?

Que signifierait une telle régression politique alors que les pratiques de Psychothérapie Institutionnelle lorsqu’elles sont soutenues et mises en acte, rencontrent un efficace, qui ne se mesure pas avec une petite échelle ?  Mais qui redonne un point d’appui au sujet psychotique dans sa reconstruction d’un monde vivable, un point d’appui aussi pour ceux qui tiennent une fonction soignante. Nous sommes là au cœur de ce qui peut faire accompagnement comme ce colloque en propose l’enjeu.

 Revient la question : qui accompagne qui  et vers où?

Question cruciale car toute la pratique des clubs thérapeutiques témoigne de cette extension possible de la fonction soignante aux patients, comme à chaque membre du Collectif qui veut bien s’y tenir ! Si nous n’avions pas eu à Reims la matrice du club thérapeutique, nous n’aurions jamais rien su des potentialités soignantes des patients, de leur capacité d’écoute sensible, voire d’écoute de l’inconscient d’autant plus aigue qu’elle est fort peu clôturée par du refoulement.

Bien au-delà des limites géographiques d’un club, ce qui compte c’est la mise au travail de la « fonction club » dans une topologie en remaniement constant, ce qui permet la circulation, l’accueil et l’accompagnement.

Nous aurions ainsi besoin d’un double niveau de structuration : celui visible du dispositif  qui articule plusieurs structures et institutions ; et celui sous-jacent d’une structuration dynamique qui remette en permanence du mouvement.

Je vais isoler deux moments de structuration, et chacun est hautement problématique :

– D’abord la création du Gem la Locomotive il y a cinq ans, alors que j’avais pourtant une analyse résolument critique de la fonction des GEM, comme une des pierres de l’édifice néolibéral pour détruire les clubs, cliver le soin et l’accompagnement, enfermer les patients dans une sorte de « réserve indienne » où ils se débrouilleraient entre eux. On ne parlait pas encore des « pairs aidants » mais c’était dans la logique de la construction d’un dispositif au sens que Michel Foucault a donné à ce terme (repris d’ailleurs dans un petit livre d’Agamben) : un dispositif de fabrique de subjectivités formatées pour les besoins du système néolibéral. Une nécessité : nier la folie et la vie psychique, tout ramener à une simple question d’aide sociale, et à une logique du sujet entrepreneur de lui-même. Il s’agit bien sur d’une imposture et il n’y avait qu’à lire le texte fondateur des GEM pour y lire le désaveu explicite : comme un club/pas comme un club ; distinct et coupé du sanitaire mais parrainé et conventionné par un EPSM…etc.

Nous aurions pu refuser cette manne séductrice de la dotation annuelle, mais voilà nous n’avons pas un sou pour les clubs actuellement dans le public, et nous travaillons en permanence avec ce genre de paradoxe. Si nous voulions avoir les mains pures nous aurions arrêté depuis longtemps de travailler. Ceci dit la ligne de partage est mince entre compromis et compromission, et il s’agit à chaque fois d’un pari.

Je n’aurais jamais osé le tenir s’il n’y avait pas eu ce travail des clubs depuis 1980, avec tout ce que ça suppose de prise de responsabilité pour les patients et pour les soignants embringués dans l’aventure.

Nous avons donc démarré en refusant d’entrée de jeu le clivage entre le soin et le social, entre le GEM et les clubs, en favorisant au contraire les responsabilités croisées. Des membres de droit du club dans le bureau du GEM et réciproquement, et une analyse institutionnelle permanente pour ne pas perdre le cap ! Ce qui n’a pas été très simple, et il aura fallu ménager une réunion hebdomadaire pour articuler club et Gem, travailler le contre-transfert des soignants, limiter et réduire les emballements imaginaires, maintenir la circulation entre les lieux.  

Sans doute cela suppose-t-il une défitichisation permanente du « bon lieu », celui qui serait blasonné « Psychothérapie Institutionnelle » ! Ce qui me parait importer le plus c’est notre capacité à créer et à maintenir des processus instituants qui laissent du jeu, un espace de jeu aux uns et aux autres pour se poser, s’inscrire, prendre des responsabilités réelles et ne pas se payer de mots.

Ce Gem dialectise aujourd’hui de façon extrêmement vivante les clubs autant qu’il est dialectisé par eux, et l’ensemble aura permis l’émergence du collectif de patients Humapsy. Je passe sur les turbulences et les disputes très vives que cela aura suscité dans le Collectif ; mais c’est souvent comme ça à chaque enjeu important. En tout cas, il aura fallu sortir d’un respect dogmatique ou religieux des structures traditionnelles de la Psychothérapie Institutionnelle pour mieux la réinventer, tout en travaillant sans cesse à une conceptualisation de ce que nous faisions, de ce qui nous arrivait.

Autre opérateur important : l’AG du centre Artaud

Elle réunit à peu près une fois par mois tous ceux patients, soignants, animateurs du Gem qui gravitent dans le dispositif, et qui veulent échanger et construire.

Le prétexte pour relancer cette AG voici six ans ce fut le vol du cahier de dettes du club, d’où une dramatisation de l’affaire et la construction d’une scène pour discuter ensemble les règles du jeu et ainsi le relancer. Transformer en quelque sorte le passage à l’acte en acting out…  

Emergence donc d’une scène dont le Collectif se saisit, en particulier les patients, et du coup nous en profitons pour nous réunir régulièrement : faire le point sur le petit commerce et ses aléas, mais aussi discuter ensemble de tous les aspects de la vie quotidienne. Et c’est sur cette scène qu’a émergé le discours d’Antony de Nicolas Sarkozy, avec ce questionnement légitime des patients sur notre positionnement. Et là pas moyen de se défiler, même si ça reste pénible pour certains soignants, et pour certains patients qui se bouchent les oreilles ou sortent de la pièce lorsqu’il est question de parler de cette cruauté du discours social à leur encontre.

J’ai donc évoqué la création des 39 à l’initiative d’Hervé Bokobza, mon engagement dans ce collectif, et très vite un certain nombre de patients ont voulu être partie prenante des initiatives qui se tenaient. Je dois dire que je n’en menais pas large au début car j’avais peur de surcharger leur difficulté à exister, et aussi de les aliéner à mon propre engagement.

D’autant plus que l’enthousiasme des soignants était beaucoup plus mesuré, à la mesure de tous les combats perdus et de la difficulté à maintenir leur position dans cette période incertaine. Mais voilà les patients réclamaient la présence de leurs soignants aux manifestations, ne comprenant pas le repli sur la vie privée et le sacro-saint week-end : forcément eux sont à temps plein! Ils réclamaient à juste titre la fonction phorique dont ils avaient besoin pour s’avancer dans le monde, cette fois comme sujets politiques.

Les soignants ont dû suivre peu ou prou, mais à certains moments, ils ont pu dire à quel point ils se sentaient dépassés par les événements.

Cet engagement dans le mouvement des 39 n’a fait que se renforcer, avec la participation maintenant de patients aux réunions d’organisation, ces patients qui viennent de prendre leur autonomie en fondant une association indépendante du centre de jour : « l’association HUMAPSY pour une psychiatrie humaine ».

Je vais vous lire un extrait de leur texte web invitant à une fête le 15 avril à Paris, ce qui signe aussi leur engagement sur une scène nationale et non plus

seulement rémoise :

« L’idée de cette association est née dans la tête de quelques agités du bocal, plus communément appelés: tarés, fous, barges ou encore cinglés…
Mais aussi schizos, bipolaires, psychos… Mais nous sommes avant tout des hommes, des femmes.

Bref nous voilà, patients suivis en psychiatrie à Reims, dans un service plutôt ouvert vers le monde et non refermé sur lui-même. Depuis fin 2008 nous avons pris part à diverses manifestations contre les lois envisagées dans le domaine de la psychiatrie à l’époque, avec des professionnels, qui au début ne savaient pas trop de quelle manière recevoir notre présence. La loi votée le 5 juillet 2011 instaurant des soins sous contrainte même en ambulatoire nous semble liberticide (sachant que certains psychiatres ont communiqué aux commissariats des listes de malades «à risque» au mépris du secret médical). Nous avons aussi par la suite constaté que nombres de services psychiatriques usent de méthodes inhumaines que nous n’avons jamais rencontrées dans notre service, comme des entraves, des camisoles de force, électrochocs (pudiquement cachés sous le terme sismothérapie), isolement, infantilisations, des douches froides, humiliations et autres traitements dégradants…

Nous nous sommes donc donné pour but de défendre et de promouvoir une psychiatrie plus humaine où les patients sont traités dans le respect de la dignité et non comme des sous-hommes que l’on pourrait maltraiter à l’envie.

Le plus dur reste à faire, quelques idées en vrac: aller dans les différents services pour parler avec les patients de leurs conditions d’hospitalisation et leur communiquer les adresses et les horaires des lieux (Gem, clubs, associations) vers lesquels ils peuvent se tourner pour rompre l’isolement ou au moins passer du temps hors des murs. Ou encore: regrouper des témoignages d’éventuels maltraitances ou abus de pouvoir, mais aussi écouter, conseiller et rassurer. Nous voulons aussi porter la voix du plus grand nombre auprès des autorités représentatives afin de faire évoluer les mentalités et faire changer les regards sur cette branche de la médecine.

En outre, forts de nos expériences personnelles, persuadés que l’expression a des vertus thérapeutiques, nous aimerions développer un réseau pour à la fois diffuser et soutenir les talents sous toutes leurs formes qui nous seraient révélés. Par le biais d’exposition, de diffusions radiophonique ou de court-métrages, d’éditions diverses, de manifestations, de vitrine virtuelle (web)… »

Ce surgissement d’un collectif  de patients se réappropriant les enjeux de la Psychothérapie Institutionnelle sur la scène publique, montrant ses liens avec le soin mais aussi avec les enjeux du Politique, tout cela témoigne d’une réalité encore pour moi inédite, et que nous avons à inscrire dans notre mouvement de pensée. Des patients qui endossent l’insulte de leur désignation habituelle pour mieux la subvertir et qui se dégagent dès la fondation de leur collectif du positionnement antipsychiatrique, autant que de la soumission de la Fnapsy alignée avec l’Unafam et les présidents de CME à soutenir la politique actuelle.

Cet événement ne constituait évidemment pas un objectif de travail attendu ni même prévu ! Je n’y aurais même pas cru il y a quelques mois… ; mais il faut souligner que le travail de longue durée des clubs et du Collectif aura construit l’espace de possibilisation d’une telle survenue.

Espace et temps long d’une attente abductive, une attente qui ne se comblerait pas de trouver l’objet qui viendrait trop facilement la satisfaire, enjeu du « hors-d’attente » dont nous parle Héraclite depuis l’Antiquité :

« S’il n’attend pas il ne découvrira pas le hors-d’attente qui est chose introuvable et vers quoi il n’y a pas de chemin »

Je me permets donc d’insister une fois de plus sur cet enjeu : il s’agit de construire dans la durée un espace stratifié qui nous permette de déplier et d’articuler la pluralité des enjeux du transfert institutionnel, sans négliger la deuxième jambe politique de la Psychothérapie Institutionnelle.

Dire qu’elle est quelque peu souffrante ces derniers temps me parait un euphémisme, tant je trouve notre mobilisation bien maigre par rapport à la déclaration de guerre explicite dont nous sommes l’objet.

Il ne s’agit pas seulement de soutenir Pierre Delion, ça c’est la moindre des choses, mais de retrouver une posture beaucoup plus combattive.

Il est clair que nous sommes en position d’extrême fragilité : que nos points d’appui sur la psychanalyse et nos valeurs d’humanité vont à rebours de l’air du temps néolibéral.

Il est vrai aussi que nous sommes plutôt isolés et que de nombreux collègues ont baissé les bras.

Je crois que le pire serait de se résigner, ou de croire qu’il s’agirait de laisser passer la vague du tsunami. Cette logique là a été celle des groupes analytiques qui ont cru qu’en négociant avec l’Etat ils allaient sauver la psychanalyse : toujours la même illusion !

Aujourd’hui il faut remarquer la rareté des psychanalystes présents dans nos mobilisations, quand ils ne les dénoncent pas au nom de leur nécessaire neutralité. A l’exception notable de la Fédération des ateliers de psychanalyse et du Cercle Freudien qui nous ont apporté un soutien explicite.

J’ai dit ailleurs ce que je pensais du dévoiement d’une partie du mouvement lacanien dans les présentations de malades et dans un certain cynisme devant la destruction de la psychiatrie, un mépris aussi par rapport à la Psychothérapie Institutionnelle qui ne serait pas de la « vraie psychanalyse » !

Je le rappelle en conclusion parce qu’il s’agit d’une réalité que nous avons à transformer, forts de notre expérience d’une posture dans le transfert à mille lieux de la figure de l’analyste impassible et cadavérisé !

Cette psychanalyse vivante qui nous a été transmise et que nous mettons en acte dans nos établissements comme dans nos cabinets, nous avons me semble-t-il à la transmettre. Et à considérer cet enjeu dans son versant irrémédiablement politique.

Donc au-delà des trouvailles d’il y a 40 ou 50 ans, la transmission consisterait à sortir du ressassement d’un prétendu âge d’or pour réinventer sans cesse les conditions  de possibilité de la Psychothérapie Institutionnelle, mais aussi ses concepts et ses outils théorico-pratiques.

Il s’agirait d’en finir sans cesse avec l’embaumement et la fétichisation qui sont nos plus fidèles ennemis intérieurs.

 

Patrick Chemla

 

 

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>L'enveloppe qui déchire (article Le Monde)

Lille, envoyée spéciale

Malgré des résultats prometteurs, le " packing ", un soin consistant à envelopper les enfants autistes dans des draps humides, vient d'être interdit par la Haute Autorité de santé. Au grand désarroi de son instigateur, Pierre Delion, pédopsychiatre reconnu

(A droite : une scéance de packing. Images extraites du documentaire " Balade en transpackie ", du docteur Anne-Marie Vaillant. DR)

Il ne comprend toujours pas. Lui qui n'a eu de cesse, durant sa carrière, de faire du lien avec les malades et ceux qui interviennent dans le champ de la santé mentale, lui qui est unanimement salué par ses pairs pour son humanisme et son esprit d'ouverture, le voilà plongé au coeur d'une bataille qui le dépasse. Calomnié, humilié, disqualifié. Assigné devant le conseil de l'ordre des médecins de Lille par une association de parents d'autistes, qui se déchaîne depuis des années contre le packing : un soin venu d'Amérique dont il est, en France, le premier défenseur.

En vingt ans, le professeur Pierre Delion, chef du service de pédopsychiatrie du CHRU de Lille, y a formé plusieurs dizaines de confrères. Réservée aux cas d'autisme sévères avec automutilation répétée, la technique consiste à envelopper le patient dans des serviettes humides et froides, puis à induire un réchauffement rapide pour faciliter la relation avec les soignants. Tout sauf un acte de torture si la lettre et l'esprit en sont respectés – ce n'est pas toujours le cas.

Ce qui n'a pas empêché la Haute Autorité de santé (HAS), pressions des associations et des politiques aidant, de lui porter le coup de grâce : dans ses recommandations sur la prise en charge de l'autisme, publiées le 8 mars, elle se déclare, " en l'absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité " et exception faite des essais cliniques autorisés, " formellement opposée à l'utilisation de cette pratique ".

Qu'aurait-il dû faire pour défendre le packing ? Jouer de ses relations ? Convaincre les parents des quelque 300 autistes qui reçoivent ce soin sans s'en plaindre de témoigner publiquement ? Organiser une conférence de presse ? Pas son style. Une enfance sans heurts à Tuffé, " un petit bled de la Sarthe où – ses – parents avaient une toute petite quincaillerie ", une scolarité sans faille qui le mène aux portes du collège Sainte-Croix du Mans, prestigieuse institution jésuite où il apprend – non sans peine – à côtoyer la grande bourgeoisie, sa personnalité propre enfin : rien n'a préparé Pierre Delion au rapport de forces. Il ne connaît que la confiance, l'écoute, le dialogue. La relation humaine. C'est même pour ça qu'il est devenu psychiatre.

Il commence sa médecine à Angers en 1968, craint un moment de ne pas y trouver sa place. " Je ne voyais que des patrons très hautains avec les patients, avec leurs équipes. Jusqu'à ce que je fasse un stage d'externe en psychiatrie. D'un seul coup, je suis tombé sur un médecin qui parlait aux malades, qui prenait ses décisions en accord avec ses infirmiers : je suis resté ", raconte-t-il d'une voix douce, légèrement voilée. On est en 1973. L'année où le ministère de la santé autorise la mise en oeuvre de la sectorisation des soins psychiatriques, inscrite dans les textes en 1958 mais jusqu'alors restée lettre morte.

La psychiatrie de secteur, c'est la rupture avec l'asile. La prise en charge du malade près de son domicile, le soin porté au coeur de la cité grâce au " potentiel soignant du peuple ", selon le beau mot du psychiatre Lucien Bonnafé. La disparition de la camisole et des neuroleptiques au profit des thérapies relationnelles, largement inspirées de la psychanalyse. Une révolution culturelle et clinique. Quand Delion prend le train de cette " prodigieuse aventure ", le coup de foudre est immédiat, et son engagement pour cette psychiatrie à visage humain sera indéfectible. Les enfants le passionnent, et ce n'est pas la rencontre avec sa future femme, interne en pédiatrie au CHU d'Angers, qui va l'en détourner. Bientôt, il exerce au Mans la pédopsychiatrie hospitalière. C'est ainsi qu'il découvre le packing, pratiqué aux Etats-Unis pour apaiser les schizophrènes.

Dans le salon vaste et clair où il nous reçoit, l'occupant principal est un grand piano noir. Pierre Delion s'y installe, joue quelques notes avec autant de simplicité que d'autres allument une cigarette. Ces instants de détente envolés, nous revenons au packing. Il y a consacré un livre, des dizaines d'heures d'enseignement, beaucoup d'énergie et d'espoir.

Pourquoi y croit-il tant ? " Je n'y crois pas, soupire-t-il. En 1984, j'hérite d'un service asilaire avec des enfants qui s'automutilent. On a tout essayé sur eux, rien n'a marché. Je tente un pack : au bout de quelques semaines, les symptômes d'automutilation disparaissent. J'en parle à mes copains psychiatres, qui me demandent de venir dans leur service faire la même chose : ça marche aussi avec leurs gamins ! Très vite, on m'a demandé de faire des formations… Je ne crois rien du tout, sinon que cela s'est passé comme ça. Rien de plus. " Dès les années 1990, il réclame l'autorisation de mener une recherche clinique pour évaluer l'efficacité de la technique. Il ne l'obtient qu'en 2007. Trop tard ? Avec la violente publicité menée ces derniers temps à l'encontre de cette approche, l'étude est à peine au milieu du gué.

Les forums de parents qui l'agressent sur Internet ? D'un geste, il écarte le sujet. " Je n'y vais pas, j'y laisserais ma santé. " Il préfère se souvenir des 6 500 personnes qui, depuis le début de l'année, ont envoyé une lettre au conseil de l'ordre pour le soutenir. " Ce qui me permet de tenir, c'est que les gens qui me connaissent me défendent, alors que ceux qui m'attaquent ne me connaissent pas. "

M'Hammed Sajidi, président de l'association Vaincre l'autisme, qui pourfend le packing depuis plus de cinq ans, ne s'en cache pas : sa première rencontre avec le professeur Delion remonte à février, lors de la comparution de ce dernier devant l'ordre des médecins de Lille. C'est lui qui avait assigné le médecin. " Nous n'avons rien personnellement contre Delion ", dit-il, mais contre le packing, oui, qu'il qualifie de traitement " indigne ". Il ajoute n'avoir jamais assisté et ne vouloir " jamais " assister à une pratique qu'il assimile à de la maltraitance.

Un avis que ne partage pas Karima Boukhari, mère d'un garçon autiste de 10 ans que le packing, pratiqué au CHRU de Lille, a guéri de ses automutilations. " La première fois, on m'a expliqué comment allait se passer la séance. Moi qui suis d'origine méditerranéenne, cela m'a vraiment fait penser au hammam ", se souvient-elle. Adel avait alors 4 ans et se blessait derrière les oreilles jusqu'au sang. " Au bout d'un mois, il ne se mutilait plus. Il était devenu beaucoup plus calme et communiquant. " Après trois ans, les séances ont pu être arrêtées : Adel n'en avait plus besoin.

Pourquoi, alors, un tel déchaînement de violence ? Parce que l'autisme, dans ses formes graves, est lui-même d'une violence extrême. Parce que les draps froids et la contention évoquent des traitements de sinistre mémoire. Et surtout parce que derrière le packing se trouve la psychanalyse. La bête noire des parents d'autistes, trop longtemps confrontés aux propos obscurs et culpabilisants de ses représentants. Au carrefour des peurs et rancoeurs, Delion serait devenu le bouc émissaire de toutes ses dérives. Un comble pour un homme qui n'appartient à aucune école freudienne ni lacanienne, et qui s'est toujours montré critique vis-à-vis de ceux qui font de la psychanalyse un enjeu de pouvoir.

Non qu'il la renie ! Il y a été formé avec bonheur, et défend cet outil qui " a changé la face de – son – métier ". Lui qui dit avoir peu de regrets a pourtant celui-là : que des psychanalystes " continuent de penser comme Freud, et moins bien que lui ", à propos de certaines pathologies. " Pour moi, la psychanalyse est comme la musique : c'est une culture qui me permet de penser d'une certaine manière. Mais nombre de psychanalystes français trop orthodoxes croient encore pouvoir appliquer à l'autisme les principes du "névrosé occidental poids moyen". Que cela ait mis les parents dans des états de sidération et de colère, il n'y a rien de plus normal ", juge-t-il.

Avoir la peau du packing, mise à mort symbolique de la psychanalyse… Mme B., qui souhaite garder l'anonymat et dont le fils " a bénéficié de cette technique plusieurs fois par semaine pendant des années ", avance une autre hypothèse. Pierre Delion est " quelqu'un qui aide à donner du sens, à faire le petit pas de côté qui permet de penser une situation impensable et très mortifère ", estime-t-elle. C'est là que le bât blesse. Car le packing se préoccupe avant tout de la souffrance psychique – souffrance que les parents d'enfants autistes ne veulent pas toujours admettre.

Une analyse que prolonge le professeur de neuropédiatrie Louis Vallée, qui travaille depuis des années avec le pédopsychiatre au CHRU de Lille. " Le packing touche à l'inconscient, à ce qui est hors normes. Les parents en veulent d'autant moins qu'une partie de leur souffrance vient justement de ce que leurs enfants sont hors normes ", avance-t-il. Il ajoute que " la HAS et les médias se sont laissé prendre au piège d'une démarche émotionnelle ". Ce qui dépasse l'entendement inquiète, perturbe, plus encore dans le champ douloureux du trouble mental. Mais Delion n'est pas un simplificateur. La complexité ne lui fait pas peur, elle l'attire. Il ne la résout pas, il l'accueille.

A Lille, où il a été nommé professeur en 2003, il fait ce qu'il a toujours fait : du lien. Comme dans l'angevine ville de Trélazé, où il demandait, naguère, à descendre dans les mines d'ardoise pour voir les conditions de travail des alcooliques qu'il soignait. Avec les pédiatres de la région, il mène une étude pour prévenir les conséquences sur le nourrisson de la dépression postnatale de la mère. Les résultats sont si probants que l'Association française de pédiatrie ambulatoire tente désormais de la développer à l'échelle nationale. Il anime, à la demande de Martine Aubry – elle le décrit comme " un vrai humaniste, un homme qui, derrière le scientifique, a toujours le doute " -, un groupe de travail sur la violence et l'enfance. Il développe dans les quartiers lillois les plus défavorisés, avec les professionnels de l'école et de la justice, des initiatives concrètes pour prévenir la délinquance des jeunes… Psychiatre dans la cité, encore et toujours. " Pierre ne se réduit pas au packing, loin s'en faut ! ", insiste le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron. Sollicité par son confrère pour mettre en place, dans le cadre de la prévention de la violence en classe maternelle, un jeu thérapeutique pour l'académie de Lille, il salue " la qualité de ses relations avec les gens de l'éducation nationale " et l'attention constante qu'il porte " au travail des autres ". C'est pour cela aussi, sans doute, que Delion a reçu une standing ovation des 1 200 personnes venues assister, le 17 mars à Montreuil (Seine-Saint-Denis), au meeting de psychiatrie organisé par le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. Il n'en fait pas grand cas, mais cela lui a mis du baume au coeur.

Des projets de livres plein les tiroirs, un métier qui le captive, un solide réseau d'amis, trois grands enfants, dont l'un, médecin comme lui, l'a récemment fait grand-père d'une petite Jeanne qui l'émerveille : au fond, l'homme que nous rencontrons est un homme heureux. Mais, depuis que la HAS a marqué le packing de son interdit, il ne dort plus aussi bien qu'avant. Que dire aux parents qui lui ont amené leur enfant pour une séance hebdomadaire ? Aux confrères qui pratiquent ce soin et l'appellent de toute la France pour lui demander conseil ?

Le psychiatre Moïse Assouline, grand spécialiste de l'autisme, " ne décolère pas de ce qui lui arrive ". Mais il compte sur Delion pour trouver les mots justes. Il précise : " Si quelqu'un me disait : "Je vous confie mon enfant les yeux fermés", je lui répondrais : "Ne faites pas ça, allez voir Pierre Delion." " Si celui-ci peine à se remettre, il sait aussi pouvoir compter sur ses capacités d'adaptation. Ses années de jeunesse aux Glénans – il a exploré en chef de bord tous les pays du Nord à la voile, Groenland compris – l'ont rodé à l'expérience du groupe et des situations imprévues. " On peut me mettre dans n'importe quelle circonstance… La preuve ! "

Catherine Vincent

© Le Monde

" LE CORPS RETROUVÉ. FRANCHIR LE TABOU DU CORPS EN PSYCHIATRIE "

de Pierre Delion (Ed. Hermann, " Psychanalyse ", 2010).

" HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE " de Jacques Hochmann (PUF, " Que sais-je ? ", 2011).

" LES GRANDES PERSONNES SONT VRAIMENT STUPIDES (CE QUE NOUS APPRENNENT LES ENFANTS EN DÉTRESSE) " de Daniel Rousseau (Ed. Max Milo,

256 p., 18 €).

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> Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d'aujourd'hui

Lettre aux amis de la pédopsychiatrie d’aujourd’hui

Pierre Delion, Lille le 20 Mars 2012, jour du printemps

mardi 20 mars 2012, par Michel Balat

Chers amis, nous voilà maintenant dans une situation extrêmement préoccupante au sujet de l’autisme et des recommandations qui viennent de sortir de l’HAS, puisque les soins seront prescrits, pour certains d’entre eux par des forces extérieures à notre corps professionnel. Je ne dis pas que seuls les pédopsychiatres doivent indiquer des soins, puisque l’expérience de la psychothérapie institutionnelle nous a justement appris à partager nos décisions avec l’ensemble de nos équipes, à prendre en compte les avis de nos partenaires, et le tout, sous l’égide bienveillante des parents, quand cela est possible. Mais là, nous faisons une nouvelle expérience, celle d’avoir à assumer des décisions venues de l’extérieur de notre champ de compétences, et qui, selon notre expérience antérieure, semble peu adaptées, sinon inadaptées aux problèmes rencontrés. L’exemple du packing vient immédiatement à l’esprit et va être dans les semaines qui viennent un réel problème lorsqu’il va nous falloir répondre aux parents qui veulent à tout prix continuer ce soin pour leur enfant, alors que, hors de la recherche lilloise, la HAS, instance opposable en droit, s’y oppose formellement, même à titre exceptionnel. Ces parents nous rappellent d’ailleurs qu’ils n’ont pas été consultés dans ces décisions, alors qu’ils étaient les premiers concernés par leurs enfants bénéficiant du packing. Voilà un exemple à partir duquel nous allons devoir réfléchir pour trouver des aménagements, sans nous mettre en danger puisque vous savez que le président de "vaincre l’autisme" a prévenu qu’il intenterait un procès en justice à toute personne dérogeant à ces recommandations. On peut lui faire confiance sur sa détermination à ce sujet. Mais voyons plus globalement comment va se passer la suite. J’ai peur que, concernant les autres soins relationnels, la même procédure soit mise en place assez rapidement : la pataugeoire, l’équithérapie, les ateliers conte et autres activités thérapeutiques des hôpitaux de jour de nos secteurs de pédopsychiatrie. Comment va-t-on précéder ? Allons nous laisser éradiquer ces outils thérapeutiques sur lesquels nous instituions nos soins avec les enfants ? Comment dès lors mettre davantage les parents des enfants que nous soignons dans le coup de ces nouvelles modalités de soins imposées ? Jusqu’alors j’avais toujours eu beaucoup de réticences à le faire. Pour le packing, j’avais vraiment résisté à l’idée de demander aux parents de prendre partie pour défendre le soin de leur enfant, pensant que nos organisations professionnelles le feraient sans réticences. L’histoire récente nous montre qu’il n’en est rien et que nous allons devoir changer de stratégie à ce propos. Il va nous falloir permettre aux parents engagés avec nous dans les soins de leur enfant soit de fonder de nouvelles associations, soit de s’engager dans les associations existantes pour y apporter d’autres points de vue demeurés en retrait jusqu’alors. En effet, lorsque je discute avec des parents, engagés que nous sommes avec eux dans une confiance réciproque nécessaire à tout soin de leur enfant, je suis frappé de voir comment ces parents jugent les réactions des représentants d’associations de parents d’enfants autistes avec étonnement et sagesse. Avec étonnement, car il leur paraît souvent curieux que ces parents puissent avoir une telle haine vis à vis des pédopsychiatres et de leurs équipes, sauf à considérer qu’il s’agit d’expériences traumatiques anciennes qui tournent en boucle sur les forum et dans les discussions des détracteurs. L’hypothèse la plus vraisemblable est que ces parents ne sont plus en lien avec nos équipes à la suite de désaccords sans doute compréhensibles, mais généralisés à outrance. Avec sagesse, et l’exemple le plus frappant qu’ils prennent, là encore, est celui du packing, car ces parents pensent que les principaux détracteurs ne savent visiblement pas de quoi ils parlent, si j’en juge aux films d’horreur que "vaincre l’autisme" monte et promeut pour démontrer l’inanité de cette technique, comme si leur avis de témoins ne suffisait pas à convaincre. D’ailleurs, je suis très étonné que le président de "vaincre l’autisme", si prompt à faire des procès, n’ait pas encore trouvé un seul cas de parents prêts à le suivre pour les reproches qu’il fait au packing. Cela devrait attirer l’attention d’un pouvoir scientifique, l’HAS, sur l’écart entre ce qui est proféré avec une extrême violence et la réalité de ce qui est dénoncé. Mais cela devrait surtout attirer l’attention des pouvoirs publics et des politiques qui, loin de tempérer ces excès, s’en servent lâchement pour ne pas répondre aux besoins énormes dont il est question dans cette guerre de l’autisme. Pour avancer sur ces problèmes importants, il faut une nouvelle approche qui prenne en considération les avis de tous les parents et pas seulement ceux qui sont contre. Il nous reste à trouver les moyens de déclencher un tel débat.

 

Suite de cette lettre cliquez ici

 

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>"Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice" (Pierre Dardot, meeting du 17 mars)

 

Prenant connaissance de la teneur de la déclaration de la HAS, ma première réaction a été de me dire « le masque est tombé ! ». De fait, jusqu’à présent, notamment depuis 2005, on avait eu droit à des recommandations assez floues et à des formulations atténuées. Mais je crois en même temps qu’il faut voir clair dans la stratégie mise en œuvre par cette instance et, au-delà d’elle, par le pouvoir politique dont elle n’est finalement qu’un relais complaisant. On brandit la menace d’une interdiction de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle dans un délai d’un an, mais pour ceux qui profèrent de telles menaces la question est de savoir comment s’y prendre pour interdire, puisqu’on peut difficilement interdire directement par le biais de la loi, car on s’exposerait alors au risque de l’inconstitutionnalité.

La Haute Autorité de Santé se présente invariablement comme « une institution scientifique complètement indépendante de toute pression », selon les propos de Jean-Luc Harousseau, et son discours se pare volontiers du prestige et de l’autorité de la science.

Il s’agit en réalité de tout autre chose que de la science. Il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle « querelle des méthodes », c’est-à-dire d’une querelle interne au champ de la science qui opposerait  deux méthodes prétendant l’une et l’autre à la reconnaissance de leurs titres à la scientificité. Il s’agit bien plutôt d’un « savoir » dont le caractère normatif est l’essentiel, c’est-à-dire d’un savoir dont la vertu principale est de produire des effets de pouvoir en édictant « ce qui doit être ». A en croire ce savoir, l’individu est ses neurones ou ses gènes.

Un innéisme rudimentaire lui tient lieu de credo d’autant plus indiscutable qu’il refuse de s’avouer pour ce qu’il est, à savoir une pure construction intellectuelle. Dans cette entreprise il peut d’ailleurs s’étayer du caractère prétendument « non-théorique » que le DSM revendique pour lui-même. De manière plus générale, on a affaire à un discours qui glisse continuellement de « ce qui est » à « ce qui doit être », c’est-à-dire qui s’autorise de la description ou de l’explication pour prescrire (l’autisme a une base génétique ou neurologique, donc il doit être traité exclusivement comme un « trouble du développement »).

Dans ce registre la norme est toujours présentée comme une « règle naturelle » qui s’impose d’elle-même tant elle relève d’une irrésistible évidence, et c’est d’ailleurs pourquoi ces recommandations sont égrenées sur le mode anodin d’un solide bon sens auquel il est vain d’adresser une objection, tout simplement parce qu’on ne peut rien objecter à ce qui est neutre.  Que de formules lénifiantes n’a-t-on pas entendu ! « C’est pour le bien de tous, et surtout pour le bien des enfants autistes et pour soulager la détresse des familles, que nous faisons ces recommandations », « nous invitons à une approche pluridisciplinaire », « bien entendu il ne faut pas imposer mais proposer ».

