ENFANCE EFFACÉE ..? RÉSISTER, INVENTER…
Journée poétique et politique
Nous sommes inquiets et en colère. Les politiques s’attaquent à notre humanité dès l’enfance.
Vous, soignants, éducateurs, parents, acteurs du champ de l’enfance et de l’adolescence :
Vous qui êtes nombreux à porter une culture, des idées, des expériences respectueuses de la complexité humaine et de la subjectivité de chacun
- N’avez-vous pas constaté les répercussions navrantes des réductions de dépenses publiques relatives aux soins, à l’accueil et à l’éducation des enfants et des adolescents ?
- N’avez-vous pas constaté comment cet appauvrissement de moyens au nom de la recherche d’une certaine efficacité s’est accompagné de la généralisation d’une gestion technocratique qui impose ses normes et ses protocoles au détriment d’approches plus humaines ?
- N’avez-vous pas observé comment la volonté de réduire les coûts sans concertation et sans discernement a favorisé la privatisation de lieux d’accueil et de soins avec le risque d’être orientés par la recherche de profits financiers ?
- N’avez-vous pas, vous aussi, subi cette pression de rentabilité qui entrave, voire qui détruit, les pratiques originales développées depuis des décennies dans le champ de l’enfance et de l’adolescence ?
- N’avez-vous pas constaté que l’expérience qui a montré toute l’importance d’avoir du temps et des lieux pour accueillir, écouter, réfléchir à plusieurs, formuler des hypothèses de travail et de soins au cas par cas, sont contredites par des injonctions simplificatrices. Des prétendues découvertes scientifiques nous sont imposées par des logiques d’intérêts financiers.
- N’avez-vous pas éprouvé le sentiment d’être ligotés dans vos efforts pour penser, travailler et inventer les formes les plus justes pour aider un bébé, un enfant, un adolescent à grandir, à nommer ce qui le déchire ou l’inhibe, à comprendre ses difficultés propres, à apaiser ses contradiction internes, à trouver sa place dans sa famille et dans un cercle plus large ?
- Ne trouvez-vous pas insupportable de subir des injonctions qui neutralisent la pensée et l’action des adultes – qu’ils soient soignants, éducateurs, parents ou enseignants – auprès des enfants qui viennent vers nous pour que nous prenions soin de leurs fragilités, de leurs bizarreries ou de leurs maladies ?
- N’avez-vous pas été découragés devant l’impossibilité de faire entendre que ces injonctions avaient pour résultat d’abraser la complexité relationnelle de la vie ? Ces injonctions nous détournent de la nécessaire prise en compte des dimensions multiples, conscientes et inconscientes, qui entrent en jeu dans toute difficulté ou maladie psychique.
Que s’est-il passé pour en arriver là ?
Quelles qu’aient été les alternances politiques de ceux qui nous gouvernent, la forme, le rythme, la fréquence et la durée des actions menées en direction des enfants et des adolescents ont été profondément altérés par la réduction des moyens accordés et par la mise en place d’un management marchand. Ce management est encouragé par des instances bureaucratiques et coupées de toute clinique puisque n’agissant que sur dossiers (HAS, ARS, ANESM, MDPH, etc.). Ils imposent des protocoles et des règles contraires aux savoirs humains.
Ces transformations sont les conséquences conceptuelles et pratiques de l’idéologie néo-libérale qui gouverne l’organisation capitaliste de la production industrielle, auxquelles les notions de rentabilité et d’évaluation sont rattachées. Cette idéologie a progressivement infiltré les domaines de l’enseignement, de la formation, de la culture et de la santé. Elle a ainsi produit une forme de « contention idéologique », renforcée par une novlangue qui a pour but de miner silencieusement et sans débat nos environnements quotidien et professionnel.
La nécessaire prise en compte de la complexité inconsciente du psychisme humain, des liens entre les sujets et entre les générations, et du rapport de chacun à son histoire et à sa culture, est violemment rejetée par cette idéologie. Cette complexité humaine est cependant utilisée et exploitée sans vergogne lorsqu’il s’agit de stimuler la consommation, d’influencer l’opinion ou d’agir sur le comportement des populations.
Disons-le clairement, dans les champs sanitaire, médico-social, pédagogique, éducatif ou judiciaire, le mode de management imposé doit être dénoncé comme « non recommandable ». Il est dangereux et destructeur. Il nous convoque à résister !
Nous n’acceptons pas :
- l’évacuation de la souffrance psychique dans les notions ambiguës du trouble (D.S.M.-5) et du handicap (M.D.P.H.) ;
- l’invasion de la pratique clinique par des actes administratifs et des pseudo-évaluations avec pour conséquence directe de réduire le temps consacré aux enfants et à leurs familles ;
- la réduction ou la disparition des postes de psychologues, de psychiatres, d’infirmiers, d’éducateurs, etc., dans les structures existantes. Nous refusons l’allongement insupportable des temps d’attente pour obtenir la mise en place de soins, et la diminution d’offre de soins qui en sont les conséquences directes ;
- l’alourdissement du nombre de suivis à assurer par chaque professionnel et l’épuisement professionnel qui s’ensuit ;
- la mise en danger CMPP par l’amputation du personnel enseignant, ou par leur fusion dans des CPOM (Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens) entité de gestion où risquent de se perdre la proximité et la liberté d’accès aux soins.
- la dissolution des secteurs de pédopsychiatrie dans les GHT (groupe hospitalier de territoire), rendant impossible la proximité nécessaire, réduisant et précarisant les équipes, détruisant les partenariats, etc.
- la réduction comme peau de chagrin de l’offre de la PMI aux familles (disparition des bilans de santé à quatre ans, suivi des enfants ramené de six à quatre ans ou même à deux ans, report du premier rendez-vous après la naissance à trois mois ou plus, diminution du temps de consultation, etc.) et perde son âme dans des tâches plus administratives que d’accueil et de soins.
- le manque criant de moyens accordés par les conseils départementaux à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) qui aboutit à des maltraitances institutionnelles, à des abandons de situations ou à des suivis éducatifs qui n’en ont que le nom, puisqu’aujourd’hui la prévention se réduit trop souvent à des signalements.
Nous refusons ces volontés d’emprise qui conduisent à escamoter le temps de l’enfance et attaquent notre humanité. Nous affirmons que rien n’est inéluctable !
Débattre, résister individuellement et collectivement pour créer de nouvelles alternatives devient un autre impératif.
Il en va de l’avenir de l’enfance, de nos métiers et de nos pratiques qui donnent aux mots – subjectivité, parole et histoire – leurs sens.
Il en va du devenir des enfants.
Se taire n’est plus de mise.
Rejoignons-nous !
à LA PAROLE ERRANTE
Pour un Meeting Poétique et Politique :
ENFANCE EFFACÉE !?
RÉSISTER, INVENTER…
Dimanche 16 octobre 2016
de 9h à18h
Montreuil, 9 rue François Debergue
M° Croix-de-Chavaux (ligne 9)
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