Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective. En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.
Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire a lancé un appel aux acteurs du monde de la culture, pour soutenir le meeting que nous organisons samedi 25 septembre 2010, à Villejuif, à l’espace Congrès, les Esselières, sur le thème « Quelle hospitalité pour la folie ? ».
Cet appel s’adresse au monde de l’art et de la culture parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l’humain, est fait de culture.
À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n’est pas qu’une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.
Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective. En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.
La mise en jeu de l’inventivité, la création, le partage des oeuvres d’art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.
À cette interpellation, nous avons été contents de voir qu’en quelques jours 105 artistes, comédiens, écrivains, plasticiens, cinéastes, aient répondu présents, prêts à s’engager et à soutenir ce mouvement. Car au delà de l’aspect conjoncturel, le rejet du projet de loi sur les soins sans consentement adopté en conseil des ministres en mai et présenté bientôt au Parlement, la sensibilité à la question de l’accueil de la folie est forte et ouvre des perspectives pour les semaines et les mois à venir. En décembre 2008, Nicolas Sarkozy avait désigné les fous, les malades mentaux comme des individus, dangereux, potentiellement criminels, et appelé à un renforcement de l’exclusion, de l’enfermement. Cet été ce fut au tour des Roms, et des gens du voyage… La désignation de groupes de citoyens a créé, indiscutablement une vive réprobation dans l’opinion publique. Le mouvement des 39 a pour objet d’oeuvrer, sensibiliser et mobiliser justement sur cette question si fondamentale : l’Hospitalité. Paul Machto
« Quelle Hospitalité pour la Folie ? »
« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie,
c’est l’homme même qui disparaît. »
François Tosquelles.
Nous adressons à la société tout entière la question « quelle hospitalité pour la folie ? » quand une future loi, véritable insulte à la culture, s’attaque à l’essence même du lien social, en désignant à la vindicte de tous et en menaçant des personnes plus vulnérables que dangereuses.
Si cet appel s’adresse au monde de l’art et de la culture c’est parce que pour nous la folie, en tant que part indissociable de l’humain, est fait de culture.
À ce titre, le combat pour une hospitalité pour la folie n’est pas qu’une affaire de spécialiste : elle doit se mener aussi sur le terrain culturel.
Le monde de l’art et de la création culturelle nous semble le mieux placé -n’est-ce pas son rôle ?- pour résister à l’attente normative et interroger le monde sur sa part de folie, individuelle ou collective.
Chaque artiste, chaque intellectuel ou acteur culturel, s’engage dans une recherche originale, dans des propositions toujours risquées, des remises en jeu des repères consensuels, à la croisée de l’intime et de l’Histoire.
Chaque artiste invite l’autre dans cette autre lecture, et en toute liberté.
En tant que soignants, nous pensons devoir toujours avoir en perspective, dans nos pratiques, dans nos institutions, la nécessaire rencontre de la folie et de la culture.
La mise en jeu de l’inventivité, la création, le partage des oeuvres d’art, sont des éléments essentiels dans les accompagnements thérapeutiques auxquelles nous sommes attachés, mettant les traitements médicamenteux à leur juste place et pas comme unique réponse.
Appel à la culture, comme liant créatif de l’intime et du social… le lieu d’un maillon essentiel, à restaurer dans la réflexion actuelle pour penser l’accueil de l’insensé, pour penser la question de la folie, de la maladie et du sort qu’on lui réserve.
Nous souhaitons avoir votre concours, votre engagement pour préserver cette part énigmatique de l’humain, sa part de folie.
Un projet de loi « sur les modalités de soins psychiatriques » sera discuté cet automne au Parlement : il détourne le terme de « soins » et représente une grave attaque contre les libertés individuelles ; il risque d’altérer profondément la relation entre patients et soignants.
Ce projet de loi instaure des « soins sans consentement », y compris « en ambulatoire », c’est-à-dire en dehors de l’hôpital, au domicile. Il remplace les modalités actuelles d’hospitalisation et d’alternative à l’hospitalisation en promouvant toujours plus de contrôle et de répression.