Mais ce que dissimulent mal de telles formules, c’est l’implacable logique d’un « savoir » dont le dernier mot est toujours : « il n’y a pas d’alternative », « il n’y a rien d’autre à faire ». C’est pourquoi je crois que la meilleure dénomination qui revient à cette instance est en effet, comme le dit la déclaration des 39, celle de « Haute Autorité Sachante », surtout pas « Haute Autorité Savante », avec tout ce que ce participe présent adjectivé peut signifier en matière d’infatuation, de suffisance et de morgue.

Il suffit de prêter attention aux propos de certains porte-parole de la HAS pour s’en convaincre. Le Professeur Philippe Evrard, neuropsychiatre, président du groupe de pilotage de la HAS/ANESM (Quotidien du médecin en date du 12/03/2012, rubrique « Questions d’expert »), après avoir déploré le retard de la France sur le plan quantitatif et s’être fait l’avocat de la pluridisciplinarité, répond en ces termes à cette question, dont je vous laisse apprécier le libellé : « Quelle doit être la posture des médecins vis-à-vis de ces troubles ? » : 

« Il faut prendre en considération les préférences ou les décisions des parents. Pour ce dernier point il faut entraîner une compétition minimale parce que, comme l’outil à la disposition des personnes autistes et de leurs familles est très insuffisant quantitativement en France, forcément les parents n’ont pas beaucoup l’occasion de contester la prise en charge quelle qu’elle soit, blanc ou noir, dans la mesure où ils sont totalement dépendants des possibilités qu’il y a autour d’eux » (nous soulignons). 

Le projet qui sous-tend de tels propos est on ne peut plus clair : il s’agit moins d’interdire dans la forme juridique de la loi  que de mettre en place un marché des traitements de l’autisme par la mise en concurrence des « approches » dont les parents, incités à les « contester », seraient in fine les arbitres. L’aveu est d’autant plus significatif que la justification de cette mise en concurrence est la pénurie des moyens désignée par l’euphémisme de l’« insuffisance quantitative ». On a là très exactement le même scénario que celui qui se dessine dans l’Education nationale : on enjoint aux enseignants de travailler avec moins de moyens et on organise en même temps un marché de l’école en encourageant les parents d’élèves à se comporter en clients mettant les écoles en concurrence les unes avec les autres pour le plus grand bien supposé des élèves, de telle sorte que, moyennant cette pression, on met les enseignants eux-mêmes en concurrence les uns avec les autres.

On fera sans doute valoir que la concurrence est parfois saine et qu’elle bénéficierait tant aux parents qu’à leurs enfants. « Que le meilleur gagne ! », peut-on souvent entendre. Mais il suffit de considérer selon quelles règles cette concurrence serait mise en place pour comprendre que les dés sont pipés et que certaines approches sont disqualifiées d’emblée. 

Répondant à une question du QM du 08/03/12 (« Certains psychiatres ne doivent-ils pas changer de paradigme vis-à-vis de pratiques décriées dans l’autisme comme la psychanalyse ? »), le Professeur Harousseau nous livre cette réflexion de « sachant »: 

« Cela fait plus de 30 ans que l’on propose ou que l’on impose des approches psychanalytiques sans que ces approches aient fait la preuve de leur efficacité. C’est absolument étonnant ! N’importe quelle intervention sur le corps humain est évaluée et on sait quand même dire si ça marche ou si ça ne marche pas, actuellement plus de 30 ans après on ne sait pas dire (si ces approches marchent ou non). Deux possibilités : ou on arrête ou on fait des essais cliniques. C’est aux psychiatres eux-mêmes de le dire. Les psychiatres doivent se remettre en question et doivent évaluer leurs approches sur des critères objectifs d’intégration de l’enfant dans la société (nous soulignons). »

Tout est dit en quelques mots. L’alternative énoncée : « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » n’est en réalité pas une alternative du tout.  Car comme on fait des essais cliniques dans le seul objectif d’évaluer selon un critère, celui de l’adaptabilité sociale, qui est par définition étranger aux approches psychanalytiques, comme on ne peut évaluer « objectivement » la dimension du désir inconscient et du relationnel, l’alternative « ou on arrête, ou on fait des essais cliniques » devient finalement une injonction brutale : « ou on arrête, ou on arrête » ! En d’autres termes, on demande à l’une des approches d’accepter de se laisser juger selon des critères taillés sur mesure par l’approche « concurrente ».

On a là le fin mot de l’affaire : on attend de la mise en concurrence organisée qu’elle valide par son verdict la condamnation prononcée à l’encontre des approches psychanalytiques, autrement dit on met en place un marché et on charge le marché de valider a posteriori par le jugement des parents promus clients la condamnation a priori des approches psychanalytiques. Dans un an le marché aura tranché et les pratiques psychanalytiques seront sanctionnées par la loi de l’offre et de la demande, la place sera enfin  libre pour un marché des soins de l’autisme dominé par l’« offre » comportementaliste et neurologique. On ne s’étonnera pas après cela de l’intérêt très vif porté à cette offre par le courant dominant en économie, celui-là même qui entend réduire chaque individu à un calculateur soucieux avant tout de « maximiser » son intérêt.

Il faut mettre un cran d’arrêt à cette frénésie évaluatrice qui procède d’une logique comptable proprement infernale visant à faire de chaque subjectivité une valeur à valoriser dans le jeu de la concurrence avec les autres. Cette logique a un nom qu’il ne faut pas hésiter à lui donner, elle n’est rien d’autre que la logique capitaliste, celle qui soumet chaque sujet à la loi du « encore-et-toujours plus » en le condamnant à rendre en permanence des comptes. Il faut affirmer haut et fort que nous ne nous résignerons jamais à subir cette logique normative et que nous refusons l’idée de l’humain qu’elle met en œuvre.

Il ne s’agit aucunement d’opposer une idée abstraite de l’homme comme « âme » ou « esprit » à l’individu-cerveau, il s’agit de porter une certaine idée de l’humain dans des pratiques fondé un travail relationnel, ce qui est tout autre chose. De ce point de vue, il faut dire, au-delà du cas particulier de la HAS qui n’est qu’un appareil de pouvoir totalement discrédité, que les seules règles acceptables ne sont pas celles qu’édicterait une instance qui s’érigerait en gardienne des bonnes pratiques, mais que ce sont celles que font vivre nos pratiques parce que ce sont celles qui s’élaborent dans et par ces pratiques.

C’est là la seule manière de redonner tout son sens à la belle idée d’émancipation : en dernière analyse, il n’y a que des pratiques d’émancipation qui puissent porter et faire vivre l’idée d’émancipation.

PIERRE DARDOT


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> communiqué suite du meeting du 17 mars 2012

Collectif des 39 contre la Nuit Sécuritaire

 

 

Communiqué de Presse

Lundi 26 mars 2012

 

Quelle hospitalité pour la folie en 2012 ?

 

Le 4ème meeting National du collectif des 39 s’est déroulé samedi 17 mars à Montreuil. Plus de 1200 personnes ont participé avec une grande attention durant toute la journée aux débats et aux témoignages des professionnels et des patients ou familles de patient, aux interventions de neurobiologiste, de philosophe. Il s’en est dégagé souvent une vive émotion et toujours une grande force de conviction et de détermination pour soutenir  l’hospitalité en psychiatrie.

 

Autant par le nombre que par la pluralité des personnes, par la diversité de leur place comme de leur statut, la légitimité et la justesse de la dynamique maintenue depuis 3 ans par le collectif des 39 en est confirmée. L’affirmation de nos valeurs, de nos résistances pour promouvoir un accueil de qualité et une attention des pouvoirs publics quant à l’importance des soins psychiques en est sortie plus forte.

 

La nécessité d’abroger les lois sécuritaires, gestionnaires, liberticides, est un de nos objectifs essentiels. C’est aujourd’hui un de nos mots d’ordre.

 

-Abrogation de la Loi du 5 juillet 2011 concernant les soins sans consentement.

-Abrogation de la Loi hôpital Patient Santé Territoire.

-Revalorisation et renforcement de la politique de secteur, notamment par un budget spécifique pour la psychiatrie.

– Abandon du projet de valorisation de l’activité en psychiatrie pour le maintien d’un budget global.

-Dissolution de l’instance de la Haute Autorité de Santé.

 

Durant le meeting, les différents partis de gauche, les représentants des candidats à l’élection présidentielle ont exposé leur position concernant la politique à mener en matière de soins psychiques. Le Front de Gauche – Parti de Gauche, PC-, EELV, le NPA, L.O. ont pris des engagements très clairs. Les représentants des candidats de ces partis ont donné un écho favorable au Manifeste dans lequel le collectif des 39 présente ses propositions. Le Parti Socialiste, par la voix de son représentant s’est prononcé pour un aménagement de la loi HPST, un abandon de la tarification à l’acte sans assurer une enveloppe globale et une réorganisation de la HAS. À propos de la loi sur les soins sans consentement du 5 juillet 2011, il en a dénoncé le caractère sécuritaire, sans engagement sur son abrogation. Il a par contre évoqué que ce sera au Parlement nouvellement élu en juin 2012 de revenir sur ces lois.

 

Pierre Joxe, ancien ministre, présent avec le collectif des 39 ce samedi pour dénoncer la régression de la justice des mineurs et les attaques contre la prévention, a rappelé la responsabilité et le pouvoir des parlementaires dans l’écriture des textes de lois. La mobilisation auprès des députés est de toute évidence indispensable.

La Haute Autorité de Santé s’est totalement discréditée avec la parution de son rapport du 8 mars dernier, déclarant "la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle non consensuelles » pour la prise en charge de l'autisme, et interdisant la thérapeutique par le packing. Le collectif des 39 dénonce la dérive de cette instance.

Les 1200 personnes présentes ont manifesté leur soutien total au Professeur Pierre Delion, violemment attaqué, qui a été ovationné à l'issue de son intervention digne et combative. 

Il est aujourd’hui clair que toute participation à cette instance anti-démocratique contribue à renforcer une entreprise idéologique visant à briser toute approche psychodynamique de la psychiatrie, à entraver la dimension thérapeutique pour les personnes  autistes. Nous appelons tous les professionnels soignants à quitter leur fonction de cette instance.

 

 

Le Collectif des 39 a donné rendez vous à l'automne, à toutes celles et tous ceux qui veulent continuer ce combat, lors de l'organisation des assises pour une psychiatrie fondée sur l'hospitalité.

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> « On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

Meeting des 39, le combat continu…

« On n’est pas fatigué mais on risque d’être fatiguant. »

 

Compte rendu

 

Le conciliabule s’est rendu au 4éme meeting de psychiatrie du 17 mars dernier, organisé par le collectif des 39 à Montreuil à la maison de l’arbre. La journée interrogeait : quelle hospitalité pour la folie en 2012 ? , et s’est déroulée autour de trois tables rondes ciblant trois des combats actuels dans les politiques concernant la psychiatrie : le sécuritaire, le scientisme et la norme. La loi du 5 juillet dernier concernant les soins sous contraintes a domicile et les derniers positionnements de l’HAS (Le 9 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a déclaré que non seulement «le packing ne devaiten aucun cas se faire», faute d’avoir été évalué, mais aussi que «la psychanalyse, comme la psychothérapie institutionnelle, n’étaient pas recommandées dans la prise en charge de l’autisme».) étaient aux cœurs des débats mais il a aussi était évoqué les conséquences dramatiques de la T2A, du DSM, de ABA, et de la loi HSPT.

 

De nombreux professionnels mais aussi soignés et membres de familles de patients ont répondu a l’appel des 39. Le meeting a rassemblé plus d’un millier de personnes. Malgré la gravité des annonces autour de ces réformes économiques, calomnieuses  et la lourdeur du combat simplement pour maintenir un soin humain, une humanité et une force impressionnante ce sont dégagés de cette journée.

Une pluralité d’intervenants se sont succédés (Hervé BOKOBZA, Lysia EDELSTEIN, Sylvianne GIANPINO, Serge KLOPP, Serge PORTELLI, Pierre SADOUL, Pierre JOXE, Philippe BICHON, Jacqueline Berger , Loriane BRUNESSAUX, André CORET, Guy DANA, Francois GONON, Patrick CHEMLA, Mathieu BELHASSEN, Marie CATHELINEAU, Helene DAVTIAN, Pierre DARDOT, Pierre DELION, Camille, Fred, Mathieu….). Psychiatres, psychologues clinicien, psychanalystes, cadres infirmiers, infirmiers magistrats, avocats, ministres, philosophes, patients,  se sont retrouvés autour d’un même consensus et avec la même rage de conviction : de l’humanité et du respect pour les soins. Le jugement, le gardiennage et le turn over des lits n’est pas l’affaire des soignants.

           

 

Le meeting s’est ainsi ouvert sur une vidéo interview de Lucien BONNAFE  qui nous rappelle que « toutes les opinions ne sont pas respectables. ». Puis Emile LUMBROSO membres des 39 a énoncé l’argumentaire de la journée. « Ce qui est imposé c’est l’interdit de penser » montrant ainsi qu’un degré de plus était franchi puisqu’il y a peu encore certain disait « On ne nous interdit pas de penser on nous en empêche ». Il est rappelé aussi  qu’il est désormais demandé aux soignants d’être « des techniciens du psychisme » sans formation, en comptant leurs actes et appliquant des lois qui viennent interroger sur où est l’hospitalité pour la folie ? Ou bien encore pour reprendre les mots Patrick COUPECHOUX de : « Comment la société d’aujourd’hui traite-t-elle ses fous ». Faut il encore rappeler, crier haut et fort ce que François TOSQUELLES  a défendu  « la santé c’est la capacité d’humaniser les soins ».

Par la suite, plusieurs interventions ont été poignantes. Celle de Pierre DELION qui faut-il le rappeler est fortement attaqué pour sa pratique du packing auprès d’enfant autiste et ce sans fondements plausibles.

 

Pierre DELION a été accueilli par la foule qui lui a fait un « standing ovation » de plusieurs minutes montrant ainsi son soutien. Face a cette accueil Pierre DELION a été submergé par l’émotion…Nous espérons que la chaleur et l’ovation qu’il a eu samedi dernier l’accompagnerons dans son procès qui aura lieu très prochainement. 

Dans les interventions marquantes il y a aussi Camille, patiente et membre du collectif des 39 et d’HumaPsy qui a apporté son témoignage dos a la foule. « Je ne suis pas face à vous parce que vous faites un peu peur, vous êtes nombreux quand même, mais aussi parce que je suis une hors la loi : j’ai pris la décision de ne plus prendre de traitement depuis 6 ans, alors que ma carte vitale indique une maladie longue durée».  Camille a connu des hospitalisations sous contrainte et n’est pas opposée aux traitements mais elle a fait d’autres choix une fois sortie de l’hôpital et même si cela est difficile elle résiste et s’engage dans des combats comme avec ce collectif de patients HumaPsy. Ce collectif offre la parole aux patients  et recueille les idées, doléances et autres pour les soumettre aux états généraux de la psychiatrie. Camille a également adressé un message à François Hollande qu’elle avait rencontré dans un train sans oser lui parler à cœur ouvert de ses craintes sur l’avenir de la psychiatrie.

 

L’intervention du magistrat Serge PORTELLI, a également beaucoup marqué  la journée. Son engagement auprès des 39 est important depuis le départ «  Je suis peut être le 40 éme des 39 » dit-il pour commencer. Il a souligné que nous avons affaire à un véritable changement de civilisation avec toutes ces réformes de psychiatrie. Il a ensuite expliqué comment il était choquant de voir passer par les mêmes portes du tribunal les délinquants, les criminels et les malades mentaux . « Le fou n’est coupable de rien. La folie n’est pas une infraction. »

 

François GONON neurobiologiste et membres des 39 a dénoncé lui l’abus des neurosciences. « La psychiatrie biologique n’a pratiquement rien apporté à la psychiatrie clinique (…) pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de marqueur biologique a la maladie psychique.les médicaments existants ont 40 ans depuis 40 ans aucune nouvelle découverte. La psychiatrie est une bulle spéculaire. » Il a ainsi formulé des conclusions claires et logiques pour faire évoluer les choses. Première proposition : « l’égalité c’est la santé, la neurobiologie fait croire que c’est le cerveau qui est défaillant et non la société ». Deuxième proposition : « il faut préserver l’indépendance de la psychiatrie et de la neurobiologie ». « Il faut également promouvoir la recherche clinique ». Et enfin  « il faut libérer la recherche des neurosciences en arrêtant le financement des recherche sur les projets. Pour avoir de l’argent actuellement il faut promettre monts et merveilles » …apporter de l’apaisement, du soulagement aux patients  n’est pas suffisant il faut proposer d’éradiquer la maladie….

Hervé BOKOBZA a terminé la journée en insistant sur l’importance de faire évoluer les choses en créant et inventant autour de nos référentiels cliniques. « arrêtons de dire c’était bien il y a 20 ans » . « Rendre compte de ce que nous faisons de notre pratique s’oppose à rendre des comptes. » Il a également insisté sur l’importance du combat a mener. « Le combat va être colossal quelque soit les résultats des élections… » et a terminé sur ces mots des indignés « On nous empêche de rêver on va les empêcher de dormir ».

 

           

Au cours de cette journée, les gens se sont rencontrés au sens d’une véritable rencontre que ce soit dans les débats autour, à coté…Des collectifs de patients comme Humapsy ou radio citron, la radio qui n’a pas peur des pépins recueillaient les témoignages de terrain. Les intervenants étaient présents pour échanger et poursuivre les discussions, rappelant l’ambiance des journées de formation de  psychothérapie institutionnelle comme celle de st Alban et si manquant dans notre quotidien à l’hôpital.

Loin d’être des lamentations les débats apportaient des témoignages de terrain mais aussi des positionnements, des refus, car il est possible de refuser. Certains psychiatres on fait par des positionnements de leur service ou aucun patient n’avait de soins sous contraintes à domicile, des engagements et des propositions.

Ce qui fit dire a Mathieu BELHASEM « on est pas fatigué mais on va être fatiguant ». Les 39 ont aussi invité des représentants des candidats à l’élection présidentielle à prendre position pour leur manifeste et ont demandé l’abrogation de la loi HSPT , de la loi du 5 juillet 2011 et l’abrogation de l’HAS. Les verts, le front de gauche et le PS ont répondu a l’appel et se sont positionnés de manière encourageante.

           

C’est empreins des forces de convictions de cette journée de meeting et des engagements que nous avons déjà pris l’an dernier que l’association conciliabule vous propose sa rentrée 2012 en avril prochain. Une soirée d’ouverture, au Gran lux , aura lieu, dans la prolongation du meeting ou nous pourrons reprendre ce qui a été échanger et débattre ensemble sur les perspectives stéphanoises.

 

A très bientôt,

Le conciliabule.

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> "La folie n'est pas une infraction"

 

Psys et membres d’associations de malades étaient réunis samedi en Seine-Saint-Denis pour contester la politique du gouvernement, à l’appel du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire.

Par ERIC FAVEREAU


Ce fut le moment le plus chaleureux, le plus symbolique aussi. Samedi, à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), aux portes de Paris, tout le monde est debout dans ce hangar où s’entassent plus d’un millier de participants à l’appel du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire. Et la foule d’applaudir à tout rompre le professeur Pierre Delion, pédopsychiatre à Lille.

Le vieux médecin est ému. Il hésite. Il a été mis au pilori ces derniers jours car il pratique dans son service le packing : une technique de tradition psychanalytique utilisée pour des patients autistes très gravement atteints, mais fortement contestée par certaines associations de parents d’autistes. Elle consiste à recouvrir dans un drap humide le malade, puis à le réchauffer progressivement.

«Scientiste». Le 9 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) a déclaré que non seulement «le packing ne devait en aucun cas se faire», faute d’avoir été évalué, mais aussi que «la psychanalyse, comme la psychothérapie institutionnelle, n’étaient pas recommandées dans la prise en charge de l’autisme».

Une prise de position polémique, dernier avatar d’un vieux conflit entre la psychiatrie biologique et comportementale d’une part, une psychiatrie plus humaniste et proche de la psychanalyse de l’autre. Les pouvoirs publics ont choisi. Depuis plus de quatre ans, la politique gouvernementale en matière de psychiatrie a été fortement déséquilibrée, renforçant le volet sécuritaire. D’abord, en 2009, avec un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques (multiplications des chambres d’isolement, instauration des bracelets électroniques, etc.). Puis avec une loi instaurant, en 2011, les soins obligatoires à domicile (et plus seulement à l’hôpital). Et voilà que tombent ces recommandations polémiques de la HAS…

A quelques semaines de l’élection présidentielle, le rassemblement initié par le Collectif des 39 autour du thème «quelle hospitalité pour la folie en 2012 ?» avait valeur de bilan et de symbole. Simple coup d’épée dans l’eau un brin nostalgique ? Ou début de reconquête ?

Psys, soignants, membres d’associations de malades, ils sont venus très nombreux. Avec la forte envie d’en découdre, en particulier contre la HAS et son «faux discours scientiste». Le collectif a d’ailleurs clôturé cette journée très offensive en appelant tous les psychiatres de France à ne plus «collaborer» avec la Haute Autorité de santé. Dès la matinée, Pierre Joxe, figure de la gauche, lançait : «Vous n’avez rien de moribonds. Ce ne sont pas quelques réformes réactionnaires qui vont tout bouleverser. La situation est certes consternante, mais ce que le législateur a détruit, un autre législateur peut le reconstruire.» Pierre Joxe fait référence à son combat actuel sur le dispositif de prévention et de protection de la jeunesse, aujourd’hui «totalement effondrée».

«La folie n’est pas une infraction», poursuit avec force le magistrat Serge Portelli. Martelant : «La médecine n’est pas là pour surveiller, elle est là pour soigner.»

Puis arrive le pédopsychiatre Pierre Delion, combatif mais inquiet. Comme un reflet du moment. Après une standing ovation, il prend la parole: «Et je serais, moi, un barbare ? Et je ferais, moi, de la torture, interroge-t-il de sa voix douce. Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, on en arrive à recommander de mettre des casques sur les enfants agités !» Puis, avec son visage de vieux sage, il affirme : «Il faut nous mettre debout pour dire "cela suffit".»

«Bulle». Debout ? Loriane et Mathieu, deux jeunes psychiatres, le sont. Dès le début, ils ont été dans le collectif des 39. Lui travaille à l’hôpital d’Etampes (Essonne). Loriane est pédopsychiatre dans un Centre médico-psychologique à Corbeil-Essonnes. «Si j’y crois ? Drôle de question, dit-elle. Je pense à ce que j’ai à faire, j’essaye de maintenir à tout prix une éthique dans mon travail de psy. Et, pour moi, ne pas être seule est essentiel. Même si on traverse une période difficile, on réfléchit et on essaye de mettre au point des pratiques émancipatrices.» Dans un grand sourire, elle ajoute : «Non, je ne me sens pas moribonde.»

Mathieu, acquiesce : «J’en ai encore pour quarante ans à faire de la psychiatrie, et rien n’est foutu. Je reprends le service de Michaël Guyader, un grand psychiatre qui s’est battu contre l’asile. Je n’ai pas connu ce combat-là, et mon travail est différent : c’est aussi de rouvrir des lits, de faire des lieux d’hospitalisation accueillants. Dans ce service, il y a une histoire. Et c’est possible de travailler, de créer des collectifs.» Puis d’affirmer : «Mais si on reste dans notre bulle, on se fait dégommer.»

source Libération 19 mars 2012

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>Le réseau social "Accueillir la folie" est actif

Un problème de blocage d'envoi des mails de validation de comptes empêchait de nouvelles inscriptions sur le réseau social. 

Le problème est réglé, tous les comptes en attente ont été validés et si de nouvelles personnes veulent s'inscrire, elles peuvent désormais le faire.

Le réseau est devenu public : le fil des dernières actions est donc visible par tous depuis le web.

Que les débats fleurissent, les blogs personnels, groupes de discussions et autres échanges se multiplient !

 

http://reseau-social39.collectifpsychiatrie.fr/

 

Simon Sensible : créateur du réseau social "accueillir la folie",  (non-soignant, non-patient, sans étiquette, autonome et indépendant : "vivre libre est la première nécessité humaine")

 

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>Quand la parole devient assourdissante

Les commentaires ont été fermés depuis hier comme vous avez pu le remarquer. Grosse fatigue face à des flots  de commentaires entre quelques participants qui "capturent" l'espace d'échange de site pour le transformer en forum de quelques uns, en foire d'empoigne.

"La liberté commence là où s'arrête celles des autres" : chacun connaît l'adage, et là, il nous semble que les hurlements alliés au défoulement d'un tout petit nombre (trois ou quatre) viennent tout envahir au point que le site ne soit plus un site que par le nom…

Echanger, réfléchir, débattre doit être quelque chose qui ne se fait pas au détriment du plus grand nombre. Nous appelons les personnes qui arrivent à écrire 250 commentaires sur un unique article à se calmer.

Sachant qu'il existe un réseau social des 39 fait pour ces échanges, qui contient des blogs personnels, des systèmes de forum. Il s'appelle "accueillir la folie" et se trouve à cette adresse : 

http://reseau-social39.collectifpsychiatrie.fr/

Nous en sommes désolés, pour l’immense majorité des internautes qui souhaitaient pouvoir participer à un réel débat démocratique, pour tous les signataires des appels, pour tous les membres du collectif des 39.

Nous espérons pouvoir ré-ouvrir ces “commentaires” , sans doute dans d’autres conditions.

Le Collectif des 39

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>Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ?

« Une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer. »[1]

(JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et D. Langloys, présidente de l'association Autisme France)

Nous vivons un moment singulier pour la démocratie, qui devrait nous aider à penser ses mutations les plus actuelles, dont l’une est le passage du paradigme « une personne : une voix » au paradigme « une association : un droit », entraînant les instances étatiques dans des errements aussi étonnants que celui d’édicter les normes du soin des personnes autistes, allant jusqu’à juger « non pertinent » tout un mouvement de pensée : la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle.

Etudions les faits de plus près.

Des associations de parents qui ne représentent qu’elles-mêmes.

Depuis quelques dizaines d’années, et cela suit un mouvement sociétal plus global, des associations de parents de personnes autistes se sont créées, comme il existe des associations de parents d’enfants trisomiques, diabétiques, sourds, etc.

Ce n’est pas la majorité des parents d’enfants en difficulté qui choisissent d’adhérer à ce type d’associations, mais au contraire une minorité. De cela je peux témoigner à double titre :

à titre professionnel, en tant que psychiatre responsable d’un centre médico-psychologique, je constate que, sur la soixantaine de parents d’enfants autistes que je soigne, aucun n’appartient à ce type d’association, ne souhaite y adhérer ni ne se réclament de leurs discours. Mes collègues de l’intersecteur sont dans le même cas que moi. Serions-nous en face d’un échantillon de population exceptionnellement dénué d’envie d’adhérer à des associations ? J’en doute.

A titre personnel, ayant grandi aux côtés d’une sœur atteinte d’une anomalie génétique, je peux témoigner du fait que la majorité des familles d’enfants « handicapés » ne ressent pas spécialement le besoin d’adhérer à ce type d’associations.

En effet, appartenir à ce type d’association offre un soutien psychologique de l’ordre du partage d’expériences et de la réassurance collective dans la revendication politique de droits, prenant parfois la forme d’une lutte. Cela convient à certains, certes, mais pas à la majorité des parents ; un certain nombre pense même que ce type de réponse est un mode de fuite évitant la confrontation à certaines questions, et que ces luttes font parfois oublier le véritable intérêt des enfants tant c’est la réassurance des parents qui guide l’action.

Chacun son avis.

En choisissant de donner la parole uniquement aux associations de parents, sur un sujet comme l’autisme, l’Etat (via la HAS) exclut donc automatiquement de la réflexion la majorité des parents de personnes autistes qui ne sont pas en association et ne sont donc pas pris en considération.

Comment se fait-on entendre par l’Etat censé nous représenter quand on ne fait pas partie d’une association et qu’on n’a pas envie de le faire ?

Un travail de lobbying intensif, relayé sans filtre par la plupart des médias.

Ces associations de parents de personnes autistes ont du temps et de la détermination : écrivant sans relâche des commentaires sur internet au moindre article sur le sujet de l’autisme, contactant tous les journalistes et toutes les instances politiques susceptibles d’être intéressées par la question… Donnant ainsi l’illusion au grand public de représenter une position majoritaire, ce qui, je le répète, est faux, et martelant sans cesse les mêmes arguments :

-La psychanalyse serait inutile voire néfaste pour les personnes autistes.

-La psychiatrie française serait dominée par la psychanalyse.

-Les psychanalystes refuseraient les hypothèses des neurosciences et du comportementalisme, formeraient un lobby puissant et exclusif cherchant à assoir son pouvoir.

-La psychanalyse rendrait les mères responsables de l’autisme de leur enfant et culpabiliserait les mères.

-La psychose serait définie par la psychanalyse comme un trouble de la relation entre la mère et l’enfant.

-L’autisme serait, de manière avéré un trouble « neuro-développemental » d’origine génétique.

-le traitement des enfants autistes serait identique pour tous et passerait pas une rééducation comportementale intensive.

-Les méthodes comportementales seraient les seules à être validées scientifiquement pour l’autisme.

-La psychanalyse refuserait l’évaluation scientifique.

-Le packing[2] serait une méthode psychanalytique.

-Le packing serait une torture, une barbarie, il faudrait porter plainte contre ceux qui la pratiquent et l’interdire.

-La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle devraient être interdites.

Ces arguments propagandistes réducteurs et simplistes, sont repris sans filtre par la plupart des médias.

Deux paradoxes devraient pourtant sauter aux yeux des journalistes :

Premier paradoxe, les associations de parents dont il est question accusent les psychanalystes d’être sectaires, exclusifs, fermés aux hypothèses neuroscientifiques et comportementales.

Comment expliquer alors qu’elles prennent justement pour cible ceux des pédopsychiatres et psychanalystes qui pratiquent et promeuvent depuis de nombreuses années une approche « intégrative », associant les neurosciences, le comportementalisme et la psychanalyse : Pierre Delion[3], Bernard Golse[4], David Cohen[5], Geneviève Haag[6], Chantal Lheureux-Davidse[7] ?

Pourquoi ces praticiens, qu’elles devraient considérer comme leurs alliés, sont les premiers qu’elles attaquent ?

Deuxième paradoxe, les associations de parents dont il est question véhiculent l’idée, reprise par les médias et le grand public, qu’il y aurait deux camps rivaux et égaux en haine : les tenants du comportementalisme et les tenants de la psychanalyse.

Pourtant, quand on observe les choses de près, que voit-on ?

D’un côté, des personnes qui parlent de torture, de barbarie, qui portent plainte contre des praticiens et exigent et obtiennent de la HAS l'interdiction du packing et la non-recommandation de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

En face, des praticiens et familles sidérés dont le plus grand tort de certains serait d'avoir comparé les méthodes comportementalistes à du "dressage"[8].

Est-ce vraiment équivalent ?

Peut-on comparer la désignation de « dressage » à celle de torture, de barbarie, à l’action de porter plainte et d'exiger l’interdiction d’une pratique psychiatrique et de tout un mouvement de pensée?

D'ailleurs, à titre personnel, si des psychanalystes demandaient l’interdiction du comportementalisme, je trouverais cela scandaleux et anti-démocratique et m’insurgerais tout autant que face à la tentative actuelle d'interdiction de la psychanalyse.

Quand on sait, par ailleurs (et je peux en témoigner car la fin de mes études n’est pas très loin de moi), que la psychanalyse n’est pas même mentionnée pendant les six premières années des études médicales, qu’en région parisienne (pourtant la plus ouverte) il est déconseillé par la rumeur d’effectuer une thèse et un mémoire de psychiatrie sur un sujet en lien à la psychanalyse, tant les professeurs de psychiatrie sont orientés, depuis plusieurs années, vers la psychiatrie biologique et génétique, comment prendre au sérieux ces allégations de la toute-puissance des psychanalystes ?

Que conclure de ces paradoxes ? La mauvaise foi évidente des arguments et la force de la volonté éliminationniste sous-jacente.

Des affirmations dogmatiques et triomphalistes…

Quand personne, et surtout pas les psychanalystes, ne prétend connaître les causes de l’autisme et quand la plupart des personnes concernées s’accordent sur le fait que chaque personne autiste est différente et qu’il est impossible de savoir à l’avance ce qui pourra lui venir en aide et soutenir sa famille, les associations de parents dont il est question dans cet article, elles, « savent » et assènent leur vision de  la vérité.

Ces associations de parents affirment que l’autisme est un trouble neuro-développemental d’origine génétique.

Pourtant, aucun argument allant dans ce sens n’a été confirmé scientifiquement : aucune localisation neurologique n’a pu être identifiée, aucune anomalie hormonale ou infectieuse, aucune anomalie génétique clairement individualisée. Depuis quelques années, certaines publications de chercheurs en neuroscience tendent même à relativiser l’importance d’une éventuelle part génétique dans l’autisme du fait de biais important dans les études réalisées[9], de la déformation des conclusions des études scientifiques (excessives) par rapport aux résultats (modestes)[10].

Ces associations de parents affirment que seules les méthodes comportementalistes ont une efficacité validée scientifiquement.

Pourtant, certaines personnes remettent en cause cette « validité scientifique » des méthodes comportementales dont, fait intéressant, certaines personnes atteintes d’autisme dit « d’Asperger ».

Ainsi, Michelle Dawson, chercheuse à Montréal, a publié en 2004 un plaidoyer sur le manque d'éthique de l'intervention comportementale intensive (ICI), préconisée en Amérique du Nord, affirmant que "La littérature sur le sujet est énorme en quantité mais pauvre en qualité scientifique." De nombreux rapports de recherche iraient dans le même sens qu'elle et selon l'Académie américaine de pédiatrie, "la force de la preuve (en faveur de l'efficacité de ces techniques) est insuffisante à basse." Les gouvernements subventionnent pourtant abondamment ces thérapies, sous l'influence de groupes de pression[11].

Dans le même esprit, Jim Sinclair et Donna Williams ont fondé l’ « Autism Network International »[12] et l’ « Autistic Self Advocacy Network »[13].

Dans le monde anglo-saxon, se constitue ainsi toute une communauté d’ « autistes d’Asperger », qui revendique de savoir ce qui est bon pour elle et rejette aussi bien les comportementalistes que les développementalistes.

