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>La psychiatrie mandarine : un lointain passé

En cette fin d’année 2510, nous avons décidé de laisser une place aux travaux d’un anthropologue qui vient de retrouver les traces d’un courant de psychiatrie tombé en désuétude depuis plusieurs centaines d’années.

Ici, une civilisation hexagonale perdue de la psychiatrie refit surface, peuplée de personnages exotiques. La situation actuelle d’hospitalité inconditionnelle pour les personnes en proie à des difficultés existentielles, loin d’avoir toujours été un courant majoritaire, avait failli disparaître quand la psychiatrie mandarine se développa.

A la fin du XXème et dans les débuts du XXIème siècle, une caste fut promue comme experte en problèmes humains. C’était le temps où l’on pensait encore pouvoir transformer l’Homme en Robot. Cette illusion perdura jusqu’à la moitié du XXIème siècle, date du grand « démandarinement ».

A la fin du XXème siècle, les mandarines étaient, à de rares et militantes expressions près, un groupe homogène de psychiatres (GHP) qui s’infiltra dans les instances gouvernementales d’alors. Armés de leurs mandarines, les « maîtres » divaguaient, créant une armée des petites mandarines transgéniques pendant plusieurs années (avec différentes variétés : internes, infirmiers, éducateurs, psychologues etc.)

De nombreuses pathologies infectèrent les petites mandarines transgéniques, en commençant par un état limite. Jusqu’alors spécifique, la psychiatrie devait revenir dans le giron de la neurologie. Clivés entre ce qu’ils voyaient en vrai et ce qu’on leur apprenait, les petites mandarines ne croyaient plus au rapport particulier qu’entretenait la psychiatrie avec le champ du médical et le champ social.

Un délire de revendication se manifesta alors (cf lettre introductive du rapport Milon, 2009(1)) où la psychiatrie, spécialité comme les autres, devait retourner dans le giron de la neurologie. Ce délire, entretenu par la paranoïa confabulante des mandarines, leur souffla l’idée bizarre que, eux, les inventeurs méconnus de la psychiatrie, découvriraient un jour la cause de l’humanité de l’homme, le gène ou l’aire cérébrale de la bonne santé mentale. Un courant, le FondaMentalisme(2), se développa sur ce postulat erroné. Organisant des Mental Thon qui réunissaient toutes les mandarines ISOpathes, ils allèrent jusqu’à localiser sérieusement le siège de la psychopathie (cf un document d’époque).


Note de veille 159 du centre d’analyse stratégique :
Perspectives scientifiques et éthiques de l’utilisation des neurosciences dans le cadre des procédures judiciaires, Décembre 2009(3).

1. http://www.senat.fr/rap/r08-328/r08-328_mono.html#toc1 : « Le mouvement de mai 68, porteur notamment de ces critiques, a tenté d’émanciper la psychiatrie des pratiques chirurgicales inadaptées et d’une vision jugée trop étroite de la maladie3(*). Il a abouti, par l’arrêté du 30 décembre 1968, à la séparation de la psychiatrie et de la neurologie auparavant réunies au sein de la neuropsychiatrie4(*). Cette division en deux spécialités se révèle aujourd’hui regrettable en raison de la révolution qu’ont connue les neurosciences et l’imagerie médicale et des connaissances acquises depuis lors dans ces disciplines. Leurs applications pratiques dans le traitement des maladies mentales commencent déjà à apparaître, notamment dans le cas de l’autisme. »

2. http://www.fondation-fondamental.org/interieur.php?page=10

3. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille159.pdf

Entraînant un déni massif de la psychiatrie et plus largement de l’humain, la psychiatrie se détacha de plus en plus de sa complexité pour s’attaquer à des troubles jusqu’alors inconnus, mentionnés de manière comique dans le DSM 5675 RRW.
La mégalomanie prit le relais et les mandarines se dirent qu’ils pourraient répondre à tout, tout seul. Tout devenait des histoires de « santé mentale », « l’affaire de tous(4) » pendant que les patients les plus graves étaient délaissés car promus incurables par les mandarines.

C’est comme cela que les petites mandarines transgéniques seraient cloisonnées dans les services autoproclamés « de pointe », apprenant une psychiatrie déréalisée, formatée, déprise de toute concrétude.

Dans le même temps, associés à des conduites boulimiques affectant la Recherche, des mandarines FondaMentalistes grossissaient, grossissaient encore et encore(5).
Respectant l’hygiénisme rénové qu’ils tentaient de mettre en place, leur appétit sans limite imposa aux mandarines de faire quelques exercices. Ils allèrent dans des pays lointain s’entraîner et chercher des régimes réputés hypocaloriques pour les finances publiques. Ils ramenèrent des techniques exotiques puis, en 2009, escaladèrent à main nue la pyramide Couty(6) pour arriver à son sommet.