Tout un chacun est aujourd’hui concerné par cette réforme. En effet, la notion de « santé mentale » utilisée notamment par les rapports gouvernementaux semble étendre le domaine des troubles psychiques à la simple exacerbation des sentiments, des émotions, aux peurs, à la tristesse, aux énervements, aux angoisses, aux ressentis et vécus douloureux, liés à des situations précises telles que le travail, une rupture, un deuil. De plus, l’évocation du « trouble de l’ordre public », entraînant la mise en place de soins psychiatriques sans consentement, comporte un risque de dérive pour les libertés individuelles.
Ce texte s’inscrit dans le droit-fil du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôpital d’Antony le 2 décembre 2008. Désignées par le Président de la République comme potentiellement criminelles, en tout cas potentiellement dangereuses, toutes les personnes qui présentent des signes peu ordinaires de souffrance psychique, quelle que soit leur intensité, se trouvent en danger de maltraitance. Se saisissant de dramatiques faits-divers, pourtant exceptionnels, le Président a laissé libre cours à son obsession sécuritaire. Cette orientation a déjà donné lieu à plusieurs textes réglementaires qui aggravent les conditions de l’hospitalisation et poussent vers plus d’enfermement, plus d’isolement.
Le projet de loi qui crée les « soins sans consentement » y compris à domicile, est un saut dans l’inconnu. Il représente un risque de dérive particulièrement inquiétante car sont instaurés :
– des soins sous la menace d’une hospitalisation forcée en cas d’absence aux consultations ;
– des soins réduits à la surveillance d’un traitement médicamenteux, nouvelle camisole chimique ;
– des soins où la rencontre, la confiance dans la relation, la patience, la prise en compte de la parole, sont oubliées ou accessoires.
Nous savons bien que c’est la peur qui génère des réactions violentes chez certaines personnes ; or, cette loi va organiser la peur des patients et la peur chez les patients.
Ce texte porte atteinte à la confiance entre le patient et le soignant : celui-ci représentera en permanence une menace, une surveillance sur la liberté d’aller et venir du patient, car il lui incombera de signaler toute absence aux consultations et aux visites, sous peine de sanctions . Le préfet, saisi par le directeur de l’hôpital, enverra les forces de l’ordre pour contraindre la personne à une hospitalisation. Le malade devenant « un contrevenant », il s’agit donc de nous exclure de notre métier de soignant.
Cette politique accompagne une dérive, depuis une quinzaine d’années, des pratiques psychiatriques : carence des formations, augmentation des isolements, retour des techniques de contention, primauté des traitements médicamenteux sur l’écoute, la relation, l’accueil des personnes en souffrance psychique. Ce projet de loi, avec la conception des troubles mentaux qu’il implique, va amplifier ces pratiques d’un autre âge.
Un collectif s’est constitué en décembre 2008, en réaction immédiate à ce sinistre discours présidentiel : « Le Collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire ».
Se sont ainsi réunis des professionnels de la psychiatrie qui entendent résister à cette orientation inacceptable, à ces pratiques asilaires et aux nouvelles dérives scientistes.
Dans de nombreuses équipes, dans de nombreux services et secteurs psychiatriques, des artistes, des philosophes apportent leur concours aux professionnels pour mettre en œuvre avec les patients des espaces de création, d’initiatives, d’événements artistiques, joyeux, sérieux, inventifs, troublants, surprenants, en apportant de la vie, du désir là où la vie, le désir ont tendance à s’évanouir.
Des expositions, des créations théâtrales, des événements musicaux, des créations vidéos, des musées d’Art brut, des initiatives radiophoniques et par Internet se sont multipliés, donnant à voir la fécondité des productions originales possibles, enrichissant ainsi des thérapeutiques diversifiées.
Nous devons créer les conditions d’un accueil humain de la douleur morale, du désarroi psychique, des discours énigmatiques et délirants.