Qu’en conclure ? L’humilité.

Il semble bien maladroit d’être triomphaliste dans le domaine de l’autisme. 

Aucune méthodologie scientifique n’a pu prouver la supériorité d’une méthode sur l’autre, ni le comportementalisme, ni la psychanalyse (même si je ne peux m’empêcher de préciser qu’il existe des études qui suggèrent que les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytiques seraient plus efficaces à long terme[14]).

Certes, le comportementalisme est la méthode exclusivement employée dans de nombreux pays, mais que cela prouve-t-il sinon une uniformisation désolante de la pensée ?

…Qui font oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse d’établissements spécialisés.

Toute cette polémique sur la psychanalyse est donc biaisée puisque basée sur des affirmations arbitraires.

Elle tend à faire oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse, en France, d’établissements spécialisés pour le soin et l’accueil des personnes autistes et tout simplement « différentes », en règle générale.

Un grand nombre d’enfants autistes sont condamnés à passer le plus clair de leur temps à domicile car ils sont trop en difficulté pour être accueillis à l’école ordinaire et ne trouvent aucun établissement qui puisse les accueillir. Un grand nombre d’entre eux sont contraints de partir dans des établissements en Belgique.

Quels sont les choix politiques responsables de cet état de fait ?

L’Etat subventionne la recherche des causes de l’autisme (mais qui se soucie des causes s’il n’y a aucun moyen de prise en charge ?), le développement de « centre de ressource autisme » ayant pour but d’établir un diagnostic le plus précoce possible (mais que faire d’un diagnostic s’il n’existe aucun moyen de prise en charge ?) et, bien sûr, des établissements appliquant exclusivement les méthodes comportementalistes, ce qui constitue une exception puisque la plupart des lieux accueillant des personnes autistes en France sont pluralistes dans leur approche.

Ces établissements exclusivement comportementalistes ne peuvent accueillir tous les enfants. Ceux qui sont remboursés par la sécurité sociale n’acceptent pas les enfants les plus malades. L’accès aux autres établissements dépend de la possibilité des parents de payer.

Ainsi, ce choix de financement gouvernemental favorise une médecine à deux vitesses excluant les plus malades et les plus pauvres.

Par ailleurs, plutôt que de favoriser la création et le financement de classes intégrées ou un véritable réaménagement de l’Ecole, l’Etat fait le choix, qui ne coûte rien, de créer le droit pour tout enfant handicapé d’être intégré en école ordinaire. Dans un dialogue avec Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy expliquait ainsi, en 2007, que ce droit était important pour les enfants handicapés, mais surtout pour les enfants « normaux » qui deviendraient ainsi plus tolérants au contact d’enfants différents… Argument démagogique relevant soit de la grande naïveté, soit du grand cynisme[15], actuellement repris par plusieurs associations antipsychiatriques présentant la scolarisation en école ordinaire comme la seule solution pour les enfants autistes.

Mais à quoi sert ce droit si aucune école n’a les moyens d’accueillir les enfants très différents du plus grand nombre ?

Au total, même si cela est absurde, il semblerait que le plus commode pour certains soit de rendre la psychanalyse responsable de la pénurie liée à ces choix gouvernementaux et de l’interdire.

La psychanalyse en psychiatrie : une approche humanisante cherchant au cas par cas de solutions ouvertes pour chaque famille.

Il est fort dommage que la psychanalyse ait été contrainte de déserter la psychiatrie dans de nombreux pays, car elle a été un agent puissant de lutte contre les phénomènes asilaires et de réhumanisation de ces lieux parfois abandonnés à leur chronicité, en plaçant la personne et la relation au centre de la réflexion des équipes soignantes.

La pédopsychiatrie n’est pas la psychanalyse. La pédopsychiatrie est la pédopsychiatrie. Elle est composée de service comprenant des professionnels de différentes formations, en majorité des infirmiers et des éducateurs. On y rencontre aussi des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens, des assistantes sociales, des médecins psychiatres…

Ces « équipes » sont donc, toujours « pluridisciplinaires ». Chacun envisage son travail en fonction de la formation qu’il a reçue et de son style propre.

Que signifie, pour un service de pédopsychiatrie, avoir une référence à la psychanalyse ou à la psychothérapie institutionnelle?

Cela ne signifie pas du tout que tous les professionnels qui y travaillent soient en analyse, ni ne s’intéressent à la psychanalyse. Cela ne signifie pas non plus que les enfants sont allongés sur un divan.

Cela signifie que le travail de l’ensemble de l’institution est basé sur deux hypothèses.

La première est l’existence de l’inconscient chez tout le monde, enfants, parents, soignants… Ce qui oblige les soignants à se remettre sans cesse en question pour ne pas prendre leurs décisions comme la vérité vraie, mais comme découlant aussi de certains phénomènes inconscient provoqués en eux au cours de l’exercice de leur métier.

La seconde est la suivante : les décisions thérapeutiques ne peuvent découler que du « transfert », c’est-à-dire, schématiquement, de la relation spécifique qui s’établit entre un enfant et sa famille et l’équipe de pédopsychiatrie. Il est donc impossible de savoir à l’avance ce qui conviendra pour chaque enfant et chaque famille et aucune proposition ne peut être rejetée par principe.

C’est pourquoi un service de pédopsychiatrie de référence psychanalytique peut être amené à soutenir des parents dans la mise en place de techniques rééducatives de type comportementales si cela a du sens pour cette famille ou à prescrire des médicaments ou des  investigations somatiques, d’imagerie et génétiques poussées.

A l’inverse, certains parents ne s’intéressent pas aux méthodes comportementalistes car ils ne supportent pas le principe du conditionnement des comportements basé sur les sanctions et les récompenses, ne souhaitent ni médicaments ni investigations complémentaires poussées.

Là aussi, l’éthique de la psychanalyse pousse l’équipe soignante à entendre les demandes des enfants et de leurs familles et à prendre des décisions avec eux.

L’accusation d’ « exclusivité » de la psychanalyse est donc en désaccord avec son éthique même.

Par ailleurs, comme certains enseignants, certains pédiatres, certaines assistantes maternelles, certains professionnels en lien avec l’enfance, il existe des personnes maladroites parmi les professionnels de pédopsychiatrie qui ont la tendance malheureuse de soupçonner sans nuance les mères et les parents d’être responsables des difficultés de leur enfant.

Cette tendance regrettable est à combattre, mais n’a rien à voir avec la psychanalyse, et Jacques Hochmann[16] dit ainsi que l’on peut se faire une idée du fonctionnement d’une institution en lien avec l’enfance à partir du degré de médisance envers les parents qui y règne : plus ce degré est élevé, plus cette institution est en souffrance.

La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont justement le « supplément d’âme » de la psychiatrie[17] qui permet de questionner ce genre de phénomène.

Quand penser fait peur à l’Etat, que devient la démocratie ?

La Haute Autorité de Santé est une instance gouvernementale dont le directeur et les membres du collège sont nommés par le président de lé République sur avis, notamment, de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

L’indépendance de la Haute Autorité de Santé est sans cesse remise en cause par des scandales liés à des liens et conflits d’intérêts entre certains de ses membres et l’industrie pharmaceutique. Les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé sont fréquemment remises en cause (scandale du Mediator, maladie d’Alzheimer, diabète de type II…) et certains n’hésitent pas à parler d’ « expertises sous influence »[18].

Le dialogue, publié par le journal l’Express le 09 Mars 2012 entre Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et Danièle Langloys, présidente de l'association Autisme France est à ce titre éclairant : on y constate que l’enjeu est le financement d’établissements.

Ce qui est très intéressant, c’est que chacun des deux interlocuteurs tombe d’accord : la psychanalyse leur fait peur et « une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer ».

En effet la découverte de l’inconscient peut en effrayer certains, comme en témoigne de manière humoristique l’écrivain américain Jonathan Franzen dans son ouvrage autobiographique « La zone d’inconfort » :

« en songeant que j’avais probablement, moi aussi, un inconscient qui en savait aussi long sur moi que j’en savais court sur lui, un inconscient toujours en quête d’un moyen de s’extérioriser, d’échapper à mon contrôle pour accomplir sa sale besogne […], j’ai poussé un cri de panique. Un cri tonitruant […]. De retour à Philadelphie, j’ai chassé cet épisode de mon esprit »[19].

Le « Je est un autre », de Rimbaud[20], est, pour certains, insupportable.

Mais pour d’autres, cette découverte est, au contraire, salvatrice et source d’enrichissement. Y compris chez les parents d’enfants autistes comme en témoigne l’ouvrage de Jacqueline Berger, mère de jumelles autistes[21].

Et chez d’autres enfin, c’est l’aspect normatif du comportementalisme qui est terrifiant, comme en témoigne une mère d’un enfant autiste sur le site « Lacan quotidien »[22].

Pourquoi alors notre « démocratie » choisit-elle d’écouter une seule voie et de retenir une seule option, celle de l’éviction de l’inconscient ?

Dans la vision du monde qui émane de la rationalité néolibérale, tout se situe dans le conscient, tout est affaire de volonté, de détermination, d’effort sur soi-même. Cela aboutit à des clichés : « si untel va mal c’est parce qu’il manque de volonté » et génère une réflexion en terme de responsabilité centrée sur l’individu « auto-entrepreneur de lui-même »[23], au détriment de la remise en cause des choix politiques et sociaux.

Le comportementalisme classe les comportements en « adaptés » et « non-adaptés ». Quand ses critères s’accordent avec ceux du néolibéralisme, il peut devenir un outil puissant de normalisation managériale.

Est-ce qui explique son succès auprès de nos gouvernements ?


Loriane Brunessaux, 11 Mars 2012.
 

[1] Au sujet de la psychanalyse, extrait d’un dialogue entre JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé (HAS) et D. Langloys (présidente de l'association Autisme France), publié par l’Express le 09/03/2012.

 

[2] Pratique psychiatrique et non psychanalytique, consistant en un enveloppement humide du corps de l'enfant dans des draps à 10 degrés recouverts de couvertures chaudes et entourées de plusieurs soignants, avec un réchauffement très rapide du corps favorisant un sentiment de rassemblement corporel et permettant fréquemment l'accès à la verbalisation

[3] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable d’un service de pédopsychiatrie à Lille

[4] Pédopsychiatre et psychanalyste responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris

[5] Pédopsychiatre responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital de la Pitié Salpètrière à Paris

[6] Psychiatre et psychanalyste ayant fondé la CIPPA, Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s'occupant de personnes avec Autisme, association faisant se rencontrer des psychanalystes, chercheurs en neurosciences, comportementalistes

[7] Psychologue clinicienne auprès d’enfants autistes, enseignante à la faculté Paris 7

[8] Cette comparaison est liée au principe des thérapies comportementales, à savoir le conditionnement positif de certains comportements par la récompense et le conditionnement négatif de certains comportements par des sanctions.

[9] Brigitte Chamak « L’autisme : surestimation des origines génétiques », Médecine/ Science, Volume 26, n°6-7, Juin-juillet 2010

[10] François Gonon, « La psychiatrie biologique, une bulle spéculative ? », Esprit, Novembre 2011

[11] « Autisme, changer le regard », Le monde science et techno, 16/12/2011

[12] L’une des toutes premières fondations entièrement créées par des autistes, fondée par Jim Sinclair, Donna Williams et Katie Grant

[13] Voir :  www.autreat.com

[14] Jonathan Shedler, “The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy”, February–March 2010,  American Psychologist, Vol. 65, No. 2, 98–109

[15] Mai 2007 – "La question du handicap" au débat du second tour de l'élection présidentielle : http://vimeo.com/38011758

[16] Pédopsychiatre et psychanalyste français

[17] Mathieu Bellahsen, « Interdire les suppléments d’âme de la psychiatrie ? », Médiapart, 17/02/2012

[18] Louis-Adrien Delarue, « La Haute Autorité de Santé, tartuffe de l’indépendance », Formindep, 05/02/2012

[19] Jonathan Franzen « La zone d’inconfort, une histoire personnelle », éd. de l’Olivier, 2006

[20] Lettres d’Arthur Rimbaud dites « du voyant »

[21] Jacqueline Berger « Sortir de l’autisme », ed. Buchet Castel, 2007

[22] Mireille Battut «Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA », http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2012/02/LQ-1671.pdf

 

[23] Pierre Dardot et Christian Laval, « La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale », éd. La découverte, 2009

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> La Haute Autorité est tombée bien bas !

 

La Haute Autorité est tombée bien bas !

Une nouvelle tartufferie.



Le collectif des 39 prend acte des dernières décisions de la Haute Autorité de Santé (HAS) concernant l’autisme, et qui interdit de fait le packing « sans exception », sauf dans le service du Pr Delion où une recherche est en cours depuis deux ans à la demande du ministère de la Santé… Ainsi une décision est prise sans attendre les résultats de ce travail important qui sous la pression de lobbies dictant leur conception de la maladie, imposent de se détourner du soin. Nous soutenons avec force notre collègue Pierre Delion, pris au milieu de cette tourmente, et de cette double contrainte : mener une recherche sur une pratique désavouée par la HAS !

Mais comme nous le pressentions, cette affaire est loin de se limiter à l’autisme, bien loin de s’appuyer seulement sur le lobby de certaines associations de parents, se plaignant d’un manque d’accueil de certains praticiens, de certains dogmatismes. 

Le scandale de l’insuffisance de moyens, de lieux d’accueil et de prises en charge intensive n’est absolument pas pris en compte.

Dès l’annonce de la décision, le président de la HAS   a affirmé  qu’il s’agissait d’en finir avec une psychiatrie adossée à la psychanalyse et qui serait incapable de faire ses preuves. 

Le propos, s’il  a le mérite de la clarté, se présente comme une véritable déclaration de guerre contre la psychiatrie relationnelle. Il bascule même dans un négationnisme, occultant les plus de soixante années de travaux, de recherche, de résultats thérapeutiques que nous devons à Françoise Dolto, Maud Mannoni, Tony Lainé et Roger Misés pour ne citer que les plus illustres praticiens français reconnus dans le monde entier. 

Le président de la H.A.S. qui avait aussi masqué ses conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, vient rejeter la psychiatrie que  nous pratiquons,  ouverte sur l’altérité, ouverte sur tous les autres champs du savoir, dans sa prise en compte du transfert,  de l’inconscient et le du désir humain.


Si nous avons à rappeler après la mise en place de la loi indigne du 5 juillet 2011 que les patients ne sont pas des criminels potentiels, bons à enfermer ou à traiter de force à domicile, nous sommes aujourd’hui confrontés à l’extrême violence d’une volonté d’éradication de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, d’une psychiatrie où la dimension relationnelle est au cœur de tout processus de soins, où la dimension psychopathologique n’est pas déniée ou rejetée.

Aujourd’hui le packing, et demain l’interdiction de tout ce qui tisse la vie quotidienne et relationnelle dans les institutions: les médiations qui s’appuient sur les activités thérapeutiques, les repas pris en commun, les ateliers d’expression et de création etc.

Tout ce qui ne peut être « évalué » dans l’immédiateté, dans la « preuve » par des chiffres, des statistiques, et qui se trouve en rapport avec l’inestimable du désir humain, se trouve ainsi invalidé explicitement par la HAS ! 

Nous nous trouvons sous le coup d’un « interdit professionnel » et d’une « police de la pensée » où il s’agirait de bannir tout un pan du savoir humain. Cet interdit s’applique de facto aux familles et aux patients qui seraient demandeurs d’une thérapie autre que celles recommandées par cette instance.

Ne nous y trompons pas, ce diktat tente de discréditer une conception de l’humain qui considère que tout homme  ne peut en aucun cas se réduire à être un tas de molécules ou un objet à adapter ou à rééduquer.

Les recommandations, les accréditations, les protocoles et certifications  nous imposent un carcan étouffant toute initiative soignante, l’envahissement d’une bureaucratie abêtissante, la mise en place d’un système à même de nous empêcher de soigner.

Ainsi après les ridicules recommandations de bonnes pratiques sur les TOC et la dépression, où tout référence psychopathologique est soigneusement évitée, L’HAS démontre à nouveau sa  partialité, son incompétence, son pouvoir de nuisance. 


Un pas supplémentaire vient d’être franchi : 

La HAS et son président se discréditent complètement

En posant ces actes la HAS se révèle au grand jour comme l’instrument d’une idéologie implacablement réductionniste, dégradante et régressive.

C’est pour ces raisons que nous demandons aux candidats à l’élection présidentielle de se prononcer (entre autres) sur : 

L’arrêt immédiat de tous les processus d’accréditation et de certification, des recommandations de “bonne pratique “ et “des conférences de consensus”, validés dirigés et imposés par l’HAS, dont l’objectif d’une mise en normes des pratiques, protocolisées et homogènes, est anti thérapeutique, destructeur des soins et constitue un obstacle majeur à des soins psychiques de qualité.

Aussi le meeting du samedi 17 Mars revêt-il une importance cruciale au cœur de cette campagne électorale. Les soignants, les familles et patients qui sont au programme, avec des scientifiques et des philosophes, vont expliquer les raisons de leur refus d'une instrumentalisation de la science. Nous réaffirmerons notre mot d’ordre d’arrêt de toute cette folie évaluatrice et normative. 


Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire



Meeting du collectif des 39, le samedi 17 mars 2012 de 9h à 18h

"La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue

93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux (ligne 9)

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>4 communiqués suite aux recommandations de l’HAS du 8 mars 2012.

 

HAS et psychiatrie : « une ingérence inacceptable » (Front de Gauche)

Le Front de Gauche santé dénonce la campagne actuelle de la Haute autorité de santé visant à interdire telle ou telle pratique thérapeutique dans le traitement par les équipes de pédopsychiatrie, des troubles autistiques.

Cette campagne manie l’amalgame entre outrances de certains acteurs et les différentes techniques partie prenante du corpus scientifique et pratiquées par de nombreux professionnels. 

Elle s’appuie également sur un désarroi réel de nombreuses familles qui ont le sentiment d’être abandonnées par la psychiatrie qui ne répond pas toujours à leurs besoins.

Tout d'abord, le fonctionnement de la Haute autorité nous interroge. La désignation de ses dirigeants n'est pas le gage de la transparence ni de l'indépendance vis à vis du monde pharmaceutique. Nous considérons qu'un contrôle par les pairs associé aux usagers est à construire. 

Le FdG rappelle, comme pour toute discipline médicale, son attachement au principe qui veut d’une part que toute équipe de soins ait le droit de se référer au cadre thérapeutique de son choix, et d’autre part, que le patient puisse avoir le choix de son praticien.

Cette  ingérence totalitaire est inadmissible dans le champ de la médecine.

Le FdG estime que derrière cette attaque s'en cache une autre plus fondamentale contre une certaine conception de la psychiatrie qui considère que ce qui soigne c’est avant tout le relationnel. Or, les 

tenants de cette campagne prônent un traitement des troubles psychiques centré essentiellement sur la normalisation des comportements de ces sujets par un traitement chimiothérapique associé à des méthodes éducatives. A ce sujet, les conflits d'intérêt de responsables de ces campagne avec l'industrie pharmaceutique doivent être mis en lumière. 

Pourtant l’immense majorité des personnes en souffrance psychique et leur entourage attendent avant tout un accompagnement relationnel et non une prise en charge normative centrée sur le symptôme.

Le FdG entend poursuivre son action pour engager une rénovation de la psychiatrie, pour une psychiatrie humaniste centrée sur le soin relationnel qui n’abandonne pas les patients par faute de moyens.

Le Front de Gauche Santé,

Paris, le 11 mars 2012. 

 

***

Le SNPP

Après l'interdit politique, l'interdit administratif

Au nom de l'autisme nous voici confrontés à une mise en scène médiatique.A une proposition de loi visant à interdire la psychanalyse succède une décision de la HAS d'interdire le "paking" délogeant ainsi les médecins de leur responsabilité de soignants, responsabilité basée sur l'éthique et l'indépendance professionnelle qui permettent la confiance des soignés

Le SNPP a considéré avec attention les recommandations de bonne pratique de la HAS concernant l’autisme (et autres troubles envahissants du développement). Il ne peut qu’approuver que soit soulignée « la nécessité d’une évaluation régulière, multidimensionnelle et pluri-professionnelle » pour assurer le soin à ces enfants malades et les faire progresser. Dans ces recommandations, la HAS souligne à juste titre que toute prétention à guérir l’autisme ne peut être qu’une tromperie en l’état actuel de nos connaissances.

Il est alors tout à fait incompréhensible que dans un texte joint à ces recommandations (Autisme : Questions-Réponses) la HAS stigmatise l’approche  psychanalytique alors que de nombreux soignants reconnus professionnellement ont une formation psychanalytique et qu’ils s’intègrent aux équipes qui prennent en charge les enfants autistes. Une telle condamnation peut avoir de graves conséquences sur le travail de ces soignants. De plus, prétendre que l’approche neuro-comportementale est la seule valide, contrevient évidemment à la volonté apparente de la HAS d’avoir une approche pluridisciplinaire.

Au nom de quoi  la HAS s’autorise-t-elle à affirmer que l’autisme n’est pas aussi un trouble psychique, spécifique de l’humain ?

Quant à l’oukase concernant le packing, la HAS reprend in extenso l’argumentation outrancière d’une association de parents d’enfants autistes. Le SNPP soutient le Professeur Delion dans ses recherches  et sa pratique pour le plus grand bien des enfants qu’il soigne. Il est indécent de la part de la HAS de lui donner ainsi des leçons d’éthique en accordant du crédit à des informations fausses. Cette condamnation n’a d’ailleurs aucun sens puisque la demande du Professeur Delion est de poursuivre dans la sérénité ses recherches sur le packing dont les résultats à ce jour sont encourageants. Comme il s’agit de recherche médicale, celle-ci est forcément menée conformément à la loi, comme le veut la HAS. Alors, où est le problème ?

De fait ne serait-ce pas tout autant la souffrance des parents qu’il faudrait reconnaître et secourir ? Mais trop d’enfants autistes et leur famille sont abandonnés et livrés à leurs propres ressources. La priorité est donc bien d’augmenter les capacités de prise en charge par les équipes spécialisées et dont la compétence est d’ores et déjà reconnue.

Mettre en question l’éthique et l’engagement auprès des patients de professionnels au motif qu’ils s’appuient sur des méthodes ne convenant pas à certains groupes de pression interroge l’indépendance de la Haute Autorité de Santé.

***

Le NPA

Psychanalyse et psychothérapie institutionnelle : non aux interdictions professionnelles.

Pour le maintien de pratiques humanistes et diverses auprès des enfants autistes.et de toute personne en souffrance

La Haute Autorité de Santé (HAS) vient de rendre son verdict. Elle préconise , dans la prise en charge des enfants et adolescents qu’on nome « autistes », le recours exclusif à l’action éducative et aux thérapies comportementales et rejette les « interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle".

Le NPA dénonce cette décision d’une extrême gravité, qui instaure un véritable interdit professionnel pour des équipes soignantes et éducatives, qui demain s’étendra à tous les soins psychiques et à l’enseignement universitaire.

Derrière ce que l’on veut présenter comme un débat d’écoles, c’est un nouveau pas dans la volonté de standardiser les soins psychiques, en réduisant ceux-ci à une normalisation des comportements de la personne souffrante. Elles s’inscrivent dans les choix politiques imposés par le pouvoir à la santé mentale, entre politique gestionnaire , définissant un coût standard pour tout soin et politique sécuritaire cherchant à maitriser ou enfermer toute forme de déviance.

Le NPA est au coté de tous ceux (patients, familles, professionnels) qui s’opposent à cette atteinte à toute forme de créativité soignante. Il exige le maintien de principes humanistes, et la diversité des approches, en lien avec la famille et l’entourage, loin de prétendues « bonnes pratiques » avant tout dictées par des motifs peu avouables de réduction des coûts et de normalisation sociale.

***

La France va mal! Le malaise est grand !

Regardons, en effet du côté du Parlement. Quand il n'est pas, comme c'est maintenant souvent le cas, réduit à un rôle de chambre d'enregistrement, il devient faiseur de règlements et même lieu de règlement de comptes pour certains.

La réflexion est lentement bannie des assemblées tant la pression gouvernementale sur le Parlement est devenue forte, le travail des commissions étant même mis sous la coupe réglée des ministres comme ce fut le cas lors de l'examen en commission sénatoriale de la loi sur les soins sans consentement en psychiatrie. Ce qui ne provoqua pas moins que la démission de la présidente de la commission !



A d'autres moments, les débats sont tellement squeezés que le texte voté n'est plus qu'une coquille prête à recevoir les textes réglementaires (décrets, arrêtés ou circulaire) rédigés par les cabinets ministériels sans avoir été soumis au débat démocratique.

Last but not least, un député propose, en ce début d'année, de légiférer sur les méthodes utilisables ou non dans la prise en charge des autistes.

Le malaise est si grand que le Parlement est ici appelé à, littéralement, marcher sur la tête. 


En effet, la confusion induite est telle que le législateur est convoqué à dire au professionnel quel est l'outil qu'il doit utiliser. A quand une loi sur la taille des aiguilles d'injection ou sur le diamètre des comprimés pharmaceutiques ?

S'il devait s'opérer, ce glissement séméiotique de la loi à la norme serait gravissime car il signerait un glissement de notre société de la liberté à la coercition. Sous couvert de protection des enfants autistes certains voudraient ainsi interdire les concepts de la psychanalyse ou certains soins comme le "packing" dont de nombreux psychologues peuvent témoigner de l'utilité, dans certaines pathologies et pour des patients souffrant de morcellement psychique.



Mesdames et messieurs les parlementaires, ne vous laissez pas abuser par cette demande d'édiction de normes censées, pour leurs auteurs, calmer les angoisses induites par le malaise dans la civilisation dont nous souffrons ! Ne vous laissez pas aller au règlement de comptes contre les psychanalystes accusés de tous les maux par les tenants d'un soin cantonné au symptôme et à la résorption du handicap psychique et à sa prise en compte sans souci du sujet.

Votre mission est autrement plus noble : elle est de faire la loi et non des règles qui relèvent en l'occurrence des professionnels et de leurs déontologies. Vous n'êtes, d'ailleurs, pas sans savoir qu'au sujet de la déontologie des psychologues nous souhaitons une loi donnant à notre profession une instance collégiale responsable de la déontologie et de l'exercice.

Syndicat National des Psychologues SNP – 09/03/2012

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> Le Packing : de l'humain, du soin, de la rencontre

Le packing c'est du froid, du chaud, des tremblements, des frémissements, du silence, du toucher, du ressenti, du regard, des regards….mais aussi du verbal, parfois beaucoup de verbal, des discussions presque, des rires, du « être ensemble »…être ensemble pour le plaisir d'être ensemble…on se porte, on se soutient…on se soigne.



Bien sûr le dispositif a quelques codes : un cadre ! Du linge mouillé, un patient, des soignants…un avant pack avec une préparation, une organisation : « aujourd'hui qui s'occupe des serviettes ? », « y a qui pour le pack aujourd'hui ? », « tu vas chercher Pierre ? moi je mouille les serviettes, David et moi on les essore »….puis Pierre se déshabille (seul ou avec aide selon l'autonomie du patient) et garde ses sous-vêtements ou son maillot de bain puis s'installe sur les serviettes.



L'enveloppement : c'est toujours dans un contact doux, rassurant voir amusant…comme un jeu . « oulala Pierre c'est froid ! Aller vite vite on vous enveloppe après ça sera chaud, voilà les pieds, les jambes…. » , « Pierre, tu vas bien aujourd'hui, oh ben tu t'allonges comme ça d'un coup…alors on y va on t'enveloppe….voilà oui les bras comment ? Comme ça oui ? »

Puis tout à côté, rapprochés, les soignants autour du patient, certains aux pieds, d'autres à la tête…on reste ensemble….et on vit, on ressent, pas d'attendu, on explore, on établit de la relation….ET CA MARCHE ! Pas de code, pas d'interprétation, c'est ici et maintenant….

Il y a un après packing : souvent plus ritualisé…. «l'autour » du rhabillage…et pourquoi pas une douche ?….puis une collation ?

Ensemble pour se dire au revoir chaque équipe et chaque patient trouvent leur manière de se quitter en douceur.

Le cadre comprend un temps de « reprise », temps où les soignants se retrouvent pour parler de la séance et la retranscrire par écrit…une trace pour se souvenir…un temps pour réfléchir et mettre en mots le ressenti….ce temps se coordonne avec un autre travail : La supervision.

Régulièrement l’équipe de soignant ira discuter avec un autre soignant formé au packing et à la question des enveloppes psychiques. Temps pour permettre aux soignants de penser avec un retour et une mise en perspective de qui se passe dans ce packing avec  ce patient…



Le packing est une pratique douce où chaque équipe trouve sa forme, son packing, où la créativité est la bienvenue, où la contrainte n'est jamais appliquée…. si des enfants sont parfois enveloppés dans ce qui pourrait apparaître une contrainte pour eux c'est que ces enfants sont dans des états de fureur et de violences contre eux-même et/ou contre autrui telles que dans des équipes où le packing ne se pratiquent pas ils auraient été mis en contention pure et simple avec très certainement une camisole chimique qui va de paire…. pour les enfants le packing n'est jamais appliqué sans l'accord des parents et ceci avec un véritable respect du temps de réflexion et avec l'accord de l'ensemble des soignants en équipe pluridisciplinaire.

Si un patient adulte ou enfant ne souhaite pas telle ou telle séance faire le packing aucune contrainte physique n'est pratiquée….souvent un « restons ensemble » substitut du packing est pratiqué.


Aucune règle n'es définie quant à la présence ou non des parents dans un packing, les équipes sont libres de choisir, le cadre est très souple et se construit au cas par cas.

Voici pour mieux témoigner de mon propos un texte présentant les débuts d'une prise en charge de packing pour un patient adulte hospitalisé.



Packing Pierre



Pierre est un adulte d'environ 35 ans, hospitalisé dans une unité du service de psychiatrie Adulte du secteur de X.

Premier contact avec Pierre, un jeudi après-midi sur le temps qui sera par la suite imparti à son Packing. Celui-ci n'est pas au courant que nous devons le rencontrer pour lui présenter le soin Packing auquel l'équipe soignante de l'unité de Pierre et l'équipe de Packing inter-unité ont pensé pour lui. En effet c'est au cours d'une réunion de synthèse avec l'équipe soignante de Pierre que l'équipe du Packing ont réfléchi et posé ensemble l'indication du soin. C'est avec l'accord médical de son psychiatre référent – le Dr Y – que nous annonçons à Pierre que nous souhaiterions qu'il bénéficie de cette prise en charge.



L'équipe de Packing est composée de 6 soignants :A (psychologue), B (ergothérapeute),C (infirmier),D (infirmière), E(infirmière) et moi-même (interne en psychiatrie).
Pierre ne connaît pas tous les soignants, aussi pour le mettre à l'aise nous décidons que B et C aillent le chercher pour nous rejoindre tous ensemble dans une salle d'activité de l'unité d'hospitalisation. Ce jour là seule D est absente.

Pierre que l'on décrit parfois comme quelqu'un avec une agitation psychomotrice importante arrive très calmement dans la salle d'activité, il se dégage un sentiment de curiosité, d'attention dans son attitude. Son aspect physique dit déjà beaucoup de choses quant au probable « morcellement » « dissociation » de l'enveloppe psychique de Pierre. Son regard est divisé par un œil « qui part vers l'extérieur », un strabisme divergent. Grand et mince, sa posture globale est hypotonique.

Bien que ça ne soit qu'une première impression lors de cette rencontre, lorsque je l'observe, il m’apparaît ne pas habiter totalement son corps. Lorsqu'il nous parle la sonorité des mots est très difficile à comprendre même pour ceux qui le connaissent depuis longtemps mais avec beaucoup d'attention nous arrivons à suivre la trame de son propos.

Nous lui expliquons que nous aimerions pratiquer un soin « de détente » avec lui où nous l'envelopperions de serviettes, de draps et de couvertures puis nous resterions avec lui durant un certain temps. Et que ce soin serait aussi une façon d'être ensemble, un moment pour lui, où plusieurs soignants seraient à ses côtés.

Nous insistons sur la dimension de calme et de détente.
Pierre sourit et dit « c'est bizarre ». Nous sourions, A rigole et répond « oui c'est effectivement bizarre ». L'ambiance est un peu particulière puisque Pierre est le tout premier patient de ce service a qui nous proposons ce soin.
Je demande « qu'est ce que vous en pensez Pierre ? Est ce que vous connaissez le Packing ? ». Il répond « oui le Packing c'est pour l'épilepsie » et rajoute des choses peu compréhensibles. Nous échangeons avec lui autour du corps, de la détente, je lui explique que ce n'est pas un traitement pour l'épilepsie et je suspecte alors que cette histoire d'épilepsie doit être signifiante pour lui. Puis il nous dit qu'il semble vouloir essayer, accepter le soin, il dit « oui c'est bien ».

On lui propose d'aller voir la salle de Packing tous ensemble et que le soin débutera bientôt (2 semaines après cette rencontre), ce qui lui laisse le temps de réfléchir et que l'équipe reviendra le voir jeudi prochain pour en reparler avec lui. Avant de nous rendre dans la salle Packing nous attendons un infirmier parti chercher un traversin. Pierre nous reparle alors d’épilepsie mais surtout de son père qui serait tombé malade et que des gens seraient venus le chercher, qu'il s'est occupé de son père, qu'il se levait la nuit pour s'en occuper…

Nous nous rendons dans la chambre prévue pour le Packing qui se trouve en dehors de toute unité d'hospitalisation, dans un endroit très calme du bâtiment.

C'est un espace presque carré, très contenant, la tête du lit est adossée à un mur de telle sorte que les soignants peuvent être autour. Dans la chambre se trouve une armoire qui contient du matériel pour le Packing, des chaises et une table de nuit où repose une lampe de chevet, la lumière de la fenêtre est calfeutrée par des stores, ainsi l'esprit « Georges de La tour » conduisant à une ambiance de détente est ici recréée.