En haut de cette pointe de la psychiatrie, ils tentèrent de convertir les psychistes de base à la psychiatrie made in Outre Atlantique. De nombreux curieux s’approchèrent et essayèrent ces serre-têtes en forme d’oreille de Mickey que l’on avait rapporté de ce périlleux voyage, de tous ces pays dont la déchéance avait quelques longueurs d’avance sur l’Hexagone.
Instantanément lobotomisé par la « Science » des mandarines, le paysage de formation changea. Certains Astérix abandonnèrent la potion clinique magique du secteur pour en faire une entité administrative exclusive.

4. http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=1079

5. http://icm-institute.org/menu/actualites

6 http://www.sante-sports.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Missions_et_organisation_de_la_sante_mentale_et_de_la_psychiatrie-2.pdf

Progressivement, les oreilles en plastiques Mickey émirent des interférences rendant n’importe quel soignant sourd au fait psychique. Les expériences et inventions de terrain devenues honteuses, la psychopathologie fast food se développa, appuyée par le courant des psychiatres Mickey.

Faisant « fausse route », selon les déclarations des mandarines, beaucoup de soignants de base firent une anorexie mentale qui eut de graves répercussions sur l’état psychique des patients, des familles et des équipes. Le risque d’inanition était grand. Pour y remédier, les mandarines, des psychiatres mickeys en lien avec la Haute Autoritaire du Santé-mentalisme(7) proposèrent un gavage par des recettes thérapeutiques toutes faites qu’ils nommèrent « bonnes pratiques », « RMO », « démarche qualité », « traçabilité » etc. Le principe de précaution aseptisa le champ psychiatrique où « les mauvaises graines » continueraient malgré tout à proliférer.

S’en suivit une épidémie de phobies à traiter, notamment pour les psychistes en formation : phobies de la relation, du temps perdu à dialoguer, de la dédramatisation possible de certaines situations. Les conduites d’évitement entraînèrent une pathologie de l’agir de type psychopatique. A question courte, « solution » provisoire courte. Tout devint plus bref : il s’agissait alors de ne plus traiter que l’urgence, les troubles à l’ordre public, les troubles des conduites, les problèmes scolaires et sociaux(8).

Les soignants « tournicotti tournicottons », tournaient, se remplaçaient, se déléguaient leurs tâches. En devenant interchangeable l’histoire des patients ne se déposait plus à l’intérieur de leurs âmes mais dans des machines étranges appelés « ordinateurs », DIM, RIMPSY etc(9). Ils avaient toutes les informations mais aucun renseignement. La majorité pensait que c’était le progrès. La grande panne d’électricité de la fin du XXIème siècle et la perte de données qu’elle entraîna, remettra les psychistes sur le chemin de leur humanité. Mais de longues années s’écoulèrent.

7. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_6737/affichage?opSearch=OK&catName=true&replaceFileDoc=false&searchInFiles=false&portlet=c_39085&text=psychiatrie&start=0&cidsfilter=c_64700&cids=c_64700&langs=

8. https://www.collectifpsychiatrie.fr/Texte-integral-du-projet-de-loi.html

9. http://bigbrotherawards.eu.org/article960.html

Des maladies nosocomiales résistantes à ces nouveaux traitements firent leur apparition dans de nombreux services, furent relatés dans de nombreux documentaires télévisés d’alors (« Les infiltrés(10) », « Sainte Anne(11) » …), alors même que des thérapeutiques innovantes, mais il est vrai, complexes, dans le champ de la folie avaient fait leur preuves depuis la seconde moitié du vingtième siècle(12).

Entouré par ce climat d’obscurité récusant la pensée, toute la cité se mit paradoxalement à parler haut et fort de « transparence ». Beaucoup des patients devinrent invisibles, cachés qu’ils étaient dans la rue, dans les prisons ou dans les enceintes de haute sécurité. Les petits enfants n’échappèrent pas à ces disparitions. Des centres fermés pour « mineurs » se construisirent avec des vigiles pour tout encadrement soignant(13).

Certains avaient pourtant inventé des traitements de choc pour ces infections nosocomiales gravissimes mais la plupart des nouveaux soignants n’en entendirent plus parler pendant longtemps : les thérapeutiques institutionnelles et désaliénistes furent mises à l’écart, provoquant des allergies aux mandarines qui voyaient d’un mauvais œil que l’on transforme leur pyramide en route pavée où chacun était à la même hauteur que l’autre.

Progressivement, la névrose obsessionnelle des soignants se manifesta par le développement de compulsions avec des rites de vérification : procédures, protocoles, accréditation, certification, V1, V2, V3, V456789… Une vague de désertion chez les psychiatres se propagea, quittant le terrain ils allaient faire de grosses commissions : CLIN, CLUD etc., le tout assorti d’un masochisme excessif en face d’un surmoi féroce : toujours et encore la Haute Autoritaire du Santé-mentalisme.

Les mandarines firent un lobbying intense auprès des instances gouvernementales. Ce procédé de légitimation de leur croyance s’avéra payant dans un premier temps. Au même moment certains casse-noisettes se réveillèrent pour légitimer la scientificité de pratiques de terrain sur un autre mode que les  « impacts factor » dont se nourrissaient les mandarines.