La possibilité de penser le soin et la folie est aujourd’hui mise en cause. Nous entendons bien résister à ce glissement vers le pire, et pour cela nous avons besoin de vous.
Nous ne voulons pas d’un tri des êtres humains en fonction de leur valeur utilitaire.
Nous ne voulons pas d’un retour au grand renfermement.
Nous ne voulons pas de l’internement à domicile.
« On juge le degré de civilisation d’une société
à la manière dont elle traite ses marges, ses fous et ses déviants. »
Lucien Bonnafé
Vous pouvez signer cet appel à cette adresse : appelculture39@orange.fr
Voici donc les premiers signataires :
Qui cache son fou, meurt sans voix. » (Henri Michaux, L’espace du Dedans)
Laure Adler, journaliste, écrivain
Agnès B. , styliste, Paris
Anne Alvaro, comédienne
Jan Arons, peintre, Vallabrègues
Nurith Aviv, cinéaste
Claude Attia – comédien, Avignon
Pascal Aubier – cinéaste
Raymond Bellour, directeur de recherche émérite au CNRS
Joseph Beauregard – cinéaste documentariste
Jacqueline Blewanus, peintre, Vallabrègues
Corinne Bondu – formatrice- réalisatrice- productrice
Philippe Borrel, cinéaste – documentariste
Rony Brauman – ancien président de Médecins sans frontière.
Geneviève Brisac, écrivain, éditrice
Françoise Brunel
Claude Buchwald – Metteur en scène
Rodolphe Burger – musicien
Michel Butel, écrivain, journaliste.
Olivier Cadiot – écrivain
Marco Candore, comédien.
Laurent Cantet – cinéaste
Arlette Casas, responsable communication Université Montpellier 2
André Castelli – conseiller général du Vaucluse
Carmen Castillo, cinéaste
Guigou Chenevier, Musicien compositeur
Isabelle Chevalier, musicienne
Françoise Cloarec – peintre et écrivain
Dominique Conil – écrivain
Michel Contat, chercheur CNRS émérite
Compagnie Les Acidus, comédiens
Patrick Coupechoux, écrivain, journaliste
Christine Dantaux – galériste socialiste – Pernes les Fontaine
Marie Darrieussecq – écrivain
Marcelo De Athayde Lopes, danse thérapeute
André Debono, peintre (Nîmes)
Christine Deroin – écrivain
Marcial Di Fonzo Bo, comédien et metteur en scène
Claire Diterzi, chanteuse et compositrice
Annick Doideau, peintre (Paris)
Catherine Dolto, éditrice
Suzanne Doppelt, écrivain
Patrice Dubosc – cinéaste
Françoise Ducret, Peintre
Jean Pierre Ducret – Président du C.A. du Théâtre de Cavaillon
Christine Fabreguettes – artiste plasticienne Vaucluse
Serge Fauchier, peintre (Perpignan)
Stéfano Fogher – musicien, comédien
Patricia Geffroy, Animatrice ateliers d’écriture
Esther Gonon secrétaire générale de la Scène Nationale de Cavaillon
Jean Michel Gremillet – directeur de la Scène Nationale de Cavaillon
Jean Louis Guilhaumon – Maire de Marciac- Fondateur du Festival Jazz In Marciac.
Sylvie Giron – danseuse, chorégraphe
Sabina Grüss –sculptrice
Mariette Guéna, peintre
Patrick Guivarch, responsable des cinémas UTOPIA d’Avignon
Pierre Helly – metteur en scène
Catherine Herszberg – journaliste, écrivain.
Gérard Haddad écrivain
Stéphane Hessel, ambassadeur de France
Olivier Huet
Charles Kalt, plasticien (Strasbourg)
Leslie Kaplan – écrivain
Monique Lauvergnat Maire – adjointe à la Culture 84 Le Thor
Linda Lê – écrivain
Fred Léal, écrivain
Agnès Lévy, peintre
Frédéric Loliée, comédienne, metteur en scène
Jean-Daniel Magnin, Secrétaire général du Théâtre du Rond Point
Thibault Maille, compositeur
Clotilde Marceron – musicienne, Cavaillon
Elissa Marchal, artiste peintre
Britta Medus
Daniel Mesguich, comédien, metteur en scène, directeur du Conservatoire d’art dramatique de Paris.