Nous ré-expliquons en détail à Pierre la technique de soin : les serviettes mouillées dans lesquelles il sera enveloppé en maillot de bain puis le drap, le tissu imperméable et les couvertures. Tout en expliquant, je lui montre sur le traversin que j'ai positionné sur le lit symbolisant le « corps-tronc » de Pierre.

Je lui démontre bien et lui explique que sa tête restera en dehors du pack. Puis une fois enveloppé nous resterons ensemble à ses cotés autour de lui pendant 45min environ. Il dit « oui c'est bien » il sourit me regarde et dit « ben pourquoi on commence pas la semaine prochaine », nous rions tous ensemble et nous lui expliquons que tout le monde ne sera pas disponible la semaine prochaine et que nous souhaitons lui laisser le temps de repenser à tout ça avant de commencer.

Pierre me dit alors « déPacking, j'en ai eu pour l'épilepsie », tout s'éclaire, je reprends « la dépakine® oui c'est un traitement pour l'épilepsie c'est un médicament », il sourit et raconte qu'il a fait une crise et que les pompiers sont venus, qu'on l'a emmené et semble presque mimer un enveloppement.

C reprends et raconte qu'il a probablement été mis sur un brancard attaché ? Contenu ? Pierre continue a nous raconter « il y avait tout le monde, la police, les pompiers, puis ils m'ont amené ici » puis il reparle de son père, dit qu'il est mort et semble dire qu'il était étendu allongé…(comme lui sur le lit pour le Packing ?) puis il dit qu'il a eu des traitement dont « des petites piqûres ».


Lors du temps de reprise où nous prenons des notes tous ensemble sur ce qui s'est passé, nous tentons de recoller les morceaux d'histoires que Pierre nous a livré sans trop interpréter. C évoque la possibilité d'image de mort…de son père mort que le Packing pourrait évoquer, peut être de tissu plastique recouvrant un corps. Je n'ai pas regardé le dossier médical de Pierre et ne connaît pas son histoire, je me dis que ces choses viendront au fur et à mesure de l'histoire qui va s'écrire avec Pierre au travers de ce soin.



Mais cette introduction fut une « mise en bouche » particulièrement intéressante et positive.

Aujourd'hui ce patient a eu plusieurs séances, on est passé par du froid, mais aussi par des pack avec du linge mouillé à l'eau chaude à sa demande, parfois il n'y a pas eu d'enveloppement mais autre chose qui s'est élaboré (selon ses propres mots"un petit pack") puis pour revenir à du pack plus classique les fois suivantes…

L'équipe de packing rencontre régulièrement le reste de l'équipe qui soigne Pierre….Le packing c'est aussi créer des liens, il prend place dans l'ensemble des prises en charges que nous tissons avec le patient.

Le packing est un outil soignant, pourquoi s'en priver ?

Sarah Gatignol
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>Semaine de la folie ordinaire à Reims

 

 

SEMAINE DE LA FOLIE ORDINAIRE

 

EXPOSITION  

Du 13 au 24 mars 2012 "Semaine de la Folie Ordinaire 2012"   

à la Maison de la Vie Associative,  122 rue du Barbatre à Reims réalisée par le Centre Antonin Artaud, les Clubs Le Grillon, Atout Coeur, MEID et le GEM La Locomotive

Vernissage le mardi 13 mars 2012 à 18h00 

 

LECTURE

Mercredi 14 mars 2012 à 19h Lecture vivante " Du Rififi à Carnégie"

Bibliothèque Carnégie, 2 place Carnégie 

SOIRÉE : "DES MAUX EN DÉBAT … CASSONS LE MOULE"

 

Jeudi 15 mars 2012 de 18h à 22h à la Salle Armonville, 7 bis rue Armonville à Reims  

18h             Accueil à la Salle Armonville

18h15         Fanfare Artos

18h35         Ouverture et mise en perspective de la soirée par Sébastien D., Président et   Clément D., membre du CA, du GEM la Locomotive

18h50         Atelier chant lyrique avec Marie Matherat

                   Deux passages de La Périchole de Jacques Offenbach

19h00         Les après-coups de la loi sur la psychiatrie et l’analyse de l’actualité psychiatrique pour les patients, leur famille et les soignants avec Patrick Chemla. Ouverture d’un débat avec la salle.

                   Présentation d’une association de patients nouvellement créée : HumaPsy

                   Annonces des actions en faveur d’une psychiatrie fondée sur l’hospitalité avec le meeting à Montreuil le samedi 17 mars.

20h             Collation

                   Soupes, pâtisseries, boissons fraîches

20h40        Dégustation de pâte de coing par le club Atout Cœur de Fismes           

20h50         La parole à Corinne Chemin, pour les ateliers du GEM

21h             La parole à Julie de Benoist, pour les sorties équitation

21h10         Intermède musical avec Amélie Barbier

21h15         L’atelier d’écriture d’Artaud

21h25         La Patat’Ose nous invite à l’enregistrement d’une émission de radio ..               

                   Prochains rendez-vous…

21h40         Chants et danses populaires avec Amélie Barbier

22h            Fin de la soirée avec vente du catalogue et de l’affiche de l’exposition

 

Téléchargez le document de présentation de l'événement : Semaine de la folieordinaire

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> MANIFESTE POUR UNE PRATIQUE HUMANISTE AUPRES DES SUJETS DITS AUTISTES ET DE LEURS FAMILLES.

Le collectif des 39 soutien et invite à signer et partager ce manifeste.

Pétition Manifeste pour une pratique humaniste auprès des sujets dits autistes et de leur famille

Pour:Assemblée de la république, Premier Ministre, Haute Autorité de Santé





Nous, éducateurs, aides médico-psychologiques, cuisinières, secrétaires, assistantes sociales, pédagogues, orthophonistes, psychomotriciens, psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, psychanalystes, directeurs, tous les autres professionnels des IME, IMPRO, ESAT, SESSAD, Hôpitaux de Jour, CATTP, CMP, CMPP, et autres structures, qui œuvrons auprès des enfants, des adolescents, des adultes qu’on nomme autistes, et de leurs familles, affirmons être fiers de tout le travail de soin, d’éducation, d’enseignement, d’accompagnement accompli dans la difficulté, le manque de moyen, et dans l’éthique d’un accueil au singulier, au cas par cas, de leurs souffrances et de leur joie. 
Nous n’avons pas à rougir, ni à nous cacher, d’avoir, depuis de nombreuses années, cherché à créer et expérimenter des dispositifs multiples, inter et pluridisciplinaires dans l’invention et l’innovation nécessaires pour tenter de répondre aux défis de la gravité, de l’énigme, de la difficulté à rencontrer et aider ceux qui expriment leurs subjectivités de manière si extrême et si déroutante. 
Cette action, nous l’avons développée de plus en plus en partenariat, voire en alliance, avec les familles, et toujours dans la dimension d’un réseau, pour trouver une continuité, une cohérence d’intervention et pour faire pièce à l’isolement lui aussi autistique. 
Nous nous sommes appuyés sur les orientations de la psychanalyse et/ou de la psychothérapie institutionnelle, à la fois comme éléments de pratique, de compréhension, pour favoriser aussi une pratique plurielle et à plusieurs, mais dans une volonté de recherches et d’interrogations les plus éloignées des dogmes ou des interprétations fermées. 
Nous nous réjouissons donc que l’autisme soit devenu une grande cause nationale pour permettre d’intensifier une prise en charge de qualité et des questionnements ouverts sur l’amélioration des structures et de leurs moyens et fonctionnement, pour constituer donc un nouveau tremplin vers le renforcement de nos capacités d’accueil et de travail. 
A ceux qui mal informés de nos pratiques actuelles, de la réalité de nos résultats éducatifs et thérapeutiques, souhaitent, dans un discours de déni ou de haine, nous interdire de continuer nos efforts et nos engagements au service des plus fragiles, des plus incompris et des plus rejetés, nous répondons qu’ils se trompent s’ils pensent avoir à leur disposition des solutions uniques et miraculeuses à partir de méthodes publicisées, standardisées et uniformes, que l’appui qu’ils veulent trouver dans des travaux scientifiques à l’assise provisoire est illusoire tant la complexité est de règle en la matière, et la modestie devant notre ignorance commune. 
Pour autant nous sommes prêts à débattre, à échanger, à nous saisir de nouvelles propositions d’éducation et de soins pour peu qu’elles s’inscrivent dans une éthique de respect de la personne humaine, du sujet humain dans ce qu’il a de plus vivant, loin d’être réduit à la somme de ses comportements, pour favoriser la prise de parole et d’autonomie de ceux qui nous font confiance et à qui nous faisons confiance pour qu’ils trouvent leurs propres voies d’épanouissement et de présence au monde.

 

Pour signer Cliquez pour une pratique…

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>Tu viens au meeting ?

 

– Tu viens au meeting ?

-Non. Je ne veux même pas savoir où c'est.

-C'est le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, à la Parole Errante, de 9 heures à 18 heures

-Je ne viens pas

-Mais tu fais quoi ce samedi 17 ?

– Je dors, j'en ai ma claque! Imagine mes journées: je les passe derrière un écran, et je ne parle plus aux patients. Vois-tu, j'ai mis environ une demie-vie pour apprendre à leur parler. Ou plus exactement ce sont eux,  ceux qu'on dit fous, qui m'ont appris à parler. Ça prend du temps ! Et maintenant, à toute allure, on t'oblige à effacer ce que tu as mis ta vie à apprendre.

-Mais justement ! Viens au meeting. C'est pour penser et c'est pour agir !

-Trop tard. C'est foutu. Faut être conscient, quoi ! C'est fini, la psychiatrie ! Maintenant, c'est protocole et compagnie. Alors le programme pour moi, samedi 17 mars, ce sera sieste.

-Tu rêves de quoi, dans tes siestes ?

-Ouh là  là, ça fait un moment que je n'ai plus de rêves…. mais des cauchemars…. un monde sans mots… c'est à dire où les mots ne sont plus des mots mais des comprimés… à prendre à heures fixes sous peine d'être catapulté hors du système…. définitivement seul….

-Ah mais ce n'est pas un cauchemar, c'est la réalité ! Ici et maintenant !! Et c'est le sujet du meeting:  démonter ces discours qui veulent se faire passer pour de la science. C'est la guerre des mots ! Et il vaut mieux se battre à plusieurs si on veut faire autre  chose que de s'empoisonner avec.

-Tu crois qu'il reste une chance ?

-Bien sûr, il reste une chance – surtout si on s'en saisit !

 Patricia Janody

 

ET A CE MEETING  NOUS  POURRONS ENTENDRE:

 

SERGE PORTELLI, VICE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PARIS

RAZZY HAMMADI, SECRETAIRE NATIONAL DU PS AUX SERVICES PUBLICS

SYLVIANE GIAMPINO, PRÉSIDENTE DE ZERO DE CONDUITE

PIERRE DARDOT, PHILOSOPHE, CO AUTEUR DE "LA NOUVELLE RAISON DU MONDE

JACQUELINE BERGER, AUTEUR DE "SORTIR DE L'AUTISME"

FRANÇOIS GONON, NEUROBIOLOGISTE

ANDRE CORET, PHYSICIEN

LE PROFESSEUR PIERRE DELION

 

DES REPRÉSENTANTS  DE MESSIEURS HOLLANDE, MELENCHON, POUTOU ET DE MADAME JOLY, CANDIDATS A L'ELECTION PRESIDENTIELLE

PIERRE JOXE , ANCIEN MINISTRE DE LA DÉFENSE ET DE L'INTÉRIEUR, ET BIEN SUR DES SOIGNANTS, DES PATIENTS, DES PARENTS…

ALORS TOUS AU MEETING DU 17 MARS !

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>L’autisme est-il réellement biologique ?

 

Par David Simard

Des associations de parents d’enfants autistes, des personnes autistes elles-mêmes, ainsi que des scientifiques, affirment que l’autisme est biologique. Cette affirmation s’inscrit dans le cadre d’une joute contre la psychanalyse, accusée de rendre responsables et coupables les parents, et plus spécialement les mères, de l’autisme de leurs enfants.

Cette polémique rend difficilement audibles des discours argumentés, notamment sur la question de la dimension biologique de l’autisme, considérée comme acquise. Or, rien n’est si avéré en la matière.

La génétique, « cause » de l’autisme ?

La question de savoir si l’autisme est biologique requiert de s’interroger sur ce qui est entendu par « est ». S’agit-il de dire que la cause unique de l’autisme, ce que l’on appelle l’étiologie, est biologique – et plus spécialement génétique ? Ou bien que dans les cas d’autistes étudiés avec l’œil du généticien, on a trouvé des marqueurs biologiques ? La nuance peut sembler subtile, voire inexistante, elle est pourtant de taille.

En effet, identifier des marqueurs génétiques chez des personnes diagnostiquées comme autistes ne suffit pas à établir que ces gènes sont la cause de l’autisme de ces personnes, et encore moins la cause unique. Cela peut indiquer par exemple une prédisposition supérieure par rapport à des personnes pour lesquelles on ne trouve pas ces marqueurs génétiques, mais dont le déclenchement dépendra d’éléments extérieurs à ces gènes, qui peuvent être des éléments biologiques autres que génétiques, des éléments de mode de vie, des éléments d’environnement familial.

 

Une synthèse sur l’état de la recherche

La question est donc celle-ci : est-il scientifiquement établi que l’autisme a pour cause unique des gènes ? Pour tenter de répondre à cette question, la lecture du livre Autisme, le gène introuvable. De la science au business (Seuil, 2012), du biologiste moléculaire et directeur de recherches émérite au CNRS Bertrand Jordan, est instructive.

Il présente en effet plusieurs avantages. Tout d’abord, eu égard à la polémique contre la psychanalyse, il n’est pas négligeable de pouvoir se référer à un biologiste, tel  Bertrand Jordan, qui rejette le recours à la psychanalyse dans la prise en charge des personnes autistes. Cela permet d’éviter de le soupçonner de construire un discours sur le plan de la génétique qui ait pour fin de soutenir les approches psychanalytiques (…) Suite de l'article sur acontrario.net

 

 

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>Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA

Une connaissance professionnelle, dont j’apprends qu’elle a un fils autiste de 28 ans me dit : toi, au moins, tu auras plus de chance pour la prise en charge de ton enfant de 4 ans. Je lui demande pourquoi. Parce que toi, on ne te dira plus que c’est ta faute, et ton enfant bénéficiera d’une prise en charge adaptée. Pour elle, c’est une évidence. Je n’en peux douter. Elle l’a vécu. C’était son premier enfant, et elle me dit qu’il lui a fallu quinze ans pour oser en mettre un autre en route. Voilà une cause entendue : on dit aux mères que c’est de leur faute. J’essaie, avec délicatesse d’en savoir plus.

Mais qui, et comment te l’a-t-on dit ? Oh, me répond-elle, une mère est forcément coupable. C’est vrai. Voilà une chose à quoi l’on n’échappe pas. Et il n’est pas besoin qu’on nous le dise ; nous le savons bien. Je suis coupable pour chacun de mes deux enfants. Pourquoi ne le serais-je pas pour celui des deux qui est autiste ?

Cependant, notre interrogation cruelle, lancinante de parent d’enfant autiste se situe au-delà de la culpabilité, au lieu de la Faute. La chance a voulu, dans mon cas, qu’une hospitalisation néonatale dramatique vienne prendre place en ce lieu, pour que je sois un tant soit peu allégée d’un tel fardeau. Mais je vois bien que ce bricolage vaut pour moi seule. Je n’ose imaginer dans quel état je serais si aucun candidat de nature extérieure ne s’y était présenté.
Heureusement pour toutes les familles en perdition, depuis quelque temps, des associations de défense des parents d’autistes (je ne peux en aucune façon les considérer comme des associations de défense des personnes autistes) ont lancé une grande campagne pour nous rassurer, nous parents, et peut être, aussi, rassurer l’ensemble de la société sur le fait que ce n’est pas de notre faute. Ouf !
Mais s’il n’y a pas de faute, il y a forcément une cause. Bien sûr, nous dit-on. La cause est génétique, sans aucun doute. Ah ! Et la génétique ça n’est pas de notre faute ?
Et, puisque la cause est génétique, le traitement est forcément comportementaliste. Ah bon ? Là, j’ai beaucoup plus de mal à suivre la logique du raisonnement, sauf à lui ajouter un renforçateur (c’est comme ça qu’on appelle la cerise sur le gâteau en langage comportementaliste) : il y a bien un fautif, c’est la psychanalyse.

En matière d’autisme, par la force des choses, j’en connais un rayon, et la recherche vaine et épuisante de la cause m’apparaît surtout comme une impasse. Je ne parle pas de la cause médicale, qui intéresse les chercheurs, mais plutôt de cette croyance fausse que si l’on trouve la cause on a automatiquement le remède. Hier, ma mère m’appelle en urgence, comme chaque fois qu’on parle de l’autisme à la télévision. Vite, sur la 3… un enfant, soigné par antibiothérapie de sa maladie, a vu son autisme régresser et disparaître. Encore la 3 ! La dernière fois, aux infos régionales, on nous avait annoncé la naissance d’une structure scolaire spécialisée, nouvel espoir pour les familles en région parisienne… en fait, 8 enfants accueillis dans un hangar prêté par la mairie, avec un psychologue et des parents bénévoles. Depuis que l’autisme est une grande cause nationale, toutes les bonnes volontés sont bienvenues. Toutes, sauf ces méchants psychiatres et psychanalystes, qui culpabilisent les mères. Eux, au contraire, il faut les fuir, et fuir tous les lieux où il risque d’y en avoir, même et a fortiori s’ils sont cachés au sein d’équipes pluridisciplinaires. Heureusement, l’association Autistes sans frontières est là pour nous indiquer la voie « ne mettez surtout pas votre enfant en Hôpital de jour, ni en IME », sauf s’il est débile profond.
 
Offrez-lui ABA, car il le vaut bien.
Contrairement aux zozos du hangar, les tenants de l’ABA, eux, ne sont pas des amateurs. Ils le disent et le clament sans ambages. Pas de doute : à raison de 40 heures par semaine, pendant 3 ans, nos enfants, pris en charge, pourront réduire leur handicap, au point de devenir quasiment « indécelables » dans un collectif d’autres enfants. On ne nous dit pas si c’est de loin ou de près.
 
La méthode ABA est pratiquée par des praticiens certifiés BCBA©. On imagine bien que ça coûte cher, malgré la mobilisation d’un nombre impressionnant de bénévoles et de parents. Les sites français sont très discrets sur ces questions. Aucun chiffre n’est fourni. Sur les sites américains et canadiens, en revanche, l’information est disponible : 50 000$ par enfant. Bigre ! Même en coupant les vivres à toutes les institutions psychiatriques et médico-sociales pour les réorienter exclusivement vers ABA, on voit mal la collectivité prendre en charge un tel coût. Mais moi, parent Ni coupable, NI responsable (c’est garanti par l’association Autistes sans frontières) je me dois d’offrir cette chance, SA chance à mon enfant. Malheur à ceux qui n’ont NI temps NI argent, NI l’énergie, NI la capacité d’engagement sans borne pour atteindre le graal : l’entrée de l’enfant à l’école, comme tous les enfants normaux. Mais il ne suffit pas d’entrer à l’école ; encore faut-il y rester. Pour quelques rares réussites, qui se seraient de toutes façons passées de l’ABA, combien d’échecs amers ? En tout état de cause, tous les témoignages d’autistes ayant eu un parcours scolaire et académique démontrent que l’intégration scolaire repose sur des ressorts de volonté intérieure du sujet, dont les autistes sont plus que tous autres capables, et non sur l’induction d’un comportement.
 
Quant à Louis, il pourrait être accepté à l’école maternelle avec une AVS, uniquement à temps partiel, dans une classe normale avec un enseignant pour 27 élèves. Sans garantie sur ce qu’il en tirerait. Aujourd’hui, j’ai choisi, en concertation avec le CMP de mon secteur, d’obtenir une admission de Louis à temps plein à l’hôpital de jour. Il y suivra une scolarité adaptée, avec deux éducateurs permanents pour 8 enfants, et le soutien de toute une équipe pluridisciplinaire. Cette intégration a été précédée d’une période d’observation et d’évaluation, assez éprouvante par sa longueur, qui permet néanmoins d’espérer que le projet sera le plus ajusté possible à ses capacités d’évolution.
 
Il paraît que si nous résistons à l’ABA, c’est que nous sommes arriérés, et dépravés par la psychanalyse. C’est vrai. Chez nous, ABA ne fait que commencer de nuire. Nous sommes un nouveau marché à conquérir. La fédération ABA France annonce sur son site (www.aba-france.com) que « l’ABA est une approche scientifique qui a pour objectif la modification du comportement par la manipulation » et qu’elle vise un « champ d’action aussi varié que l’éducation, les troubles du développement, la psychiatrie, les milieux professionnels, les troubles du comportement, la prévention routière, les addictions, l’autisme, l’hyperactivité, les phobies, le handicap, la dépression, la violence, la gériatrie, le domaine sécuritaire, l’aide à la parentalité, la déficience mentale, les troubles obsessionnels compulsifs, la communication, etc ». Un vrai programme de privatisation du soin et de la sécurité, et de constitution d’une industrie du « Care Service », comme elle fleurit aux Etats-Unis.


ABA a besoin de nous car, aux Etats-Unis, le conditionnement comportementaliste est déjà totalement Has-been, réservé à ces familles désespérées qui n’ont pas les ressources sociales leur permettant de s’acheter les services d’un Coach développementaliste évolué (Voir le « JumpStart Learning to Learn Program » de Bryna Siegel – www.autismjumpstart.org ), qui va leur concocter un mix sur mesure des méthodes existantes après un diagnostic élaboré des compétences de l’enfant (c'est-à-dire, l’équivalent de ce que nous avons gratuitement en France auprès des CMP et des centres d’évaluation).
 
Dans le monde anglo-saxon, il y a aussi une vraie communauté Autiste/Asperger, qui revendique de savoir pertinemment ce qui est bon pour elle, et qui vomit aussi bien les comportementalistes que les développementalistes. Merci à vous, Jim Sinclair, fondateur, avec Donna Williams du « Autism Network International » et du « Autistic Self Advocacy Network » (voir www.autreat.com) ; merci à vous Michelle Dawson, qui avez plaidé en 2004 devant la cour canadienne sur la non éthique de l’ABA, les empêchant de capter les fonds publics pour leur opération de malfaisance. Vous êtes mes héros, comme on dit pompeusement chez vous.


ABA les pattes !
●La première étape de la méthode ABA consiste à réduire les stéréotypes dont l’enfant est affecté. On peut voir sur internet des séquences qui me font l’effet d’un cérémonial barbare, proche du sacrifice. L’enfant pénètre dans une pièce où se trouvent une table et une chaise.
 
On l’assoit, les deux mains paumes ouvertes sur la table. Un adulte est devant, et un autre est derrière lui. L’adulte devant émet des demandes, tandis que celui qui est derrière veille à lui interdire toute échappée belle. Voilà, tout est en place. Ce que l’on va maintenant extraire, pour l’éradiquer, ce sont ces petits riens, ces signes, ces connivences, qui font notre communication, notre miel, notre langage, notre univers partagé.
On ne se bouche pas les oreilles. Quand Louis porte ses mains aux oreilles, ce n’est pas pour les boucher. Si l’on veut se boucher les oreilles, on presse dessus avec ses paumes. Louis place ses pouces sous les lobes et les remonte vers le pavillon. Il garde ainsi les paumes de ses mains libres pour orienter soit vers l’intérieur, pour s’entendre lui-même, comme le font les chanteurs, soit vers l’extérieur, ce qui lui permet une attention directionnelle et ciblée.
 
On ne court pas dans tous les sens en agitant frénétiquement les mains. L’écriture de Louis s’inscrit dans l’espace, qu’il parcourt joyeusement en courant en tous sens, décrivant différents tracés, lignes d’erre[1], transversales légèrement courbes, tours serrés ou plus lâches autour d’un point, lignes brisées et brusques changements sous l’emprise d’une inspiration nouvelle, bras levés, mains tendues vers le ciel, agitant un tambourin imaginaire. Chanson de geste. Litturaterre. Véritable proto-écriture, que d’aucuns qualifient d’hyperactivité. La délicatesse et la gaucherie mêlées qui émanent de sa personne le rendent profondément attachant.
 
On n’attrape pas la main de l’adulte mais on pointe le doigt pour désigner ce que l’on veut. Il est vrai que Louis ne connaît pas la politesse quand il conduit fermement ma main vers le frigidaire pour attraper son dixième yaourt de la journée. Ce même geste peut pourtant révéler une émouvante subtilité. Voici une anecdote pour l’illustrer. De retour après deux ans dans une maison de vacances, nous retrouvons dans la salle de bains la tortue Tomy que nous y avions laissée. J’avais coutume de tenir Maman tortue sur le bord de la baignoire ; Louis tirait bien fort bébé tortue, et quand je lâchais, les deux tombaient dans le bain en faisant plouf. J’arrive donc toute heureuse : « Louis, regarde, Maman et bébé tortue ». Dans un premier mouvement il tend la main pour tirer le bébé tortue, mais il a alors une réaction inattendue, il se ravise et va chercher ma main pour que je le fasse. Il semble quêter mon approbation pour s’autoriser à utiliser sa propre main. Cette même main dans la main lui sert d’accrochage pour affronter les transitions vers des lieux inconnus, et il sait maintenant la lâcher, de sa propre initiative quand il est rassuré.
 
Quand mon fils, solidement installé dans mes bras, se jette en arrière avec jouissance et délectation, je repense à Donna Williams, cette merveilleuse dame autiste, cette femme d’une intelligence et d’une sensibilité hors du commun qui a « bénéficié » dans sa plus tendre enfance de la plus grave maltraitance maternelle. Mon arbre préféré appartenait au parc. J’y grimpais et me suspendais par les genoux la tête en bas, en me balançant sur la plus haute branche que je pouvais trouver[2]. Il ne me déplait pas de penser que mes bras sont, pour mon fils, cette plus haute branche d’où il peut se suspendre. Jamais je ne trahirai la confiance inconditionnelle qu’il me témoigne, à tous les moments de sa vie, pour le livrer à des tortionnaires, fussent t’ils animés des meilleures intentions pour un meilleur des mondes social.
 
●La deuxième étape de la méthode ABA, consiste à introduire des apprentissages par la répétition à l’infini de chaque particule élémentaire d’une opération, sans aucune considération pour une finalité quelconque. J’imagine que s’ils devaient faire aimer Haendel à une petite fille[3], ils passeraient d’abord chaque note de la première mesure pendant un mois, puis la deuxième le mois suivant, sans jamais faire écouter l’air en entier. Elle aurait droit à un yaourt en récompense pour avoir supporté ce massacre.
 
Louis, comme beaucoup d’autistes, adore, depuis le berceau, la musique, surtout baroque, musique très complexe et élaborée, très construite. Cela ne m’a empêchée de le croire sourd, un moment, jusqu’au jour où il a donné – sans signe précurseur – son premier concert vocal à 20 mois, un répertoire impressionnant, au beau milieu d’une salle d’attente d’hôpital. Le spectacle était saisissant : il chantait avec aplomb, justesse et rythme, une main collée à l’oreille comme le font les muezzins, au point que le brouhaha ambiant sembla s’estomper.
 
Une intense beauté se dégageait de cette scène.
 
Merci Scarlett et Philippe Reliquet, parents de la petite Garance, vous pensez comme moi qu’il importe peu de savoir si c’est notre cerveau gauche ou notre cerveau droit qui nous ouvre à la culture, à la beauté, à la poésie.

Quand je lis les poésies ironiques, décalées, acérées, ébouriffantes, des au(ar)tistes du Papotin[4], je me dis seulement que j’aimerais atteindre leur degré d’idiotie. Moi j’ai choisi, sans hésitation. Plutôt idiot cultivé que singe savant.
 
Mireille Battut


(Article publié sur Lacan quotidien : version d'origine)


[1] Hommage à Deligny

[2] Si on me touche je n’existe plus – Donna Williams

[3] Ecouter Haendel – Scarlett et Philippe Reliquet. – Editions Gallimard. A lire absolument.

[4] Toi et moi, on s’appelle par nos prénoms – Le Papotin, livre atypique – Marc Lavoine, Driss El Kesri – fayard
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> lettre ouverte projet de loi Fasquelle

lettre ouverte projet de loi Fasquelle

Lettre ouverte à Monsieur Jean-Pierre Bel,

Président du Sénat,

 

Suite à la proposition de loi de Monsieur Daniel Fasquelle, nous vous demandons,par la présente,de bien vouloir saisir le Conseil Constitutionnel afin qu'il en examine le contenu et les conséquences sur les principes mêmes qui fondent notre démocratie.

En effet, nous pensons que cette proposition qui vise"l'arrêt des pratiques psychanalytiques dans l'accompagnement des personnes autistes" et prône"la généralisation des méthodes éducatives et comportementales" est une atteinte grave à la liberté des pratiques.

Nous sommes très inquiets de voir le législateur décréter ce qu'est la "bonne" science et  la "bonne" pratique thérapeutique.

L'argument statistique, mis en avant par la proposition de loi, est d'une grande fragilité.En ce domaine ,la statistique ne prouve pas grand chose et s'il est vrai que "depuis une vingtaine d'années les pays occidentaux ont abandonné l'approche psychanalytique de l'autisme" cela montre surtout une uniformisation peu rassurante de la pensée qui déborde largement les frontières.

Quant au débat sur l'origine de l'autisme, il a toutes les caractéristiques de l'impasse: quand bien même l'autisme serait- comme l'avance la proposition-" un trouble neuro-développemental" fraudrait-il pour autant priver un enfant autiste de trouver ses propres solutions?

Cette proposition de loi dissimule d'ailleurs l'essentiel :le manque criant et cruel, pour les enfants autistes et leur famille,de structures adaptées ainsi que de moyens humains.

Nous craignons, monsieur le président, que cette mise à l'index de la psychanalyse ne soit un des symptômes de la dérive de notre démocratie vers un prêt-à-penser qui la détruit de l'intérieur. 

Chantal Allier

Pour signer cette lettre : cliquez sur ce lien

 

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>Lettre de juin 1969 adressée par D.W.Winnicott, au rédacteur de Child Care News

Lettre de juin 1969 adressée par D.W.Winnicott, au rédacteur de Child Care News, parue dans D. W. Winnicott. Psycho-Analytic Explorations, Londres. Kamac, 1989, pp. 125-128.

Cher Monsieur,

Il est certain que l’on pourrait faire un commentaire élogieux de l’article que Carole Holder consacre a la Thérapie Comportementale dans le Child Care News de mai 1969, n° 86. Pour cela, cependant, il faudrait être dans un monde différent de celui dans lequel à la fois je vis et je travaille. Il est important pour moi d’avoir l’occasion de faire savoir à mes nombreux collègues travailleurs sociaux que je désire tuer cet article et sa tendance. J’aimerais en dire plus et, en tout cas, commencer par dire pourquoi je veux les tuer.

Ce pourrait être une bonne chose que de lire les déclarations de cet article aux travailleurs sociaux qui, par autosélection, sélection et formation, ont une pratique de cas. A coup sûr, il est bon que l’on vous remette en mémoire que les systèmes locaux de principes moraux ne sont pas seulement enseignés par l’ exemple, mais aussi par des tapes sur le derrière et des punitions. En fait, il est peu probable que nous puissions oublier ce fait fondamental, puisque une grande part de notre travail s’est édifiée a partir de l’ échec de la thérapie comportementale telle qu’elle se pratique à la maison et dans les institutions.

Je revendique le droit de protester. J’ai gagné ce droit du fait que je n’ai jamais accepté le mot maladjusted qui, dans les années 1920, a traversé l’AtIantique dans les bagages de la “Guidance infantile” et nous a été vendu en même temps. Un enfant mal adapté est un enfant, garçon ou fille, aux besoins de qui quelqu’un n’a pas su s’adapter à tel stade important de son développement.

Imaginez des travailleurs sociaux dans un groupe d’études réfléchissant avec les principes de la thérapie comportementale. Un tel groupe ne tarderait pas a être, par sélection et autosélection, rempli par des gens qui, de façon naturelle, adoptent la disposition d’esprit de la thérapie comportementale. La formation ne ferait qu’accentuer les sillons et les arêtes des structures de la personnalité déjà à l’œuvre dans les mœurs comportementalistes.

Ce serait vraiment une bataille perdue, parce que ces gens dont je parle avec les mots de sillons et d’arêtes ne sauront pas qu’il existe une autre sorte de travail social, un travail orienté pour faciliter les processus du développement ; ils ne sauront pas que contenir tensions et pressions des personnes et des groupes comporte une valeur positive, de même que laisser le temps agir dans la guérison ; ils ne sauront pas que la vie est réellement difficile et que seul compte le combat personnel, et que, pour l’individu, il n’y a que cela qui soit précieux.

L’article de Carole Holder met en lumière qu’il est possible de considérer la vie avec la plus extrême naïveté. Le problème est que cette surprenante sursimplification doit séduire les gens dont on a besoin pour financer le travail social. 

Rien de plus facile que de vendre la thérapie comportementale aux membres d’un comité qui, à son tour, la revendra aux membres des conseils municipaux dont les talents s’exercent dans d’autres champs. On n’est jamais à court de gens qui affirment avoir tiré profit des principes moraux que leurs pères leur ont imposés en famille, ou tiré profit du fait qu’à l’école un professeur sévère rendait cuisants la paresse ou un larcin. C’est à cela que les gens croient pour commencer.

Il faut malheureusement, de près ou de loin, parler ici des médecins et des infirmières, car leur travail aussi repose sur une sursimplification fondamentale : la maladie est déjà présente, leur travail est de l’éliminer. Mais la nature humaine n’est pas comme l’anatomie et la physiologie, bien qu’elle en dépende, et les médecins, là encore par autosélection, sélection et formation, ne sont pas faits pour la tâche du travailleur social, à savoir reconnaître l’existence du conflit humain, le contenir, y croire et le souffrir, ce qui veut dire tolérer les symptômes qui portent la marque d’une profonde détresse. Les travailleurs sociaux ont besoin de considérer sans cesse la philosophie de leur travail ; ils ont besoin de savoir quand ils doivent se battre pour être autorisés a faire les choses difficiles (et être payés pour ça) et non les choses faciles ; ils doivent trouver un soutien là où on peut en trouver, et ne pas en attendre de l’administration ni des contribuables, ni plus généralement des figures parentales. En fait, dans ce cadre loca1isé, les travailleurs sociaux doivent être eux-mêmes les figures parentales, sûrs de leur propre attitude même quand ils ne sont pas soutenus, et souvent dans la position curieuse de devoir réclamer le droit d’être épuisés par I’exercice de leurs tâches, plutôt que d’être séduits par la voie, facile, de se mettre au service de la conformité.