10. http://www.dailymotion.com/video/xdcuu3_hopital-psychiatrique-les-abandonne_lifestyle

11. http://www.dailymotion.com/video/xdhzux_sainte-anne-hopital-psychiatrique-p_shortfilms

12. http://www.psychiatrie-desalieniste.com/Therapeutiques-institutionnelles.html, http://www.youtube.com/watch?v=Ox9nWVSYvTU

13. http://www.pasde0deconduite.org/

Un réseau de casse-noisettes se développa, ils insistèrent et développèrent une recherche clinique de terrain qui n’était pas prédéterminée par les hAS du contrôle. De même que les mandarines produisaient toujours plus de murs et construisaient toujours plus de cloisons(14), les casses noisettes décloisonnèrent, à partir de la base, la formation des soignants(15).

Les mandarines voyaient d’un mauvais œil les casse-noisettes et pouvaient compter sur l’appui de leur patron Ni-coca Sacropic, banane en chef qui tentait des mutations génétiques avec une grande courge qu’il avait pris pour femme. Il fit un discours devant les mandarines et les psychiatres Mickey à l’hôpital d’Entonnoirs pour dire que les chochophrènes étaient trop dangereux et qu’il fallait leur payer des bracelets GPS pour qu’ils soient télécommandés non plus pas leur voix mais par leurs psychiatres Mickey(16).

Une angoisse envahit 39 casse-noisettes et ainsi que d’autres bizarros alors même que beaucoup de nouveaux psychiatres formatés Mickey avait une peur irraisonnée des chochophrènes ; des conduites réactionnelles se développèrent : contenchions, chambres d’esseulement, vidéo-club surveillance, abandon des activités et groupes de chochocialisation… Ni-coca Sacropic, Dame Rose Bachaline et Brie Hortie Fouille donnèrent plein de sous pour appuyer ce mouvement. Personne ne put leur dire qu’il fallait avant tout des soignants formés plutôt que des murs déformés par les hurlements et les coups des chochophrènes.

Ni-Coca, Rose, Brie, les mandarines et les mickeys n’étaient que l’image du renoncement de beaucoup de psys « bonnes poires » qui n’avaient pas râlé quand on avait voulu les transformer en managers de santé-mentalisme. Progressivement, voyant l’ampleur des renoncements consentis inconsciemment, les soignants se mélancolisèrent. Des idées de ruines se répandirent avec la vitesse de la peste : « tout est foutu », « ce sera plus jamais comme avant » etc.

14. http://www.serpsy.org/actua_09/Circulaire_DHOS02F2200923_du_22_01_09.pdf

15. https://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=247

16. http://www.dailymotion.com/video/x7lj27_allocution-de-n-sarkozy-a-antony_news

Les mandarines se repaissaient de cette nourriture monstrueuse pour imposer leur hégémonie et la transformer en soi disant « progrès ». La perte de contact avec la réalité des mandarines et des psychiatres mickey les firent sombrer dans une paraphrénie fantastique où tout devenait gestion, chiffre et « ressources humaines disponibles ». Des moments d’exaltation les faisaient virer maniaques comme ce jour où le centre d’analyse stratéchic avait consacré « la santé mentale positive »(17), ou encore cette fois où l’Union Européenne avait déclaré en 2008 que la santé mentale était un « Droit de l’Homme »(18). La psychiatrie était-elle devenue « un Devoir de l’asticot » ? Nos recherches ne purent confirmer cette hypothèse.

Les casses noisettes et les chochophrènes en vinrent à la conclusion qu’il ne fallait pas laisser les ardeurs toutes puissantes de Ni-Coca l’emporter sur les libertés fondamentales comme ses copains de chambrée tentaient de le faire avec d’autres catégories de la population.

Quelques années plus tard, les mandarines, dépossédées de leur jus toxique, furent renversées par la base de la pyramide : les bonnes poires s’étaient alliées aux casse-noisettes. Ils remirent au centre de leur préoccupation non plus les chiffres et autres HAS mais les chochophrènes, les bambins (qui n’étaient pas chélinquants comme l’avait déclaré l’INSERMination artificielle des cerveaux(19) et leurs familles.

Ils formèrent de nouveau les jeunes soignants à la rencontre avec les patients. La peur se dissipa progressivement. Les vidéo-club surveillances projetèrent des rêves incongrus, les chambres d’esseulement furent transformées en Suites royales(20). Dans le même temps les psychiatres mickey avaient perdu leur repère. Quelques chochophrènes vinrent leur tenir compagnie et les consolèrent. Un nouveau lien social tissé de respect et d’amitié vit le jour et la peur qu’avait augurée cette ère de la transparence se dissipa pour laisser la place aux contrastes de l’existence.

17. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/CP_nv171109.pdf

18. http://ec.europa.eu/health/ph_determinants/life_style/mental/docs/pact_fr.pdf

19. http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=ERES_COLLE_2006_01_0073

20. http://www.scribd.com/doc/34001797/Les-Cahiers-pour-la-Folie

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