Marie José Mondzain, philosophe
Mario Moretti – galériste socialiste – Pernes les Fontaine
Valérie Mréjen, cinéaste
Yves Müller – artiste – photographe
Véronique Nahoum Grappe – anthropologue
Eric Nonn, écrivain
Paul Otchakovski-Laurens, éditeur
Xavier Person, écrivain.
Rosie Pinhas-Delpuech, écrivain, directrice de collection, traductrice
Jacques Rancière, philosophe
Claude Régy, metteur en scène
Jean Michel Ribes, auteur, metteur en scène, directeur du Théâtre du Rond-Point,
Christophe Ribet – comédien
Marcel Robelin, peintre (Nîmes)
Daniel Robert, Peintre
Pierre Rosenstiehl, mathématicien
Dominique Rousseau, auteur illustrateur Bédéiste
Valérie Rouzeau, Poète
Caroline Sagot Duvauroux – peintre et poète
Lydie Salvayre – écrivain
Joshka Schidlow, critique de théâtre
Michèle Sébastia, Comédienne
Meriem Serbah – actrice
Emmanuele Scorceletti – photographe
Tristan Siegmann, photographe (Paris)
Anne Saussois, peintre (Paris)
Catherine Vallon, Metteur en scène
Agnes Verlet, Ecrivain
Elise Vigier, comédienne, metteuse en scène
Vanina Vignal, cinéaste
Véronique Widock, comédienne
Martin Winckler, écrivain
Mâkhi Xénakis, sculpteur
Catherine Zambon – auteure de théâtre et comédienne
Sophie Ernst, Paris, philosophe.
Jeanne Jourdren, médiatrice culturelle, Auray
Marie José Justamond, directrice artistique, directrice du festival Les Suds, à Arles
Valérie de Saint-Do , Rédactrice en chef de la revue Cassandre/Horschamp
Hala Ghosn, comédienne, metteur en scène, Paris
Danielle Lambert, poète, auteure de proses brèves, Paris
Jean Pierre Lledo, cinéaste, Paris
Maud Martin, réalisatrice, Tours
Georgette Revest, artiste, Marseille
Jacques Albert-Canque, metteur en scène, Bordeaux
Didier Vancostenoble, photographe, ancien directeur d’hôpital psychiatrique, 76 Tourvillela chapelle
Xavier Moine, artiste plasticien,
Jacques Martinengo, artiste plasticien, 26- Dieulefit
Christine Seghezzi, réalisatrice
Daniel Kupferstein, réalisateur
– Elizabeth Royer, galeriste
– Jacques André, réalisateur, metteur en scène, plasticien, Paris
– Dimitri Tsiapkinis, artiste chorégraphique, Tours
Maréva Carassou, comédienne,
Alain Didier-Weill, écrivain, auteur de théâtre
Cécile Andrey, metteur en scène (Vosges), co-fondatrice du festival « La tête ailleurs »
Claude Chambard, écrivain, éditeur
Martine Deyres, cinéaste, Besançon
Charlotte Szlovak, cinéaste, Paris
Pascal Villaret, auteur, Alés
Marie Jaoul de Poncheville
Ismérie Marzone Lévêque, chanteuse, comédienne, Toulouse
Denis Dufour, compositeur, Paris
Isabelle Lèvy-Lehmann, photographe, Paris
Charlotte Hess, danseuse, chorégraphe. Animatrice sur Radio libertaire, Paris.
Angele Grimaldi, cinéaste
Jean Michel Espitallier, poète
Patrice Rollet, co-rédacteur en chef de la revue Trafic
Françoise Clavel, créa- costumes, Paris