Car La Thérapie Comportementale (avec des majuscules pour en faire une Chose qui peut être tuée) est une porte de sortie commode. Il faut juste s’accorder sur des principes moraux. Quand on suce son pouce, on est méchant ; quand on mouille son lit, on est méchant ; quand on met du désordre, quand on vole, qu’on casse un carreau, on est méchant C’est méchant de mettre les parents au défi, de critiquer les règlements de l’école, de voir les défauts des cursus universitaires, de haïr la perspective d’une vie qui tourne comme une courroie de transmission. C’est méchant de rechigner devant une vie réglée par des ordinateurs. Chacun est libre d’établir sa propre liste de “ bon ” et “ méchant ” ou “ mauvais ” ; et une volée de comportementalistes partageant plus ou moins des systèmes moraux identiques est libre de se rassembler et de mettre en place des cures de symptômes.

Il y aura des ratages, mais il y aura quantité de succès et d’enfants qui iront disant : “ Je suis si joyeux de ne plus mouiller mon lit grâce à MIle Holder ”, ou grâce a un appareil électrique ou a un “conditionneur” quelconque. Le thérapeute n’aura besoin de rien d’autre que d’exploiter le fait que les êtres humains sont une espèce animale dotée d’une neurophysiologie à l’instar des rats et des grenouilles. Ce qu’on laisse pour compte, là, c’est que les êtres humains, même ceux dont la teneur en intelligence est plutôt basse, ne sont pas simplement des animaux. Ils ont pas mal de choses dont les animaux sont dépourvus. Personnellement, je considérerais que la Thérapie Comportementale est une insulte même pour les grands singes, et même pour les chats.

Il est triste de penser qu’il n’y a pas suffisamment de travailleurs sociaux, et qu’il n’y en aura jamais suffisamment. Il est infiniment plus triste de penser que le dernier paragraphe de l’article de Mlle Holder pourrait bien être utilisé par les responsables des Institutions d’enfants pour justifier la transmission, à qui officie en pédiatrie, de ce “ procédé économique et raisonnable ” qui doit rendre gentils les méchants clients.

Il est clair que je suis en train de m’exercer a faire marcher un conditionneur : je veux tuer la Thérapie Comportementale par le ridicule. Sa naïveté devrait faire l’affaire. Sinon, il faudra la guerre, et la guerre sera politique, comme entre une dictature et la démocratie. Votre très fidèle


D. W. WINNICOTT

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>Le Meeting du 17 mars 2012

 

Samedi 17 mars de 9h à 18h , à Montreuil

A la Parole Errante.

LE MEETING EST DANS MOINS DE TROIS SEMAINES

A moins de 2 mois d’échéances électorales importantes, nous avons décidé de nous adresser aux candidats à l’élection présidentielle pour leur demander de préciser leur position et de répondre à nos demandes formulées dans notre manifeste. 

Les représentants du P.S., du Front de Gauche, d’E.E.L.V., du N.P.A., nous ont déjà assurés de leur présence.

Nous leur dirons aussi combien la politique sécuritaire amalgamant les malades mentaux à des délinquants ou à des criminels potentiels est, au-delà du caractère insultant et erroné de cette affirmation, une entrave majeure à une politique de soins digne de ce nom.

Nous leur dirons comment la dimension relationnelle, spécificité centrale de la pratique soignante, ne peut pas être standardisée, protocolarisée, normée,  référencée à des « normes qualité » comme des objets, ou des produits de consommation, promue comme tel par les procédures d’évaluation, d’accréditation.

Nous leur transmettrons à quel point ces procédures ont généré depuis une dizaine d’années dans les établissements, une bureaucratie tatillonne, abêtissante, détournant la mission de soins vers des critères comptables et de productivité déshumanisante.

Nous leur expliquerons qu’ hélas la Haute autorité de santé (l’H.A.S.), à travers ses  conférences de consensus, de recommandation ou de processus de certification, tente de faire appliquer des conceptions opposées et étrangères à ce qui fait le fondement de nos pratiques cliniques.

Nous leur démontrerons que les pratiques évaluatives prônées par L’H.A.S. tentent d’exclure la dimension psychopathologique du champ de notre discipline.

Nous leur dirons comment l’utilisation abusive et idéologique de découvertes scientifiques récentes envahit le discours social ambiant, toujours en quête de sensationnalisme, espérant des issues rassurantes aux inquiétudes de l’époque. Ces excès  tentent de détourner les soignants, les patients et les familles des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés : pénurie de moyens, insuffisance de la formation, conception réductrice de la souffrance psychique.

Nous leur dirons aussi combien la psychanalyse a été et reste une compagne fidèle et indispensable de la psychiatrie, ou tout au moins pour ceux qui pensent que la maladie mentale est une maladie de la relation aux autres, à soi-même, au monde.  La psychanalyse n’est pas une technique comme une autre. Elle représente un apport culturel  indispensable à la compréhension du fonctionnement psychique humain. Ses concepts peuvent être  d’une aide précieuse dans le travail au quotidien pour les équipes soignantes dans leur confrontation avec la psychose, avec les angoisses et les complexités des enjeux institutionnels.

Nous dirons avec force que nous refusons ce système qui demande en permanence de se plier à la norme des «trois P»:

         – apporter la preuve de résultats immédiats quant on sait que l’évolution pour les pathologies les plus complexes se mesure dans la durée, 

         – prédire l’avenir, 

         – instaurer la peur à l’égard des malades mentaux. 

De telles perspectives sont  inconciliables avec une hospitalité de la folie.

Nous dirons avec force et enthousiasme nos espoirs en la possibilité d’une pratique où chacun pourrait se sentir investi, concerné, attentif et fier de son engagement : telle est la psychiatrie de l’hospitalité que nous appelons à re-fonder.

Nous sommes prêts à débattre de ces questions et nous dirons avec conviction que seules des confrontations sincères et sans anathème peuvent nous permettre à tous, soignants, patients, parents, d’écrire une nouvelle page d’histoire de la psychiatrie.

Pour penser tout cela, pour avancer dans nos élaborations nous serons entourés à ce meeting par des magistrats, des philosophes, des sociologues, des neurobiologistes, des hommes d’Etat,

Ce grand moment préparera les Assises de la psychiatrie que nous organiserons à l’automne

N’OUBLIEZ PAS DE VOUS INSCRIRE ET DE DIFFUSER AUTOUR DE VOUS L’ANNONCE DE CET EVENEMENT

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>A l'adresse de l'HAS communiqué du cercle freudien

Au Professeur Jean-Luc Harousseau Haute Autorité de Santé 2, avenue du Stade de France

93218 Saint-Denis La Plaine Cedex

 

COMMUNIQUÉ DU CERCLE FREUDIEN

20, février 2012

 

En cette année de l’autisme « Grande cause nationale », les psychanalystes tiennent à préciser leur position vis-à-vis de cette pathologie, et plus généralement sur la place qui selon eux revient à la psychanalyse dans la sphère de la Santé.

 

L’étiologie de l’autisme n’est pas établie. Les définitions sont multiples, il existe une grande variété de formes et aucun traitement curatif n’a prouvé son efficacité. Aucune méthode de traitement ne peut donc revendiquer de monopole.

 

Ils s’étonnent que certains puissent proposer de régler la question sur le plan de la loi ou par des mesures autoritaires.

 

Les méthodes éducatives d’origine comportementaliste ont démontré une efficacité : en parvenant à réguler le comportement, elles restituent une possibilité de vie et apportent un certain apaisement aux familles, pour qui cette pathologie est particulièrement pénible, angoissante et envahissante. Il faut cependant rappeler les limites de ces techniques brevetées. Leur coût est élevé, elles ne sont pas toujours applicables, elles ne suffisent pas à éviter les épisodes d’agitation.

 

Comme le montrent de nombreux témoignages d’anciens autistes, la dimension psychique est présente dans cette pathologie comme en toute autre. Le recours au psychanalyste ou au psychothérapeute peut apporter aux proches un lieu où exprimer leur désarroi et l’angoisse suscités par « l’enfant pas comme les autres ». Ce lieu de parole les aide à modifier leur position, à trouver de nouvelles ressources et à prendre des décisions. Il peut aussi aider l’enfant, particulièrement aux moments où il s’agite.

 

Le recours au psychanalyste n’est pas sans effets thérapeutiques, parfois spectaculaires, et qui restent des acquis. Si ces effets ne peuvent être prédits à coup sûr, ils ne sont pas à négliger pour autant.

 

Nombreux sont les psychanalystes qui s’occupent d’autistes, que ce soit dans les institutions de soin ou en cabinet privé. Ils confrontent constamment leurs expériences et leurs élaborations et leurs conclusions sont régulièrement reprises par d’autres praticiens. privé. Tous sont convaincus de la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire.

 

Le Cercle Freudien soutient les associations de parents et de personnels spécialisés pour que la psychanalyse conserve sa part dans le soin des autistes et le soutien de leurs familles.

 

Le Président du Cercle Freudien : Docteur Olivier GRIGNON

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> La loi du 5 juillet 2011 : vers un contrôle social psychiatrique ?

La loi du 5 juillet 2011 :

vers un contrôle social psychiatrique ?*

 

Mathias Couturier

Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles

Université de Caen Basse-Normandie

 

La loi du 5 juillet 2011[1] est porteuse de significations lourdes. Le fond de ce texte ne procède pas essentiellement du fait divers de Grenoble dont le président de la République s’était emparé pour soutenir la nécessité d’une réforme de la psychiatrie sous contrainte. Il constitue, en réalité, l’aboutissement de réflexions élaborées, depuis le début des années 2000, par les divers travaux d’évaluation de la loi de 1990[2]. Cette dernière avait, pour la première fois, modifié substantiellement l’essence du régime juridique des soins psychiatriques sans consentement qui datait d’une loi de 1838 sur les aliénés. Or, selon les motifs de la loi du 5 juillet 2011, « [les rapports d’évaluation de la loi de 1990] ont tous conclu à la nécessité de réformer cette loi compte tenu des difficultés constatées dans l'accès aux soins psychiatriques […]. Le premier objectif de la réforme consiste à lever les obstacles à l'accès aux soins et à garantir leur continuité ».

Il ressort alors de la loi du 5 juillet 2011 que la psychiatrie française s’organisera à présent autour d’une logique paradoxale mais délibérée : mieux faire entrer les malades à l’hôpital pour mieux les en faire sortir. En vue d’accomplir cet objectif, ce texte tend à élargir l’accès aux soins psychiatriques sans consentement et à développer leur mise en œuvre hors des murs de l’hôpital. Pour cela, il a opéré deux évolutions essentielles. D’une part, certains cas d’admission en soins ont été modifiés dans le sens d’une facilitation de leur déclenchement. D’autre part, tout en pérennisant l’hypothèse de l’hospitalisation à plein temps, ce texte a introduit la possibilité de prendre en charge d’emblée le malade sous d’autres formes : soins ambulatoires, hospitalisation partielle, etc.

Ce faisant, la loi nouvelle se révèle ambigüe. Certes, elle paraît ouvrir la potentialité d’un traitement de la maladie mentale moins contraignant pour le malade et donc a priori plus respectueux de sa personne, cette impression étant renforcée par l’élargissement du rôle accordé au juge des libertés et de la détention chargé de contrôler la légitimité des mesures de soins sans consentement. Cependant, cette latitude offerte tant aux malades qu’aux psychiatres traduit en réalité la montée en puissance de rapports d’un nouveau type dans la triangulation malade/médecin/autorité administrative. Ceux-ci résultent de ce que ce texte, tout en ouvrant de nouveaux droits aux personnes voire en posant certaines garanties visant à assurer leur respect, s’inscrit dans une dynamique de renforcement tendanciel des devoirs du malade qui trahit l’essence des modes de l’action publique contemporaine.

 

I – Un élargissement des soins psychiatriques sans consentement

 

La loi du 5 juillet 2011, au nom d’une amélioration de l’accès aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux, procède à une diversification des modes de prise en charge  et des modes d’admission en soins, ainsi qu’à une facilitation de la mise en œuvre de certains de ces derniers.

 

A – La diversification des modes de prise en charge

 

Afin de diversifier les modes de prise en charge, la loi du 5 juillet 2011 a supprimé les notions d’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers pour les remplacer par l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat ou sur décision du directeur de l’établissement, cette dernière comprenant deux modalités : sur demande d’un tiers ou en cas de péril imminent. La loi nouvelle dissocie ainsi le principe du soin des modalités du soin : suite à la décision d’admission, une seconde décision fixe la nature de la prise en charge qui peut prendre diverses formes. Dès 2001, le rapport des Dr Piel et Roelandt avait plaidé en faveur d’une « loi déspécifiée pour l’obligation de soins »[3]. Un rapport de l’IGAS et de l’IGSJ, en 2005[4], avait affiné l’épure en élaborant l’architecture du dispositif qui vient ainsi d’être consacré.

A présent, toute admission débute par une période initiale d’observation en hospitalisation complète émaillée de deux examens médicaux, l’un dans les 24 h et l’autre dans les 72 h, donnant lieu à émission de certificats. Lorsque ceux-ci concluent à la nécessité de prolonger la mesure, un avis médical propose la nature de la prise en charge. Il pourra s’agir d’une hospitalisation complète dans un établissement de soins ou, comme l’énonce l’article L. 3211-2-1 du Code de la santé publique, d’une prise en charge « sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile (…) et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement (de soins) ». En ce second cas, celle-ci se déroulera sur la base d’un « programme de soins » précisant la « forme que revêt l'hospitalisation partielle en établissement de santé ou la fréquence des consultations ou des visites en ambulatoire ou à domicile et, si elle est prévisible, la durée pendant laquelle ces soins sont dispensés »[5].

Pour la suite, la loi prévoit, après le cinquième jour et avant le huitième jour puis à une périodicité mensuelle, l’émission d’un certificat médical visant à faire le point sur l’évolution de l’état du patient afin de statuer sur la poursuite de la prise en charge ou sur un changement de sa nature. En effet, en vertu de l’article L. 3211-11 du Code de la santé publique, le psychiatre participant à la prise en charge du patient peut « proposer à tout moment [à l’autorité administrative] de modifier la forme de la prise en charge » et de passer d’une hospitalisation complète à une forme autre ou, à l’inverse, de procéder à une « réhospitalisation »[6] de la personne prise en charge sous une autre forme. En raison de cette possibilité de modifier la nature des prises en charge, la loi du 5 juillet 2011 a supprimé les sorties d’essai.

Selon le législateur, l’objectif premier de la loi du 5 juillet 2011, en introduisant une telle modulation, est de favoriser l’accès aux soins de personnes que le système ancien ne parvenait qu’imparfaitement à appréhender. Le principe de l’accès aux soins, qui découle de l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique et du droit à la protection de la santé énoncé à l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946, vise à garantir la possibilité, pour l’individu, de recevoir les prestations nécessitées par son état de santé. Il comprend deux dimension. La première, qui en constitue le socle, est que la personne ait dans l’absolu la possibilité d’accéder à des soins. Or, les rapports d’évaluation de la loi de 1990 faisaient valoir que le système ancien l’entravait parfois. En effet, on faisait valoir que les familles hésitaient parfois à présenter une demande d’hospitalisation car ceci faisait reposer sur elles la charge d’initier une mesure privative de liberté[7]. On suppose alors que, n’ayant à présent à qu’à appeler à ce que des soins soient dispensés à leur proche et non à ce qu’il soit hospitalisée, les familles regimberont moins à transmettre leurs demandes d’admission. La seconde dimension est que, comme le précise l’article L. 1110-5 du Code de la santé publique, la personne puisse accéder aux « soins les plus appropriés » à son état de santé. Or, le dispositif ancien présentait, selon certains, le défaut de n’offrir la souplesse nécessaire à une prise en charge tenant compte de l’état de certains malades et du degré de consentement et de conscience, même partiel, dont ils pouvaient éventuellement témoigner à l’égard de la mesure de soins[8].

L’introduction d’une telle modularité dans les soins sans consentement ne tient pas de la révolution mais de la simple évolution puisqu’une certaine variété des prises en charge était déjà possible. Et surtout, cette réforme prolonge un mouvement, entamé depuis une cinquantaine d’années, de passage d’une logique institutionnelle et disciplinaire de prise en charge de la maladie mentale incarnée par l’asile à des formes plus variées, plus décentralisées et moins désocialisantes par l’avènement de la psychiatrie de secteur à partir des années 1960. D’aucuns soutenaient néanmoins que cette logique de désinstitutionalisation n’avait pas été menée jusqu’à son terme et qu’il était nécessaire que l’architecture du système soit complétée pour parachever le projet initial. La loi du 5 juillet 2011 s’insère dans ce contexte et son objet n’est autre que, comme le proposaient les Dr Piel et Roelandt en 2001, d’adjoindre un cadre juridiquement contraignant pour le malade à cette diversification des prises en charge accomplies au sein de la cité[9].

           

B – La diversification et la facilitation des admissions en soins

 

Certains modes d’entrée en soins sans consentement ont subi des évolutions significatives, l’objectif de ces modifications étant à nouveau de favoriser « l’accès aux soins ». Les divers modes d’admission en soins seront examinés successivement.

D’abord, l’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat qui succède à l’hospitalisation d’office se fonde globalement sur les mêmes critères, exprimés à l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique : le préfet peut, sur la base d’un certificat médical, prononcer l’admission « des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ». On relèvera cependant que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 6 octobre 2011, a jugé non conforme à la Constitution le fait que, dans le cadre de la procédure d’urgence mise en œuvre « en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes », le maire ou, à Paris, le commissaire de police, puissent prononcer l’admission en soin en se fondant sur des troubles mentaux manifestes de l’individu attestés « par la notoriété publique ».

Ensuite, la loi du 5 juillet 2011 a maintenu le dispositif créé par la loi du 25 février 2008 qui permet au juge pénal, lorsqu’il prononce une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d’ordonner lui-même l’admission en soins de la personne à titre de mesure de sûreté « s'il est établi […] que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public »[10]. La loi y a cependant adjoint des dispositions spécifiques, également applicables aux malades auteurs d’infractions pénales ayant fait l’objet d’un classement sans suite pour cause de trouble mental ainsi qu’aux malades ayant déjà séjourné dans une unité pour malades difficiles. Par exemple, la prise en charge ne peut être décidée sous une forme autre que l’hospitalisation complète qu’après que le préfet a recueilli l’avis d’un collège constitué de deux psychiatres et d’un membre de l’équipe pluridisciplinaire de soins.

Enfin, c’est à propos des mesures prononcées sur décision du directeur d’établissement que la loi du 5 juillet 2011 révèle sa nette volonté d’élargir les cas d’admission en soins. Dans l’hypothèse de principe, ceux-ci ont vocation à intervenir sur base de critères globalement identiques au droit ancien, c’est-à-dire sur demande d’un tiers, appuyée par deux certificats médicaux, lorsque l’état mental de la personne rend « impossible son consentement » et « impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge »[11]. L’article L. 3212-3 du Code de la santé publique a maintenu la procédure d’urgence qui permet, « à titre exceptionnel », l’admission sur base d’un seul certificat pouvant émaner d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil. Cependant, son critère a glissé vers le bas : cette procédure pourra être mise en œuvre en cas de « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade » et non plus, comme avant, de « péril imminent pour la santé du malade ».

L’innovation la plus frappante tourne alors autour de ce dernier critère qui, à présent, est destiné à une nouvelle clef d’admission en soins que l’on désignera comme la procédure d’extrême urgence. L’article L. 3212-1, II, 2° du Code de la santé publique permet au directeur de l’établissement, « lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande [d’un tiers] », de prononcer la décision sur la seule base d’un certificat en cas de « péril imminent pour la santé de la personne ». Cette innovation trouve son origine dans une décision du Conseil d’Etat qui, en 2003[12], avait précisé que le tiers demandeur de soins ne pouvait être qu’une personne justifiant d’un lien de parenté avec le malade ou « de l'existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci ». La loi nouvelle a repris cette définition mais d’aucuns avaient plaidé la nécessité de disposer d’une procédure d’admission, même en l’absence de demande d’un tel tiers, pour les situations de nature à entrer dans le champ de la non-assistance à personne en péril de l’article 223-6 du Code pénal[13]. Ce nouveau cas est évidemment étroitement encadré. Ainsi, la commission départementale des soins psychiatriques doit examiner les mesures décidées en application de cette nouvelle procédure et peut en prononcer la levée. De plus, le directeur doit prévenir les proches du malade qui peuvent alors demander la levée de la mesure. Néanmoins, l’article L. 3212-9 lui permet de ne pas donner suite à cette requête tant qu’un psychiatre de l’établissement atteste que ce péril imminent n’est pas dissipé.

Il existe donc, à présent, avec ce cas du « péril imminent pour la santé de la personne » une nouvelle procédure d’admission en soins psychiatrique sans consentement. Renforcée en cela par les évolutions déjà évoquées en matière de modulation des soins, cette innovation révèle une propension manifeste à élargir l’empire de la psychiatrie imposée au malade. Se pose alors la question de savoir si la loi du 5 juillet 2011 ne constituerait pas l’emblème d’une nouvelle distribution des droits et des devoirs autour de la santé mentale.

 

II – Un élargissement des devoirs autant que des droits du malade

 

La loi du 5 juillet 2011 a indéniablement apporté des innovations quant à la protection des droits du malade. C’est l’extension du rôle du juge judiciaire qui constitue l’apport le plus significatif. Cependant, cette tonalité protectrice doit être mise en balance avec l’analyse des enjeux implicites du texte qui révèle l’avènement de nouveaux devoirs du malade.

 

A – La protection des droits par le juge judiciaire

 

L’extension du contrôle juridictionnel par le juge des libertés et de la détention (JLD) constitue l’apport majeur de la loi du 5 juillet 2011. Les dispositions nouvelles ont été introduites dans la loi du fait des exigences énoncées par le Conseil constitutionnel[14]. Elles prévoient, en substance, que toute prise en charge sous forme d’une hospitalisation complète doit faire l’objet d’un contrôle par JLD dans un délai de 15 jours puis tous les 6 mois tant que la mesure se prolonge. Le JLD peut alors prononcer sa levée immédiate (mais non la modification de sa nature). Auparavant, le contrôle du juge n’intervenait que sur saisine qui était rare en pratique.

La loi nouvelle a également apporté des précisions sur le déroulement des débats. Ceux-ci peuvent avoir lieu au tribunal ou par audience foraine dans les locaux de l’établissement de soins voire, sous certaines conditions, par visioconférence. Le patient a le droit d’être assisté par un avocat et doit être entendu par le juge sauf si les médecins considèrent que des motifs médicaux font obstacle à son audition, auquel cas il doit être représenté par un avocat. Enfin, les débats sont publics par principe.

L’introduction d’un tel dispositif de contrôle judiciaire obligatoire, pour souhaitable qu’elle ait été sur le principe, suscite néanmoins remarques et observations critiques. Quant aux remarques, on soulignera les complications dans le travail de prise en charge psychiatrique du malade que cela peut entraîner. D’abord, l’exercice du contrôle laisse planer le risque que le patient interprète le processus juridictionnel pour penser que c’est lui-même et non la légitimité de la mesure le privant de sa liberté qui est soumis à l’examen du juge. Ensuite, selon certains psychiatres, l’intervention de cette instance tierce qu’est le juge peut être de nature à retarder « l’alliance thérapeutique » entre le patient et son médecin. Le malade, en tant qu’il s’oppose à la mesure qui le prive de sa liberté, peut se sentir conforté par le processus juridictionnel en son rejet des soins proposés par les médecins dans le cadre de cette mesure. Enfin, la lecture publique de pièces médicales lors des débats peut conduire le patient et l’auditoire à prendre connaissance d’éléments diagnostiques, ce qui pose la question d’une part du respect de l’intimité médicale due au malade, d’autre part du risque que constitue, pour ce dernier, le fait de recevoir un regard cru sur sa pathologie. Ces divers inconvénients font cependant partie du prix à payer pour ce contrôle juridictionnel qui est le corollaire inévitable du respect des libertés dont le juge judiciaire est garant.

Du côté des critiques, on pourra déplorer que le contrôle par le JLD ne soit pas obligatoire pour les mesures mises en œuvre sous une forme autre que l’hospitalisation complète. Certes, l’article L. 3211-12 du Code de la santé publique prévoit la possibilité de saisir « à tout moment » le juge des libertés de toute mesure de soins sans consentement, y inclus ces mesures autres que l’hospitalisation complète. Toutefois, de telles saisines seront sans doute rares, tout comme l’était la saisine du juge judiciaire sous l’empire du droit ancien.

 

B – Les droits du malade placés au service de ses devoirs

 

Il a été vu que la loi du 5 juillet 2011 cherche essentiellement à élargir « l’accès aux soins » sans consentement. A cette fin, elle a, d’une part, introduit la modularité des prises en charge et, d’autre part, créé un nouveau cas d’admission en soins tout en assouplissant les critères de mise en œuvre d’autres cas déjà existants.

On se demandera alors pourquoi avoir placé toutes ces innovations sous le signe d’une amélioration de l’accès aux soins. En effet, « l’expression accès aux soins revient à reconnaître un droit d’accéder aux soins »[15] qui, en lui-même, ne peut justifier techniquement ou axiologiquement une telle extension des cas de soins imposés. Il ne s’agit pas ici de plaider la passivité face à la maladie mentale mais de souligner l’incohérence apparente d’un discours. L’intérêt de ce paradoxe est néanmoins que sa réduction permet de révéler sa logique sous-jacente : il faut, selon nous, y voir l’émergence d’une injonction de prendre soin de sa santé aboutissant à ce que, si l’individu a certes un droit d’être soigné, l’outillage juridique tend à développer les cas dans lesquels il a pour devoir de se soigner.

Il nous semble, dans ce contexte, que la loi du 5 juillet 2011 s’inscrit au sein d’une évolution plus générale ayant abouti à déplacer le centre d’intérêt de la médecine, celui-ci étant passé de la maladie à la santé et à l’individu institué comme acteur principal de sa préservation[16]. On notera, à titre d’indice, la quasi-disparition, dans le nouveau texte, de la notion de « malade mental », remplacée en presque chaque occurrence par celle de « personne faisant l’objet des soins ». Ce changement révèle peut-être la mutation des représentations à l’œuvre.

Cette évolution trouve sa source dans divers facteurs symbolisés par le fait que, depuis 1946, la santé est définie par l’OMS comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [ne consistant] pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »[17]. La santé se conçoit donc, de manière positive, comme une forme d’homéostasie et d’ataraxie qui dépasse le simple état exempt de pathologies. En cela, elle ne concerne plus seulement l’action du médecin mais aussi celle du patient lui-même qui doit se mobiliser pour s’efforcer de l’atteindre. Il s’agit donc, en renvoyant les personnes à leur liberté, de les inciter à se gérer afin d'exercer un plus grand contrôle sur leur propre santé et de faire des choix favorables à celle-ci[18]. On entrevoit alors la naissance, en droit, d’un véritable devoir de se soigner qui émerge d’ailleurs de plus en plus clairement en matière de santé mentale[19].

La loi de 1990 portait déjà de manière latente ce phénomène en posant cette règle que l’hospitalisation psychiatrique est libre par principe et n’est contrainte que par exception. En effet, supposer la liberté, en cette matière, revient à postuler qu’un individu, même atteint d’une pathologie mentale, est en mesure d’opérer lui-même le choix de se soigner. Sa maladie n’est donc pas nécessairement exclusive de l’autonomie lui permettant de gérer correctement sa santé.

Dès lors, les soins ambulatoires sans consentement complètent cette évolution. Comme l’explique une juriste, « cette modalité de prise en charge apparaît d'emblée ambiguë. Elle peut être conçue pour protéger les malades atteints de troubles mentaux en leur évitant un enfermement systématique ; mais elle peut être aussi perçue simultanément comme une mesure de sanction à l'encontre de personnes malades potentiellement dangereuses, à l'égard desquelles il est nécessaire d'imposer des soins indépendamment d'une  hospitalisation. Ainsi, le malade se trouve dans une situation a priori nouvelle et hybride, à mi-chemin entre méconnaissance de son autonomie et liberté relative »[20]. En somme, les soins ambulatoires sans consentement consistent à appuyer l’efficacité de la prise en charge sur une part de discernement que l’on présume demeurer chez le malade, articulée à la menace d’une mesure plus coercitive en cas de manquement à ses obligations. Cette tonalité sanctionnatrice à l’égard de l’individu est claire en l’article L. 3211-11 du Code de la santé publique qui, en son alinéa 2, prévoit qu’il est possible de procéder à une réhospitalisation lorsque « la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état ».

Ainsi, les soins ambulatoires sans consentement ne constituent un dispositif ni autoritaire ni libéral. Ils symbolisent l’essence de l’ingénierie sociale sur laquelle repose l’action publique contemporaine. Il ne s’agit plus de redresser l’anormalité par le biais d’un dispositif excluant et absolument coercitif comme l’était la psychiatrie disciplinaire construite autour de l’asile. Il s’agit, en dotant les malades mentaux de prérogatives, de les instituer comme personnes autonomes aptes à effectuer certains choix et, adossant des devoirs à leurs droits, de s’appuyer sur cette autonomie pour gérer l’anormalité que leur condition représente[21].

 

***

 

La crise que l’hôpital psychiatrique a connue et connaît encore, liée à des facteurs qui ne sont pas que financiers, a redistribué les fonctions et places au sein et autour de lui. Le passage à la psychiatrie de secteur, dont l’objectif était de s’affranchir de la prédominance de l’institution asilaire et d’irriguer la société à l’aide de méthodes d’intervention nouvelles, a ainsi marqué la fin de la psychiatrie disciplinaire longuement décrite et analysée par Michel Foucault.

Toutefois, l’introduction par la loi du 5 juillet 2011 d’une dimension de contrainte au sein de cette psychiatrie décentralisée modifie l’essence du projet. En effet, selon ses défenseurs, la philosophie portée par le secteur serait celle d’un humanisme fondé sur le respect de la subjectivité du patient qui, en cela, serait incompatible avec l’idée de contrainte[22]. La loi nouvelle, au travers des mécanismes qu’elle met en place, interroge alors la nature de cette société postdisciplinaire que Foucault avait entrevue[23] et que Gilles Deleuze a nommée la société de contrôle[24]. La prise en charge des anormalités n’y relèverait plus du redressement autoritaire et de l’exclusion systématique de la vie sociale mais procèderait davantage d’une gestion des problématiques liées à certains groupes et individus au cœur de la cité par dispersion de mécanismes de correction souples et protéiformes qui, tout en manifestant généralement une volonté de respecter la liberté individuelle voire en se fondant sur elle, viseraient à conduire chacun à exercer celle-ci de manière conforme à certaines normes sociales explicites ou implicites[25].

Si les modes d’action ont évolué, la contrainte n’en est donc pas moins existante et deviendrait même plus retorse du fait de sa ductilité voire de sa dissimulation sous les atours d’une bienveillante tolérance. Les protestations émises à l’encontre de la loi du 5 juillet 2011, émanant pour une large part de psychiatres, traduisent alors peut-être leur crainte d’être affectés à une fonction d’instance de régulation biopolitique : généraliser les soins sans consentement hors l’hôpital transformerait la psychiatrie en une trame médico-administrative vouée à distribuer dans le corps social les prises en charge juridiquement imposées. A cet égard, le fait que les soins sans consentement aient vocation à se dérouler hors de l’hôpital et puissent même englober le domicile du malade s’avère lourd de significations quant à un effacement de nombre de séparations fondatrices de notre constitution sociale voire anthropologique : liberté/contrainte, dedans/dehors, privé/public…

Par ailleurs, les mutations à l’œuvre au sein d’une science psychiatrique globalisée manifestent un changement dans le rapport du normal au pathologique. Celui-ci se traduit par une objectivation croissante du psychisme humain dans laquelle la maladie mentale est progressivement réduite à de pures manifestations syndromiques, parallèlement à un étalement de la nosographie par multiplication constante des entités censées manifester un trouble mental légitimant l’intervention du psychiatre[26]. Une convergence de ces mutations scientifiques avec les évolutions juridiques pourrait alors amener un nombre croissant d’individus à subir une tutelle médicale juridiquement imposée visant à les inciter à se mobiliser pour rectifier ces « anormalités » et atteindre ainsi une « santé mentale positive » que le discours public appelle maintenant explicitement[27]. Beaucoup de choses dépendront de la manière dont les acteurs des systèmes sanitaire et judiciaire s’approprieront les éléments qu’il leur est offert d’appréhender et il n’est donc pas possible, en l’état, d’infirmer ou de confirmer qu’un tel pronostic s’accomplira. La loi du 5 juillet 2011 pose néanmoins certains jalons favorisant sa réalisation[28].



* Version résumée de M. Couturier, « La réforme des soins psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la psychiatrie de contrôle », Revue de droit sanitaire et social janvier-février 2012, n° 1.

[1] Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

[2] Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.

[3] E. Piel et J.-L. Roelandt, De la psychiatrie vers la santé mentale, Rapport au ministre de l’emploi et de la solidarité et au ministre délégué à la santé, juil. 2001, p. 52.

[4] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, Propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, Rapport IGAS  (n° 2004 064)  et IGSJ (n° 11/05), mai 2005.

[5] Art. R. 3211-1 du Code de la santé publique.

[6] Terme proposé par Mme M. Lopez, « La loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Genèse d’une réforme et incertitudes », Revue générale de droit médical n° 41, 2011. 137.

[7] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, op. cit., p. 48.

[8] Ibid, p. 49.

[9] E. Piel et J.-L.Roelandt, op. cit. p. 39 et s.

[10] Art. 706-135 du Code de procédure pénale.

[11] Art. L. 3212-1 du Code de la santé publique.

[12] CE, 3 déc. 2003, CHS Caen, n° 244867.

[13] A. Lopez, I. Yeni, M. Valdes-Boulouque et F. Castoldi, op. cit., p. 31 et s. V. également P. Cléry-Melin, V. Kovess et J.-C. Pascal (Rapport), Plan d’actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale, 2003, p. 73.

[14] Cons. Const., décisions n° 2010-71 QPC du 26 nov.  2010 et n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011.

[15] B. Feuillet, « L’accès aux soins, entre promesse et réalité », Revue de droit sanitaire et social 2008, p. 719.

[16] A. Golse, « De la médecine de la maladie à la médecine de la santé », in P. Artières et E. Da Silva (dir.), Michel Foucault et la médecine, Kimé, 2001, p. 273 ; « Vers une médecine de la santé », Mana n° 6, 1999, p. 291 ; pour le cas particulier de la psychiatrie, A. Golse, Le lien psychiatrique comme lien social généralisé. Analyse sociologique des transformations récentes de la psychiatrie publique, thèse sociologie, Caen, 2000, spéc. p. 278 et s.

[17] Préambule adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 1946, Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n° 2, p. 100.

[18] Cf. not. Organisation mondiale de la santé, Charte d’Ottawa, 17-21 nov. 1986.

[19] M. Couturier, « L’individu est-il juridiquement responsable de sa santé ? », in Santé et droit, Revue générale de droit médical (n° spécial), décembre 2010, p. 171.

[20] S. Théron, « De quelques remarques sur une évolution attendue de la prise en charge de la maladie mentale : l'instauration de soins ambulatoires sans consentement », Revue de droit sanitaire et social 2010, p. 1088.

[21] Pour une analyse d’un mode de gestion comparable dans le cadre des processus de répression pénale, v. A. Garapon, « Un nouveau modèle de justice : efficacité, acteur stratégique, sécurité », Esprit, nov. 1998, p. 98.

[22] G. Baillon, Quel accueil pour la folie ?, Champ social éditions, 2011, p. 215 et s.

[23] M. Foucault, « La société disciplinaire en crise », 1978, in Dits et Écrits, T. 2, Gallimard, 2001, p. 532.

[24] G. Deleuze, PourparlersÉd. de Minuit, 1990,  spéc. « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », p. 240.

[25] Cf. M. Otero, Les règles de l’individualité contemporaine. Santé mentale et société, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2003 ; O. Razac, Avec Foucault, après Foucault : disséquer la société de contrôle, L’Harmattan, 2008.

[26] C. Lane, Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions, Flammarion, 2009.

[27] Cf. Centre d’analyse stratégique, La santé mentale, l’affaire de tous. Pour une approche cohérente de la qualité de la vie, Rapport remis à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet le 17 novembre 2009, La Documentation Française, 2009.

[28] Dans un sens comparable, S. Théron, op. cit. p. 1092.

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> L'autisme n'est pas une fatalité (2008)

Article publié Le 12 avril 2008

Par DIATKINE Anne

  • http://www.liberation.fr/week-end/010178530-l-autisme-n-est-pas-une-fatalite

Jacqueline Berger a été, durant quinze ans, éditrice à Libération . Entre sa vie au journal et sa vie personnelle, l'étanchéité était de mise. Le 24 Mai 2002, elle fait cependant paraître un article intitulé "Nos enfants attendus nulle part". Elle y décrivait la souffrance des enfants inadaptés qui restent toute la journée, sans soins, au domicile de leurs parents, faute de structures pour les accueillir. L'article a fait grand bruit et a ému durablement. Elle a ensuite écrit sortir de l'autisme (Bouchet-Chastel, 2007) qui mêle réflexions, parcours personnel, questionnements et théories.

«Sortir de l’autisme»?: le titre de votre livre peut sembler une contradiction dans les termes, tant la définition courante de l’autisme est un enfermement. Pourquoi ce titre?

A travers ce titre, je revendique la possibilité d’une évolution positive des syndromes autistiques, lorsqu’on a repéré chez un enfant des symptômes de retrait. C’est un travail long et épuisant mais qui porte ses fruits pour peu qu’on en finisse avec la conviction que l’état autistique est une fatalité?: un défaut indépassable de gènes ou neurones défectueux. La vertu de cette conception organique serait qu’elle déculpabilise l’entourage. Le petit autiste ne serait pas pris dans une histoire, il est porteur d’un fichu gène qui s’exprime mal, on ne l’a pas encore trouvé, mais un jour viendra … Or, je ne crois pas qu’il soit forcément accablant d’essayer, non de trouver une cause aux symptômes de son enfant, mais de démêler les noeuds de son propre passé et de ce qui a pu dévier dans la relation à son bébé. C’est parfois infinitésimal. La dépression d’un nourrisson n’est pas évidente à percevoir quand on est pris dans le cataclysme de la naissance. Cependant, pourquoi est-ce que les bébés ne pourraient pas connaître cette détresse familière aux adultes? Et s’il y a dépression, comment influe-t-elle sur le développement du petit humain? Paradoxalement, s’il y a un répit dans les blessures narcissiques constantes qu’inflige le regard des autres, j’en ai plutôt fait l’expérience en parlant avec des psychanalystes. Je n’ai jamais eu le sentiment que l’enjeu était de reconnaître sa responsabilité ou de s’en disculper. La psychanalyse a mauvaise presse entre autres parce que ses résultats ne sont pas évaluables, mais elle est l’un des rares lieux où les parents d’enfants «différents» ne sont pas devant un tribunal.

Votre livre est un récit théorique qui part de votre expérience pour réfléchir sur la manière dont la société envisage la déviance aujourd’hui

Je suis mère de jumelles qui ont eu des syndromes autistiques et qui sont aujourd’hui sorties de ce puits. C’est-à-dire qu’elles parlent, qu’elles sont en relation avec autrui, qu’elles font du théâtre, qu’elles prennent plaisir dans des moments de la vie quotidienne, même si leur temporalité n’est pas la même que la vôtre. C’est tout ce que je dirais sur mes filles qui n’ont ni envie ni besoin d’être qualifiées d’ex-autistes. Pour moi, c’était la difficulté?: partir de mon expérience sans m’approprier leur histoire. Mes filles, mais aussi les autres enfants autistiques que j’ai pu rencontrer, m’ont transformée. J’ai la conviction que les «fous» qui sont de nouveau relégués, cachés et parfois maltraités comme au début du siècle dernier, ont beaucoup à nous apprendre. Ne serait-ce qu’il y a trente ans, la pensée était en ébullition à son contact.

Ce qui s’est rigidifié, c’est notre per­ception ?

Pas uniquement. L’intelligence n’a pas déserté, mais elle est plus individuelle, faute de structure financée. Le désengagement de l’Etat a des conséquences terribles?: les parents n’ont aucun choix, bienheureux déjà s’ils ne doivent pas garder l’enfant chez eux. Cette absence de choix est le leitmotiv du film de Sandrine Bonnaire, Elle s’appelle Sabine. Mais on peut aussi l’entendre dans la parole des psychiatres, quand elle revient dans les hôpitaux psychiatriques où sa soeur a été internée (Libération du 29 janvier). Outre l’indigence des réponses, ce qui frappe c’est leur impuissance, due à la pauvreté des moyens humains dans les hôpitaux psychiatriques. Faute d’avoir des personnes disponibles pour soulager les crises et mettre des mots sur la colère, c’est-à-dire reconstruire un lien, on administre une camisole chimique, on prescrit une sismo – c’est-à-dire un électrochoc nouveau genre -, on met le patient sous clef. C’est inévitable : un soignant seul ne peut pas s’occuper de vingt personnes. Réciproquement, ce que son documentaire révèle, c’est que lorsqu’il y a des éducateurs pour lui parler et la contenir, Sabine va mieux, ses doses de médicaments sont réduites de moitié. Je ne fais pas un procès contre les médicaments, je comprends bien qu’ils peuvent être utiles, mais pour soigner une maladie du lien, on peut difficilement faire l’économie de la relation à autrui, donc de personnes. Or toutes les associations et institutions lancent un SOS, quelle que soit leur chapelle?: leurs crédits pour employer des gens sont supprimés. Quand on interroge des jeunes en banlieue qui ont connu un parcours tortueux, un sur deux est devenu éducateur. La plupart du temps sans emploi, bien que les associations aient un besoin vital d’eux.

Tout le monde peut s’occuper d’enfants autistes?

Tout le monde ne fait pas le même travail et n’a pas la même fonction, mais malgré le peu de formation, des jeunes gens en errance se révèlent des interlocuteurs précieux, à condition que la relation s’inscrive dans la durée et qu’eux aussi trouvent leur place. La vie des parents d’enfants exclus est faite de bricolage. On a besoin des associations qui sortent les enfants de chez eux, leur font faire de la peinture, les initient aux rollers, les conduisent à leurs rendez-vous de soins, quand soins il y a. Or, beaucoup disparaissent faute de moyens. Concrètement, les associations fonctionnent grâce aux contrats aidés pour l’emploi, qui sont menacés de disparition, après avoir été déjà drastiquement réduits. Le tête-à-tête constant des enfants avec leurs parents, voire avec leur mère seule, est redoutable pour les uns et les autres.

Le point commun entre votre livre et le documentaire de Sandrine Bonnaire, c’est le mouvement : vous décrivez des enfants qui rompent leur carapace et font des efforts considérables pour entrer en relation.

L’autisme est une maladie du lien. La comparaison s’arrête là car il y a autant d’autismes que de personnes souffrant de cette pathologie. On a tendance à confondre l’état toujours singulier d’une personne, et ses symptômes – l’enfermement, l’absence de parole, les jeux répétitifs, le regard apparemment indifférent, la violence. Ce n’est pas parce qu’une terreur s’exprime de la même manière – je ne peux pas prendre l’avion – qu’elle raconte la même histoire et signifie la même chose chez toutes les personnes qui la subissent. On sort de l’autisme, on y entre, on y retourne, je n’ai aucune recette miracle et je n’ai pas la prétention de faire l’apologie de mon expérience personnelle ni même des institutions que j’ai pu connaître et pour lesquelles j’éprouve de la gratitude. Sortir de l’autisme ne veut pas dire guérir de l’autisme, comme on peut guérir d’une grippe. Il ne s’agit pas de prendre modèle sur le corps et la manière dont les maladies peuvent disparaître. Mais de prendre en compte la plasticité du psychisme humain. Les «autistes» ne sont pas programmés pour rester enfermer dans leur structure ni à l’être par essence. En revanche, la fatigue, un élément qui peut sembler anodin, une rencontre qui réveille un souvenir, peuvent provoquer un besoin de repli et engager une régression. Exactement comme tout être humain est parfois prisonnier de sa structure névrotique, psychotique, ou autre, en fonction des chaos de la vie. On fait tous l’expérience de «rechute». Je défends l’idée qu’il n’y a pas tant de différences entre les personnes autistiques et les autres, le pathologique et le normal, mais un continuum. Les gens «normaux» aussi se replient quand ils sont agressés. Ce que j’observe chez certains enfants autistiques, c’est une hypersensibilité. La peau n’est plus une enveloppe protectrice. Ou pas suffisamment. Du coup, le moindre lien peut être violent ou trop envahissant, et il faut du tact, de la patience, mettre des baumes. Des baumes métaphoriques aussi?: des mots. Petit à petit, au fil des années, l’enveloppe se solidifie, le moi risque moins de s’éparpiller au contact des autres. Qui du coup est un peu moins exténuant et moins dangereux. C’est du moins mon expérience : mes filles se sont un peu plus blindées, tout en gardant une capacité hors du commun à saisir les pensées d’autrui. Je vois aussi qu’elles sont épuisées quand il y a eu trop de gens autour d’elles et qu’elles ont fourni un effort faramineux pour être sociables.

Comment se déroule le quotidien, dans les lieux communs ?

Tous les parents d’enfants autistiques connaissent l’angoisse du square lorsque leur petit se roule par terre en avalant de la terre. Il faut beaucoup de sang-froid pour résister aux jugements des témoins et trouver les mots qui mettent du sens sur la scène. Si on ne réussit pas cette mise à distance, on risque d’être soi-même violent. Autre lieu terrible?: les salles d’attente. Tout le monde se regarde. L’enfant tente de se tenir. Puis explose. La tension est extrême. Le souci de rentabilité maximum ne nous aide pas?: il est remarquable que la SNCF ait supprimé le wagon de jeux sur les grandes lignes. Qu’est-ce qu’on fait avec un enfant qui affole les gens normaux dans un compartiment??

Vous mettez en question le terme handicap ou de maladie pour qualifier l’autisme.

Tout se passe comme si, obsédé par la recherche d’une cause génétique, on ne comprenait plus la différence que comme un handicap. Handicap signifie une déficience de l’individu et de lui seul. Si on répète à un enfant de 2 ans qu’il est handicapé, on risque de l’enfermer dans une image de lui-même difficilement dépassable. De même, il y a une violence terrible à prévenir la délinquance en la dépistant dès le plus jeune âge. Comment peut-on envoyer une telle pulsion de mort à un enfant, sans jamais s’interroger en quoi ces troubles sont les symptômes de notre temps?? Les capacités autoréparatrices de l’être humain sont laissées en friche. Or, je suis persuadée que le combat des autistes est valable pour nous tous. J’ai écrit ce livre parce que notre regard est devenu très enfermant. Sous couvert d’empathie, il est destructeur pour les enfants eux-mêmes. On ne fonctionne plus qu’à coups d’émotion. C’est très bien d’être ému, mais comment remettre de la pensée là où il n’y a plus que des larmes?? Les enfants autistiques ne demandent pas à être plaints. Ils ont beaucoup à nous apprendre sur le langage, comment il s’installe ou non, sur son peu d’évidence. Ils sont au coeur des interrogations sur l’existence et sur comment le petit humain se développe. La créativité est aussi dans la déviance. Bien sûr, on trouvera toujours des gens – soignants, philosophes – qui réfléchissent. Mais les budgets ne vont pas aux sciences humaines. Ils vont aux sciences dites objectives?: aux neurosciences ou à la recherche génétique. Or, les recherches les plus avancées en neurosciences démontrent que l’homme est déterminé pour ne pas être déterminé ! Autrement dit, qu’il n’y a pas de cause finale.

Vous racontez comment les parents d’enfants autistiques doivent sans cesse organiser l’avenir de leur enfant avec la crainte qu’il n’existe aucune place pour lui …

J’ai vécu cette errance de porte fermée en porte fermée. Dès qu’on a trouvé une place dans un lieu (institution, hôpital de jour, institut médico-pédagogique), on est obligé d’imaginer la suite?: où sera l’enfant à l’adolescence?? Ma chance a été de rencontrer des soignants qui m’ont dit qu’ils ne savaient pas. Ils ignoraient ce que mes enfants deviendraient et comment ils allaient évoluer. C’est très douloureux de recevoir une telle réponse. Mais l’entendre, c’est accepter que le chemin est à faire et qu’il n’est pas tracé d’avance. Lorsqu’on comprend qu’il faut se préoccuper de l’ici et maintenant, que tout se joue au jour le jour, quelque chose de joyeux advient. Les enfants autistiques sont déjà écrasés par la peur. De plus, ils doivent subir l’angoisse de leur entourage. Quand on réussit à la mettre de côté, on fait un grand pas. Encore une fois, le modèle n’est pas celui de la médecine, il n’y a pas de prédiction, ni de prévention, à propos de la pensée. Elle n’est pas mécanique.

Vous semblez trouver vaine la recherche des causes génétiques ou organiques de l’autisme.

De manière sous-jacente, il y a la conviction que lorsqu’on aura trouvé la cause, on pourra éradiquer les déviances et créer quelqu’un qui réagit «normalement». Ainsi, exige-t-on des enfants non seulement normaux, mais performants. Nombre de parents et médecins sont obligés de faire alliance avec le diable, de lisser le comportement des enfants avec des médicaments afin qu’ils ne soient pas exclus du système scolaire. Mais encore une fois, je souhaiterais juste que les parents puissent avoir le choix entre les différentes thérapies possibles. Les psychiatres qui ont une formation analytique se raréfient. Les comportementalistes vous expliquent comment faire disparaître le symptôme de votre enfant en quelques semaines. Or, il y a de fortes chances que ce symptôme réapparaisse sous une autre forme. Je préfère penser que les productions de crise ont un sens.

Vous critiquez la possibilité, mise en place par Ségolène Royal, de mettre les enfants autistes dans le circuit scolaire national quelques heures par semaine.

Cette mise en place part d’une bonne volonté … mais les moyens n’y sont pas. Que peut faire un instituteur, qui doit s’occuper de vingt-cinq élèves, avec un enfant autiste qui demande énormément d’attention?? Cela nécessite non seulement qu’il soit formé mais que l’enfant soit accompagné d’un autre adulte, lui aussi formé et présent en continu. De plus, la présence de l’enfant autistique à l’école n’a de sens que si l’échange avec ses camarades est possible. Pour cela, il faudrait que l’instituteur prenne le temps de réfléchir avec les enfants sur les diverses manières de grandir. Faute de quoi, l’enfant autistique est dans son coin, perturbe la classe, et ses incompétences lui sont encore une fois démontrées. Contrairement à Sandrine Bonnaire, vous n’êtes pas à la recherche du diagnostic …Il n’est intéressant que s’il permet de mettre en place des soins. Et si on l’oublie aussi vite. Il s’agit toujours de nommer … sans enfermer.

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Conférence proposée par l’association APARTE le vendredi 28 mars 2008 à Dax.

 « Sortir de l’autisme » de Jacqueline Berger

La conférence est aussi animée par le docteur François Claus, Jacques Serfass, psychiatre d’enfant interlocuteur de parents et Stéphane Bernadiou, infirmier à l’hôpital de jour du service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Ils accueillent Madame Jacqueline Berger, journaliste à Libération et mère de deux jumelles autistes âgée de 16 ans.

Dans ce contexte difficile d’exercice de la psychiatrie, le docteur Claus perçoit ce livre comme réconfortant. Il introduit la conférence par cette citation : « L’autisme est une notion terrible, je préfère dire que mon fils a sa logique. » S’ensuit un jeu de questions-réponses entre les professionnels et l’invitée. Mme Berger ne souhaite pas témoigner mais sortir justement de cette émotion pour mieux échanger. Son livre n’est pas un recueil de recettes concernant l’autisme mais le tracé d’un long chemin douloureux.

1/ S.B : « Sortir de l’autisme ». Le peut-on et vers où ? Pour quoi et pour qui sortir de l’autisme ?

J.B : Ce n’est pas guérir de l’autisme mais un chemin est possible, sortir de l’enfermement. Je pense à une idée de dynamique. La deuxième raison à ce titre est de toucher un public plus vaste, pour changer les regards et la question du regard est ô combien importante car elle touche directement les enfants. Ce livre pointe un combat et la complexité de la problématique autistique. Si la cause est génétique : quel chromosome et quelle partie de chromosome ? Si la cause n’est pas génétique, ce serait un problème de neurones, de connexions…

2/ J.S : Si dans votre livre tout est quelque chose de « sortir de…. » , qu’est-ce qui s’est passé pour « entrer dans… » la pathologie autistique ?

J.B : L’autisme n’existe pas au sens où il y a autant d’autismes que de sujets atteints. Oui, il existe des signes communs, des symptômes visibles mais ce n’est pas pour autant qu’il y ait une cause commune. Nous passons trop d’années à chercher une cause. L’idée est de trouver une solution et beaucoup…dans l’ici et maintenant.

3/ F.C : Vous faites une revue des causes possibles. Je cite : « Je préconise de tourner le dos à la recherche des causes, quête illusoire , effets pervers… »

J.B : Des effets pervers car il y a l’idée qu’on ne peut pas considérer les troubles autistiques, infantiles sur le modèle du corps, que l’on ne peut pas considérer l’apprentissage du langage, la communication comme une connexion. Ce n’est pas comme la fièvre.

Un effet pervers car il y a une exclusion non dite, pas de places dans un établissement dans la réalité. Avoir le choix, avoir des places est une utopie aujourd’hui. La colère monte face au rejet, à l’absence d’accueil. Il est question de la science qui se perfectionne et qui nie des souffrances plus d’ordre psychique, relationnel, proprement humaine. On s’intéresse à sauver les bébés prématurés et pas à leurs devenirs.

4 / J.S : Il est impossible à la science de chercher des causes. Toute expérience laisse une trace.

J.B : Quand bien même nous aurions connaissance de la cause, nous n’aurions pas de meilleures indications sur la façon de soigner. Se pose la difficulté primordiale de la relation puis de la diversité de l’autisme.

5/ J.S : On a trouvé la cause du mongolisme et on ne savait pas si c’était génétique ou mental. Si on trouvait la cause de l’autisme, ça ne changerait pas la question de soigner ?

J.B : Aujourd’hui, nous tenons un discours classificateur. Il n’y a pas de destins communs. Et oui, il reste tout à faire chez l’enfant de trois ans. Quand nous comprenons ce qui se passe chez son enfant alors nous prenons un grand chemin avec lui. L’enfant n’est jamais assuré de son existence. Il faut sortir de l’idée que tout se joue avant 3 ou 5 ans. La question de l’avenir de son enfant se pose pour tous les parents.

6/ S.B : Vous parlez d’une rencontre avec la psychanalyse, en quoi est-ce une ressource pour vous ?

J.B : C’est d’abord la rencontre avec un psychanalyste. Un savoir existe mais il est menacé or on donne un sens aux choses. Quand on commence à accepter, on avance.

7/ J.S : Un savoir menacé, pourquoi ?

J.B : La rencontre avec ces enfants est d’abord médicale. Elle est moins tournée vers le donner du temps pour laisser comprendre. Or trop vite, il faut mesurer, cataloguer, étiqueter.

J.S : Beaucoup de parents remplissent un questionnaire. Il s’agit de la souffrance de l’enfant et de la souffrance de la famille lorsque la médecine prend en charge la psychiatrie.

J.B : Les parents préfèrent la case handicapé que maladie mentale.

F.C : Les parents n’ont pas le choix. Ici, à l’hôpital pédo-psychiatrique, on part de la nature de l’enfant, des besoins. Il existe un clivage avec le « centre de ressources autisme » où les personnes qui établissent le bilan sont différentes de celles qui prescrivent le traitement. Or le traitement commence par une rencontre.

J.B : Je pense que c’est une mauvaise affectation des moyens. Les papiers, les classifications sont renforcés.

J.S : Au sein même des psychiatres, les prises de positions peuvent être catégoriquement opposées. Pour certains, le diagnostic est essentiel contrairement à d’autres.

J.B : Le repérage précoce est intéressant dans la mesure où les soins sont immédiats. Or la demande légitime est transformée en bureaucratie.

J.S : Je reçois depuis 3-4 mois une maman et son fils qui pose problème. Cette maman est allée au centre de ressources à Marseille pour un diagnostic et elle est rentrée déçue. Il lui a été dit que son fils est autiste à 60 % . Alors, j’ai demandé quels étaient les soins conseillés . Ce sont exactement les mêmes que ceux que nous lui conseillions. Il s‘agit d’une perte de temps et pas d’un réel centre de ressources.

F.C : Se pose le problème de la multiplication des AVS ? En quoi l’intégration scolaire est-elle un leurre ou un mythe ?

J.B: Je suis pour l’idéal de l’intégration mais on ne tend pas vers ça. L’intégration ne se décrète pas. Il est question de l’accompagnement, de la formation, d’intégration réelle ou pas. Il faut travailler dans tous les secteurs.

Tous doivent s’interroger. Un enfant autiste perturbe beaucoup. Est-ce une intégration pour faire plaisir aux parents, pour se rassurer ou pour l’enfant ? Dans une dynamique ou pas. Je m’interroge sur l’Education nationale. Comment intègre-t-on ? effectif réduit dans la classe ?

L ’ intégration est nécessaire pour sortir de l’ isolement mais de façon pensée dans l’intérêt de l’enfant.

J.S : Les associations de parents d’élèves pèsent fortement sur le pouvoir public, sur la poussée de scolarisation en milieu ordinaire avec AVS. Or les AVS pullulent. Certes, elles ont de la volonté mais elles sont sans formation.

J.B : Je partage votre point de vue. C’est une politique des bons sentiments. Une AVS coûte moins cher qu’un hôpital de jour.

S.B : Certains enfants ne peuvent pas être scolarisés.

J.B : Mais la demande est forte car le monde pousse à la normalité. Parfois, passer par le milieu extraordinaire est plus facile que par le milieu ordinaire même si c’est difficile à dire.

Pot-pourri de réflexions avec le public.

Les autistes sont des enfants qui cassent le temps. Il n’y a pas de handicap mental mais seulement un handicap physique car le mental bouge, change. Notons la plasticité du réseau neuronal alors que l’étymologie du mot handicap est figée. Dans le domaine des soins, il vaut mieux se fier à des rencontres plutôt qu’au métier ou au savoir de la personne. Quelle que soit la violence des parents, il est important de ne jamais juger, d’entendre des paroles douloureuses et de s’interroger sur les capacités à les entendre. Veillons à faire en sorte que des rencontres soient possibles. Pourquoi ne pas inventer des nouveaux modes de dialogues entre les professionnels et le social ?

 

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>Interdire les suppléments d’âmes de la psychiatrie ?

Par Mathieu Bellahsen

Le conflit actuel qui fait rage dans le domaine de l’autisme nous oblige à expliciter ce que peuvent apporter, au quotidien, la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle dans le champ de la psychiatrie. Explicitation d’autant plus nécessaire que les recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la prise en charge des personnes atteintes d’autisme entend mettre au ban ces deux méthodes (1).  Comment transmettre au grand public ce qu’elles apportent dans le concret des pratiques ? Tâche bien ardue pour ne pas rentrer dans le débat d’experts tout en ne sombrant pas dans un simplisme réducteur.

Dans son fauteuil écoutant un patient allongé sur le divan, le cliché du psychanalyste est tenace. Il n’a cependant rien à voir avec ce que peut apporter la psychanalyse dans les secteurs psychiatriques et autres lieux d’accueil de la souffrance psychique. Dans ces lieux, elle est un des outils permettant de penser ce qui arrive à une personne et à ses proches, d’inscrire leurs souffrances dans une histoire et de construire un sens à même de transformer leur rapport à eux-mêmes et au monde. La psychanalyse n’est pas l’apanage des seuls psychanalystes et ne peut se résumer à élucider “ le complexe d’Œdipe ”, à pratiquer des interprétations sauvages et violentes voire à trouver le ou les soi-disant responsables des troubles.

Que l’on soit infirmier, aide-soignant, éducateur, ASH, psychologue, secrétaire, psychiatre, la psychanalyse est à disposition de l’ensemble des soignants pour penser ce qui se joue pour un patient dans sa relation à eux et aux autres en général. Tant du côté des soignants que du côté des patients, la psychanalyse est un outil consistant de compréhension et de traitement dont dispose la psychiatrie pour élaborer ce qui se passe dans les liens interpersonnels et inconscients. Pour autant, en institution, cet outil n’est pas exclusif et s’intègre nécessairement à d’autres (psychotropes, activités thérapeutiques et éducatives, groupes de parole, réinsertion sociale etc.) dans une perspective psychothérapique.

A contrario, si les psychotropes soulagent les souffrances, ils ne guérissent pas les « troubles » et ne permettent pas de subjectiver l’expérience de la maladie. Cette idée, de nombreuses personnes ont pu la connaître lors de la traversée d’un épisode dépressif : un traitement apaise mais ne peut pas se substituer à un travail psychothérapeutique. Alors que de plus en plus de patients se plaignent de l’approche exclusivement pharmacologique des troubles psychiques et sont en demande d’être « écoutés » par les psychiatres et les équipes qui les prennent en charge, comment comprendre qu’une méthode qui cherche à mettre en circulation la parole se voit ainsi rejetée ?

Rappelons que bien loin des clichés en vogue actuellement, aucune découverte majeure n’a affecté le champ thérapeutique en psychiatrie depuis plusieurs dizaines d’années (2). Bien que nettement plus chers, les nouveaux psychotropes ne sont pas plus efficaces que ceux découverts  dans les années 1950 et présentent pour la plupart des effets secondaires tout aussi importants que les premiers (surpoids, obésité, diabète etc.).

Idem pour l’imagerie médicale et les neurosciences qui seraient une « révolution », tant et si bien que, dans le rapport 2009 de l’OPEPS sur « la prise en charge psychiatrique en France », il est déclaré qu’aux vues des progrès des neurosciences, la partition entre neurologie et psychiatrie n’est plus de mise à l’heure actuelle (3) or, si l’imagerie médicale a permis d’affiner les diagnostics différentiels, c'est-à-dire de préciser les affections qui ne sont pas psychiatriques, aucun progrès n’a été fait dans le domaine de l’accompagnement au long cours et des soins si ce n’est grâce aux développements des méthodes actives comme celles de psychothérapies institutionnelles.

Si le grand public est à peu près au fait de la psychanalyse, qu’est-ce donc que la psychothérapie institutionnelle ? Inventée lors de la Guerre d’Espagne puis développée en France lors de la Seconde guerre mondiale, son postulat est simple, travailler l’organisation de l’hôpital afin de mettre un terme à des pratiques nuisibles aux soins : les hiérarchies hospitalières rigides avec leurs logiques gestionnaires et administratives, les dépendances générées par les milieux clos voire homogènes (unités par « troubles » qui produisent encore plus du trouble en question), les régressions qu’elles induisent ainsi que les préjugés des soignants et des patients, notamment sur l’incurabilité des maladies psychiques graves comme la schizophrénie. En somme, pour traiter les patients il s’agit également de traiter les pathologies créées par le lieu de soin lui-même.

Si la psychothérapie institutionnelle entend prendre en charge activement les phénomènes concentrationnaires en traitant l’ambiance, elle met aussi en question l’arbitraire des systèmes asilaires en responsabilisant patients et soignants, là où tout concourt à infantiliser les premiers et à figer hiérarchiquement les seconds. Lutter contre les cloisonnements de toutes sortes qui empêchent les soins, qui fabriquent de la ségrégation, tel est l’enjeu quotidien pour permettre au patient de tisser des relations humaines, d’être actif dans ses soins, de faire preuve d’invention et de créativité.

Que ce soit à l’hôpital et/ou en ambulatoire, la psychothérapie institutionnelle est une méthode de choix pour soigner et guérir les patients présentant des pathologies complexes qui ne peuvent se limiter à des approches exclusivement individuelles. Un collectif de soignants rigoureux et engagés est alors nécessaire pour rassembler tout ce qui se joue dans les relations intersubjectives.

La psychiatrie, en traitant ces phénomènes institutionnels et intersubjectifs, a pu dans de nombreux endroits, se passer de camisoles, de recours inflationniste aux chambres d’isolement, des tendances punitives, sécuritaires, de tris par pathologies qui avaient cours dans les asiles d’antan.

Aujourd’hui, dans les services de psychiatrie, il est de plus en plus fréquent d’attacher des patients sur leur lit en chambre d’isolement, il est de plus en plus fréquent d’augmenter ad nauseam les doses de psychotropes, il est de plus en plus fréquents de laisser les patients errer dans les unités d’hospitalisation sans que de réels soins leur soient prodigués. Comment comprendre le retour de ces pratiques qui, elles, mériteraient le qualificatif de « barbare » ?

En se pliant aux protocoles de la HAS (Haute autorité de la santé), ces pratiques violentes « certifiées conformes » sont plus difficiles à remettre en cause, d’autant plus qu’elles se légitiment du manque de personnel, du manque de formation et d’une conception déficitaire de la maladie mentale.

Et pourtant, à l’heure actuelle, il est encore possible de travailler les milieux de soin pour créer des espaces de confiance avec les équipes, les patients et leur famille, de donner du sens aux crises existentielles majeures que traversent les personnes en souffrance, de ne pas abandonner la perspective d’une guérison, c'est-à-dire que la personne puisse retrouver goût à la vie, au partage avec d’autres. La psychothérapie institutionnelle, en pensant ce que les patients jouent dans le dispositif de soin, est un outil d’une efficacité que l’on peut apprécier au quotidien, dans les équipes qui se donnent le temps de penser leur pratique (faire des réunions, partager les ressentis différents qu’un même patient provoque dans l’équipe etc.).

François Tosquelles, psychiatre catalan, l’un des fondateurs du mouvement de psychothérapie institutionnelle en France, rappelait que cette méthode marche sur deux jambes : la jambe psychanalytique et la jambe politique. La psychiatrie en étant poreuse au contexte socio-politique, doit le remettre en permanence en question pour ne pas sombrer dans l’arbitraire, la ségrégation et l’exclusion des plus malades d’entre-nous. La psychanalyse lui apporte un outil distinctif majeur pour replacer la singularité des personnes au centre des soins, bien loin de l’indifférenciation des patients, de la standardisation des prises en charge et de l’interchangeabilité des soignants.

Que l’on ne se méprenne pas, la psychothérapie institutionnelle, dans sa lutte permanente avec les totalitarismes, en a vu d’autres ! Née au creux des catastrophes du siècle passé, son éventuelle interdiction n’empêchera pas les équipes d’y avoir recours, puisque sans elle, l’accueil de la folie et la pratique quotidienne de la psychiatrie pourraient y perdre leur supplément d’âme.

Mathieu Bellahsen, psychiatre responsable d’un secteur de l’Essonne,

membre du collectif UTOPSY

et du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire


[1] Libération, 13 février 2012, p14-15


[2] GONON François, « la psychiatrie, une bulle spéculative ? », Revue Esprit, novembre 2011, p54-74


[3] OPEPS (Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé). «Rapport sur la prise en charge psychiatrique en France.» 2009 : « Le mouvement de mai 68, porteur notamment de ces critiques, a tenté d’émanciper la psychiatrie des pratiques chirurgicales inadaptées et d’une vision jugée trop étroite de la maladie. Il a abouti, par l’arrêté du 30 décembre 1968, à la séparation de la psychiatrie et de la neurologie auparavant réunies au sein de la neuropsychiatrie. Cette division en deux spécialités se révèle aujourd’hui regrettable en raison de la révolution qu’ont connue les neurosciences et l’imagerie médicale et des connaissances acquises depuis lors dans ces disciplines

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>La Parisienne Libérée: toc, toc, toc, voilà les médocs ! (Mediapart)


 

 

Chaque jeudi, La Parisienne Libérée chante l'actualité. Cette semaine, l'organisation des soins psychiatriques autour du “médecin-juge-préfet”.

 

Des liens documentaires sont proposés sous l'onglet “Prolonger”, n'hésitez pas à les compléter dans les commentaires. 

 

TOC TOC TOC, VOILÀ LES MEDOCS !

Paroles et musique : La Parisienne Libérée

 

[citation N. Sarkozy]

 

C’est déjà pas très rigolo

D’être schizophrène ou parano

On se dit rarement depuis tout petit

« Moi quand je serai grand je serai suivi ! »

C’est déjà assez compliqué

De trouver quelque part où loger

Sans qu’un agent persécuteur

Puisse se présenter à toute heure

Et vous dire :

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

Parce qu’un évadé de l’HP

S’est retrouvé médiatisé

Il faudrait murer tous les patients

Sous peine de péril imminent

Les fauteurs de trouble public

Iront en prison psychiatrique

Et si ça coûte cher au Trésor

Il n’y a qu’à les enfermer dehors

Et leur dire :

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher


Un gestionnaire quand ça vous trace

Ça voit le soignant comme une menace

Tandis qu’il y a bien assez d’argent

Pour faire des chambres d’isolement

Un gestionnaire quand ça bricole

Ça vous fabrique des protocoles

Où le parano passe en audience

Grâce à de la visioconférence

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

Quand vient la nuit sécuritaire

On économise la lumière

En enlevant la citoyenneté

A ceux qui ont démérité

Résonne alors, au coin de la rue

L’appel à exclure les exclus

L’insupportable ritournelle

Du fou dangereux criminel

 

Toc toc toc, voilà les médocs !

Ça fait comme un électrochoc

Attention, voilà l’injection !

On ne vous demande pas la permission

Le médecin-juge-préfet

Est là pour vous soigner

Il viendra vous chercher

Jusque dans la chambre à coucher

 

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Les précédentes chroniques :

 

Travailleur élastique

A©TA, un monde sous copyright

Y'a pas que les fadettes…

Les investisseurs

La TVA, j'aime ça !

Votez pour moi !

Les bonnes résolutions

PPP

Le subconscient de la gauche (duo avec Emmanuel Todd)

Concert en live à Mediapart

Un président sur deux

Mamie Taxie 

L'usine à bébés

Kayak à Fukushima 

La gabelle du diabolo

Les banques vont bien

Le plan de lutte

«Si je coule, tu coules…»

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>Adresse aux candidats à l’élection de la Présidence de la République

 

Manifeste du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire 

Adresse aux candidats à l’élection de la Présidence de la République

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.


L’art et les pratiques cliniques psychiatriques prennent en compte la personne dans son ensemble, son histoire : il s’agit de soigner une personne qui souffre et non une maladie.

Engagée dans la réalité sociale, la psychiatrie se doit de préserver la singularité et l’originalité des personnes qui se confient à elles ou lui sont confiées : telle est son éthique. Elle ne se conçoit qu’en relation avec les patients, leurs familles mais aussi avec les acteurs du social et du champ médico-social. Par conséquent, c’est une politique psychiatrique inscrite dans la communauté qui doit être promue.

Nous, soignants en psychiatrie , patients, familles affirmons que :

         -Les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique

         – L’engagement thérapeutique tient d’abord à la prise en considération de la vulnérabilité mais aussi de la créativité des patients. Il doit  conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui constitue l’enjeu de la pratique. Dans l’hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires, l’accueil doit être mis au centre des projets et des préoccupations thérapeutiques.

           -La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins. L’apport de la psychanalyse à la  psychiatrie est incontestable; ne peut être nié, voire pire « interdit. Il est un élément important dans la nécessaire pluralité des pratiques qui composent notre discipline.

Aussi refusons-nous avec force :

• L’idéologie sécuritaire qui stigmatise, isole et maltraite les plus démunis des citoyens.

• Toute modification ou interprétation des lois qui confirmerait la ségrégation et la stigmatisation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraverait la tendance à l’enfermement.

• L’idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité serait une avancée pour les patients ou leur famille.

• L’imposture des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.

• La mainmise de l’appareil gestionnaire tentant d’annihiler, de nier et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.

Aussi soutenons nous toute pratique qu’elle soit publique en accord avec les acquis du secteur, libérale ou associative, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que : respect du secret professionnel, engagement relationnel, indépendance professionnelle, respect de l’intimité et des droits du patient, la prise en compte de son entourage familial. 

Nous défendrons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l’emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.

Avec et pour ces valeurs nous continuerons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enfermeraient peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.

Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir feraient disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Cette  conception du soin psychique implique une rupture avec les politiques législatives, administratives et idéologiques engagées par les pouvoirs publics depuis des années

C’est pourquoi nous exigeons :

-L’abrogation de la Loi du 5 juillet 2011 qui fait passer la psychiatrie d’une logique sanitaire à une logique sécuritaire de contrôle policier des populations.

-L’abrogation de toutes les lois organisant depuis des années la gouvernance hospitalière et nous empêchant d’être soigné et de soigner correctement, et en particulier la loi HPST.

-L’abrogation de la loi de février 2008 sur la « rétention de sûreté ».

-L’arrêt immédiat de tous les processus d’accréditation et de certification, des recommandations de “bonne pratique “ et “des conférences de consensus”, validés dirigés et imposés par l’HAS, dont l’objectif d’une mise en normes des pratiques, protocolisées et homogènes, est anti thérapeutique, destructeur des soins et constitue un obstacle majeur à des soins psychiques de qualité.

– La suspension immédiate de toutes les contraintes médico- administratives mettant en péril les principes de confidentialité.

Concernant les moyens :

La psychiatrie publique doit avoir les moyens – tant financiers qu’humains (en nombre et en qualification) – de répondre aux besoins de l’ensemble de la population. Elle n’est pas la santé du pauvre. Ce qui implique un renforcement substantiel de ses  moyens

Elle doit pouvoir  bénéficier d’une enveloppe budgétaire spécifique.

Concernant l’organisation :

Le Secteur Psychiatrique doit être réaffirmé comme étant l’élément central du dispositif de psychiatrie publique.

Les pôles doivent être démantelés, car il s’agit  d’un dispositif antinomique de l’organisation sectorielle, qui concerne un territoire à taille humaine. 

Un bureau de la psychiatrie doit être  rétabli au sein du Ministère de la Santé, afin que les dossiers de la psychiatrie soient traités par des personnes au fait de la discipline

Concernant les formations :

La nécessité d’assurer une formation spécifique à tous les intervenants en psychiatrie. Cette formation devant permettre aux futurs professionnels d’appréhender la complexité de la psychopathologie. Dans ce cadre nous exigeons que l’enseignement, pour tous les professionnels soit pluraliste avec notamment un apport nécessaire en psychopathologie, psychanalyse et sciences humaines qui enrichissent nos pratiques.

Concernant les internes, tous les Secteurs doivent pouvoir redevenir qualifiants.

Concernant le financement :

Ni la T2A, ni la VAP ne doivent s’appliquer à la psychiatrie. Celle-ci doit disposer d’un financement lui permettant de répondre à ses missions tant de soins que de post-cure et de prévention, ainsi qu’à son implantation dans le tissu social de la Cité.

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>A propos des initiatives actuelles contre la psychanalyse.

Communiqué de presse

Du 12 février 2012

 

À propos des initiatives actuelles

contre la psychanalyse

 

Après avoir lancé sa proposition de loi « visant à interdire la psychanalyse pour l’accompagnement des personnes autistes », le député U.M.P. Daniel Fasquelle continue sa croisade.

Il vient de déclarer à l’AFP qu’il « va saisir le Conseil national des universités afin que l'enseignement et la recherche sur les causes et les prises en charge de l'autisme ne fassent pas référence à la psychanalyse ».

Ce député se fait donc le relai du puissant lobby de quelques associations pour  interdire la psychanalyse et également la Psychothérapie Institutionnelle.  Certaines de ces associations, se sont illustrées par la violence et la virulence de leurs attaques personnelles contre des praticiens pourtant reconnus. 

Si des parents d’enfants autistes ont pu être malmenés, mal accueillis, maltraités par certains psychanalystes, il est tout à fait justifié qu’ils puissent faire entendre leur voix. De la même façon, les dérives sécuritaires comme les mises en chambre d’isolement abusives, les contentions punitives, et les « traitements de chocs »ne sont pas tolérables.

 Mais ce n’est pas une loi qui règlera les dérives des pratiques ou qui devrait décider des traitements à la place des praticiens.

Les familles et tous les citoyens doivent pouvoir garder le droit inaliénable d’une liberté de choix de leur praticien et de la façon dont ils souhaitent se soigner,

en respectant  la nécessaire pluralité des approches.

Au nom de quel pouvoir, de quel supposé savoir un député peut-il refuser aux personnes autistes d’avoir un inconscient comme tout être humain et donc de bénéficier de soins relationnels pluralistes dans leur inspiration?

De telles initiatives ne laissent pas d’interroger sur leurs buts.

En effet depuis quand une loi devrait-elle venir s’immiscer dans le débat scientifique ?

Allons-nous accepter sans réagir des lois interdisant la liberté de pensée et de recherche ?

La psychanalyse est une méthode qui a fait ses preuves depuis plus d’un siècle et qui constitue un aspect crucial de la formation des praticiens. Bien au-delà elle fait aussi partie intégrante de la Culture au même titre que les autres avancées du savoir humain.

Aurons-nous bientôt une loi interdisant le darwinisme et niant l’existence des dinosaures comme certains fondamentalistes chrétiens le prônent aux USA en menaçant les enseignants?

Depuis le nazisme qui avait interdit la psychanalyse comme science juive et pratiqué des autodafés des œuvres de Freud, seules des dictatures comme celle des colonels grecs avaient osé interdire cette part du savoir de l’humanité !

 Ou encore le stalinisme qui, à la fin des années 40, avait interdit la psychanalyse en tant que « science bourgeoise ». 

Tout récemment, à l’automne 2011,une psychanalyste syrienne, Rafah Nached a été emprisonnée par la dictature syrienne parce qu’elle animait des groupes de parole pour des personnes traumatisées par la répression.

 Au-delà de la personne du député Fasquelle qui vient de se discréditer irrémédiablement et dont nous exigeons la démission de la présidence du Groupe d’études sur l’autisme à l’Assemblée Nationale, nous nous inquiétons de cette dérive inquiétante où des propos tenus jusqu’alors uniquement par des sectes telles que l’église de scientologie font retour depuis le sommet de l’Etat.

Cette dérive au même titre que certains discours prônant l’inégalité des cultures est en train d’introduire un discours populiste fort inquiétant pour la démocratie.

Nous appelons donc tous les professionnels du soin psychique, mais aussi  tous les citoyens à une vigilance républicaine pour refuser un tel tournant dangereux pour les libertés.

Contact : Marie Cathelineau 06 81 37 95 25 

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> A propos du documentaire « Le mur »

Le documentaire « Le mur » est problématique car il laisse penser, ce qui correspond aux idées habituellement diffusées dans les médias, qu’un débat se joue, dans le champ de l’autisme, entre les « psychanalystes » et les « comportementalistes ».

Les termes du débat ne se situent pourtant pas tout à fait là puisque les cliniciens tenants de ces deux approches théorico-cliniques, ainsi que les chercheurs en neurosciences et en sciences cognitives ont appris, pour un certain nombre d’entre eux, à travailler ensemble depuis plusieurs années. Par contre, ce qui est juste, c’est qu’il existe un féroce mouvement « antipsychanalytique », porté notamment par certaines associations de parents de personnes d’autistes soutenus par des hommes et femmes politiques (Daniel Fasquelle, Valérie Létard), pour qui l’urgence ne semble pas être la réflexion autour de l’amélioration des prises en charge de ces enfants et adultes mais la dénonciation des dérives de certaines théories psychanalytiques, la condamnation et l’interdiction de la psychanalyse, sans prendre en compte l’extrême diversité de ce champ. 

A chacun ses priorités. Heureusement, toutes les associations de parents ne sont pas dans ce cas-là ; malheureusement, les associations de parents les plus virulentes sont celles qui se font le plus entendre et qui se servent du film documentaire « Le mur » comme d’un document scientifique prouvant quelque chose sur « la Psychanalyse ». « Le mur » est pourtant un film de propagande dont le manque de rigueur et la malhonnêteté ne peuvent échapper à aucune personne s’intéressant un tant soit peu à l’état actuel des connaissances et des pratiques dans le champ de l’autisme. 

En effet, dès les premières secondes, on s’étonne de l’aplomb avec lequel la voix off affirme que l’autisme est un trouble neurologique, que « Tous les autistes présentent des anomalies dans une zone du cerveau, le sillon temporal supérieur ». Or, cette hypothèse n’a jamais été validée scientifiquement, cette anomalie du sillon temporal supérieur n’ayant été retrouvée que chez un petit nombre de personnes autistes. L’état actuel des recherches en neurosciences favorise l’hypothèse d’un trouble de la connectivité neuronale d’étiologie inconnue plutôt qu’une lésion neurologique localisée. Les autres hypothèses que l’on peut retrouver, à propos de l’origine de l’autisme, sont génétiques, hormonales, toxiques, infectieuses, environnementales, psychogénétiques… Et si elles représentent des voies de recherche, elles n’en demeurent pas moins des spéculations. 

Ensuite, la voix off affirme que la psychiatrie française est largement dominée par la psychanalyse, ce qui est un fantasme grotesque au vu de l’extension massive de la psychiatrie biologique en France, du faible nombre de services d’orientation psychanalytique en dehors de la région Ile-de-France et de l’absence quasi-totale de la psychanalyse dans les études médicales. La psychiatrie n’est pas la psychanalyse. La voix off poursuit en affirmant que les psychiatres français ignorent résolument les découvertes récentes dans le domaine de l’autisme, ce qui est faux, et achève son introduction par la déclaration suivante : « Pour les psychanalystes, l’autisme est une psychose, autrement dit un trouble psychique majeur résultant d’une mauvaise relation maternelle. » Il est vrai que la plupart des psychanalystes considèrent l’autisme comme une psychose, mais il est absolument réducteur et présomptueux d’affirmer que la psychose résulte d’une mauvaise relation maternelle ! La psychose est un trouble grave de la relation à l’autre et au monde, et ne peut en aucun cas se définir par une hypothèse sur sa causalité !

Les discussions sur la causalité de la névrose, de la psychose, de la souffrance psychique, ont entraîné des réflexions et des prises de positions différentes dans le champ de la psychanalyse, et ces discussions ne sont pas nécessairement au-devant de la scène car, quand il s’agit de travailler avec des enfants et des adultes en souffrance, névrosés, psychotiques, autistes, la question de la causalité peut devenir accessoire. 

Les psychanalystes, en ce qui concerne la causalité, ont pu évoquer des hypothèses psychogénétiques tout autant qu’organogénétiques : il est arrivé à Freud de parler d’un « roc biologique », à Mélanie Klein d’une « cause constitutionnelle », Geneviève Haag, dans le cas de l’autisme, penche en partie pour la possibilité d’un trouble de la connectivité neuronale ; Jacques Lacan mettait l’origine de la psychose en rapport avec l’accession de l’être humain au langage.

Après que la voix off a affirmé que la psychose serait due, pour les psychanalystes, à une mauvaise relation à la mère, chaque psychanalyste interrogé qui répond que l’autisme est une psychose devient donc suspect d’accuser les mères… C’est ainsi que le professeur Pierre Delion, par exemple, se fait piéger. Plus loin, un montage grossier fera de lui le défenseur du psychanalyste Bruno Bettelheim présenté comme le grand accusateur des mères, alors que Pierre Delion essaie seulement de lutter contre la caricature souvent faite de ce psychanalyste. 

Ensuite, le choix des personnes interviewées ainsi que le choix des séquences montrées à l’écran est étonnant : on comprend que la réalisatrice ait choisi de rencontrer Pierre Delion et Bernard Golse, deux professeurs de pédopsychiatrie ayant beaucoup travaillé avec des enfants autistes, mais comment se fait-il que Pierre Delion ne soit pas interrogé sur ce qu’il prône, à savoir une pédopsychiatrie intégrative, associant les neurosciences, le cognitivisme, la psychanalyse, le comportementalisme ? Comment se fait-il que Bernard Golse ne soit pas interrogé sur sa conception d’un « modèle polyfactoriel » dans l’origine de l’autisme, prenant en compte les facteurs organiques, neurologiques, génétiques, environnementaux ? Pourquoi les faire passer pour des psychanalystes incriminant les mères, ce qu’ils ne sont pas ? 

Par la suite, on découvre neuf psychanalystes. On s’étonne de constater qu’aucun n’appartient au courant de psychanalyse post-kleinienne, qui est pourtant un courant ayant compté un certain nombre de grands psychanalystes d’autistes (Frances Tustin, Donald Meltzer), et qu’aucun n’appartient à l’association de psychanalyse la CIPPA (Coordination Internationale entre Psychothérapeutes psychanalystes s’occupant de Personnes avec Autisme), rassemblée autour de Geneviève Haag, travaillant depuis des années avec des chercheurs en neurosciences et sciences cognitives et avec des parents d’enfants autistes. 
On s’étonne également de constater la surreprésentation, dans le documentaire, de clichés du discours lacanien, caricaturé et chosifié, porté par six psychanalystes interviewés sur neuf.

Parmi eux, on retrouve un pédiatre, Aldo Naouri, qui a valorisé dans certains de ces ouvrages les découvertes comportementales dans le champ de l’autisme (ce qui n’est pas montré à l’écran, il s’en est d’ailleurs plaint en dénonçant la malhonnêteté de la réalisatrice), et une psychanalyste dont le sous-titre annonce qu’elle est « kleinienne », alors même que le discours qu’elle tient évoque la place du père dans le discours de la mère, considération qui n’a rien de kleinienne quand on sait que Mélanie Klein se désintéressait du psychisme des parents de ses analysants, se focalisant sur le monde fantasmatique des enfants et adultes qu’elle recevait en analyse. Il s’agit à nouveau d’un cliché.

Parmi ces psychanalystes lacaniens, aucun n’appartient à l’ALI, (Association Lacanienne Internationale) qui est pourtant une école lacanienne comptant des psychanalystes particulièrement intéressés par la question de l’autisme, avec Marie-Christine Laznik et Graziella Crespin, qui ont fondé l’association PREAUT (PREvention de l’AUTisme) dont le but est de mêler les apports de la méthode cognitiviste TEACCH et de la psychanalyse lacanienne. Comment expliquer leur absence ? Pour finir, on s’étonne de voir interviewer trois psychanalystes de la même école freudienne dont deux ne travaillent pas spécialement avec des personnes autistes: Jacqueline Schaeffer qui se fait piéger sur la question de l’inceste et le professeur Daniel Widlöcher (il faut savoir que la réalisatrice s’est présentée comme effectuant un documentaire sur la psychanalyse en général, pas spécialement sur la psychanalyse dans l’autisme). Quand à Laurent Danon-Boileau, le montage grossier a pour objectif de lui faire porter un autre cliché de la psychanalyse : le psychanalyste qui dort, qui ne fait rien, qui attend, inactif, en face d’une personne autiste, face à des méthodes cognitives et comportementales qui permettraient des progrès grâce à une hyperstimulation active. Le seul tort de Laurent Danon-Boileau est d’avoir évoqué trop librement ses éprouvés contre-transférentiels alors que ceux-ci ne peuvent être compris sans explications.

Mais justement, par le biais du montage, d’explications il n’y aura pas.

Ce sont pourtant des praticiens, soignants, thérapeutes d’inspiration psychanalytique, parfois liés à la psychothérapie institutionnelle ou à la psychiatrie communautaire, qui ont théorisé et mis en pratique la prise en compte des détails du quotidien, de l’organisation de l’institution, l’élaboration rigoureuse du cadre et du support psychothérapique, la mise en place de repères spatio-temporels précis et structurés et la nécessité d’un engagement intense dans le soin, entre autres, des enfants autistes.

Comment, alors, comprendre un tel manque de rigueur dans un documentaire sur la psychanalyse dans l’autisme ? Comment ne pas s’étonner de l’aplomb avec lequel il est affirmé que, sur le modèle des institutions de Bruno Bettelheim, la séparation parents-enfants est un pilier du traitement psychanalytique, alors même que les psychanalystes de personnes autistes travaillent depuis bien longtemps avec les parents ? 

Dans le champ de l’autisme, la psychanalyse a certaines visées précises, qui ne sont pas les mêmes que celles des méthodes éducatives, mais qui les complètent dans un enrichissement mutuel : la thérapie permet aux personnes autistes de réduire leurs angoisses conscientes et inconscientes, de libérer leurs capacités d'apprentissage, de permettre qu'ils trouvent du plaisir dans les échanges émotionnels et affectifs avec les personnes qui les entourent, de permettre qu'ils gagnent du champ dans les choix de vie les concernant.

Au total, il paraît bien évident que les quelques associations de parents d’enfants autistes et hommes et femmes politiques qui valorisent ce film sont au courant de la malhonnêteté de celui-ci mais que, pour eux, la fin justifie les moyens ; autrement dit l’interdiction de la psychanalyse et la lutte contre le travail de l’inconscient justifie bien quelques gros mensonges. Dans ce cas, ces personnes ne peuvent plus prétendre se réjouir que l’autisme soit la Grande Cause nationale 2012 car il est évident que pour elles, c’est la haine de la psychanalyse et de l’inconscient qui est la Grande Cause nationale 2012.

Espérons que le groupe parlementaire saura donner la priorité à ce qui le mérite vraiment : palier au déficit de prise en charge thérapeutique, éducative et pédagogique pour tous les enfants et adultes en difficulté dans ce pays et favoriser la recherche de points de convergence, de divergence et de complémentarité des différentes théories et pratiques de la psychiatrie.

Loriane Brunessaux, 31/01/2012.

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>Soins Psychiatriques. Autorisation de délirer au centre Antonin-Artaud (L'humanité.fr)

 

(Flora Beillouin)

Depuis sa création, 
en 1985, le centre 
de jour Antonin-Artaud offre, à Reims, une vision humaniste 
de la psychiatrie. 
Son fondateur, 
Patrick Chemla, militant dans le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, mêle ses patients à cette réflexion qui les concerne en premier lieu : le sort que l’on réserve aux fous 
dans notre société.

 

Reims (Marne), 
envoyée spéciale. «Que s’est-il passé cette semaine ?» Olivier embraye : «Il y a eu des élections au Maroc et en Égypte, remportées par des partis qui se réclament de l’islam modéré et veulent instaurer la charia…» Au centre de jour Antonin-Artaud, comme chaque mercredi depuis quinze ans, le forum d’actualité commence, animé par un infirmier. «En France, l’équivalent, ce serait Bayrou ? » tente une petite voix, vite interrompue par Vincent, qui, debout, finit de rouler sa cigarette, une lueur de révolte barrant ses yeux gris-bleu : « Tout ce qu’on sait, c’est que ça n’a jamais rien donné de bon de mélanger la religion à l’État !»

La revue de presse passe du coq à l’âne. Sébastien a la mémoire des chiffres, Fred un goût prononcé pour les contre-pouvoirs. Pour Vincent, « les médias veulent faire de nous des moutons », et il « faut mettre un grand coup de pompe dans la fourmilière ». Un thème retient néanmoins l’attention collective : la folie. Il est notamment question du tueur d’Oslo et d’un reportage de France 3 sur l’unité pour malades difficiles (1) de Sarreguemines. « On voyait les patients, visages floutés, qui refusaient leurs médicaments, et le journaliste racontait qu’ils frappaient les infirmiers », relate Clément, sous le regard horrifié de l’assemblée.

Ici, on est loin du schéma extrême de Sarreguemines. Au centre Artaud, il n’y a ni blouse blanche ni pyjama. Les médicaments, seulement si nécessaire, ne sont que des éléments de la thérapie proposée par l’équipe de Patrick Chemla. « Le médicament n’agit que sur les effets, or la problématique humaine est bien plus complexe, de par la diversité de ses causes, à la fois sociales, traumatiques, anthropologiques », explique le psychiatre, qui refuse de « classer les gens dans des cases », selon les cloisonnements chers à Nicolas Sarkozy. (…)

Lire la suite sur le site de l'humanité 

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>Lettre ouverte

Monsieur le Président du Conseil National de l’Ordre des médecins, Mesdames et Messieurs les parents de personnes autistes, Deux médecins, le Professeur Pierre Delion, « véritable promoteur du Packing en France1  », Chef du Service Psychiatrie Enfant et Adolescent du CHRU de Lille, et le Professeur David Cohen, Chef du Service Psychiatrie Enfant et Adolescent de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière ont été ou sont convoqués devant leurs Conseils départementaux de l’Ordre des médecins suite à la plainte d’une association représentant des familles de personnes autistes, l’association Vaincre l’Autisme. Leur délit : soutenir le principe d’une recherche scientifique validée dans son objet et son protocole par le Comité de Protection des Personnes du CHRU de Lille, recherche menée dans le cadre d’un Programme Hospitalier de Recherche Clinique National (PHRC), validé en 2008 (PHRC 2007/1918, n° Eudra CT : 2007-A01376-47), financée par le ministère de la Santé et dont le thème est « L’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA  ».


Ces plaintes2  constituent une véritable attaque personnelle et professionnelle difficile à comprendre quand on prend le temps de connaître l’objet de ces attaques et les hommes qui en sont les victimes.

De plus, les comparutions devant le Conseil de l’Ordre s’accompagnent d’appels à la manifestation devant les dits Conseils, selon des méthodes d’un autre âge qui interrogent sur les véritables motivations de leurs instigateurs. Elles rejoignent d’autres mobilisations telles celles qui ont violemment attaqué les équipes pratiquant l’avortement ou celles, plus récentes, exigeant l’interdiction de représentations culturelles jugées blasphématoires au nom de la religion.

Or, la recherche scientifique est tout sauf un blasphème, même si elle va à l’encontre de convictions qui peuvent, en elles-mêmes quand elles ne se manifestent pas sur le mode du dénigrement et de la disqualification, être respectables. La science n’est pas un dogme, Pierre Delion et David Cohen ne prétendent pas détenir la vérité, ils la cherchent. « Toute connaissance est issue d’un processus de construction, processus qui consiste en une réorganisation qualitative de la structure initiale des connaissances et qui peut s’assimiler à un changement de conceptions3 .

Pierre Delion rappelle que « ils [ les scientifiques] savent bien qu’avant de pouvoir démontrer quelque vérité scientifique que ce soit, le chercheur émet des hypothèses abductives (j’ai l’intuition que) puis conduit ses recherches pour tenter de démontrer de façon déductive et inductive les hypothèses émises. S’il n’y avait pas d’abord des intuitions basées sur la clinique, aucune découverte n’aurait pu être faite en médecine, ni a fortiori démontrées dans le cadre de l’Evidence Based Medicine . » C’est la base même de la recherche expérimentale.

Une étude scientifique ne préjuge pas de son résultat, ce que font les associations de parents d’enfants autistes qui ont décidé que cette technique « relevait de la torture4  », qu’elle était pratiquée « sans protocole, sans évaluation et sans résultat3  » voire qu’elle « ouvrait la voie à l’abus sexuel5 »  et qu’il fallait y mettre un terme parce que « dénuée de tout respect et de toute dignité3  ».

Pourquoi, donc, s’opposer à un examen scientifiquement validé de la question du packing ?

Le packing, contrairement à ce que laissent entendre ceux qui demandent son interdiction, n’a pas pour origine la psychanalyse et il existe une abondante littérature scientifique sur cette technique, anglo-saxonne notamment6 . Il trouve sa source dans la médecine antique et repose sur l’utilisation de l’eau dans les soins physiques et psychiques, l’hydrothérapie étant utilisée en Grèce dès le VIIIème  siècle avant Jésus-Christ. Soranus d’Ephèse la recommande au Ier  siècle de notre ère pour soigner la dépression. Au XVIIIème  siècle, Pinel demande que l’on utilise les bains chauds à visée de relaxation. Cullen, médecin anglais, est le premier à recommander les enveloppements humides dans le même but. En 1948, Paul Sivadon a utilisé des approches corporelles à base d’eau, à Sainte Anne, « pour favoriser le sentiment de sécurité, la prise de conscience de l’existence corporelle et la relation avec les objets et les personnes  ». En 1966, un psychiatre américain, Woodbury introduit sa méthode d’enveloppement (“packing” en anglais) en France : la technique est la même mais l’enveloppement se déroule en présence d’un infirmier qui reste aux côtés du malade en permanence durant ce temps d’enveloppement. « Le but de ce traitement est de donner au malade une stimulation du schéma corporel, de contrôler ses tendances autodestructrices et agressives, sans l’aliéner par les médicaments ou l’isolement  ». 

La technique du packing sera proposée pour le traitement des enfants et adolescents autistes les plus gravement malades ou qui présentent des troubles graves du comportement (hyperactivité, instabilité grave, auto- ou hétéro-agressivité, stéréotypies envahissantes, anorexie grave, insomnie rebelle notamment).

Il s’agit donc de valider, ou non, scientifiquement « L’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA  », en aucun cas traiter l’autisme ou ce que l’on nomme aujourd’hui les Troubles Envahissants du Développement (TED). Le Professeur Pierre Delion a maintes fois rappelé que « le packing ne concerne que quelques enfants porteurs de TED/TSA lorsqu’ils présentent des signes graves voire gravissimes de troubles du comportement, pour lesquels une indication précise doit être posée et une formation de l’équipe réalisée dans de bonnes conditions  ».

Tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que l’autisme, on devrait probablement dire les autismes, est un trouble neuro-développemental, entrant dans le cadre des troubles envahissants du développement ce qui ne préjuge en rien de son étiologie qui demeure inconnue, les hypothèses allant des anomalies génétiques aux atteintes infectieuses ou toxiques, probablement associés à des degrés divers.

Il n’existe pas de traitement curatif de l’autisme. En revanche, de multiples approches de prise en charge ont vu le jour depuis la découverte de ce syndrome, approches issues de divers courants théoriques et fondées sur des conceptions très diverses de l’autisme7 . De manière pratique, des études scientifiques ont à ce jour permis de démontrer l’efficacité d’une prise en charge précoce à l’aide d’approches éducatives comportementales (ABA8 ), cognitives (TEACCH) ou développementales. La littérature scientifique est unanime sur ce point : il faut que l’intervention éducative soit précoce, massive et structurée.

Mais, quel que soit la nature du handicap ou de la différence de la personne autiste, le mérite de la psychiatrie et de la psychanalyse aura été de montrer qu’elle demeure un être de relation, doté d’un inconscient, tout comme ses parents, et que les interactions relationnelles et identificatoires sont modifiés par le trouble. Et ce même si l’on réduit l’inconscient à ses dimensions cognitives, ce qui n’est plus le cas des neuro-biologistes, Lionel Naccache considérant même Freud comme le Christophe Colomb des neurosciences9 .

L’époque n’est plus aux antagonismes, neurosciences versus psychanalyse par exemple, et l’ensemble de ces disciplines se confrontent utilement au travers d’interfaces que nous avons été nombreux à appeler de nos voeux. « Une réflexion critique qui confronte les diverses approches des sciences de la vie et des sciences de l’homme et de la société autour du cerveau de l’homme et de sa fonction devient nécessaire10.  » Dès que l’on parle de l’homme et de la nature, il faut « nouer sciences fondamentales et sciences humaines  » dit Michel Serres.

Il ne suffit pas de se targuer d’autres autorités scientifiques qui, en l’occurrence, s’appuient sur des préjugés qui ont une construction scientiste voire idéologique, pour invalider le travail de plusieurs années au service d’une cause que Pierre Delion et d’autres ont défriché de longue date : combien d’entre nous ne se sont-ils pas intéressés grâce à lui à l’autisme, d’abord par une grande ouverture d’esprit clinique et une réflexion plurifactorielle sans exclusive assortie d’une grande rigueur scientifique ? Si le regard commun et scientifique sur l’autisme a pu évoluer dans ce pays, on le lui doit en grande partie, il suffit de lire ses travaux et ses publications avec honnêteté.

Les attaques visant Pierre Delion, David Cohen, Daniel Widlöcher et Bernard Golse visent aussi toute une profession, que le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux avait appelé à juste titre la Communauté soignante, dans une optique de « mise en cause des compétences médicales de la psychiatrie  » et, plus généralement, de disqualification de la psychiatrie et de la psychanalyse.

Comment attaquer Pierre Delion, dont l’intégrité professionnelle, le sens éthique et l’humanité peuvent difficilement être discutés par quiconque est de bonne foi ? « Nous sommes tous des Pierre Delion  » disait le Syndicat des Psychiatres Hospitaliers, nous dirions plutôt « Nous voudrions tous être des Pierre Delion  ». Et avoir ses qualités humanistes, son profond respect de l’autre souffrant, sa rigueur scientifique, sa compétence dans l’animation des équipes dont il a eu la charge, sa qualité d’enseignant “maïeutique”, la cohérence qui est la sienne entre sa pratique et son enseignement, son attachement à la “défense et illustration” de la prise en charge des enfants autistes et de leurs familles. Son travail, son enseignement plaident pour lui mieux que quiconque ne pourrait le faire. A travers lui, c’est toute une conception de l’humain, du social et du scientifique qui est en jeu. Et ces attaques inquiètent car elles traduisent une dérive qui voudrait que ceux qui prennent en charge les personnes en souffrance psychique les remplacent, en coupables expiatoires, comme objets de fantasmes primaires stigmatisants. Ainsi, les acharnés de la guérison sont nombreux dans le champ des médecines différentes, précisément parce qu’ils cherchent toujours et encore l’arme absolue qui puisse enfin avoir raison des échecs thérapeutiques qu’ils ne supportent pas.

L’autisme est une souffrance, pour l’autiste d’abord, pour ses proches ensuite. La douleur des parents doit être respectée et entendue, y compris quand elle s’exprime de manière excessive.

Mais l’alliance thérapeutique que prône l’ensemble des dispositifs voulus ces dernières années par les pouvoirs publics suppose respect mutuel et confiance réciproque. La controverse n’est pas inutile, « Le mot liberté n’admet, par définition, aucune restriction11  », si elle fait progresser la lutte contre la souffrance. Chacun doit se regarder en conscience, la pratique de la psychiatrie et de la psychanalyse n’ont pas toujours été heureuses en matière d’autisme, toutes les associations de parents d’autistes ne se reconnaissent pas dans des discours excessifs, et chercher comment concilier au mieux « corps et esprit humains, inséparables12  ».

Cette nécessaire alliance, chacun doit y participer. Autistes  dans la mesure de leurs moyens, parents  qui doivent trouver une réponse à leur détresse et aider leur enfant à progresser autant qu’il lui est possible afin de « garantirl’intégration des personnes autistes en milieu ordinaire ou la création de places adaptées en milieu spécialisé13  » ; pouvoirs publics , qui doivent éviter toute posture démagogique, proposer des espaces de médiation et soutenir toute recherche, sans exclusive aucune, qui permettra de faire avancer les connaissances en matière de troubles envahissants du développement ; les médias, qui doivent aider à la prise de conscience en ces matières mais aussi informer de manière objective. Les professionnels  enfin, dont le dévouement ne peut être contesté et qui, quoi qu’il advienne et quel que soit le champ de compétence de leur intervention, demeureront un maillon indispensable à l’évolution positive des enfants et adultes concernés.

Ces alliances sont tout le contraire de démarches qui ont une construction sectaire en ce sens qu’en s’appuyant sur la détresse et l’émotion au détriment de la réflexion critique, elles se soutiennent du “principe de simplification”, supercherie visant à séduire les personnes en détresse par l’indication d’une “voie unique”, factice face à la complexité des problèmes posés, voie qui, en ce sens, constitue une régression épistémologique.

Claude Finkelstein, présidente de la FNAPSY, rappelle que « les chapelles en psychiatrie sont devenues des sectes, chacune pensant avoir “raison” contre la “déraison” et ceux qui en souffrent sont les patients, non les familles, même si j’en suis sûre celles-ci sont de bonne foi. Seul le patient peut dire si telle ou telle intervention lui a servi . » Pour toutes ces raisons, nous soutenons Pierre Delion, David Cohen, et tous les professionnels mis en cause dans leur démarche scientifique, clinique et thérapeutique, et nous dénonçons la véritable chasse aux sorcières dont ils sont l’objet. Nous demandons qu’ils reçoivent tout l’appui qu’ils méritent de la part de leurs confrères de l’Ordre des médecins, en reconnaissance de leur courage, de leur rigueur et de leur compétence et pour l’ensemble de leur oeuvre

 

1 Vaincre l’Autisme (ex Association Léa pour Samy)


2 Ces comparutions, fondées sur un supposé manque de rigueur scientifique et une volonté de nuire interviennent dans un contexte particulier dont témoigne la diffusion d’un film, « Le Mur », construit uniquement à charge contre la psychanalyse et les psychanalystes et qui, grâce à un montage subtil, discrédite trois professionnels, Pierre Delion, déjà, Daniel Widlöcher et Bernard Golse. Ce document, quelle que soit la volonté explicite de ses auteurs, ne vise pas à faire le point sur l’apport (ou non) de la psychanalyse dans la prise en charge des autistes, critique s’il le faut, mais à constituer un dossier à charge qui ridiculise les professionnels.

3 Hélène Hagège : La démarche scientifique : invariants et spécificités disciplinaires, une approche épistémologique, LIRDEF, Université Montpellier II – IREM, février 2007

4 Vaincre l’Autisme

5 Site officiel du Collectif de soutien au film « Le Mur »

6 Le Professeur David Cohen en donne maintes références dans son argumentaire. Parmi les articles récents, citons :

1. Hospital and Community Psychiatry. 1986, 37: 287-288.

2. Am J Psychiatry. 1988, 145: 242-245.

3. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence. 2009, 57 : 529-534.

4. Clinical Neuropsychiatry. 2009, 6: 29-34.

5. Journal of physiology. 2010, 104: 309-314

6. Issues in Mental Health Nursing, 2009, 30:491-494.

7. Adolescent Psychiatry. 2011, 1: 163-168

7 Voir les travaux, notamment de Jacques Constant et ceux de Centre Ressource Autisme de Languedoc-Roussillon à la demande du ministère de la santé en 2007

8 qui connaît également ses détracteurs, on lira sur ce point l’ouvrage très documenté de Laurent Mottron, « L’autisme, une autre intelligence : Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle », Editions Mardaga, 2004, 235 pages

9 Le nouvel inconscient, Poche Odile Jacob, février 2009

10 L’homme de vérité, Jean-Pierre Changeux, Editions Odile Jacob, Paris, 2002, page 9

11 Jean Yanne, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

12 Pierre Delion, Lettre ouverte

13 Autisme France

Marie-Noëlle Alary, psychiatre des hôpitaux,  Mathieu Alary, doctorant en neuro-imagerie, Patrick Alary, psychiatre des hôpitaux,  Claude Allione, psychanalyste,  Marie Allione, pédopsychiatre des hôpitaux, Jean-David Attia , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Guy Baillon , psychiatre des hôpitaux en retraite, Mathieu Bellahsen , psychiatre de secteur, Jean Bertrand , Psychiatre, Liège, Belgique, Dominique Besnard , Psychologue, Directeur National des CEMEA, Jean-Raphaël Bessis , Psychologue clinicien, Gérard Boittiaux , psychiatre des hôpitaux, Michel Botbol , professeur de pédopsychiatrie, Alain Bouvarel , psychiatre des Hôpitaux, président du CNASM, Loriane Brunessaux , pédo-psychiatre, Marie-France Canoville , addictologue des hôpitaux, Frédérique Cataud , cadre de santé – assistante chef de Pôle, Patrick Chaltiel , psychiatre des hôpitaux, Sophie Charancon , Martine Charlery , pédopsychiatre, Dorota Chadzynski , psychomotricienne, psychologue clinicienne, Patrick Chemla , psychiatre des hôpitaux, Jean-Luc Chevalier , psychologue clinicien, Jacques Constant , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, formateur sur la question de l’autisme, Alain Couvez , psychiatre des hôpitaux, chef de service, Jean-Yves Cozic , psychiatre des hôpitaux, président du Syndicat des Psychiatres Français, Jean-Michel de Chaisemartin , psychiatre des hôpitaux, Pascal Crété , psychiatre, directeur Foyer Léone Richet, Alain Darbas , directeur de Stéphanie Dauver , pédopsychiatre des hôpitaux, Francine Delionnet , ex-enseignante spécialisée, Marie-Philippe Deloche , psychiatre MGEN, Matthieu Duprez , Psychiatre des Hôpitaux, Bernard Durand , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Président de la FASM Croix-Marine, Michel Duterde , ex-responsable des CEMEA, Claude Finkelstein , présidente de la FNAPSY, Martine Fournier , psychiatre hospitalier, Lise Gaignard , psychanalyste, Nicolas Geissmann , psychiatre des hôpitaux, Roger Gentis , psychiatre retraité de secteur public, Patrick Genvresse , pédopsychiatre des hôpitaux, Yves Gigou , formateur, Geneviève Giret , pédopsychiatre des hôpitaux, Pierre Godart , psychiatre des hôpitaux, chef de pôle, Philippe Goossens , psychiatre, Bruxelles, Belgique, Marie-Christine Hiébel , directrice d’Etablissement public de santé, Ariane Hofmans , psychologue, Michel Jadot , psychiatre médecin-directeur du service de santé mentale de Verviers, Belgique, Christine Jedwab , Psychologue clinicienne, Dina Joubrel , Psychiatre des hôpitaux, Claire Jutard , psychomotricienne, Dimitri Karavokyros , Psychiatre honoraire des Hôpitaux, Anja Kloeckner , psychomotricienne, Yves Le Bon , psychologue-Clinicien, psychanalyste, chargé d'Enseignement à l'Université de Paris 7-Diderot, Paul Lacaze , neuropsychiatre d'exercice privé libéral et institutionnel, Yvon Lambert , formateur retraité des CEMEA, Georges Lançon , pédopsychiatre, Dominique Launat , psychologue, Agnès Lauras-Petit , psychomotricienne, docteur en psychologie clinique et pathologique, Catherine Le Berre , cadre de santé, Michel Lecarpentier , psychiatre, Catherine Legrand-Sébille , socio-anthropologue, maître de conférences, Leïla Lemaire , comédienne, Marc Livet , cadre de santé, Stéphanie Levêque , pédospychiatre, Marie-Hélène Lottin , psychiatre, psychanalyste, Jean-Jacques Lottin , directeur d'études de santé publique, Paul Machto , psychiatre des Hôpitaux, psychanalyste, Jacqueline Mairot , psychiatre, Sandrine Malem , psychanalyste, Marie-Line Marcilly , cadre coordonnateur, Esteban Morilla Martinez , psychiatre des hôpitaux, Vincent Marzloff , interne en psychiatrie, Bénédicte Maurin , membre du collectif des 39, éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie, Simone Molina , psychanalyste, Joseph Mornet , psychologue, secrétaire général de la FASM Croix-Marine, Françoise Nielsen , psychanalyste, Joséphine Nohra-Puel , psychologue, psychanalyste, Heitor O'Dwyer de Macedo , psychanalyste, Vincent Perdigon , psychiatre des hôpitaux, Juliette Planckaert , psychologue honoraire des hôpitaux psychiatriques, Martine Ragot , aide-soignante, Philippe Rassat , Pédopsychiatre, Psychanalyste, Directeur médical de CMPP, Nathalie Renon , psychologue clinicienne, Elise Ricadat , psychologue clinicienne, Martine Rosati , psychologue, directrice de l’école de Bonneuil, Sara Rudel , psychologue, Cosimo Santese , psychanalyste-psychologue, Madeleine Sarrouy , pédopsychiatre, Pierre Sadoul , pédopsychiatre des hôpitaux en retraite, Gérard Sadron , directeur, Jacques Sarfaty , pédopsychiatre des hôpitaux, Madeleine Sarrouy , pédopsychiatre, Gérard Schmit , professeur de pédopsychiatrie, Sylvie Séguret , Psychologue, psychanalyste, Jean-François Thiébaux , psychiatre des hôpitaux, Marc Toulouse , psychiatre des hôpitaux, Bruno Tournaire-Bacchini , psychiatre des hôpitaux, Jean-Marc Triffaux , psychiatre universitaire, Liège, Belgique, Maria Eugenia Uriburu , psychologue clinicienne, Pierre Vaneecloo , psychiatre des hôpitaux, retraité, Lucie Verkaeren , monitrice IDE, Benjamin Wouts , diplômé en psychologie,

Association des Cadres et Infirmiers en Santé Mentale, Association Marseillaise pour la Psychothérapie Institutionnelle, Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, Collège de psychiatrie grenoblois, Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix-Marine, Fédération Inter-Associations Culturelles en Santé Mentale, Groupement des Hôpitaux de Jour francophones

Pour signer cette lettre contacter Patrick Alary

patrick.alary@orange.fr 

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>La "radio des fous" a 20 ans (courrier international)

Lancée en 1991 par un psychologue de Buenos Aires, la station de radio La Colifata, animée par les patients d'un établissement psychiatrique, est devenue un modèle original de thérapie et a largement dépassé les murs de l'hôpital.

 

Il y a vingt ans, le psychologue Alfredo Olivera montait à l'hôpital Borda de Buenos Aires un atelier radiophonique, La Colifata, aujourd'hui reconnu pour sa valeur thérapeutique et journalistique. Première radio au monde gérée par les patients d'un hôpital psychiatrique, ce projet a rencontré et rencontre encore un grand écho dans le monde, de l'ancien footballeur Oscar Ruggeri au réalisateur Francis Ford Coppola, en passant par l'animateur de radio Lalo Mir, le médecin et journaliste Nelson Castro et le musicien Manu Chao. Pourtant, son histoire, ses perspectives de travail, et son projet politique restent méconnus. La Colifata "permet à l'ensemble de la communauté de progresser en construisant ses propres solutions face un problème douloureux et complexe", résume Alfredo Olivera.

Revenons vingt ans en arrière. En août 1991, le psychologue Olivera réunit un groupe de patients autour d'un magnétophone, et leur propose de participer à un projet de radio pour raconter leur quotidien. Peu à peu, "un collectif d'hommes et de femmes diagnostiqués comme fous se sont mis à produire une déconstruction des mécanismes à l'œuvre dans notre société."

Les premières années du projet furent rudimentaires et artisanales. Et comme il s'agissait d'une expérience inédite, Oliveira procédait par tâtonnements. Il transmettait ses conversations avec les patients à la radio et leur faisait ensuite écouter la réponse des auditeurs lors de la rencontre suivante. Tout cela par le biais de cassettes. Et édité sur un magnétophone à double cassette qui lui avait été prêté.

L'année suivante, une radio de San Miguel leur offre un émetteur, qui semble tout droit sorti de la Seconde guerre mondiale, et une antenne. Les patients circulaient dans les couloirs de l'hôpital pour tester la puissance et la portée de l'émission. Ensuite un généreux donateur leur fait cadeau d'une Citroën, qui sera rapidement convertie en antenne mobile. Le projet a également bénéficié du soutien de la radio FM La Boca. Les patients autorisés à sortir pouvaient ainsi profiter de ses studios pour apprendre le métier. Une autre station de radio, FM La Tribu, leur a fait bénéficier de son soutien en leur proposant des émissions, des ateliers et des stages.

Aujourd'hui, LT 22 Radio La Colifata possède son propre studio d'enregistrement et elle est diffusée sur les ondes et sur Internet. Les émissions sont retransmises dans tous les hôpitaux psychiatriques argentins. Et grâce à ce projet fondateur, des centaines d'expériences similaires ont vu le jour en Amérique latine et en Europe. La notion de thérapie par l'évènement, l'incidence sur les politiques publiques et la transversalité sont les fondamentaux du projet. Sa réussite s'explique par une nouvelle manière d'être à l'écoute, une ouverture à l'irruption de l'imprévu. "Il était important d'être attentif aux répercussions du phénomène et de créer les conditions idéales pour cette narration. C'est-à-dire, une thérapie par l'événement, pensée de manière active, respectueuse des sujets qui traversent des situations de souffrance psychique, et où la radio fait partie du dispositif."

Dès lors, ce n'est pas seulement le parcours psychiatrique des patients qui importe, c'est aussi leur situation familiale, leur entourage, le fait d'avoir créé de nouvelles relations à travers la radio. Tout cela influe sur la subjectivité. D'après une étude de 2008, 40 % des relations sociales des animateurs de cette radio sont nées de La Colifata, puis se sont poursuivies en dehors de ce cadre.

Cette même étude montre que 40 % des patients vivent avec leur famille, tandis que les 60 % restants résident dans un hôtel proche de l'hôpital. Plus de 70 % des internés ont pour seule source de revenus leur pension d'invalidité. Mais son montant correspond à ce que coûte l'hôtel, si bien que leur état de vulnérabilité psychique et sociale est très important. Ils doivent donc fréquenter les soupes populaires et n'ont pas les moyens de s'acheter des vêtements.

"A quoi cela me sert-il de soigner les gens sur le plan psychique si je ne tiens pas compte de ces situations ?", se demande Olivera. Et de répondre : "Nous élaborons des stratégies d'intervention à partir de ce contexte de vulnérabilité socio-économique, qui se construit dans le devenir de la relation à la personne, afin de pouvoir penser l'aspect radiophonique".


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>Des adieux poétiques : hommage d'hommes et de femmes à Hervé Bokobza

Il est jours qui ont de l'importance. Qui font sens. Des jours où les hommes et les femmes réunis sentent en eux un serrement au cœur particulier. C'était un jour comme celui-ci, ce mardi 17 janvier 2012.

Au centre psychothérapique de Saint Martin de Vignogoul, un après-midi de spectacles avait été organisé ce mardi là. En hommage à un homme qui s'en va, continue sa vie ailleurs, n'offrira plus son écoute et son humanité aux personnes en souffrance, en recherche, en doute, qui viennent dans ce lieu protecteur, cet asile merveilleux qu'est Saint Martin de Vignogoul.

Il avait son fauteuil au premier rang, le bougre !

Et il riait, riait : parce que l'hommage était beau et drôle à la fois. Parce que les artistes, ces fous créateurs, avaient mis le paquet : théâtre, musique, poésie, slam… 

Et oui, Hervé Bokobza : 23 ans à être là tous les matins, en groupe de thérapie, ce n'est pas rien. Le groupe 1. Number one. Un cercle de chaises. Des êtres humains, assis, qui se contemplent. Attendent. Parlent. Se taisent. Ecoutent. Crient. Pleurent. Rient.

Hervé Bokobza a reçu le plus beau des hommages. Celui de ceux qui l'aiment pour son "humanité qui sauve", cette extraordinaire capacité à accompagner par le regard, la parole, l'écoute…

Hervé est un artiste de l'âme, des membres du "groupe un" l'ont ainsi défini. 

C'est si vrai. Si simple. On pourrait en pleurer.

Mais régalons-nous, braves gens ! Osons l'espoir, la création et l'inventivité : Hervé Bokobza est parti de Saint Martin, vive Hervé Bokobza ! (et Saint Martin).

Ecoutez maintenant ce texte déclamé avec la force de l'âme, son auteure se nomme Jehanne.

Prenez le temps d'entendre et vibrer, rire avec ces mots qui cognent, qui secouent et qui trompent aussi : là est toute la substance moelle de nos existences, celle des êtres vivants qui vibrent, cherchent, souffrent, jouissent et jamais ne ferment la porte. Nous sommes des êtres humains.

Vive nous !

 

 


Boulimique-Jehanne by collectif39

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>Adresse à tous les candidats républicains pour qu’ils s’engagent à soutenir une psychiatrie fondée sur l’hospitalité.

 

Collectif des 39 – Quelle hospitalité pour la folie ? Quelle hospitalité pour l’humain ?

Meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93

 

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.

Les conditions d’hospitalité pour la folie se dégradent inexorablement depuis près de trente ans.

Depuis le 2 décembre 2008, date du discours du Président de la République à l’hôpital d’Antony, la situation s’est considérablement aggravée ; il est de plus en plus difficile de soigner et d'être soigné particulièrement depuis la loi du 5 juillet 2011.

Nous sommes à un moment politique où tous ces enjeux cruciaux pour la psychiatrie se posent aussi pour l'ensemble de la société.

Nous nous adressons à tous les candidats républicains pour qu’ils s’engagent à soutenir une psychiatrie fondée sur l’hospitalité.

Nous, professionnels du sanitaire, du médico-social, patients, familles et proches qui fréquentons la psychiatrie affirmons que : 

-L’engagement thérapeutique doit conduire à mettre l'accueil au centre des préoccupations afin de prendre en considération la vulnérabilité et la créativité des patients nécessaires à toute prise en charge thérapeutique.

-La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins.

-L’accès à des soins de qualité est un principe républicain.


Aussi refusons-nous avec force :

– L’envahissement d’une logique gestionnaire et managériale, l’exigence de rentabilité du soin, le manque de temps soignant, le manque de lits et de places, qui amènent à une accélération inconsidérée des prises en charge. Trop souvent les patients se retrouvent déshospitalisés avant d’aller suffisamment bien. Ce qui de fait conduit à un abandon des plus fragiles renvoyés à la rue ou à la prison.

–  Les empêchements à la mise en place d’un accueil de bonne qualité dans les services et dans les lieux ambulatoires, où les protocoles standardisés pseudo scientifiques dénient la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient et constituent un obstacle à la rencontre avec les patients.

– La politique de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui  impose cette protocolisation destructrice d’hospitalité par des « quasi rituels » de soumission sociale au travers de processus d’accréditations homogénéisants et abêtissants.

– La nouvelle loi du 5 Juillet 2011qui se fonde sur l’illusion dangereuse qu’un traitement sous la contrainte juridique dans la cité est une avancée pour les patients ou leur famille.

– La mise à mal de la protection judiciaire de la jeunesse et la volonté de prédire le destin psychopathologique d’enfants de 3 ans ou d’adolescents. Ces choix  vont à l’encontre de toute expérience clinique et éducative et aggravent de fait la situation psychique des jeunes concernés.

Les diagnostics effectués par des programmes informatiques ou des questionnaires sans finesse clinique qui relèvent d’une pratique machinique que nous n’aurions jamais imaginée.  Cette dérive ne peut conduire qu’à des aberrations et à une déshumanisation.

Aussi soutenons nous toutes pratiques qu’elles soient publiques, libérales conventionnées ou associatives, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que le respect du secret professionnel, l’engagement relationnel, l’indépendance professionnelle et le respect de l’intimité du patient.

Nous défendons pour tous les professionnels de la psychiatrie  un enseignement qui repose  notamment sur la psychopathologie et nécessite la réintroduction de formations spécifiques ancrées sur la clinique.  Une rupture nette du cadre hospitalo – universitaire  sous l’emprise des laboratoires pharmaceutiques doit être effective.

Nous nous battons déjà quotidiennement là où nous travaillons pour une autre pratique du soin et de l’hospitalité pour les patients et leurs familles. Nous le faisons malgré toutes les difficultés que nous rencontrons sur le terrain. Les résistances internes aux collectifs de soins ont toujours nécessité un travail d’analyse permanent ouvrant  une possibilité  concrète d’agir sur  l’organisation  du travail. Or  ces résistances se trouvent considérablement aggravées par l’organisation bureaucratique actuelle de la Psychiatrie.

Nous sommes dans l’urgente nécessité de refonder la psychiatrie avec les principaux concernés: soignants de tous métiers et travailleurs sociaux, patients et usagers, familles et tous ceux, intellectuels et artistes qui soutiennent notre  mouvement.

Nous affirmons que cette perspective est essentielle pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir feraient disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Nous  demanderons solennellement aux politiques lors de ce meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93, de s’engager dans ce mouvement de refondation et d’abroger

– la Loi du 5 juillet 2011, et toutes les lois organisant depuis des années la bureaucratisation de la gouvernance hospitalière.

– La loi du 25  février 2008 sur la rétention de sûreté


Contacts presse:


Yves Gigou: 06 60 48 98 84 – yglns39@orange.fr


 

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>Appel au meeting du 17 mars 2012

 

Communiqué de presse – Collectif des 39 – Quelle hospitalité pour la folie ?

Appel au meeting du 17 mars 2012 à "La maison de l'Arbre" à Montreuil sous Bois 93

La folie n’est concevable qu’irréductiblement liée à la condition humaine.

Depuis le 2 décembre 2008, discours du Président de la République à Antony la situation ne fait que se dégrader, il est de plus en plus difficile de soigner et d'être soigné particulièrement depuis la loi du 5 juillet 2011.

C'est pour ces raisons que nous interpellerons lors de cette journée les candidats à l'élection présidentielle ainsi que celles et ceux qui solliciterons nos suffrages aux législatives.

Reprenant la charte que nous avons rédigés le 7 février 2009.  

Nous, soignants, patients/usagers et familles en psychiatrie affirmons que :

• Notre engagement thérapeutique tient d’abord à la considération de la vulnérabilité et de la créativité des patients ; il doit par ailleurs nous conduire à promouvoir tous les lieux nécessaires à une hospitalité pour la folie qui constitue l’enjeu de notre travail : dans l’hospitalisation, comme dans les lieux ambulatoires qui doivent mettre l’accueil au cœur de leur projet.

• La dimension relationnelle est au cœur de tout processus de prévention et de soins

• Les valeurs républicaines de liberté, égalité et de fraternité sont le socle constitutif de toute pratique.

Aussi refusons-nous avec force :

• L’abandon des patients renvoyés à la rue ou à la prison

• L’idéologie sécuritaire qui stigmatise, contient, isole et maltraite les plus démunis des citoyens

• Toutes les lois qui confirmerait la ségrégation des patients en les assujettissant à des lois spécifiques et aggraveraientt la tendance à l’enfermement.

• L’idéologie falsificatrice qui ferait croire que soigner sous la contrainte dans la cité est une avancée pour les patients ou leur famille.

• L’imposture des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient.

• La mainmise de l’appareil technico gestionnaire tentant d’annihiler, de nier et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de soin.

Aussi soutenons nous toute pratique qu’elle soit publique en accord avec les acquis du secteur, libérale conventionnée ou associative, garantissant en particulier la continuité des soins et prônant l’attachement à des valeurs fondamentales telles que : respect du secret professionnel, engagement relationnel, indépendance professionnelle, respect de l’intimité du patient.

Nous défendons un enseignement reposant en particulier sur la psychopathologie, et nécessitant la réintroduction de formations spécifiques désarrimées de la logique, du cadre théorique et des intérêts hospitalo-universitaires actuels autant que de l’emprise des laboratoires pharmaceutiques et ceci pour tous les professionnels de la psychiatrie.

Avec et pour ces valeurs nous continuons à dénoncer toutes les dérives politiques, techniques, gestionnaires et sociales qui enferment peu à peu les patients dans un carcan déshumanisant.

Nous affirmons que ce combat est essentiel pour que la psychiatrie ne bascule pas dans la barbarie où rejeter et punir ferait disparaître les pratiques accueillantes de soins désaliénistes.

Contacts presse:

 
Yves Gigou: 06 60 48 98 84 – yglns39@orange.fr


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>L’autisme, grande cause nationale ?

L'autisme a reçu le label "Grande cause nationale 2012". L'exposition médiatique de ce sujet va s'intensifier, un groupe de travail s'est formé à l’Assemblée Nationale dont les premières rencontres parlementaires débutent jeudi.

 

 
 
Comment ne pas se réjouir de l'intérêt porté à l'autisme face aux insuffisances actuelles de la prise en charge thérapeutique, éducative et pédagogique et des possibilités professionnelles proposée à ces patients (adultes et enfants) ? Cependant, l'aspect polémique et orienté des discours offerts au grand public empêche d'ores et déjà d'être optimiste sur l'issue de ce travail parlementaire.
En effet, on nous donne à entendre:
 
Ø De fausses évidences:
 
· "L'autisme est un trouble neurologique".
         Faux: si une dimension biologique de l'autisme est une hypothèse forte, les différentes recherches effectuées sur le sujet, tant sur le plan d'une localisation neurologique (cerveau, cervelet, tronc cérébral), que d'une anomalie génétique ou hormonale (ocytocyne), n'ont pas permis d'établir formellement une origine organique à l'autisme. Il s'agit probablement d'une pathologie liée à l'intrication de plusieurs dimensions (organique, psychopathologique, environnementale, histoire de vie).
Mais ceci est un faux débat car une origine organique à l'autisme ne change rien au fait que ces enfants puissent évoluer grâce aux thérapies relationnelles.
 
· "Le vrai problème est un grand retard diagnostique, qui montre l'insuffisance de formation des pédopsychiatres"
         Faux: la raison de l'augmentation du nombre d'enfants autistes dépistés (passant de 1 enfant sur 2000 à 1 sur 150, environ) est l'élargissement des critères d'inclusion dans ce diagnostic de la classification DSM.
En effet, les "troubles envahissants du développement" ou "désordres du spectre autistiques" composent une acception de l'autisme beaucoup plus large que par le passé et conduisent à appeler "autistes" des enfants ou adultes qui précédemment auraient reçu un autre diagnostic (schizophrénie infantile, dysharmonie évolutive…). Ceci aux dépens de la finesse diagnostique et, du coup, de la finesse des prises en charge, moins ajustées à la singularité de chaque patient.
Par ailleurs, cette fausse évidence entraîne une confusion entre "diagnostic" et "prise en charge". Que le diagnostic soit posé tôt ou tard, la vraie question est celle des modalités de suivi des enfants présentant des particularités de développement, qui ne peut être réglée par un protocole préétabli et ce, quel que soit leur diagnostic.
Enfin, le diagnostic d'autisme est souvent posé tardivement parce que la clinique des enfants, de tous les enfants, est fluctuante et réversible, il est donc parfois dangereux voire traumatisant pour un enfant et pour ses parents de poser trop rapidement un diagnostic d'autisme. Il existe également un temps nécessaire aux parents pour accepter la pathologie de leur enfant et ce temps est propre à chacun. Si certains souhaitent un diagnostic le plus précoce possible, d'autres au contraire préfèrent que toutes les autres options diagnostiques soient éliminées précédemment.
 
· "Les pédopsychiatres français refusent de se mettre à jour de l'évolution des connaissances et persistent à utiliser des classifications vieillottes telle la CFTMEA".
         Faux: la plupart des pédopsychiatres français sont plus qu'à jour des scandales accompagnant la création des diagnostics DSM: alliances objectives entre médecins, compagnies pharmaceutiques et financeurs de l'industrie de la santé. Cette classification dite athéorique est au contraire profondément idéologique dans le sens d'une vision mécaniciste de l'être humain et se situe au carrefour d'enjeux financiers importants. Ceci lui ôte toute objectivité et toute scientificité.
 
Ø Un faux procès fait à la Psychanalyse:
 
· "La Psychanalyse est inefficace et inadaptée pour les enfants autistes".
         Faux: tout d'abord, la « Psychanalyse » n'existe pas. Il y a des psychanalyses, différents courants dans la psychanalyse d'enfants, qui travaillent différemment, comme il y a différents courants à l'intérieur du cognitivisme.
L'objet général de la psychanalyse des enfants autistes est de réduire leurs angoisses, de libérer leurs capacités d'apprentissage, de permettre qu'ils trouvent du plaisir dans les échanges émotionnels et affectifs avec les personnes qui les entourent, de permettre qu'ils gagnent du champ dans les choix de vie les concernant. Il s'agit d'un travail au long cours dont les résultats ne sont pas évaluables avec des critères mécanicistes. Ainsi, les méthodes psychothérapiques sont complémentaires des méthodes éducatives et pédagogiques. L'une ne remplace pas l'autre. Il s'agirait que ces différentes théories et pratiques puissent dialoguer sur le mode de la controverse et non sur celui de la polémique éliminationniste. 
Le vrai problème n'est pas celui de la méthode employée (psychanalyse, cognitivisme, pédagogie) mais celui de l'intensivité des suivis au cas par cas. Toute méthode, appliquée de manière intensive et raisonnée (au cas par cas pour chaque enfant) et avec un fort engagement des soignants, éducateurs, pédagogues, aboutit à des progrès chez l'enfant autiste.
 
· "La psychanalyse culpabilise les parents d'enfants autistes et notamment les mères".
         Faux: la culpabilisation des parents est une dérive malheureuse des discours soignants, éducatifs et pédagogiques de manière générale, et ce, de tout temps et de toutes époques.
Certains psychanalystes n'y ont pas échappé et cela est tout à fait affligeant.
La psychanalyse, en elle-même, offre au contraire les outils pour penser cette facilité qui consiste à incriminer les parents comme fautifs. En effet, par le biais des concepts de résistance du ou des thérapeutes, du contre-transfert, de la rivalité imaginaire qui peut surgir entre les équipes soignantes, éducatives, pédagogiques et les parents, la psychanalyse a construit les outils qui permettent de repérer, d'analyser et de dépasser les mouvements qui amènent un soignant, un éducateur ou un pédagogue à accuser massivement les parents d'un enfant en difficulté. 
 
Ø De fausses nouveautés:
 
"Avec des rééducations adaptées, un enfant autiste peut progresser et gagner en autonomie, mener une vie professionnelle et amoureuse épanouissante".
         Oui, et la même phrase est applicable "avec des soins adaptés".
 
Ø Un faux scandale et un faux espoir:
 
·"Le scandale est le manque d'intégration en école ordinaire des enfants autistes alors que, lorsque celle-ci est possible, ces enfants effectuent des progrès spectaculaires".
         Faux: l'intégration scolaire en école ordinaire des enfants autistes est un formidable tremplin pour certains, une simple aide pour d'autres, une corvée douloureuse pour d'autres encore et une souffrance intolérable pour d'autres enfin. Et ce, quels que soient les aménagements effectués.
L'intégration scolaire fait partie des techniques pédagogiques proposées aux enfants autistes, elle ne doit pas remplacer les techniques thérapeutiques ni les techniques éducatives. Ce n'est pas l'un ou l’autre mais les trois ensemble, au cas par cas pour chaque enfant.
Le triomphalisme des discours présentant l'intégration scolaire comme seule méthode faisant progresser l'enfant risque de provoquer de faux espoirs et, en conséquence, de lourdes déceptions pour les parents d'enfants qui ne peuvent supporter l'école et devront rester à domicile, sans place dans un établissement spécialisé.
 
Ø Un vrai scandale: la pénurie de places en établissements spécialisés et adaptés, en France, pour les enfants et les adultes en difficultés.
 
Il est scandaleux de devoir envoyer son enfant en Belgique car aucun établissement français adapté ne peut l'accueillir faute de place.
Il est également scandaleux de voir certains établissements inadaptés à la prise en charge d’enfants autistes (IME, ITEP) être mis en avant pour palier à l'insuffisance du service public ou à l'absence d'hôpitaux de jour dignes de ce nom. Ces établissements se voient souvent obligés de refuser les enfants les plus en difficulté, dans l'incapacité de leur offrir un accueil adéquat.
Cela produit une ségrégation honteuse et c'est à cela que devraient s'atteler les pouvoirs publics!
 
         Au total : quel sera l'effet de la mise en place du groupe parlementaire de travail sur l'autisme ? Au vu de la forte partialité des discours tenus, gageons que les conclusions aboutiront à la mise à l'écart des théories et pratiques psychanalytiques (pour des raisons idéologiques) et à une loi renforçant l'obligation scolaire des enfants en difficulté sans augmenter le nombre de places en établissements spécialisés (plus économique et plus démagogique à la veille des élections).
 
C'est alors que nous, patients, parents, soignants, nous aurons beaucoup perdu. Espérons que cette année sera aussi celle de la pensée et de la controverse, pas seulement celle du populisme et de la réduction des dépenses de santé.
 
Journée d’action des 39, le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, "La Parole Errante à la Maison de l'Arbre", 9 rue François Debergue,  93100 – Montreuil-sous-Bois, Metro Croix de Chavaux.(métro ligne 9)
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